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Full text of "Wallonia. Archives wallonnes historiques, ethnographiques, littéraires et artistiques"

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WALLON IA 

xi 


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WALLONIA 

Archives Wallonnes 

Historiques, Ethnographiques, Littéraires et Artistiques 

RECUEIL FONDÉ PAR 


COI,SON. .Ins. D K F H KOI! El* X a- O. W 1 LL A M K 


ET DIRIGÉ PAR 

Oscar COLSON 

XI 


1903 


LIÈGE 

Bureaux : RUE HüLLOS, 8 

MATH. THONE, IMPRIMEUR 


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Lambert le Bègue 

Pncbre liégeois du X11«• siècle 

et l’origine des Béguinages 


Une série de travaux récents ont jeté une vive lumière sur la vie 
du célèbre réformateur liégeois Lamberl-le-Bègue, dont le rôle historique 
était resté si longtemps livré à la controverse scientifique. La publication 
de documents nouvellement découverts, et un nouvel examen des sources, 
ont permis de rectifier plusieurs erreurs et de fixer Vopinion sur des 
points obscurs. Le travail que nous publions, traduit pour la première 
fois, est l'étude la plus récente sur l'ensemble de la question, en même 
temps que le résumé substantiel et précis, appuyé par une bibliographie 
complète. des renseignements définitivement acquis. 

Au cours de cet article M. le professeur I) r Haupt rappelle l'étude 
critique qu'il a publiée, dans la même collection allemande, de forigine 
et de Vhistoire des Béguinages. Celle origine se rattachant à Lambert-le- 
Bègue, nous avons émis le vœu de pouvoir publier aussi cet autre travail 
de l'éminent historien allemand. Un de nos collaborateurs a bien voulu 
se charger cfen faire la version. Nous la publierons dans le prochain 
numéro. 

L'auteur de ces travaux . M. le professeur I) r Haupt, bibliothécaire 
en chef de f Université de Giessen, est un des historiens les plus en vue de 
f Allemagne. Il a consacré son activité à l'étude du moyen-âge et spécia¬ 
lement auv recherches sur les hérésies et la Réforme. Il a collaboré à 
un grand nombre de revues : Historisehe Zeitschrift, Zeitschrift fur 
Kirchengeschichte, Historisches Taschenbuch, Westd. Z, ftir Gesch. und 
Kunst, Z. ftir d. Gesch. des Oberrheins, etc. Il a publie de nombreux 
ouvrages relatifs à VU Uoire des sectes religieuses, une édition de la 
Bible des Vaudois, d> Etudes relatives à VHistoire de la Réforme, etc. 
Il collabore activement à /’Encyclopàdie f. prot. Theol. und Kirche, dont 
le directeur est M. le professeur I) r Hauck, de Leipzig, historie?i éminent, 
à la parfaite obligeance de qui Wallonia doit la communication des pré¬ 
sents travaux de M. Haupt. 

Nous exprimons à M. le professeur D r H. Haupt notre reconnais¬ 
sance pour l'autorisation gracieuse donnée à nos collaborateurs de tra¬ 
duire sa biographie de Lambert-le-Bègue et son élude sur les origmes et 
l'histoire des Béguinages. Le haut intérêt pour f Histoire, de Liège, de 
ces travaux (publiés pour la première fois en français), n'échappera pas 
aux lecteurs de Wallonia. 

La Direction. 


T. XI. n« 1. 


Janvier 1003. 


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G 


WALLONIA 


I. 

Bibliographie de Lambert le Bègue 

Bibliographie. 

Petr. Coëns, Disquisüio liistorica de origine beghinarum, Leodii 
1629; Barth. Fisen, Ilistoria ecclesiae Leodiensis , Leod. 1642, p. 395 et 
suiv.; Foullon, Hisioria Leudiensis, Pars I, Leod. 1735, p. 281 et suiv.; 
J. Chàpeaville, Qui g esta pontificum Leodiensum scripserunt auc tores 
prœcipui, T. II, Leodii 1613, p. 126 et suiv.; Jean de Preis dit d'Outre- 
meuse , Mgt 'eur des histors, publ. par St. Bormans, T. IV, Bruxelles 1877, 
p. 455, 461-66. 475, 480, 700-709; Brial, Lambert le Bègue , Histoire litté¬ 
raire de la France, T. XIV, Paris 1817, p. 402 410; J.-B. Goethals, 
Lectures relatives à Vhistoire des sciences... en Belgique , T. IV, Bruxelles, 
1838, p. 8-19; E. Hallmann, Die Geschichte des Ursprungs der belgischen 
Beghinen , Berlin 1843; W. Moll. Kerhgeschiede?tis van Ncderland voor 
de Hervorming, T. II, part. 2. Utrecht 1867. p. 148 et suiv. ; (Paris,) Lam¬ 
bert le Bègue , dans le Mémorial, revue des intérêts religieux, nouv. sér., 
T. I, Liège 1873, p. 659-674 ; Jos. Paris, Histoire du diocèse et de la prin¬ 
cipauté de Liège depuis leur origine jusqu'au treizième siècle, Liège 1890, 
p. 600-602, 680; nu même. Histoire... pendant le treizième et le quator¬ 
zième siècle , Liège 1891, p. 68 et suiv., 203 et suiv; nu même, Notices sur 
les églises du diocèse de Liège , T. V (1874), p. 187 et suiv., T. XVI (1897), 
p. 25 et suiv.; compaier aussi la Chronique de la Société d'art et (Vhistoire 
du diocèse de Liège , année 1897, p. 27 et suiv.; H. Pelvaux. Lambert le 
Bègue&diTiS la Biographie nationale publ. par l'Acad. r. de Belgique,!!. XI, 
Bruxelles 1890-91, p. 158-162; Analecta Bollandiana , T. XIII, Brux. 1894, 
p. 206 et suiv. [Vilaeb. Qdüiae libri duo priorcs) ; Aug. Gunt^ermann, 
Rudolf von Zdhringen, Bischof von Liittich , Bilhl 1893, dissertation de 
l’université de Fribourg; P. Fredericq. Les documents de Glasgow concer¬ 
nant Lambert le Bègue, dans les Bulletins de l'Acad. rot/, de Belgique, 
3 mo série, T. XXIX (1895) p. 148 et suiv.; nu même. Note complémentaire 
sur les documents de Glasgow concern. Lambert le Bègue , ibid., p. 990 et 
suiv.; nu même, Corpus documentorum inquisitioriis haereticaepravitalis 
Neerlandicae, T. II, Gand et La Haye 1896, p. 6-36 (c'est dans ce volume 
que se trouve l’exposé des anciennes sources); P. Meyer, Le Psautier de 
Lambert le Bègue, dans Romania, année 29 (1900), p. 528-545 ; pour les 
œuvres relatives à l'origine des Béguinages, voir l’article relatif aux 
Béguines dans le t. II, p. 516 et 524. (*) 


Pe documents très importants récemment publiés pâr Paul 
Frédericq, et parmi lesquels se trouvent les mémoires justificatifs 
de Lambert et de ses partisans, on peut tirer de façon certaine les 
détails suivants sur la vie de ce dernier. 

Lambert le Bègue (li Béghes, li Beges), né dans le premier quart 
du xii c siècle, était, issu d’une famille de pauvres artisans wallons. 

Son surnom lui fut-il donné à cause d'une infirmité physique? 
c’est un point qui n'est pas encore élucidé. 

(1) Il s’agit du t. II de Real-encyclopddie fiir protestantische Théologie und 
Kirche, et de l'article dont nous publierons la traduction dans le prochain numéro. 


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WALLONÎA 


Après avoir choisi l’état de prêtre séculier, Lambert fut mis 
temporairement à la tète d'une église relevant du chapitre de 
St-Paul ; il entra ensuite au service de l'église St-Christophe qui se 
trouvait dans un faubourg de Liège et à laquelle était déjà, en ce 
temps, joint l'hôpital du même nom, qu'on appelait aussi 1* «hôpital 
des coquins. » 

A l'occasion du synode diocésal tenu en 1160 par l'évêque 
Alexandre II (1165-67) Lambert préconisa avec violence une réforme 
de la moralité du clergé et exigea — vainement, il est vrai — une 
intervention du synode contre le luxe des vêtements des prêtres et 
contre l’admission des fils de prêtres aux ordres. 

Les abus extraordinaires qui se produisirent dans le clergé sous 
l’épiscopat de Rodolphe de Zaeringen (1107-91) firent de Lambert un 
âpre adversaire du pouvoir ecclésiastique. Iæs nominations simo- 
niaques aux emplois ecclésiastiques, l’exploitation des laïques des¬ 
quels on exigeait des droits pécuniaires pour l'administration des 
sacrements, l'opposition du clergé liégeois à .l’obligation du célibat, 
telles sont les choses que Lambert stigmatisa vigoureusement du 
haut de la chaire. 

Les sources connues jusqu'ici nous font surtout connaître Lam¬ 
bert comme réformateur du clergé, mais sa mission principale fut 
de prêcher pénitence au populaire dans sa patrie. 

C'est par ses sermons qu'il exerça sur celte classe une si puis¬ 
sante influence. Il produisit notamment chez les femmes liégeoises 
un mouvement religieux extraordinairement intense et qui perdura 
très longtemps, mouvement qui s’exacerba jusqu'au délire extatique, 
et dont Jacque de Vit ry (*) nous a laissé des descriptions. 

Les poèmes religieux de Lambert, rédigés en dialecte wallon, 
une vie de la Sainte Vierge, une adaptation des Actes des Apôtres, 
ainsi qu'une traduction des lettres de St Paul, étaient dédiés au 
groupe de ses partisans qui lui étaient étroitement attachés et notam¬ 
ment aux femmes et aux jeunes filles qu’il avait incitées à fuir 
le siècle. 

Malheureusement ces écrits, pas plus que le psautier wallon 
dont faisaient usage les partisans de Lambert, ne nous sont par¬ 
venus; mais, récemment, P. Meyer croit avoir retrouvé le psau¬ 
tier latin de Lambert. Ce psautier, qui nous a été conservé en 
plusieurs transcriptions, contient, outre un certain nombre de 
poèmes religieux rédigés en wallon et qu'on peut attribuer à Lam¬ 
bert, une « Tabula » de Lambert mentionnée par des écrivains du 

(1) Vit a b. Marine Oignincensis , proloyus : Acta sanctar. Juni tom. IV, 
p. 036 et suiv. eomp. Preger, Jlist. du Mysticisme, I, p. 53 et suiv. 


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WALLONIA 


xm mp et du xrv me siècles. Cette table dressée avec sagacité vers 
Tannée 1140, est destinée à découvrir quand tombe la fête de 
Pâques. 

Par son ardeur fougueuse à gagner le plus de monde possible 
aux idées du sermon sur la Montagne et â l'imitation de la vie 
pauvre de Jésus, Lambert fait quelquefois penser à sou contempo¬ 
rain, plus jeune que lui, Valdo de Lyon, et aussi à François d’As- 
sise. 

Intimement convaincu de sa mission divine et vivant au milieu 
d'un clergé dont il combattait journellement l'immoralité, il s'en¬ 
gagea très souvent dans des voies qui s’écartent fortement de la 
doctrine et des traditions de l'Eglise. 

Tel fut le cas, quand, par exemple, aux sacrements, aux insti¬ 
tutions du culte et aux moyens de la grâce il opposait et déclarait 
comme infiniment supérieurs les sentiments de piété et l’amour 
elfectif du prochain ; quand il enseignait qu'on doit l’obéissance aux 
prêtres « saints » et non aux prêtres prévaricateurs ; quand il flétris¬ 
sait de simonie les droits pécuniaires prélevés pour l’administration 
des sacrements, pour les bénédictions, etc. ; quand il s’opposait aux 
pèlerinages de Palestine alors que la charité aurait eu l’occasion de 
s'exercer au pays; ou bien, enfin, quand, voulant empêcher la viola¬ 
tion du dimanche par des plaisirs profanes, il allait chercher les 
dévergondés qui se livraient au plaisir de la danse les jours de fêtes, 
et les faisait travailler à la construction de son église, de laquelle 
devait s’élever le béguinage liégeois. 

Il est facile de comprendre que le clergé liégeois, que les idées 
de réforme ecclésiastique du xiT siècle avaient laissé manifestement 
indifférent, chercha â se débarrasser de cet importun et dangereux 
moralisateur. 

On choisit l'inculpation d'avoir divulgué des doctrines héré¬ 
tiques et, en 1175, on invita Lambert â comparaître devant une 
assemblée du clergé de Liège. Ce fut en vain qu'il se déclara prêt â 
prouver son innocence par l’épreuve du feu. Il en appela finalement 
â l’antipape Calixte III, qui avait été autrefois, â Liège, reconnn 
pape légitime. Accusé d’hérésie, Lambert fut arrêté, et incarcéré 
dans le château de Revogne. 

Un certain nombre de prêtres liégeois qui lui étaient dévoués, 
furent impliqués dans son procès. Certains d'entre eux se portèrent 
fermement garants de l’innocence de Lambert; ils furent, de ce fait, 
destitués de leurs fonctions et bannis du diocèse. Les autres furent 
amenés par les adversaires de Lambert à le répudier comme héré¬ 
tique ; ils revinrent plus tard sur leur déclaration, et, comme le 
premier groupe, ils adressèrent un mémoire de protestation au pape. 


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WÀLLONIA 


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Lambert, qui était parvenu après une détention de dix semaines, 
à sortir de prison, partit pour l’Ilalie. Nous possédons trois mémoires 
justificatifs circonstanciés qu’il présenta à Calixte III à Viterbe. 
J. Daris (*) a publié in extenso l’écrit polémique assez étendu, Y Anti- 
graplium Pétri , âpre satire dirigée contre le porte-parole du clergé 
liégeois. A. Fayen ( 2 ) en a récemment donné une édition critique 
définitive. 

Le pape, qui avait accordé sa protection à Lambert pendant sa 
captivité, leva, selon, toute apparence, le jugement porté contre lui 
et le renvoya gracié dans ses foyers. 

Lambert mourut à Liège, en 1177, peu de temps après son retour 
d’Italie. Quelques années après sa mort, le cardinal légat Henri, 
évêque d’Albane, fit sévèrement justice des simoniaques liégeois. 

La preuve de l’immense considération dont Lambert jouit à 
Liège se révèle dans le fait qu’on vit dans le grand incendie qui 
détruisit en 1185 l’église St-Lambert une punition des mauvais 
traitements infligés à Lambert, lequel avait, à ce qu’on disait, prédit 
la ruine de la cathédrale. 

Les membres du béguinage fondé par Lambért payèrent un tel 
tribut de vénération à la mémoire de ce dernier, que celui qui avait 
été condamné comme hérétique fut compté au xvii 1 " 0 siècle parmi 
les saints ( 3 ). 

Quant à la question si discutée de savoir quelle part prit 
Lambert à la fondation de l’ordre des Béguines elle est traitée dans 
le t. II, p. 516 de la Real-Encyclopâdie [article que publiera 
prochainement Wallonia. 

Contrairement à notre interprétation, H. Pirenne a remarqué 
naguère dans son Histoire de Belgique (t. I, Gotha, 1899) que l’éty¬ 
mologie qui fait dériver le mot « béguine » du nom de Lambert le 
Bègue ne peut être acceptée; il suppose que le nom de « Le Bègue » 
n’était qu’un surnom qui fut donné à Lambert parce qu’il bégayait; 
ses zélatrices se seraient donc appelées Lambertines et non Béguines. 
Mais il est tout aussi possible que le nom de « Le Bègue » était un 
nom de famille. De plus M. Pirenne ne fait pas attention que le 
nom de béguine était originairement un sobriquet qu’on appliqua 


(1) Notices histor. sur les églises du diocèse de Liège, t. XVI, 1897, p. 25-7*1. 

(2) L ' Antigraphum Pétri et les lettres concernant Lambert le Bègue : dans 
le Compte-rendu des séances delà Commission royale d'histoire, t. 68, Bruxelles, 
1899, p. 225-356. 

(3) Acta sanctorum , Juni Tom. V, p. 3). 


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WALLONIA 


aux femmes liégeoises, partisans fanatiques de Lambert (*). C’est 
de façon semblable que se formèrent les noms de la secte des Vau- 
dois, de celle des Spéronistes (de Hugo de Sperone), de celle des 
Roncariens (de Jean de Ronco). Outre les preuves importantes 
tirées par Coëns des traditions du béguinage liégeois, nous avons 
les témoignages d’ALBÉRic de Trois-Fontaines et de Gilles 
d’ORVAL, témoignages qui remontent à la première moitié du 
xiii* siècle, ainsi que les indications tirées du psautier de Lambert. 

Certes, la vie de Lambert et l'histoire de la fondation du bégui¬ 
nage liégeois ont subi, dans les relations des historiens postérieurs, 
par exemple chez Jean d’Outremeuse, de nombreuses déformations 
et des enjolivements légendaires. Mais néanmoins il nous semble 
tout à fait sur que Lambert est le fondateur de Tordre des béguines. 

Herman HAUPT 

Traduction de (Rcal-Encyclopttdie fur protestantische Théologie 

Alfred Duchesnk. und. Kirche . 3 me édit. Leipzig. Livr. 103 et 

104, p. 225-227.) 


(1) Voir J. de Vitry, Vila h. Marine Oigniacensis , p. 637 : «... nova nomina 
contra eas flngebant sicut Judaei Christum Samaritanum et Christianos Galilaeos 
appellabant.... ipsae autem mirabili patientia opprobria sustinnerunt et persecu- 
tiones. » 



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La Bertrijote 

(LE TESTAMENT DE L’ANE) 


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â - nés Elle a tom - bé dans un fos - sé Hé, hé, hé ! 


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Hon, hon, hon! Ah! presque à de - mi mor - te Hi hon ! hi 




J_ r --4| 

- ... 


hon ! ! 


I. 

En revenant des trois Bertrix 
(C’était la foire aux ânes). 

Elle (*) a tombé dans un fossé 
Hé hé hé ! Hon hon hon ! 

Ah ! presqu’à demi morte 
Hi hon ! hi hon ! ! 

II. 

Elle a tombé dans un fossé 
Ah ! presqu’à demi morte. 

Son p’tit ânon qui la suivait 
Hai hai liai ! Hon hon hon ! 

—Ma mèr’ n’êtes-vous point morte?— 
Hi hon ! Hi hon ! ! 


III. 

Son p’tit ânon qui la suivait : 

— Ma mèr* n’êtes-vous point morte ? 

— Oh ! nani-dà mon petit fils 
Hi hi hi ! hon hon hon ! 

Car je respire encore ! 

Hi hon ! hi hon ! ! 

IV. 

Oh ! nani-dà mon petit fils 
Car je respire encore ! 

Apportez-moi du papier blanc, 

Han han han ! Hon hon hon ! 

De l’encre pour écrire 
Hi hon ! Hi hon ! ! 


(1) Nos lecteurs n’en sont plus à apprendre 
toujours du féminin en wallon. 


que l’âne (âne ou ânesse) est 


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WALLON IA 


V. 

Apportez-moi du papier blanc, 
De l’encre pour écrire ; 

C’est pour faire mon testament 
Han han han ! Hon bon hon ! 
Auparavant d’mourir. 

Hi bon ! Hihon ! ! 

VI. 

C’est pour faire mon testament 
Auparavant d’mourir. 

A tous ces gaillards de Ber tri x 
Hi hi hi l Hon bon hon l 
Le soufflet du derrière, \ 

Hi hon ! Hi hon ! ! 


VIL 

A tous ces gaillards de Bertrix 
Le soufflet du derrière ; 

A tous ces marchands de chevaux 
Ho ho ho ! Hon hon hon ! 

La selle et la croupière 
Hi hon ! Hi hon ! ! 

VIII. 

A tous ces marchands de chevaux 
La selle et la croupière. 

Us ont passé pau p'tit vivf 
Hi hi hi ! Hon hon hon ! 

Aussi par la Baicète 
Hi hon ! Hi hon ! ! 


IX. 

Ils ont passé pau p'tit vivî 
Aussi par la Bawetle , 

Ils ont passé si près du feu. 
Heu beu heu ! Hon hon hon ! 
Qu’is s’ sont brûlé la queue, 
Hi hon ! Hi hon ! 


Cette chanson figure dans l’ouvrage dirigé par M. Tandel, les Communes 
luxembourgeoises , tome VI. File est chantée en cttbeur dans toutes les fêtes. Les 
Trois Bertrix dont elle fait mention au début, c’est-à-dire Burhemont, Renaumont 
et Bohimont forment aujourd'hui le village de Bertrix. Le Petit-Vivier et la 
Bawette dont il s’agit au couplet 8*, sont sans aucun doute, des lieux-dits de la 
région. 

Il est bon de savoir que les Bertrijols jouissent d’une réputation peu flatteuse, 
et d’ailleurs parfaitement imméritée. On les a surnommés peu charitablement les 
Baudets ! Le blason populaire a de ces méchancetés. Quant au reste, la chanson 
est bien connue ailleurs, à Liège meme, et dans diverses provinces de France, 
sous le nom de « Le Testament de l’âne. » 

Un de nos collaborateurs s’est rendu à Bertrix oii on lui a chanté la Bertrijote 
sur l’air qu’on vient de lire, et dont la dernière partie est curieuse. Bien entendu, 
les cris hi hon de la finale sont parlés ou criés plutôt que chantés. 

O C. 


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Calendrier Folklorique (1) 


Le lundi parjuré ou lundi perdu 

(en 1903: le 13 janvier) 

Le lundi perdu ou parjuré est le lundi qui suit le Jour des Rois 
ou Epiphanie, 6 janvier. C'est une fête très suivie dans l’Ouest du 
Hainaut et dans le pays flamand. On l’appelle lundi perdu , parce que 
c’est un jour chômé, un jour où l’ouvrier ne travaille pas. On 
l’appelle lundi parjuré à cause du parjure légendaire des Mages. 

Les Trois Rois, guidés par l’étoile miraculeuse, étant arrivés au 
pays d’Hérode, se rendirent en son palais pour lui demander le droit 
de passage. Hérode accéda à leur désir, mais ayant appris qu’ils 
allaient adorer le Roi des Juifs, demanda qu’ils voulussent bien 
revenir par le même chemin afin de le renseigner, pour qu’il pût aller 
lui-même rendre hommage à l’Enfant. Les Mages promirent. Ils se 
proposaient d’accomplir cette promesse, lorsqu'en chemin, un ange 
leur apparut, et les prévint qu’Hérode ayant conçu la plus vive 
jalousie contre ce Roi des Juifs en qui il prévoyait un futur compé¬ 
titeur, il se proposait, aussitôt renseigné, de faire mourir Jésus. Dès 
lors, les Mages se gardèrent bien de revenir vers Hérode, et ils 
prirent un chemin détourné. Ils manquèrent donc à leur promesse, 
ils commirent un « parjure ». D’où le nom de la fête. 

Cette légende est racontée en détails dans une chanson de quête 
du Jour des Rois, publiée ci-dessus t. VI p. 118. Elle est très connue 
dans le Pays de Liège, où cependant la fête du Lundi parjuré n’est ni 
chômée, ni même connue. A Liège mènu\ elle donne un des épisodes 
saillants des pièces qu'on représente au théâtre des marionnettes, à 
l’époque de la Noël, sous ce titre II Naihance « la Naissance ». 

Le Calendrier belge de Reinsberg-Duringsfeld donne une 
autre origine à la dénomination de Lundi perdu, d’après Kilian, 
Elymotogicum teutonicœ linguœ, v° oerloren , mais elle n’est guère 

(1) Sous cette rubrique nous publierons les notes relatives aux fêtes, cérémo¬ 
nies, croyances et superstitions que la tradition populaire a rattachées aux dates 
du calendrier. Nous n'avons pas la prétention d’épuiser en une fois chaque sujet, 
ni surtout d’aborder tous les sujets que rappelle une date déterminée. Nous 
accueillerons avec plaisir, pour les utiliser dans la suite, les notes supplémen¬ 
taires ou complémentaires que voudront bien nous adresser nos lecteurs. 


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évidente... Coremans croit que la qualification de cerloren 
« perdu » tient à l’évangile du dimanche précédent où « Jésus 
enseigne dans le temple » et cette opinion qui est en même temps 
celle du peuple [flamand] est appuyée par ce fait qu’une ancienne 
dénomination du même jour egyptischen maendag aurait une origine 
pareille : on tenait ce jour un ommegnng représentant la Fuite en 
Egypte et cet usage se maintint, dit-on, assez tard, dans quelques 
villages de la Flandre et du Hainaut, surtout sur la limite qui sépare 
ces deux provinces (Reinsberg, I, 37). Il est possible que la vraie 
origine de la fête soit anté-chrétienne, et qu’elle ait seulement été 
rattachée aux faits dont il s’agit, par quelque coïncidence signalée à 
la piété populaire. Ce qui tendrait à le prouver, ce sont les autres 
noms donnés à ce même jour dans d'autres contrées flamandes, noms 
sans rapport avec ces traditions. 

Dans certaines localités du Hainaut, le Roi du festin de l’Epi¬ 
phanie est tenu de réinviter tous ies convives chez lui le Lundi 
perdu pour un nouveau festin où l’on tire aussi les Rois (*). Mais 
généralement, c’est le dimanche qui suit l’Epiphariie, et non le lundi, 
qu’a lieu cette réunion, que l’on appelle repas du Roi broùzë. 

A Lessines, le jour du Lundi perdu, les marchands de chicorée, 
nombreux dans la ville, font leur fête. Ils accompagnent leurs 
ouvriers et ouvrières dans les cabarets après le repas qu’ils leur 
ont offert, et le soir, gare aux personnes qu’ils rencontrent dans 
leurs tournées : s’ils s’aventurent, ils ont la figure noircie à l’aide de 
divers ingrédients, ils sont bronzés. Ce mol signifie noirci , et l’usage 
fut établi, dit-on, en mémoire de celui des Trois Rois qui était 
nègre ( 2 ). Nous savons déjà (voir ci-dessus, t. V, p. 19) que ce nègre 
a vivement frappé l’imagination populaire et que le dimanche qui 
suit l’Epiphanie est connu en différentes régions sous le nom du Roi 
noir ou du Roi broüzé. 

La caractéristique générale du Lundi perdu en Hainaut comme 
dans les Flandres française et belge, est le chômage général des 
ouvriers... et les beuveries. A Tourcoing et à Roubaix, on dit que 
celui qui ce jour là « ne boit pas » — lisez : qui ne s’enivre pas — 
est damné! Dès l’aprés-diner, les ouvriers se promènent dans les 
rues, endimanchés et fumant leur longue pipe de terre, la pipe de 
Mous, la boraine, dont le tuyau est, pour la circonstance, orné de 
papiers de couleurs tressés autour. C’est le jour béni des ivrognes. 

O. COLSON. 

(1) Sur le tirage des Rois en Hainaut-Ouest, voyez t. V, p. 21. 

(2) Communication de M. Lesneucq-Jouret. 


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Documents et Notices 


Le Perron, symbole juridique. — Dans le Bulletin de VInstitut 
archéologique liégeois, t. XXXII (1902) p. 88 et ss. notre collaborateur 
M. Albin Body ( publie l'acte du Prince de Liège, en date du 6 mars 1591, 
accordant à la ville de Spa le privilège d'un marché. Cet acte rappelle 
qu' « en temps de saison se transportent au dit lieu de Spa plusieurs et 
grand nombres de seigneurs et autres personnes pour y user des eauwes et 
fontaines ». Que l’utilité d'un marché est par ce fait démontrée ; que néan¬ 
moins ce marché ne s'organise point pour la raison « qu'il n’y auroit audict 
villaige aulcune franchiese ou liberté de ce faire ». Qu'eb conséquence les 
habitants supplient « leur concéder et octroyer franchiese avec liberté de 
pouvoir ung chacun samedy de chacune sepmoine faire jour de francque 
Marchié pour tant mieux donner ordre ad ce qui doit est. Doncque , pour ad 
ce fumier serat util faire ériger sur la place certain Peron et mesme 
édifier sur ladicte en ung lieu ad ce propice une maison appelée communé¬ 
ment une halle. A7c. » Ensuite de quoi, le Prince, « affin qu'il soit mis bon 
ordre et police aux vivres et victuales qui s'exposent à vendre audict lieu de 
Spa, pour la commodité et utilité d'ung chacun, avons accordé... ausdis 
supplians... auctorité, privilège, franchiese et liberté de pouvoir constituer 
et faire « ledit marché » et, comme il est requis et nécessaire pour mieux 
mettre en effect ce que dicl est d'ériger un Peron sur la place dudict lieu et 
illecq édifier une halle. Pour secourer et donner ayde aux despens dudict 
Peron et Halle, avons donné pouvoir... aus dits surcéans de pouvoir... 
vendre et aliéner chencque bonniers d'aisements... etc. » 

Il résulte de cet acte que le Perron à élever à l’imitation de celui de 
Liège était le premier objet nécessaire en pareille occurence, et qu'il mar¬ 
quait évidemment la franchise du marché. 

Ce fait appuie une conjecture émise au sujet de l'origine du Perron 
liégeois par M. Albert Thonnah i 1 ). Cet auteur constate qu'au Congo, la fran¬ 
chise des marchands sur les marchés est marquée par un fusil [ou une lance] 
planté au centre du lieu. Il ajoute en note : « On sait que sur les marchés 
» du haut moyen-âge, chez nous, régnait également une paix semblable et 
» l'on accordait sauf-conduit à qui s'y rendait. Dans une charte de Guillaume 
» d’Avesnes en 1308, accordant ce sauf-conduit pour la foire de Mons, on 
» voit qu'il était dressé, comme symbole de la franchise accordée aux mar- 
» chands, au milieu du grand marché, une perche surmontée d'un aigle 


fl) Essai sur le système économique des Primitifs d'après les populations de 
l'Etat itulêpendant du Congo , par Albert Thonnar. In-8*. Brux. Weissenbruoh, 
1901. Pages 103 et 104. 


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» doré. Le maître charpentier de la ville était chargé de planter « la perche 
» à Taigle » et de l’entretenir. Le Perron liégeois, placé au centre du marché, 
»peut avoir la même origine que les Rolands Saule allemandes, qui ôtaient 
» des signes de la franchise accordée sur les marchés ». 

La franchise des marchands était la conséquence naturelle de la fran¬ 
chise des marchés. Et les symboles, en définitive sont bien les mêmes par 
leur situation, leur forme élancée qui les faisait voir de loin, et leur signi¬ 
fication essentielle et topique. 

Nous profitons de l’occasion pour reproduire ici la partie essentielle 
d’une polémique survenue il y plusieurs mois, à propos de la croix du 
Perron liégeois, entre nos grands confrères la Gazette de Liège et VExpress. 
Cette polémique ayant un caractère politique, on conçoit que nous ne 
donnons les textes qu’à titre documentaire, et en raison des opinions 
historiques qui y sont exprimées. 

A propos d’un livre de lecture enfantine qui venait de paraître à Liège, 
et dont le frontispice reproduisait le Perron sans la croix, la Gazette de 
Liège , n° du 17 novembre, protestait énergiquement contre cette décapi¬ 
tation du vieux symbole liégeois, et elle ajoutait : 

«L’histoire, pourtant, les monuments de la peinture, de la sculpture 
» et de la gravure, nos plus anciennes monnaies locales l’attestent à 
»l’envi*. le perron n’a jamais été qu’une croix dressée sur quelques 
» marches : on l’y a d’abord haussée sur une colonne ; puis quand le monu- 
»ment fut érigé en cuivre, on a assis le tout, comme support, sur les lions 
» accroupis, familiers à nos vieux dinandiers ; plus tard la pomme de pin a 
» terminé la colonne et soutenu la croix ; plus tard enfin les Grâces se sont 
» interposées pour porter cette pomme de la façon dont un célèbre sculp- 
» teur de la Renaissance leur avait fait porter une urne funéraire. Jamais, 
» au grand jamais, il n’y eut de vrai Perron sans une croix. » 

L'Express répond dans son n° du 23 suivant : 

« Dire que le Perron n’est qu’une croix surhaussée, c’est affirmer une 
» erreur... Si le Perron avait été à l’origine une grande croix, pour devenir 
» ensuite une simple colonne à gradins avec une petite croix tout en haut, 
» si cette croix, symbole religieux souverainement érigé au milieu d’une 
» population chrétienne, était devenue un symbole civique, c’est qu’alors 
» la croix en question aurait dégénéré. Comment croire que la croix ait 
» dégénéré dans un pays gouverné par des évêques ? Le simple bon sens 
» fait déjà justice de pareille hypothèse. 

»Non, la croix à gradins dont on a constaté la présence sur une vieille 
» monnaie liégeoise n’a jamais pu figurer le Perron, L’inscription signo 
» salulis (signe du salut) prouve déjà qu’ici il s’agissait d’une vraie croix. 
» Mais si même, on a voulu, sur cette pièce, représenter le Perron, cela 
» prouve que déjà au xii® siècle, on avait ajouté la croix au Perron. » 

« Le Perron était bien un monument civique et un symbole civique. 
» C’est au pied du Perron qu’on publiait les édits, et cette formalité consti- 
» tuait ce que nous appelons aujourd’hui la promulgation, indispensable 


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» pour qu’un texte ait force de loi. C’est encore au pied du Perron que l’on 
» proclamait les crimes d’auteur inconnu, en guise d’appel aux témoins du 
» fait et de sommation au coupable. Voilà pour le caractère civique du 
» monument. Quant à son caractère symbolique, il ressort assez du fait 
» que Chafles-le-Téméraire, ayant soumis les Liégeois, enleva le Perron 
» comme signe de la perte, qu’il leur avait fait subir, de leurs admirables 
» libertés séculaires. Quant à la croix elle n’est qu’une superfétation dont 
» l’adjonction s’explique par la manie de sanctification dont firent preuve 
» en tous temps les prêtres, et surtout à l’époque où le christianisme se 
* répandit dans notre pays. » 

Cette opinon a quelque chose de neuf. Elle cadre cependant assez avec 
celle de M. Léon Vanderkindere qui niait que la croix dût être considérée 
comme l’élément essentiel du Perron. Il y aurait lieu, semble-t-il, de revoir 
la question de plus près, à présent qu’on n’ignore plus l’existence de sym¬ 
boles semblables, hors du Pays liégeois, et sous d’autres latitudes. 

O. C. 



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Chronique Wallonne 


Pro « Wallooia » 

Le Compte-rendu des séances du Conseil provincial de Liège, 
Session ordinaire de 1902, vient de paraître et nous apporte un 
document qui intéresse particulièrement les amis de Wallonia. C’est 
le rapport sur lequel le Conseil a voté, au bénéfice de notre Revue, 
un subside de 300 francs. Déjà en 1901 le Conseil, sur l’avis unanime 
de la Commission compétente (composée de socialistes, de libéraux 
et de catholiques) avait voté, lui aussi à l’unanimité, un premier 
subside de 300 francs. Le rapporteur était le conseiller socialiste 
M. G. Gony. Cette fois, le rapport échut à M. H. Bounameaux, 
conseiller catholique ; voici les termes dans lesquels ce dernier 
apprécie Wallonia : 

« Messieurs, la Revue dont il s’agit présente le plus vif intérêt. 
» Elle groupe un nombre assez considérable de collaborateurs, 
» écrivains et artistes du Pays wallon consacrant leurs travaux à 
» l’histoire et à la glorification de la Wallonie, de sa littérature et 
» des œuvres de ses artistes. Ses collaborateurs sont tous absolument 
» désintéressés. Ils appartiennent non seulement à notre province, 
» mais encore aux autres régions wallonnes, voire même à l’étranger, 
» tels ces collaborateurs de Malmédy, cette enclave wallonne en 
» pays allemand, et d'autres de Leipzig et de Paris. La Wallonia 
» publie de nombreux documents inédits, des études très fouillées 
» consacrées à l’ethnographie et au folklore, à l’histoire, aux us et 
» coutumes, aux croyances et aux superstitions de la Wallonie. 
» Elle a travaillé de son mieux à rassembler tout ce qui pouvait nous 
» faire mieux connaître, et partant mieux aimer le Pays wallon ; 
» elle a fait à la fois œuvre littéraire et scientifique ; elle est la seule 
» revue de ce genre. L’autorité des collaborateurs de la Revue mérite 
» autant que leur dévouement à la Terre wallonne, à son passé 
» et à son présent, les encouragements de la province. » 

Dans sa séance suivante, le Conseil provincial approuvait ce 
rapport et votait A iunanimité le subside demandé, comme il 
l’avait fait l’année précédente sur le rapport de M. Gony. 

Nous remercions les honorables rapporteurs de la bienveillance 
avec laquelle ils ont apprécié l’œuvre collective que nous avons 
l’honneur de diriger, et nous réitérons au Conseil provincial de 
Liège, l’assurance de notre vive gratitude pour le généreux appui, 
grâce auquel la Revue a pu réaliser le développement matériel si 
impérieusement réclamé par l’abondance et la variété toujours gran¬ 
dissantes de la collaboration. La Direction. 


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Faits divers 

(Décembre) 

P ARIS. — Un drame, en six actes, intitulé Thèroigne de M&>'icourt a été 
créé avec succès au Théâtre Sarah-Bernhardt. Avec cette pièce, l’au¬ 
teur, M. Paul Hervieu, abordait un genre très différent de celui de ses 
ouvrages antérieurs. C’est un résumé de l’histoire de la Révolution qu’il a 
voulu écrire. Or, dans ce temps-là, bien peu de gens ont joué un rôle sans 
le payer rapidement de leur vie, et de ceux qui étaient en scène au début, 
il ne restait presque plus personne au dénouement. M. Paul Hervieu a 
choisi Thèroigne de Méricourt parce q•folle prit part aux premiers mou¬ 
vement de 1789 et qu’elle vivait encore (quoique folle) sous l’Empire. La 
valeur de la personnalité de la Belle Liégeoise , comme on l’a appelée, a été 
très discutée, mais, à certains égards, on a eu raison d’en faire l’une des 
« Femmes de ia Révolution » : elle eut ses heures d’influence, des instants 
inspirés et une ûn tragique. Son rôle reste assez obscur, au moins aux 
yeux du public, pour que l’auteur dramatique puisse, sans choquer per¬ 
sonne, le considérer selon sa fantaisie, et d’autre part, elle eut une vie 
assez publique et dont certains moments sont assez connus, pour que son 
personnage ne se réduise pas à une froide abstraction. Le choix de cette 
héroïne pour une pièce historique est donc tout-à-fait heureux. L’auteur 
s’est documenté très complètement, mais il est inutile d'syouter qu’il ne 
s’est pas refusé à arranger et amplifier les données historiques. « La 
pièce, dit M. Catulle Mendès, est toute la Révolution dans le microcosme 
d’une seule existence : une gigantesque fresque dans une miniature. » La 
scène où Thèroigne, à la Conciergerie, reconnaît dans un visiteur son 
ancien ami Siéyès et lui reproche avec virulence l’habilité politicienne à 
laquelle il doit d’avoir survécu, est d’un tragique vraiment beau et pathé¬ 
tique. « Sarah Bernhardt a joué le rôle écrasant de Thèroigne avec une 
ardeur et une passion incroyables, et jamais peut-être elle n’a fait passer 
dans une salle de frissons plus tragiques qu’à ce terrible acte de la Salpé¬ 
trière » (Paul Souday). La mise en scène est parfaite et tous les rôles, 
extrêmement nombreux, sont bien tenus. 

L IEGE. — On a entendu, au premier des concerts annuels du Conserva¬ 
toire, la Fantaisie s ur deux noëls icallons par le liégeois M. Joseph 
•Jongen, prix de Rome en 1897. Cette œuvre, applaudie aux Concerts Isaye 
à Bruxelles, et à Namur à l’audition des œuvres de M. Jongen, a reçu du 
public liégeois le plus sympathique accueil. « Le talent de M. Jongen, dit 
Le Guide Musical , talent consacré déjà par nombre de compositions inté¬ 
ressantes, s’alïirme ici avec maîtrise. M. Jongen a dès ses premiers essais 
habitué ses auditeurs à une technique orchestrale dont l’habileté a toujours 
été fort appréciée. On attendait de lui une œuvre où la pensée musicale se 
condenserait en une forme nette et précise. Telle est cette Fantaisie sur 
deux noëls wallons , charmante de coloris, de spontanéité et de simplicité. 
Je loue fort M. Jongen de n’avoir point exagéré les proportions de son 


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œuvre et d’en avoir bien approprié le style à l’allure naïve des thèmes 
populaires qui l’ont inspiré. Il n’y a dans ces pages aucune grandiloquence, 
et c’est un mérite considérable, à mon sens, d’avoir conservé, à travers 
d’ingénieux commentaires, le ton général qu’il fallait. » 

M. Joseph Jongen travaille à la partition de La Tempête , un opéra 
tiré du théâtre de Shakespeare. Quand on a apprécié toutes les ressources 
de son inspiration primesautière et le mécanisme savant de ses expressions 
musicales, on attend sa prochaine production lyrique comme un chef- 
d’œuvre dont l’Ecole wallonne sera fière. 

— Durant les concours internationaux de musique vocale et instru¬ 
mentale qu’organisent pour 1903 les célèbres chorales liégeoises, naguère 
rivales, La Lègia et Les Disciples de Grètry , il y aura trois représen¬ 
tations d’opéras de Grètry. Ce n’est pas malheureux. Grètry est au réper¬ 
toire des grandes scènesjyriques. A Liège, on ne le connaît plus qu’au 
concert. 

— La Société liégeoise de Littérature wallonne vient d’accueillir un 
Wallon d’outre-frontière au sein de ses conseils. Une catégorie de ses 
membres titulaires s’appelaient « membres délégués de la Wallonie belge ». 
Elle a remarqué que ce mot de « belge » lui interdisait de comprendre dans 
la Wallonie le petit pays de Malmédy que le hasard des événements poli¬ 
tiques a réuni à la Prusse, mais où le vieux langage wallon jouit toujours 
de la faveur publique, bien que l’enseignement dans les écoles y soit donné 
exclusivement en allemand depuis un certain nombre d’années. Le Gou¬ 
vernement allemand lui-même a reconnu le caractère linguistique particu¬ 
lier à cette région en prévoyant, récemment encore, sur ses feuilles de 
recensement, l’emploi usuel de la langue française, chez les citoyens de la 
Prusse wallonne. 

La Société wallonne s'est avisée que son but scientifique et littéraire 
s’accommodait très mal des frontières politiques et qu'en excluant, en fait, 
la région malmédienne de son aire wallonne, elle accomplissait au contraire 
un acte anti-patriotique, au sens où il faut comprendre sainement le patrio- 
tiMiie. Bref, elle a biffé le mot « belge » de sa formule. 

Dès lors s’est produite tout naturellement, pour représenter, par délé¬ 
gation morale, le pays wallon de Malmédy, la candidature de M. l’abbé 
Nicolas Pibtkin, curé de Sourbrodt, et cette candidature a été accueillie à. 
l’unanimité. 

M. Pietkin est une « recrue » qui fera largement honneur à la Société 
wallonne . Il n’est pas seulement le directeur littéraire du groupe des écri¬ 
vains wallons malmédiens et l’auteur d’un savant traité sur l’orthographe 
wallonne. Allemand sans regret et sans reproche, il eut été, sans aucun 
doute, de ces Malmédiens qui, en 1870, firent le coup de feu contre la 
France, et dont pas un ne déserta. Mais, il est todis wallon , wallon tou¬ 
jours et quand même, de cœur et d’âme. 

Ajoutons à un autre point de vue que depuis nombre d’années M. l’abbé 
Pietkin collabore aux Annales de philosophie et de théologie spéculative 




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du D r Gommer, professeur à l’Université de Vienne ; le dernier cahier de 
cette revue contient encore de lui une critique de 32 pages sur la récente 
publication d'écrits inédits de Shaftesbury et un article de 14 pages sur la 
logique des Hindous, à propos d’un ouvrage publié par un Japonais en 
Amérique. 

L’acquisition d’un érudit aussi considérable est une bonne fortune pour 
notre Académie wallonne qui ne peut que se féliciter d’avoir élargi son 
domaine jusqu’à ses frontières naturelles. O. G, 

M ONS. — Benoit Quinet, une notabilité des Lettres belges, vient de 
mourir en notre ville. Avec lui disparaît le dernier représentant de 
cette pléiade d’écrivains montois : Adolphe Mathieu, Potvin, Clesse, 
Accarain, Descamps, Grenier, Dumont, Laroche, qui, dans des genres 



divers, représentent dignement une école tenant une grande place dans 
l’histoire littéraire de notre pays. 

En 1839, au sortir deTadolescence, Quinet publia quelques vers : La 
voix dune jeune âme , modeste essai dans lequel se révèle déjà un talent 
plein de promesses, qui dans la suite se développe et s’épanouit dans des 


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productions à tendances sociales et philosophiques. Nous citerons notam¬ 
ment la Prière civique (1844), Banian chez les contemporains illustres f 
dont la première édition date de 1852, Toast à Pie IX (1869), la Science 
(1886), qui marquent autant d’étapes dans la belle carrière du poète. 

Toute son œuvre s’inspire de convictions profondes et sincères et par là 
elle acquiert une force, une vigueur d’expression heureusement servie par 
une connaissance parfaite de la langue. Homme de foi et catholique pra¬ 
tiquant, Benoit Quinet a glorifié de tout son cœur Dieu et sa religion. 
Ses croyances s’affirment en des odes et des poèmes où la pureté de la 
forme classique s’allie à la gravité de la pensée. 

Sans prétendre, ainsi que nous l’avons entendu proclamer, que Van 
Hasselt et Quinet sont les deux plus grands représentants de la poésie 
belge au xix # siècle, on doit reconnaître en Quinet un talent qui le place 
parmi les écrivains belges les plus notables de son époque. Si comme litté¬ 
rateur il a droit aux éloges, ses vertus lui assurent l’hommage respectueux 
dû à la mémoire de tout homme de bien, quelles que soient ses opinions 
religieuses et philosophiques ( l ). Bruhald. 

N ALMÉDY. — On se plaint parfois [dans la Wallonie beige du dédain 
qu’affichent les « nouvelles couches » pour les souvenirs les plus précieux 
des gloires nationales. Gela se remarque aussi chez nous et je n’en veux 
pour preuve que le fait le plus récent dont j’ai à parler. Il y a quelque 
temps, le « Club Wallon » toujours si vivant a voté un crédit assez impor¬ 
tant pour l’acquisition de vieux écrits concernant l’ancienne Principauté de 
Stavelot-Malmédy, de vieux plans de la Ville, d’anciennes gravures, 
dessins ou peintures, etc., qui auraient quelque intérêt pour les Wallons. 
Le Club a fait insérer une annonce dans les gazettes de la Ville, invitant 
les habitants à se défaire de leurs « vieilleries ». Aucune réponse n’a été 
donnée à cet appel. Cependant on sait que dans maints greniers sont 
empilées des gravures d’un ancien artiste malmédien, Ponsart, qu’un 
mécène de l’époque fit graver à ses frais et dont il inonda toute la Ville. 
Les intéressés ont négligé jusqu’à présent d’offrir — contre paiement — ces 
« chiffons » qui présentent un si vif intérêt à tant de points de vue. 

— En avril dernier, les journaux allemands ont annoncé que le Féli- 
brige latin de Montpellier créait plusieurs prix aux Jeux floraux de Cologne 
qui se fêtent le premier dimanche de mai de chaque année, | our des 
ouvrages en un dialecte français parlé en Allemagne (prose, poésie, 
dissertations sur ces dialectes, etc.). Florent Lebierre y envoya sa Lyre 
mâm'diène que nos lecteurs connaissent, et notre collaborateur M. Henri 
Bragard, plusieurs pièces de poésie. L’un et l’autre ont été primés : 
M. Lebierre a obtenu le second prix, M. Bragard le troisième. Le premier 
prix a été remporté par le D r Marmier avec une dissertation sur le langage 
de Friedrichsdorf près Francfort (où il y a une colonie d’émigrés français). 

(1) La communication du cliché ci-dessus est due à l’obligeance de notre 
honorable confrère M. Victor Janssens, rédacteur du Journal de Motts. 


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Dans une autre catégorie, (langue d’oc) M. Gilles a remporté le premier prix 
par une élégie sur la disparition du langage de Serres en Wurtemberg écrite 
en ce patois, et le second par sa mère avec une petite prose dans ce même 
patois. Le livre d’or que la Société édite chaque année en publiant les 
œuvres et les portraits des auteurs primés (il vient de paraître pour 1902), 
contient donc cette année du wallon et du provençal, aussi bien que de 
l’allemand et de l’espagnol. Malheureusement les ouvrages qu’avait envoyés 
M. Lebierre n’ont pas été insérés, vu qu’ils constituaient un recueil 
d’œuvres en partie anonymes. Les deux poésies de M. Bragard, figurent 
dans l’annuaire où elles sont très remarquées. 

Intérim. 


Bibliographie. 


LES LIVRES : 

Djètons d’avri, oûves tchûsèyes , par Joseph Mêdard. — Un vol. petit 

in-8 J de 131 p. — Imprimerie J. Wathelet, Liège. — Prix : fr. 2-50. 

Elle est sans prétention, la poésie de M. Mêdard. Elle dit les joies et 
les peines de tous les jours, elle ressuscite les heures d’amour passées, elle 
regrette les plaisirs de l’enfance, elle conte les coutumes du pays, elle 
moralise et elle raille. Ce sont tous les vieux thèmes du lyrisme, qui seront 
toujours les mêmes, mais qui produiront toujours aussi de nouvelles sen¬ 
sations et sur lesquels sans cesse les vrais poètes tresseront les éternelles 
chansons. 

Gomme tous les lyriques wallons, de Dbfrecheux à Vrindts, 
M. Mêdard est un réaliste. Il allie à une sentimentalité intensément émue 
un don jovial d’observation pittoresque qui met dans ses poèmes les plus 
attendris une note très caractéristique. 

A côté de ces poésies d’un lyrisme charmant, M. Mêdard publie des 
romances tendres, de joyeuses chansonnettes, des monologues amusants et 
dramatiques. 

Il y en a pour tous les goûts et les amateurs d’expressions délicates 
comme les professionnels du scanfâr y trouveront amplement leur compte. 

Depuis longtemps, les wallonisants connaissaient et appréciaient le 
talent distingué de M. Joseph Mêdard. Sa collaboration aux journaux de 
terroir et à l’Almanach des... trois Mail avait toujours été remarquée. 
M. Mêdard écrit, du reste, un wallon très pur, débarrassé de la syntaxe 
française qui, malheureusement, semble envahir presque toutes no? pro¬ 
ductions patoises. 

On ne saurait assez le complimenter d’avoir réuni en un élégant 
volume ses meilleurs œuvres. M. Mêdard prend ainsi rang définitivement 
parmi la belle pléiade de nos vrais poètes wallons. 


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Djètons cCAvri est luxueusement édité, M. Joseph Rulot, l’expressif 
sculpteur liégeois, qui est aussi un merveilleux dessinateur, a orné la cou¬ 
verture du recueil d’un frontispice qui chante tout le printemps et toute la 
jeunesse. En outre, M. Wilmotte préface le livre et MM. E. Dethier, 
P. Lejeune, Jos. Oury et J. Stellet ont composé sur les paroles de 
M. Médàrd des airs excellemment appropriés, qui sont notés dans le volume 
avec accompagnement de piano. Olympe Gilbart . 

M* Clotchi, poésies wallonnes par Clément Deforeit. — Un vol. petit in-8° 

de 162 p. — Librairie wallonne du Tonia , 32, rue dé la Gendarmerie, 

Charieroi. — Prix : 1 franc. 

Ce recueil de vers wallons est vraiment nouveau. Il n’est pas de la 
province de Defrecheux ni de la province de Loiseau. C’est un hymne filial 
au pays de Charieroi, dont Jacques Bertrand nous a dit en de si expressives 
productions la rudesse savoureuse et la violence expansive. C’est son 
« clocher * que chante avec une ferveur juvénile M. Clément Deforeit, un 
tout jeune écrivain wallon qui a déjà à son actif quelques volumes de vers 
et une infinité de pièces dramatiques. 

Ceux qui ont vécu dans le pays de Charieroi ne peuvent en oublier le 
caractère pathétique et les mœurs virulentes. Pour y avoir passé toute 
mon enfance, j’ai gardé un souvenir précis du € pays » et une mémoire 
émue de la ville de Charieroi. En lisant les vers de M. Deforeit, j’ai vu 
revivre devant moi toute la cité et ses coutumes et ses habitants et son 
mouvement et ses âpretés. 

Le poète de M’ Clotchi a profondément ressenti la poésie pittoresque 
de sa ville. IL a su en rendre les aspects tragiques, la gaîté rude, la brus¬ 
querie cordiale et la flère témérité. 

Ce n’est pas qu’il ait exalté la grandeur épique du pays de Charieroi. 
Mais il a, en des évocations attendries ou rieuses, dit le charme pénétrant 
qui opère sur tous ceux dont la vie s’écoule au centre d’une des plus 
courageuses populations de la Belgique. 

Assurément, pour citer un exemple, le jeu de balle, si en honneur là- 
bas, m’apparaît grandiose comme une lutte homérique. Je ne sais rien de 
palpitant comme ces assemblées populaires frémissantes, devant lesquelles 
une partie « sérieuse » met aux prises les plus célèbres joueurs du pays. 
Et la seconde sensationnelle où la dernière balle livrée, qui décide de la 
victoire, décrit son habile trajectoire ! 

C’est la pathétique du pathétique! Armure à armure, quatre jeux à 
quatre et quarante à deux ! Il faut avoir assisté jadis à ces combats formi¬ 
dables pour comprendre l’impression inoubliable que l’on en garde. 

M. Clément Deforeit a plutôt observé le côté amusant de ces jeux et, 
quand il écrit U place du manèche , c’est une scène d’observation exacte et 
crue qu’il nous met sous les yeux. Ce n’en est que plus divertissant. 

Mais l’auteur décrit amoureusement toute sa ville et ses moindres 
pierres. A côté de ces poésies qui magnifient le « clocher », M. Deforeit a 


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rappelé les vieux « types » carolorêgiens, en des croquis saisissants de vie, 
de couleur et de mouvement. Ces « sujets » sont traités avec humour et 
dénotent un tâtent d’une très réelle souplesse. Certes, l’inspiration n’en est 
pas toujours également heureuse ; certaines pièces ont des faiblesses qu’un 
peu d’attention aurait pu éviter. Mais l’allure générale de l’œuvre a une 
excellente tenue et tous les poèmes de M. Deforeit possèdent le précieux 
mérite d’être l’émanation sincère et spontanée d’une âme sensible et 
franche. 

S’il m’est permis de donner un conseil à M. Deforeit, je l’engagerai à 
délaisser une tendance assez marquée à des allusions un tantinet grivoises. 
Non pas que nous répugnions à la blague wallonne, qui aime son franc- 
parler, mais parce que, souvent, il est possible, sans déflorer un poème et 
en lui gardant sa saveur, d’éviter les détails grassouillets. Que Ton me 
donne des couplets hardiment copieux, c’est bien. Mais il est inutile de 
risquer de déparer une poésie par une pointe gratuite de grivoiserie. 

Au surplus, que M. Deforeit ne laisse guère envahir son wallon, si 
beau dans son accent âpre et bourru, par des tournures et des expressions 
françaises. Qu’il emploie son wallon, et tout son wallon. C’est le meilleur 
moyen de produire des œuvres puissantes et originales. 

Olympe Gilbart. 

Reçu aux bureaux de la revue. — Enne coumère à P lot'rie, comédie 
en 1 acte par Jules Vandereuse, musique de Gust. Vinet. Broch. de 32 p. 
(Imprimerie du Tonnia , Charleroi. Prix : 0.25). — Dictionnaire wallon- 
français , dialecte namurois, par Léon Pirsoul. Un vol. de 392 p. (Godenne, 
édit., Malines. Prix : 3 fr. 50). — Les deux Idoles , roman par J.-C. Holl 
Un vol. de 322 p. (Ambert et C u . édit., Paris. Prix : 3 fr. 50). 

Bulletin et Annales : 

Société liégeoise deLittérature wallonne, Bulletin, tome XL1, 
fascic. 2. = Matante rCot gotte , comédie en vers, 1 a., avec chants, par 
MM. Arthur et Lucien Colson. (Voir ci-dessus, t. X, p. 86). — Règles 
(Torthographe wallonne , rédigées par M. Jules Fellbr (c’est le travail dont 
il s’agit ci-dessus, t. X, p. 265). — Complément au lexique gaumet , par 
M. Edouard Liégeois. Ce travail a obtenu la plus haute des distinctions 
que la Société distribue à ses concours, la médaille d’or. C’est dire l’excel¬ 
lence de ce vocabulaire, qui ne se borne du reste pas à donner les mots et 
leur traduction, mais qui les illustre souvent d’explications et de notes 
pittoresques relatives aux mœurs et coutumes de cette région du sud du 
Luxembourg beige. 

Cercle hutois des Sciences et Beaux-Arts. Annales, t. XIII, 
4 e et dern. livr. = Ernest Jopken, l'Osteit delle fleur de lis : nouvelle située 
à Huy, inspirée par des documents d’archives, et qui restitue la vie bour¬ 
geoise au xv* siècle. — R. Dubois, Les drapeaux et trophées de Véglise de 


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WALLON IA 


la Sarle : complète un travail du même auteur, sur l’origine de ces objets 
singuliers. — J. Fréson, Un mystère de Jean de Fies : publie cette « tragi- 
comédie », d’un style assez ampoulé, datant de 1631, et due à un prêtre de 
St-Remy à Huy. — J. Fréson, Un ancien testament : c’est un des plus 
anciens documents hutois, datant de 1384. — D r Tihon, Notes sur le comté 
deMoha: disserte sur l’étendue de ce comté, dont l’histoire reste assez 
obscure, et publie un document qui donne les possessions de Moha en 1324. 

— D r Tihon, les avoués de Huy : rectifie deux points d’un autre travail du 
même auteur sur l’Avouerie de Huy et les Seigneurs de Beaufort. — 
D r Tihon, Extraits des registres aux œuvres de la Cour de Wanze : sup¬ 
pléments au Recueil des Ordonnances de la Principauté de Liège. Documents 
relatifs à des faits grevés par la Justice ; ordonnance de Louis de Bourbon 
contre les vagabonds, curieux par certains détails sur les mœurs du temps ; 
mandement du même ordonnant une levée générale des troupes en vue de 
sauvegarder la neutralité immémoriale du Pays. = Le volume se termine 
par le compte-rendu de l’activité intérieure du Cercle hutois en 1900-1902. 

Société d’art et d’histoire du diocèse de Liège. Leodium, chronique 
mensuelle de la Société. 

Octobre. = Siège de Maastricht en 1489. par M. G. de Borman : 
fixation de la date des opérations. — A propos de Lépreux par M. Ursmer 
Berlière : émet le vœu de voir poursuivre le travail entrepris par M. Kurth 
(publié à Paris en 1891) sur la lèpre en Occident avant les Croisades; donne, 
en attendant, quelques indications bibliographiques. — Johan Brueder , 
par M. de Borman : Au Congrès archéologique de Tongres en 1901 fut posée 
la question de savoir s’il existe des documents relatifs à l’origine Limbour- 
geoise (Maeseyckoise) des frères Van Eyck ; la réponse affirmative était 
appuyée sur des documents déjà produits ; l’auteur montre que les textes 
ne sont pas corrects et ne sont nullement relatifs aux peintres dont il s’agit. 

— VArchidiaconal liégeois d'Urbain IV, par M. George Monchamp : il 
est désormais indiscutable que Jacques de Troyes, futur pape, a appartenu 
au Chapitre de Saint-Lambert ; l’auteur recherche toutes les mentions de 
cet archidiaconatpour les ajouter à celles qu’il a publiées déjà et qui ont servi 
à fixer nombre de points intéressants. — Quelques actes de Henri de 
Gueldre : M. Jean Paquay augmente de quatorze unités le Catalogue dressé 
par MM. Delescluse et Brouwers. 

Novembre. = Une page inédite de Guillaume de Rychel , abbé de 
Sam/-TVonrZ (1248-1272), par M. G. Simenon : Publie un fragment d’un 
Ms. de cet abbé. — Un jugement arbitral du cardinal Pierre dAlbano : 
en cause de Henri de Gueldre, élu de Liège, et l’archidiacre Thibaut de 
Plaisance. 

Décembre. = Le Chapitre de Saint-Lambert et rétablissement de la 
Fête-Dieu , par Mgr. Monchamp : l’opposition vint beaucoup plus du clergé 
que des laïcs, elle fut difficilement vaincue. — La tombe de Walter de Chaî¬ 
ne ux, par le baron de Chestret de Haneffe : description d’après document 


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nouveau. — L'exposition d'art de Bruges , par M. Jules Helbig : ces 
artistes turent indûment qualifiés de primitifs ; ce ne sont pas les débuts 
d’un art naissant qu’on nous présentait là, mais les œuvres d’un art arrivé 
à sa pleine efflorescence ; les écoles se succèdent et naissent l’une de l’autre, 
il n’y a pas de primitifs ; il dépend de nous de reprendre la connaissance, 
la notion des arts successifs, qui sont tes fruits, plutôt que les germes, d’une 
obscure élaboration. 

REVUE DES REVUES : 

Mercure de France (octobre et n >s suivants). = A publié une enquête 
sur l’influence allemande, qui a fait grand bruit, comme de raison, puisqu’il 
s’agissait de savoir s’il est vrai que, suivant le mot de l’empereur Guil¬ 
laume II, l’esprit germanique peut prétendre à la « suprématie mondiale ». 
Nous détachons de la suite des réponses à l’interview de notre confrère 
deux mots seulement, relatifs à la musique et au Liégeois César Franck. 

De M. Henry Gauthier-Villar s : «Sur nos musiciens et nos érudits, 
^l’influence allemande fut grande; elle diminue. Peu à peu l’obsession 
» wagnérienne se dissipe. Sans parler de Gabriel Fauré, qui ne l’a jamais 
» subie (et dont l’Allemagne, pour le dire en passant, a un mal de tous les 

* diables à comprendre l’originalité divinement modulante) voici que nos 

* compositeurs s’affranchissent. VEtranger, de Vincent d’Indy ne doit rien 
» à la Tétralogie qui n’abrite plus, sous son ombre dangereuse, ni les Dukas, 
» ni les Guy Ropartz. Les meilleurs de nos musiciens modernes se recom- 
» mandent plutôt de César Franck, ou, comme Debussy, des maîtres russes. » 

De M. Camille Mauclair : « Musicalement, la France est dégagée du 
» wagnérisme et de tout son corps de théories relatives à la fusion des arts 
»au théâtre. Les principes polyphoniques de Wagner sont de plus en plus 
» considérés comme séparables de ses conceptions symboliques. L’influence 
» énorme de César Franck a contrebalancé sagement celle de Wagner en 
» ramenant à la sonate, au lied, à la symphonie les musiciens hypnotisés 
» par le drame lyrique. Louise a t Pellèas et Mèlisande ne sont plus sous 
» l’auguste joug. » 

La chronique des Arts, Paris (15 novembre). — Compte-rendu, par 
M. Durand-Grèville, du Catalogue critique de l’Exposition de Bruges de 
M. GeorgesDE Loo (Hulin) : « ... A Anvers, le Repos en Egypte attribué à 
Blés doit changer d’attribution. La Vierge assise sur un talus au premier 
plan d’un très beau paysage de Patenier, est presque digne de David lai- 
même. Son modelé un peu moins solide nous fait supposer qu’elle a été 
dessinée par le maître et exécutée par son plus brillant élève, celui que 
M. Georges de Loo a appelé le « Maître de Notre-Dame des Sept Dou¬ 
leurs » et qu’il croit non sans une grande probabilité être Adrien Isenbrant. 
En tout cas, on voit que Blés n’est pour rien dans cet ouvrage. 

» Nous avons dit que le paysage de ce tableau est de Patenier, et le 
fait est qu’on y retrouve l’âne, le panier, ses accessoires habituels. Mais ce 


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paysage avec ses rochers en petites falaises, avec ses arbres si remarquable¬ 
ment étudiés d’après nature, s’identifie tout à fait avec les fonds de paysage 
des œuvres les plus authentiques de Gérard David lui-même. Cette remarque 
ajouterait au degré de vraisemblance de l’hypothèse de M. Weale, qui 
soupçonne Gérard David d’avoir confié à Patenier l’exécution de ses pay¬ 
sages. Pourquoi ne l’aurait-il pas fait, selon la mode du temps ? » 

Les Archives belges. — Cette revue d’historiographie nationale 
(dont le programme est purement bibliographique) publie dans son numéro 
de décembre le compte-rendu suivant d’un curieux livre publié récemment 
à Stockholm, Den t'allonska slagten Anjou jemte fôrgremingar : 

« Dans les lettres patentes de l’année 1627, accordées à Louis de Geer, 
Liégeois émigré, le roi de Suède Gustave-Adolphe rappelle que son « fidèle 
sujet » avait fait venir des étrangers pour introduire dans sa nouvelle 
patrie leur méthode de travailler le fer. Plus de quatre cents ouvriers 
avaient, en effet, quitté les bords de la Meuse au commencement du 
xvii # siècle, pour aller s’installer, d’abord à Finspong, puis dans d’autres 
localités minières des environs. Ils formèrent une colonie dont les membres, 
qualifiés là même de Wallons, conservèrent longtemps leurs usages 
propres et leurs caractères ethniques. Leurs noms ne laissent aucun doute 
sur leur origine... C’est un de leurs descendants, dont le nom primitif 
Ansiaux s’est peu à peu transformé en celui d’Anjou sous des influences 
locales, qui vient d’écrire l’histoire de sa famille. On y voit comment ce 
groupe, longtemps compact, a fini par opérer sa fusion avec la population 
indigène et prendre pied dans toutes les classes de la société suédoise. » 



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NOS CHANSONNIERS WALLONS 


Louis Loiseau 


Ceux qui connaissent en amour et en admiration la majesté 
poétique de la Meuse, en auront tout particulièrement goûté le 



M. Louis Loiseau 

N6 à Moignelét* (Xumur), le 3 Mai 1858. 

charme émouvant s’ils ont parfois musé le long des rives enchante¬ 
resses et des berges ensoleillées qui vont de Waulsort à Samson. 


T. XI. n»8 2 et 3. 


Février-Mars 1903. 


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WALLON IA 


Toutes les fées gracieuses habitent cette incomparable vallée, 
qui retentit encore des galopades furieuses des quatre fils Aymon et 
des mystérieux travaux des Nutons. 

Une âme légendaire, héroïque et amoureuse plane sur les 
rochers superbes, les frondaisons musicales, les ruines évocatrices. 

On ressent au milieu de cette belle et plantureuse nature une 
joie ineffable à laquelle se mêlent des rêves enivrants. 

Les fils de cette terre bénie auxquels fut dévolu un tempéra¬ 
ment sensible, sont tous imprégnés de cette atmosphère de somp¬ 
tueuse mélancolie et de beauté troublante. Ils sont épris des miracles 
éternels de la vie et dans leurs chants les plus modestes, dans leurs 
poèmes les plus simples, on sent vibrer cette affection profonde pour 
les prairies et pour les bois. 

Et c'est surtout chez les écrivains de terroir que Ton trouve avec 
une sorte d’humilité, mais avec une intense sincérité, l’expression 
la plus pure et la plus cordiale de ce sentiment ému de la nature. 

Louis Loiseau qui écrit dans le mélodieux langage namurois 
peut être rangé parmi les bons poètes et chansonniers de la Wallonie. 
C’est avant tout un sentimental, un élégiaque. Il conte gentiment ses 
amours, ses mélancolies, ses joies, et il y associe avec bonheur la 
chanson éternelle des choses. Toujours il rappelle par une notation 
délicate, la fraîcheur du feuillage, le parfum de la fleur, l’éclat des 
étoiles, et il fait participer ainsi le concert harmonieux de la vie à sa 
poésie de douceur et de tendresse. 

Aussi bien, tout cela est-il exprimé avec une naïveté et une 
émotion touchantes, qui d’ailleurs n’excluent nullement une volonté 
d’art très marquée. Ils sont « fignolés » les poèmes de M. Loiseau et 
dans leur simplesse adorable on perçoit une technique amoureuse¬ 
ment caressée. 

Parmi les chansons de M. Loiseau je n’en sais pas de plus 
tendrement gracieuse que Vinoz Fèfèye : 

Vinoz, djoliye , au fond do bwès 
N's irans promwmrner d'zo Vombradje. 

Les mouchons catchis dins ifouyadje 
Po nos choûter bâcheront leu vwès. 

Tôt bas dfvos dircùve a lorèye 
Mes sondjes di bonheur et d'amour ; 

Nos nos les r'dirinnes tour à tour : 

Vinoz , Fèfèye /.. ( l ) 

(1) Venez, jolie, au fond du bois — Nous irons nous promener sous l'ombrage. 
— L«*s oiseaux cachés dans le feuillage — Pour nous écouter baisseront la voix. — 
Tout bas, je vo s redirais à l’oreille Mes rêves de bonheur et d’amour. — Nous 
nous les redirions tour à tour : — Venez, Fifllle !.. 


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WALLONIA 


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Vinoz, djoliyc : po vos fiester 

Les fleûvs si doûvront svs vosse vouye. 

Nos pasrans causa sins les voûye , 

Tôt ès choutant nosse cœur tocter. 
L'am'ur , ès Vâmc di tote djône fèye , 
Apwate dole gaitè po longtimps . 

I nos dorait (Cs heureus mominis ! 
Vinoz , Fèfèye!.. (*) 

Vinoz , djoliye , roc* T momint 
Ou Vnêtsistind pa d'zos les fouyes. 

Po nos lumer ns aurans vos ouyes , 
Parèyes aus shoêles do firmamint . 
S'inmer , ^n’a vrêmint vin d' parèy : 
Cest là V bonheur di nos vingt ans ! 

Et tos les deûs nos nos inmrans : 
Vinoz , Fèfèye /..(*) 


A côté de cette sentimentalité jolie, M. Loiseau est un wallon 
de bonne roche et la devise fière de la gaillarde ville de Namur 
n'est assurément pas reniée par lui. 

Il consacre aux vieilles choses de sa cité dos vers attendris 
et nostalgiques. Il éprouve un plaisir tout particulier à raconter 
la pathétique histoire de la Rofche aux Tchautoes , la Roche aux 
Corneilles, de Rouillon. 

C'est avec des explosions de joie franche et luronne qu’il rend 
justice aux mets appréciés par les vrais Wallons et il ne connaît rien 
de meilleur que la traditionnelle salade aux créions . 

Il garde pour tout ce qui est de chez lui une affection filiale 
sans limites, et il chante à tous les échos l’amour de sou clocher et la 
beauté enivrante de son pays. 

Louis Loiseau prend rang parmi les poètes de Wallonie. Il n’est 
pas lyrique, à la façon de Defrecheux et de Vrindts ; il n’a pas le 
verve mordante et facétieuse de Wesphal ; il ne connaît pas la 


(1) Venez, jolie : pour vous fêter — Les fleurs s’ouvriront sur notre route. — 
Nous passerons presque sans les voir — En écoutant battre notre cœur. — L'amour, 
en l'àme de tou e jeune fille — Apporte de la gaîté pour longtemps. — 11 nous 
donnera d’heureux moments! — Venez, Fifllle !.. 

(2) Venez, jolie, voici le moment - Où la nuit s’étend sous la feuilléc. — 
Pour nous éclairer, nous aurons vos yeux — Pareils aux étoiles du firmament. — 
S’aimer, il n’y a vraiment rien de pareil : — C'est là le bonheur de nos vingt ans. 
— Et tous les deux nous nous aimerons : — Venez, Fifllle !.. 


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WALLONIA 


rondeur plantureuse de Bartholoviez, comme il ne possède pas la 
ferveur un tantinet romantique de Jean Bury. 

Mais c’est un poète aimant, souriant à la vie, un tendre qui ne 
déteste pas la jovialité complaisante, et par ces qualités il figure 
au nombre des excellents écrivains patoisants de Wallonie. 

Au début je notais la mélodie charmante du parler namurois. 
M. Loiseau en sait à merveille toutes les ressources; et rien n’est 
caressant à l’oreille comme les allitérations chuintantes dont il use 
avec une si aimable habileté. 

Tôt ès choûtant les p'ti/s mouchons , 

Ça chone si bon quand tchct V riesprée, 

Di s' pièdc à dais d'zo les bouchons ! ( l ) 

M. Loiseau a de ces heureuses trouvailles. Sa sensibilité très 
pénétrante lui fait ainsi goûter des joies précieuses que partagent 
ceux qui le lisent. 

Dans ses petites poèmes comme dans ses chansons on le sent 
préoccupé d’une réelle forme d’art et certaines de ses œuvres 
sont définitives. 

Olympe G1LBART. 



(li Tout en écoutant les petits oiseaux, — Oela semble si bon quand tombe 
(vient) la vesprëe, — L>e se^perdre à deux sous les buissons. 


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WALLONiA 


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Bibliographie de M. Louis Loiseau 


1. Livres et brochures. — Boû po valche , vaudeville en 1 acte. Suivi 
de Fauves et tchansons . 1 vol. de 118 p. Godenne. frères, éditeurs, Malines, 

1892. — Botique à r'pnnde , scènettc. Broch. Pesesse, éditeur, Jodoigne, 

1893. — Ci qu' c'est qu' Vamour, opérette en i acte. Broch. Pesesse, éd., 

1894. — Dins V salle dCattinte , comédie en 1 acte. Godenne, éditeurs, 1894. 

— D'onepîre troès côps , comédie en 1 acte. Godenne, éditeurs, 1894. — 
Echos de terroir , recueil de chansons et de monologues en vers. 1 vol. de 
250 p. Godenne, éditeurs, 1898. — Echos de terroir , 20 chansons avec 
musique nouvelle, due à divers auteurs. Godenne, éditeurs, 1898. 

2. Romances. — Ont été éditées à part, avec accompagnement de 
piano, les chansons suivantes : Li vis clolchi d'Saint-Djean , musique de 
Fernand Lhoneux. La rose, édit. Bruxelles. Li Cariyon d'Saint-Aubwin, 
musique de Fernand Lhoneux. Bury, édit. Liège. Vtnoz, Fèfèye , musique 
de Léon Aerts. F. de Aynssa, édit. Bruxelles. 

3. Inédits. — Recueil de Spots , locutions et proverbes wallons namu- 
rois , qui compte environ 4.500 n 08 , a été publié en partie (lettres A à D) dans 
la Marmite , de 1894 à 1897. — Poésies et chansons. 

4. Traductions. — M. Louis Loiseau a adapté en wallon namurois 
les pièces suivantes des auteurs cités : Mon onke Djôsèf , du Liégeois 
DD. Salme. Li coq do viladje % du Liégeois Tilkin. Vwèsin- Vwèsène, du 
Liégeois Jean Bury. Pwèson <f mwinnadjc , du Tournaisien Achille Viard. 

— D’autre part, le théâtre de M. Loiseau a été adapté en wallon liégeois*: 
Boûf po ratche , par M. DD. Salme. Botique a r'prinde , par M. Alphonse 
Tilkin. Çou qu' c'est qu' Vamour , et D'vins l' sàle cTatinte , par M. Gui 
Marchal. D'inepire treus côps, par M. O. Colson. 

5. Collaboration. — La Marmite*gazette wallonne hebdomadaire, 
éditée par M. Godenne, à Malines (M. Loiseau, qui a collaboré à cette gazette 
pendant plusieurs années, l'a dirigée de 1894 à 1897). — Aurmonaque dè 
V Marmite (même observation). — Le Sauverdia , gazette wallonne bimen¬ 
suelle, éditée par M. Pesesse, à Jodoigne, en 1892 et 1893. — La Lutte , 
gazette quotidienne, Namur. — Wallonia, 1893 et 1894. 

O. C. 


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Lambert le Bègue 
et l’origine des Béguinages 


il 

Origine et Histoire des Béguinages. 


Bibliographie. 

Coens, Petr., Disquisitio de orig. beghinarum et beghinagiorum 
Belgii . Leod. 1629; J. L. V. Mosheim, De beghardis et beguinabus com- 
inentarins , Lips. 1790; Hipp. Helyot, Ausf. Gesch . aller... Kloster-und 
Rittcrorden ftrad. du français), VIII, p. 1-7, Leipzig 1756; F. von Bieden- 
feld, Ursprung... sàmtlichei' Mbnchs-und Klostei'frauen-Orden , Weimar 
1837, II, p. 352-357; Henrion, Allg. Geschichte der Monchsorden , bearb. 
und vermehrt von J. Fehr, Tubingen 1845, I, p. 303 307 ; E. Hallmann, 
Die Gesch. des Ursprungs der belgischen Beghinen , Berlin 1843 (passe 
aussi en revue les écrits antérieurs sur ce sujet); G. Uhlhorn, Die 
christliche Liebesthdtigkeit im Mitlelalter , Stuttg. 1884 ; G. Ratzinger, 
Gesch. d. kirchl. Armenpflege , 2 e édit. Fribourg 1884; P. Fredericq, Les 
docu7?ienls de Glasgow coTicernant Lambert le Bègue; du même. Note 
complèmentawe dans les Bulletins de VAcad. i'oy. de Belgique , 3 m< série, 
tome XXIX (1895), p. 148-165 et 990-1006. 

Le fondateur des communautés de béguines est le prêtre liégeois 
Lambert le Bègue (mort en 1177), comme des témoignages contem¬ 
porains inattaquables le prouvent avec certitude. 

Mais déjà au xm e siècle on avait généralement perdu le souvenir 
de la véritable origine de l'institution des béguines. Aussi la tradition 
qui se forme dés le xv e siècle et qui dit que Sainte Begge, fille de 
Pépin de Landen et mère de Pépin de Herstal, a fondé le premier 
couvent de béguines, put-elle gagner du terrain. Au commencement 
du xvn e siècle cette opinion, défendue notamment par l’abbé 
J.-G. van Ryckel {Vita S. Beggœ , Lov. 1631), le carme Eue de 
S t0 -THÉRÈSE ( Het gheest. palays der beggijnhoven , Anvers 1628) et 


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WALLONTA 


35 


Zeger Yan Hontsüm ( Declaratio ... quod begginœ nomen... habeant 
a S • Begga , Anvers 1628), devint dominante et fut approuvée par 
l’archevêque de Malines et la curie romaine ; la plupart des bégui¬ 
nages et des couvents de bégards de la Néerlande adoptèrent vers 
1630 le culte de S t€ -Begge, la prenant comme leur patronne et leur 
fondatrice. 

Mais le savant chanoine anversois Pierre Coens combattit cette 
théorie avec une habileté extraordinaire. Et, dans son livre, qui 
parut en 1629 et qu’on doit encore de nos jours accepter comme fon¬ 
damental, il démontra d’une manière convaincante que la fondation 
des béguines est due au prêtre séculier wallon Lambert le Bègue. 

Mais alors, contre toute attente, la publication d’un écrit du pro¬ 
fesseur de Louvain Erycius Püteanüs (van Putte), de Beginurum 
ctpud Belgas instituto et nomine suffragium (Louvain, 1630) fit 
entrer la controverse dans des voies nouvelles ; ce livre, en effet, 
reproduisait trois documents de 1129, 1151 et 1065, c’est-à-dire 
remontant à une époque de beaucoup antérieure à Lambert, qui 
concernaient le couvent des béguines de Vilvorde et en attestaient 
l’existence dés ces années. 

La possibilité d’attribuer l’origine des béguines à Lambert 
semblait donc définitivement écartée ; et, pendant deux siècles, 
toutes les recherches sur l’histoire des béguines ont admis ce point 
de départ ; il en a, malheureusement, été ainsi du vaste ouvrage de 
Mosheim et même, tout récemment encore, de celui de Lea. 

Mais la brillante dissertation de Hallmann apporta enfin (en 
1843) la preuve que les documents de Püteanüs sont falsifiés et que, 
vu leur contenu, ils appartiennent au xiv e et au xv® siècle. 

Les tentatives que firent quelques savants belges pour mettre en 
question les résultats obtenus par Hallmann, notamment Kersten 
{Journal historique et littéraire , Liège, X, 1858) et Terwecoren 
{Opinion sur Corigine des béguinages , 1852 ; reproduit dans la 
Collection des précis historiques , Bruxelles, 1852), n'eurent aucun 
succès et furent définitivement réfutées, surtout par A. Waüters 
{Histoire des environs de Bruxelles , II, p. 499 et suivantes) et Pigt 
(Cartulaire de C abbaye de S^-Trond , II, 1874, p. xcv et suivantes). 

Si l’on est maintenant presque unanimement d’accord pour voir 
dans l’institution des béguines une création du xn° siècle, on n’ap¬ 
précie souvent pas jusqu’à présent à toute sa valeur la portée de 
l’institution de Lambert au point de vue de l’histoire de la religion ; 
et cela provient surtout de ce qu’il y a peu de documents rapportant 
l’origine des béguines. Ainsi, notamment, si, tout récemment, 


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Uhlhorn et C. Bûcher (Die Frauenfrage im Mittelalter , Tübingen, 
1882), ont essayé d’expliquer la naissance des communautés de 
béguines en première ligne par le besoin qu’avait la société du 
moyen-âge de créer des institutions de secours pour les femmes 
pauvres, c’est qu’ils ont méconnu la nature originaire de l’insti¬ 
tution, dont, d’ailleurs, personne ne songera à nier le caractère 
économique, quand il se marque fortement à partir du xiv® siècle. 

Contrairement à ces auteurs, il faudra regarder la fondation de 
l’institution des béguines comme un anneau de la chaîne que 
forment les mouvements religieux si variés du xii® et du xm e siècle : 
dans ces mouvements, on doit reconnaître la victoire des efforts 
quef aisaient les laïcs pour arriver, d’une part, à participer person¬ 
nellement et en échappant à la tutelle des prêtres, à la solution des 
questions fondamentales de la religion; pour, d’autre part, rendre 
plus intime la vie de l’église. 

L’activité de Lambert le Bègue, au sujet de laquelle Fredericq 
a mis récemment au jour d’importants documents, permet, par 
toute une série de traits communs, de reconnaître l'étroite parenté 
qui la rattache à l’apparition de contemporains plus jeunes que lui, 
tels que Petrus Waldes et François d’AssiSE. Comme eux, il se 
dépouille de son patrimoine pour doter l’hôpital de St-Christophe à 
Liège et le béguinage liégeois qu’il avait fondé. Sa vocation, il la 
fait consister à prêcher la pénitence, de préférence aux couches 
sociales inférieures; mais, en condamnant la simonie et les vices du 
clergé liégeois, il devait entrer sérieusement en conflit avec les 
autorités ecclésiastiques. 

Il est visible que les prédications de Lambert, continuées 
malgré les défenses de l’évêque, ont exercé une influence] durable 
sur le monde des femmes liégeoises. Les récits de deux contem¬ 
porains plus récents, l’archevêque Foulques de Toulouse et le 
cardinal Jacques de Vitry, nous font connaître l’agitation religieuse 
sans précédent qui dominait encore vers l’an 1210 « des armées 
entières de saintes jeunes filles» dans le territoire liégeois. Leur esprit 
de pénitence et leur ascétisme faisaient, aux yeux de ces rappor¬ 
teurs, animés des mêmes sentiments, de Liège la terre promise au 
sens propre du mot. L’esprit ascétique dominait même les femmes 
mariées et les poussait souvent à faire le vœu de chasteté. Dans bien 
des cas l’agitation mystique aboutissait à des phénomènes patho¬ 
logiques : on nous dit que les enthousiastes liégeoises avaient 
les visions les plus variées et acquéraient le don de prophétie; que 
leur dévotion se faisait jour dans des torrents de larmes qu’elles 
versaient sans cesse ou dans des tressaillements violents de tout le 


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corps; qu’à d’autres l’enthousiasme religieux paralysait la langue 
pendant de longs jours ou qu’il les clouait pour des années sur leur 
couche. 

Entre les années 1170-1180, une partie de ces femmes qui 
fuyaient le monde et que les adversaires de Lambert désignaient 
par le sobriquet de béguines, avaient formé, dans un district s’éten¬ 
dant devant Liège et appartenant à Lambert, une communauté 
semblable à un couvent. 

On peut admettre que ce premier béguinage a servi de modèle 
pour la disposition et l’établissement des béguinages plus récents : il 
a donc dû se composer d’une masse de maisonnettes de béguines, 
qu’on réunissait autour de l’église de St-Christophe et de l’hôpital y 
afférent, et qu’un mur de ceinture séparait du monde extérieur. 
En établissant cette fondation, Lambert a incontestablement eu en 
vue de procurer à ses adhérentes une place où, soustraites aux 
tentations du monde ainsi qu’à l’insuffisance de la direction spiri¬ 
tuelle de l’Eglise, elles pourraient, guidées par lui, pratiquer la 
chasteté et le renoncement d’après la loi du Christ. 

S’il faut admettre que des femmes sans ressources, soumises à 
la direction de Lambert, ont probablement aussi trouvé asile dans 
son établissement, on n’en doit pas conclure qu’il ait eu pour cela 
le moins du monde le caractère d’une institution de bienfaisance. 
Nous savons, au contraire, que précisément ses premières pension¬ 
naires étaient des femmes des classes supérieures, qui, après avoir 
sacrifié leurs riches propriétés, s’entretenaient par le travail de 
leurs mains. 

* 

* * 


Bibliographie. 

Outre les ouvrages généraux cités plus haut, mentionnons, parmi les 
livres spéciaux si nombreux sur l’histoire des béguines, les ouvrages sui¬ 
vants : K. Eubel, Gesch , dei' oberdeutschen Minorilen~Provinz,'Wxïrz- 
bourg 1886, pp. 11 et suiv.; 220 et suiv.; H. Haupt, Beitrage ziir Gesch. 
der Sekte v. freiem Geiste und des Beghardentums dans Zeitschr. f. Kir - 
chengesch, VII (1884),pp. 503et suiv.; le même, Zxcei Traktategegen Beginen 
dans ZKG, XII. pp- 85 et suiv.; Rost, Ueber Beguinen , imbcs. im ehem. 
bürstentum Würzburg dans Archiv d. hist. Ver. v. Unterfranhcn . IX 
(1848), pp 81-145; C. Schmidt. Die Strassburger Beginenhauser im M. A . 
dans Alsalia 1858-1861, pp. 149-248 ; J. Heidemann, Die Beguinen hauser 
Wesels dans Z. des berg. gesch. Ver. IV, pp. 85-115; le même. Die Begui- 
nenconvente Essens. dans Beitrage z. Gesch. von... Essen, fas. 9 (1886); 
Kriegk. Deutsches Bürgertum im M. A. t Francf. a. M. 1868, pp. 97-131 ; 
V. v. Woikowsky-Biedau, Das Armemcesen des Miltelallert. Koln , 
Breslau 1891 ; Koln , Festschrift , 1888, pp. 305 et suiv.; Wigger, Urkundl. 
Mitteil. über die Beghinen-und Begharden-Hauser zu Roslock dans 
Jahrbb. des Vei\ f. mecklenb. Gesch. u. Alterl.-h , année 47, 1882, pp. 1-26; 


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G. W. J. Wagner, Die vorm. geistl. Stifte im Grossh. Hessen. Darmst. I, 
J873, pp. 270-280, II, 1878, pp. 244-269; Quix, Beitrage z . Gesch. der 
Stadt... Aachen. Aix-la-Chapelle, 1837, pp. 1-50; Schnock dans la revue 
Aus Aachens Vorzeit , III, 1890, pp. 49-55 ; Léon Le Grand, les Béguines 
de Paris dans Mémoires de la Société de l'histoire de Paris et ue fIle-de- 
France, XX (1893), pp. 295-357. 

L’impulsion religieuse donnée par Lambert a aussi puissam¬ 
ment continué à agir après sa mort (arrivée en 1177) et natu¬ 
ralisé l’aspiration au renoncement, à l’imitation du Christ, dans 
les couches épaisses de la population néerlandaise, bien longtemps 
avant l’apparition des nouveaux ordres mendiants. Dans une ville 
flamande après l’autre, bientôt aussi dans les régions voisines de 
la France, de la basse Allemagne et du Rhin, on sentit le besoin 
au cours des décades suivantes de créer des établissements du 
genre d?s couvents pour les béguines qui se présentaient en masse. 
En Flandre et en Hollande il surgit partout de grands béguinages, 
dont nous avons déjà fait connaître la disposition et dont nous 
aurons à examiner plus tard l’histoire de plus prés. — En France, 
Saint-Louis montra aux béguines une bienveillance toute spéciale 
et construisit en 1264 à Paris un grand béguinage sur le modèle 
des établissements flamands; et, dans le cours du xm e 'et du xiv e 
siècles, on vit naître dans toutes les provinces françaises de grands 
ou de petits béguinages. 

Les béguines se sont-elles répandues aussi dans les autres pays 
romans? Il n’y a pas lieu d’en douter, bien que, jusqu’à présent, 
nous n’en ayons pas la preuve dans tous ses détails. Quant aux 
villes allemandes, au sens strict du mot, il n’y en eut que peu 
au bas Rhin qui possédèrent de véritables béguinages ; telles sont 
Aix-la-Chapelle et Wesel. 

Sauf ces cas, le développement a été généralement le même : 
les femmes décidées à renoncer au monde menaient d'abord, isolées 
dans leurs propres maisons ou dans des ermitages, la vie de 
béguine, ; et il faut bien les distinguer des recluses proprement 
dites que liaient des vœux à vie. Avec le temps, elles s’unirent 
dans des maisons petites ou grandes, que d’ordinaire quelque fon¬ 
dation pieuse mettait à leur disposition, et, animées du même 
esprit, formèrent des communautés semblables à des couvents. On 
les retrouve sous les noms de Klausen , Sammnungen , Maisons [de 
Dieu , Maisons de Vàme , Einungen , Couvents; leurs habitants 
s’appellent, outre leur nom de béguines ( Begutten ), aussi souvent 
sœurs , pauvres volontaires , Klausnerinnen , Lutteschwestem , 
pauvres enfants , capucines , nonnes bleues , etc. 


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L'affluence qui se portait à ces couvents a été tout à fait 
extraordinaire et, depuis le premier tiers du xm c siècle (il y a déjà 
des béguines à Osnabrük en 1238) jusqu'au début du xv e siècle, 
elle n’a pas cessé de croître. Vers l’an 1400 la plupart des villes 
allemandes, même les plus petites, ont eu leurs béguinages ; on 
trouve aussi au plat pays les béguines répandues au loin ; en Suisse 
elles ont souvent le nom de Waldschwestern. Dans les villes du Rhin, 
les couvents se multiplient d’une façon étonnante : à Francfort on en 
cite 57, environ 60 à Strasbourg, environ 30 à Bàle, à Cologne 141, 
dont, en 1452, il subsistait 106 avec une population de 750 personnes. 
Vers 1368 Erfurt comptait plus de 400 béguines et bégards ; ce fait 
prouve combien elles s'étaient étendues dans les villes de l'Alle¬ 
magne moyenne. Enfin, la colonisation allemande a acclimaté 
l’institution des béguines non seulement dans les pays prussiens 
de l’ordre teutonique jusqu’à Riga et en Silésie, mais même en 
Bohême et en Pologne. 

Les statuts des différentes maisons contiennent une foule de 
prescriptions spéciales consignées dans les lettres de fondation ; ils 
ne concordent que pour quelques points. Le nombre des pension¬ 
naires des maisons varie de 2 à 50; il s'élève en moyenne de 10 à 20. 
La direction est aux mains d'une ou de plusieurs maîtresses, à côté 
desquelles fonctionnent le prêtre de la maison, nommé aux termes 
de l’acte de fondation, et les proviseurs de la ville. Il n’y avait pas 
de costume uniforme pour les béguines ; dans les différents couvents 
et à différentes époques, les béguines portent tantôt des vêtements 
gris, tantôt des vêtements bruns, noirs ou bleus ; toutefois les capu¬ 
chons et les scapulaires leur donnaient un air monastique. 

Il arrivait rarement que les revenus de la fortune du couvent 
fussent suffisants pour couvrir les frais de l’entretien des béguines ; 
aussi les béguines pauvres étaient-elles réduites à gagner leur vie en 
se livrant à des travaux manuels, en soignant les malades, etc. 
Les béguines riches conservaient parfois la libre et pleine dispo¬ 
sition de leurs biens ; parfois aussi une partie de leur fortune devait 
échoir au couvent si elles le quittaient ou si elles venaient à mourir. 

Pour tout le temps de leur séjour au béguinage, elles devaient 
faire vœu de chasteté, mais il leur était toujours loisible de le 
quitter pour se marier. 

On trouve des régies plus sévères et analogues à celles des 
couvents dans les maisons des «pauvres volontaires », dont nous 
reparlerons en traitant des couvents des bégards. 

Il est fort difficile de connaître plus à fond le développement 
interne de l’institution des béguines depuis le commencement du 


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xiii 6 siècle, parce que, d’une part, nous n’avons pas de travail 
moderne donnant l’ensemble de leur histoire et que, d’autre part, 
on n’a, jusqu’à présent, publié que peu de sources documentaires ; 
nous aurons à traiter plus loin spécialement l’histoire des Béguines 
flamandes et néerlandaises. 

L’extension étonnante que l’institution prit si rapidement en 
Allemagne a eu aussi de puissants motifs religieux ; il suffirait, pour 
le prouver, de rappeler cette circonstance que, jusqu’au xtv e siècle, 
nous rencontrons de nombreuses béguines sorties des familles de la 
chevalerie ou des classes riches de la bourgeoisie. De même le nom 
de « pauvres volontaires * que portaient beaucoup de couvents et les 
renseignements que nous avons sur l’organisation de couvents de 
ce genre nous permettent de reconnaître clairement la survivance 
de cette passion pour l’abandon du monde et la pénitence ascétique 
qui nous ramène à l’influence de Lambert. 

Mais les idées des Franciscains qui, à la même époque, se 
répandaient rapidement et qui étaient fort analogues aux tendances 
de Lambert, trouvèrent aussi dans les couvents de béguines un 
terrain extrêmement favorable à leur développement. Déjà au cours 
du xiii 6 siècle, il est visible qu’en France, en Allemagne et dans la 
haute Italie, les Béguines et les Bégards sont tombés en grande 
partie sous la direction de l’ordre des Mineurs et des Dominicains ; 
i's se sont si étroitement liés avec les confréries de pénitence de ces 
deux ordres que, dans les pays de langue romane, les /'retires et 
sorores de pœnitentia (tertiaires) sont communément désignés sous 
le nom de beguini et beguinœ, sans qu’il y ait à distinguer entre 
ceux qui sont sous la direction des Dominicains et ceux qui ont les 
Mineurs pour guides ; c’est d’ailleurs cette circonstance qui a rendu 
si confuse l’histoire des Béguines et des Bégards. Très souvent, dès 
la fondation de couvents de Béguines en Allemagne, on chargeait 
directement les Mineurs ou les Dominicains de la direction spiri¬ 
tuelle et de la surveillance des Béguines, ce qui, en règle générale, 
les amenait probablement à s’affilier aux Tertiaires. Les autorités de 
certaines villes, par exemple Francfort sur le Mein, se sont, il est 
vrai, opposées avec une telle énergie à ce développement que les 
béguinages de cette ville ont conservé toujours leur caractère 
antique ; à Cologne aussi l’influence des ordres mendiants sur les 
béguinages est toujours restée très faible, alors qu’à Bàle et à 
Strasbourg presque toute la masse des béguines s’est affiliée comme 
tertiaires aux ordres des Mineurs. Il est vrai que c’est précisément 
cette affiliation de la majorité des béguines qui a contribué à 
déchaîner les tempêtes qui, depuis la fin du xiii 6 siècle, ont affligé 


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l’institution. Mais, en fin de compte, les condamnations papales 
n’ont eu d’autre effet que d’amener une nouvelle fraction considé¬ 
rable des béguines non encore affiliées à se joindre également aux 
tertiaires afin de s’assurer ainsi l’existence ; dans le cours du 
xv c siècle beaucoup de béguinages échurent à l’ordre des Augustins. 
L’aboutissement de cette évolution consista en ce que, dans un grand 
nombre de couvents, les béguines, qui vivaient comme tertiaires 
séculières, se décidèrent au cours du xiv e et du xv* siècle, à faire 
leurs vœux monastiques, en partie sous la pression des autorités 
écclésiastiques, et à transformer ainsi leurs maisons en couvents de 
tertiaires. 

Telle étant la situation, la vie religieuse des béguines du bas 
moyen-àge devait tout naturellement adopter surtout comme idéal 
celui des ordres mendiants et prendre la même direction. C’est ce qui 
se montre très clairement dans la position des béguines à l’égard de 
la mendicité. Alors que, vers le milieu du xiii® siècle, le fait de 
s’abstenir de la mendicité passait pour un caractère propre à toute 
l’institution des béguines (cfr. Thomas de Eccleston ad a. 1254 ; Mon . 
Germ. Script . xxv, 568) ; alors que des règlements anciens d’ordre 
intérieur défendaient strictement la mendicité aux béguines, nous 
voyons que, depuis la fin du xitr siècle, en France et en Allemagne, 
l’habitude de quêter des aumônes s’implante de plus en plus ; vers 
1300 le cri de « Brot durch Gott » avec lequel jadis les premiers 
prédicateurs errants des Franciscains s'étaient introduits en Alle¬ 
magne, était déjà devenu le principal signe auquel on reconnaissait 
les béguines et les bégards allemands. De même que, dans les pays 
romans, les béguines se rattachèrent ouvertement en majorité au 
parti des défenseurs extrêmes de l’idéal franciscain de pauvreté, de 
même nous trouvons souvent chez les béguines allemandes l’idée que 
leur stricte pauvreté fait d’elles les vraies imitatrices du Christ et 
que leur état est plus noble que tous les autres états ou ordres. Aussi 
cherchent-elles en conséquence souvent à se soustraire à la direction 
du clergé ; elles écoutent avidement les prédications émouvantes de 
leurs maîtresses ou de prédicateurs ambulants bégards professant les 
mêmes idées, créent un système de cruel ascétisme corporel et s'en¬ 
foncent dans des spéculations mystiques qui transforment leur agi¬ 
tation en extases et en visions, leur font mépriser les moyens que 
l’Eglise leur offre d’acquérir des grâces, parce qu’elles ont conscience 
d’avoir atteint la perfection et les amènent même à considérer les lois 
de la morale comme n’étant plus obligatoires pour elles. 

On ne pourrait contester que plusieurs de ces traits nous 


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ramènent aux mobiles religieux qui ont exercé leur action sur la 
naissance de l’institution. Mais à cela s'ajoutent aussi des impulsions 
d’enthousiasme apocalyptique, que donnaient les enseignements de 
Joachim de Flore et que les mystiques des Franciscains répandaient 
parmi les laïcs ; à cela s'ajoute surtout la mystique quiétiste de la 
secte du libre esprit, qui, par l'intermédiaire des ordres mendiants 
depuis la seconde moitié du xiii® siècle, trouva accès non-seulement 
dans leurs couvents de femmes, mais aussi dans maint couvent de 
béguines. Il y avait là, pour l’institution, un grave danger; c’est ce 
que nous montrerons plus loin en retraçant les persécutions que les 
béguines et les bôgards eurent à souffrir du chef d’hérésie. 

Au début du xiv e siècle, c’est-à-dire à une époque où les 
béguines éprouvent leurs plus fortes agitations mystiques, on voit 
se préparer un nouveau développement de l’institution, qui devait 
paralyser leurs meilleures forces religieuses. Pour des causes qu'on 
ne connait pas encore assez exactement, les femmes des classes 
élevées cessent de plus en plus dés cette époque de se faire béguines; 
en même temps, les nouvelles fondations de béguinages qui se 
produisent en masse précisément au xiv* siècle, montrent de plus en 
plus ce caractère d'établissements de bienfaisance et de maisons de 
pauvres qu’ils auront dorénavant. Les pensionnaires des anciens 
couvents apprirent aussi bientôt à se considérer exclusivement 
comme prébendées; les béguines de Cologne, qui étaient astreintes 
par leurs statuts au soin des malades et qui, en cette qualité, avaient 
droit au logement dans différents hôpitaux, avaient fini par si bien 
oublier leurs obligations de service à l'égard des hôpitaux et leur 
vocation propre qu’elles se considérèrent comme les véritables pro¬ 
priétaires des établissements et transformèrent les hôpitaux en 
béguinages. Les autorités communales se mirent aussi à regarder 
comme établissements de bienfaisance les couvents qui, par suite de 
cette évolution, se recrutaient en grande partie parmi les anciennes 
servantes et les vieilles femmes et recevaient aussi gratuitement des 
enfants. C'est ainsi que le conseil de Cologne a réduit en 1487 d’un 
trait de plume les béguinages et leurs habitantes au quart et publié, 
de sa propre souveraineté, de nouveaux règlements d’ordre inté¬ 
rieur pour les couvents restants. <W. Stein, Ahten z. Gesch. d . 
Verf. u. Verwalt. d. Stadi Kôln , II, pp. 687 et suiv.). La transfor¬ 
mation de nombreux béguinages en couvents de tertiaires, dont 
nous avons parlé plus haut, a eu pour conséquence la perte de 
nombreux éléments plus sérieux et plus religieux ; les associations 
des sœurs de la vie commune qui se rattachaient aux meilleures 
traditions des béguines se sont visiblement recrutées largement 


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parmi les béguines. A la fin du xv e siècle la vie intérieure des 
couvents de béguines allemandes, dont le nombre avait d’ailleurs 
beaucoup diminué, se montre en pleine décadence : on qualifie très 
généralement leurs pensionnaires de bigotes hypocrites et de para¬ 
sites: plus d’une fois, on les met au rang des prostituées et des 
concubines des prêtres; elles gagnent leur misérable vie, que ne 
relève plus le sentiment religieux, par des travaux manuels, par 
une mendicité professionnelle, en soignant les malades, en veillant 
les morts, ou encore, comme pleureuses. Dans les territoires protes¬ 
tants de l’Allemagne on transforma généralement les béguinages 
en écoles, en hôpitaux, en orphelinats, etc. ; dans les districts catho¬ 
liques, quelques couvents se sont maintenus jusqu’au xix e siècle ; à 
Cologne un certain nombre existe encore de nos jours ; mais tous 
ont absolument le caractère de maisons de pauvres. 

* 

* * 


Bibliographie. 

Ryckel, pp. 489 et suiv. et 635 et suiv.; Hrlyot, III, pp. 477 et suiv., 
IV, pp. 59 et suiv. et VII, pp. 287 et suiv.; Quix, II, pp. 59 et suiv.; voir 
aussi les livres cités plus haut. 

L’origine des premières communautés des bégards doit-elle être 
directement rapportée à Lambert le Bègue ? Ou bien ces associations 
ne se sont-elles produites qu'après la mort de Lambert à l’imitation 
des couvents flamands de béguines ? Les sources actuellement 
connues ne suffisent pas pour résoudre la question. La première 
fois qu’on trouve des bégards, c’est à Louvain vers 1220 et à Anvers 
vers 1228; mais, en même temps (vers 1220) on mentionne déjà 
un couvent de beguini à Wiener-Neustadt. Les noms de béguin et 
begard (en flamand, d'ordinaire boyard; moyen haut allemand, 
begehart ou biegger) sont en tout cas des sobriquets, probablement 
tous deux d’origine wallonne ; ailleurs on rencontre les désignations 
de lollard, frère lollard (probablement du moyen néerlandais tôllen, 
murmurer) et son dérivé Nolhard , Nollbruder ; puis Blotzbruder f 
ZelLenbruder (cellite), pauvres volontaires, boni pueri, boni valeti. 

Partis de la Flandre, les bégards se sont répandus au cours du 
xiii® et du xiv e siècle dans toute l’Allemagne, en Pologne, dans les 
pays des Alpes, également aussi dans les pays de langue romane; 
toutefois cette expansion a toujours été de beaucoup moins impor¬ 
tante que celle des béguines : par exemple, à Cologne et à Stras¬ 
bourg, pour 141 et 60 béguinages on ne trouve, chaque fois, que 
deux couvents de bégards. Déjà au xm e siècle toute une série de 


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maisons néerlandaises de bégards et beaucoup de bégards romans 
ou allemands se sont affiliés aux Tertiaires des deux grands ordres 
mendiants, dont, dès lors, l’histoire se rattache étroitement à la leur. 

Nous avons déjà dit que, dans la lutte relative à la pauvreté qui 
se produisit au sein de l’ordre des Franciscains, de grandes fractions 
des béguines et des bégards ont pris parti pour le système des 
mystiques et des fraticcUi. Les bégards. notamment, se firent une 
spécialité d’une façon de mendicité pleine d’ostentation, renoncèrent 
souvent à toute habitation durable et se mirent à parcourir les pays, 
isolés ou en petits groupes, pour mendier et gagner des adhérents 
pour leur système religieux. Ils ne renoncèrent pas à ces coutumes 
même après que les papes les eurent condamnées ; s’appuyant, au 
contraire, sur leurs confrères chassés de leurs couvents, ils restèrent 
on d’étroites relations avec les béguinages, où ils jouissaient d'une 
haute considération en qualité de martyrs de l’idéal de pauvreté des 
franciscains et de médiateurs toujours bien accueillis de révélations 
mystiques. 

Au XV e siècle nous retrouvons la plupart des bégards néerlan¬ 
dais comme Tertiaires réguliers de l'ordre des Franciscains. Ils y 
sont constitués dès 1443 en Congregratio Zepperensis beghardorum 
terliœ regulœ S. Francisco avec un général qui leur est propre ; 
à la tête était le couvent de Zepperen près de Hasselt ; divisés plus 
tard en deux communautés séparées à la suite de dissentions intes¬ 
tines, unis ensuite au xvn® siècle à la congrégation lombarde 
des Tertiaires réguliers, ils n’ont pas survécu à la révolution 
française. De même, beaucoup de maisons allemandes de bégards, 
fortement réduites par les persécutions du xiv® siècle, se sont 
transformées en couvents de Tertiaires. 

Leur organisation est essentiellement la même que celle des 
béguines, comme nous l’avons décrite plus haut : alla (tête se 
trouve un ministre ou magister ; les membres ne sont liés à leurs 
vœux que pour le temps pendant lequel ils ^appartiennent à la 
communauté. 

Les premiers bégards néerlandais étaient d’ordinaire des tisse¬ 
rands ou des drapiers et restèrent longtemps attachés]‘à Fleur 
profession dans leurs couvents ; plus tard ils s'occupèrent^aussi 
par exemple à copier^et à vendre des manuscrits. Les Jbégards 
allemands pratiquent généralement aussi des métiers,Çtels que]la 
poterie, le tissage, la brasserie et se rendent, en outre,''utiles'en 
soignant les malades et en transportant les morts ; mais c’est 
évidemment la mendicité qui a été, pendant le bas moyen-âge, leur 
principal moyen de gagner de l’argent. 


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Les communautés de pauvres volontaires (ou pauvres frères ; 
en Néerlande on les nomme en général Lollards , Matemans , Cel- 
broeders) forment un groupe particulier parmi les bégards ; ils 
exigent de leurs membres la renonciation à tout leur patrimoine 
et les astreignent à des vœux perpétuels. Leur organisation sévère, 
leur enthousiasme pour la pauvreté, leur zèle et leur dévoûraent 
à remplir leurs devoirs relativement aux soins à donner aux malades 
et à l’enterrement des morts nous ramènent à une tradition remon¬ 
tant jusqu’aux origines des bégards. 

Une autre différence entre ce groupe des pauvres volontaires, 
dont nous retrouvons d’ailleurs le nom et les caractères particuliers 
dans une série de couvents de béguines, et la grande masse des 
autres bégards, c’est qu’ils se sont assez généralement abstenus de 
se rattacher aux ordres des Mineurs. En s’affiliant au xv e siècle 
à l’ordre des Augustins, les pauvres volontaires adoptèrent le nom 
de Cellites et, plus tard, celui d’Alexiens. 

L’opinion publique, à la fin du moyen-âge, s’est prononcée sur 
les bégards plus défavorablement encore que sur les béguines ; des 
poètes satiriques et des prédicateurs de l’Allemagne du Sud qualifient 
couramment les bégards de mendiants portés à la tromperie et à 
l’immoralité. Les faibles restes des bégards n’ont pas survécu en 
Allemagne au temps de la réforme. 

* 

* * 


Bibliographie. 

Ch. U. Hahn, Gesch. der Kelzer , IL Stuttg. 1847, pp. 420 et suiv.; 
Cl. Jundt, Histoire du panthéisme populaire au moyen-àge. Paris 1875, 
pp. 42 et suiv.; H. Ch. Lba, Hist. of the inquisition of the middle âges , 
New-York, II (1888), pp. 350 et suiv.; J. t. Dôlunger, Beilrage z. Sekten - 
gesch. des M . A., Munich 1890, pp. 378 et suiv., 702 et suiv.; R. Wilmans, 
Zur Gesch. der rom. Inquisition (Hist. Z. xli. 1879), pp. 193 et suiv.; 
H. Haupt, Die religiôsen Sekten in Franken , Würzb 1882, pp. 5 et suiv.; 
P. Fredericq, Corpus documentorum inquisitionis Neerlandicae , Gand, 
I et II, 1889 et 1896; Ulanowski, Examen teslium super vita et moribus 
beguinarum... in Sweydnilz a. i332 factum , dans Scriptores rer. Poloni- 
carum , Cracovie, XIII, 1889, pp. 233-255. 

On a commencé dans la seconde moitié du xiii® siècle à persé¬ 
cuter les béguines et les bégards comme hérétiques. Sans aucun 
doute, la première cause de cette accusation d’hérésie a été l’étroite 
alliance avec les ordres mineurs dont nous avons parlé plus haut et 
le fait que grand nombre de béguines et de bégards se sont prononcés 
pour les tendances des mystiques franciscains. 

Au commencement du xiv e siècle le nom de beguinus , donné 


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d’abord sans distinction à tous les Tertiaires, servait dans les pays 
romans exclusivement à désigner les mystiques hérétiques et les 
fraticelli; cette circonstance devait naturellement influencer d’une 
façon fort désavantageuse l’opinion publique à i*égard des couvents 
orthodoxes des béguines et des bégards. Ce qui leur fut encore plus 
funeste, c’est qu’à la même époque l’épiscopat allemand se persuada 
que la secte panthéiste des frères du libre esprit trouvait son principal 
appui chez les béguines et les bégards et que leurs couvents étaient 
précisément le foyer de ce mouvement hérétique. Il est certain 
qu’une faible fraction seulement des béguines et des bégards de l’Al¬ 
lemagne se montrait favorable à la mystique panthéiste; néanmoins, 
dans la suite, le nom de bégard a été universellement employé en 
Allemagne pour désigner les adhérents de la secte du libre esprit. 
Au cours du xiv e siècle on en vint à penser que, dans certains cou¬ 
vents de béguines et de bégards, il existait toujours un cercle plus 
étroit, également hostile aux enseignements de l’Eglise et à la mora¬ 
lité ; c’étaient, pensait-on, les parfaits ou les esprits libres, aux ensei¬ 
gnements hérétiques desquels on n’initiait les membres plus jeunes 
du couvent qu’après un temps d’épreuve durant de longues années. 

Ces accusations avaient-elles un fond de vérité ? C’est ce que les 
sources connues jusqu’à ce jour ne permettent pas de décider. En 
tout cas ces accusations ainsi généralisées n’ont pas de base ; l'hosti¬ 
lité passionnée qui s’y montre contre les béguines et les bégards 
s’explique en première ligne par les violents conflits qui, depuis la 
fin du xiii c siècle, s’élevèrent entre l’épiscopat et le clergé séculier, 
atteint dans l’exercice de son ministère spirituel, d’une part, et 
d’autre part, les mendiants, notamment l’ordre des Mineurs, dont les 
partisans laïcs étaient en grande partie les innombrables sociétés de 
béguines et de bégards. 

Cette confusion abusive entre les sectaires panthéistes et les 
béguines et les bégards a malheureusemeni produit jusqu’à ce jour 
une double erreur : d’une part, on s’est fait une idée tout à fait 
exagérée de l’expansion de la secte du libre esprit ; d’autre part, on 
a regardé comme caractérisant cette secte panthéiste des usages et 
des particularités des béguines et des bégards orthodoxes, notamment 
la mendicité et l’ascétisme. 

Une série de conciles provinciaux allemands (Cologne, 1306 ; 
Mayence, 1310; Trêves, 1310), édicta d’abord à l’égard des béguines 
et des bégards des mesures sévères ; en 1311, le concile de Vienne 
leur porta un coup mortel. La première décision s’adressait en 
général à l’institution des béguines : on les accusa de discuter, dans 
leurs prédications, la liberté et l’être divin et de répandre, sous le voile 


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de la piété, des doctrines hostiles à l’Eglise; par ces motifs, l’ordre 
des béguines fut déclaré aboli. (Clement. lib. in., tit. xi, cap. i.) Un 
second canon condamnait huit propositions d’un caractère mystico- 
panthéiste, rendait exclusivement la secta beguardorum et begui- 
narum in regno Allemaniœ responsable de la propagation de ces 
erreurs et invitait à les persécuter sans merci (Clement. lib. v. tit. 3, 
cap. 3.) 

L'exécution de ces ordres, qui n’eut lieu que sous le pape Jean 
XXII, amena, au sein de l’église allemande, un indescriptible 
désordre. Pendant que le clergé séculier essayait en tous lieux de 
fermer les béguinages et en poursuivait les habitants récalcitrants du 
chef d’hérésie, les ordres mendiants et parfois aussi les magistrats 
des villes prenaient fait et cause pour les persécutés, ce qui amenait 
leur excommunication. 

Comme on s’aperçut qu’il était impossible de supprimer toute 
l’institution des béguines, Jean XXII se vit obligé de revenir en 
arrière et de publier différentes bulles pour établir une distinction 
entre béguines orthodoxes ou hérétiques, entre Tertiaires des ordres 
mendiants ou béguines séculières et accorder pour l’avenir tolérance 
aux béguines orthodoxes. Mais comme ces bulles étaient pleines 
de contradictions et que l’approbation papale était expressément 
refusée à l’institution des béguines, la persécution restait, après 
comme avant, toujours possible. La persécution des béguines 
et des bégards fut reprise en grand par les papes Urbain V et 
Grégoire XI, avec le puissant appui de l’empereur Charles IV. Comme 
on négligeait à dessein de faire attention au double sens des termes 
de béguines et de bégards, tous les membres de ces deux institutions 
furent traités d’hérétiques, déclarés excommuniés et mis au ban ; les 
maisons des bégards seront confisquées et serviront de prisons pour 
l’inquisition ; les béguinages et leurs biens seront vendus et le 
produit de la vente sera consacré à des œuvres pieuses et ecclésias¬ 
tiques, à l’entretien des inquisiteurs et à l’amélioration des murs des 
villes en cause et des routes publiques. Les inquisiteurs du Pape 
s’efforcent de mettre en vigueur sans merci ces mesures dictées par 
un aveugle fanatisme et, dans toutes les provinces de l’Allemagne, 
on voit flambler les bûchers ; c’est un martyre sans exemple que les 
béguines et les bégards eurent à subir de 1366 à 1378, sans que rien 
autorise à croire qu’ils aient eu à expier quelque faute véritable. 

Mais, aussi pendant ces persécutions, les béguines et les bégards 
trouvèrent un puissant appui notamment auprès des magistrats com¬ 
munaux et obtinrent enfin de Grégoire XI la publication de bulles 
qui distinguaient de nouveau entre béguines et bégards hérétiques ou 


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orthodoxes et qui, de la sorte, assuraient l’existence de leurs couvents 
pour l’avenir. 

Après quelques dizaines d'années pendant lesquelles Boniface IX 
avait aussi tour à tour proscrit et pris sous sa protection les béguines 
et les bégards, il éclata de nouveau, vers 1400, dans la haute 
Allemagne une tempête contre l’institution ; la cause, c’étaient les 
attaques du clergé séculier de Bâle, notamment celles du célèbre 
dominicain Jean Mülberg contre les béguines bâloises, approuvées 
notamment par un avis de l’université de Heidelberg (1405) et par 
un pamphlet de Wasmud de Hombourg, professeur à Heidelberg et 
inquisiteur de Mayence (H. Haupt, Zeit. K. Gesch ., VII, pp. 533 
et suivantes et Dollinger, Beitràge z . Sekt. Gesch ., II, pp. 406 et 
suivantes.) 

Malgré l’appui dévoué des mineurs, les béguines et les bégards 
des diocèses de Constance, de Bàle et de Strasbourg furent en grande 
partie chassés de leurs couvents dans la première décade du xv e 
siècle, en vertu des bulles papales, condamnant leur institution, outre 
qu’on ne leur épargnait pas non plus l’accusation d’hérésie ; il est 
vrai que, peu de temps après, nous retrouvons ces couvents peuplés 
de béguines et de bégards. 

Les béguines remportèrent contre un confrère de Mülberg, le 
dominicain Mathieu Grabow de Wismar un succès important à 
l’époque du Concile de Constance, qui se montra d’ailleurs favorable 
à l’institution. En déclarant hérétique, en 1419, après de longs 
débats, le pamphlet de Grabow contre les frères de la vie commune 
et les béguines néerlandaises et en forçant l’auteur à se rétracter, 
on créait par là même un préjugé favorable contre tout doute qui 
pouvait s’élever ultérieurement au sujet de la légitimité des prin¬ 
cipes de l’institution des béguines. 

Il est vrai que les ennemis ne devaient tout de même pas leur 
manquer, parce que, au cours du xv® siècle, les béguines et les 
bégards ne tardèrent pas à devenir mondains et à se dégrader. 

Parmi les ennemis les plus passionnés se trouvait le doyen du 
chapitre de Zurich, Félix Hemmerlin, dont les pamphlets rédigés 
aux environs de 1436 ( Contra validos mendicantes , Contra aria - 
chorilas beghardos bcginasque silveslres et Glossa quarundam 
bullarum per beghardos impetratarum , dans les Opuscula et 
tractatus. Bàle, 1497) représentaient de nouveau toute l’institution 
des béguines et des bégards comme alliée à l’hérésie, bien que le 
pape Eugène IV leur eût accordé récemment des privilèges. 

La preuve que Hemmerlin n’était pas seul de son avis, c’est que 
le nom de bégard fut communément employé depuis la lin du xrv* 


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siècle comme appellation courante pour les hérétiques les plus 
divers, jusqu’à ce qu’il s’attachât définitivement aux frères bohèmes 
(Picards). 


* 


* 

* 


Bibliographie. 

J. Daris, Histoire du diocèse et de la principauté de Liège , 6 volumes, 
Liège 1868-1891 ; P. P. M. Alberdingk Thym, Gesch. der Wohlthàtigkeits- 
anstalten in Belgien , Freiburg. 1887 ; W. Moll. Kerkgesch. van Neder - 
land voor de Hervorm . II, n°* 2 et 3, Utrecht 1867-1888 ; C. R. H. Rômer, 
Geschiedk. overzigt van de hlooslers... van Holland en Zeeland , Afd. 
1 et 2 dans Nieuwe reeks van tcerken van de maatsch. der nederL letterk. 
te Leiden , VIII (1854) ; Altmeyer, Les précurseurs de la ré formation aux 
Pays-Bas . Paris et Brux., I (1886), pp. 71 et suiv.; Cartulaire du bégui¬ 
nage de Sainte Elisabeth à Gand , rec. par le baron J. Béthune, Bruges 
1883; E. van Wintershoven, Notes et documents conc. Vancien béguinage 
de Sl-Christophe à Liège , dans Analectes p. servir à Vhistoire ecclés. de la 
Belgique , XX1I1, 1892, pp. 62-112; F. Hachez, Le béguinage de Mons , 
dans Messager des sc. hist. de Belgique , 1849, pp. 277-302 ; Thys, Histoire 
du béguinage de Tongres , dans Jes Bulletins de la Soc. scientif. et lit. 
du Limbourg , XV et à part (Tongres, 1881); Wytsman, Des béguinages en 
Belgique , Gand 1862; Straven, Notice hist. sur le béguinage de St-Trond, 
S l -Trond 1876; Lambrechts, Het oud begijnhof te Hasselt , Hasselt 1886; 
Coulon, Histoire du béguinage à Courtrai , Gourtrai 1891 ; Kemmann, De 
begijnen in Nederland. dans Kalender voor de Protestanten in Neder- 
land , 1857 ; Forestier (J. Alberdingk Thym), Over het begijnhof te Ams¬ 
terdam , dans Volksalmanak der Nederl. Kathol ., 1857 ; le même, Het 
begijnhof te Grave , ibid., 1855; Geschiedenis van het begijnhof te Ams¬ 
terdam, dans Katholiek , XLIX. L et LV1II (1866-1870) ; Sivré, Gesch. 
Schets van het oud begijnhof te Roermond , dans les Publications de la 
Soc. hist. et archéol. dans le duché de Limbourg , XI (1874) ; Fredericq, 
Corpus documentorum inquisitionis Neerlandicaé , I et II, Gand, 1889 
et 1896. 

Dans le territoire de la Belgique actuelle et des Pays-Bas, 
l’exemple des premières adhérentes de Lambert avait bientôt, 
comme nous l’avons déjà dit, trouvé des imitateurs dans les régions 
les plus étendues; c'est ici que l’institution a donné sa plus belle 
floraison et qu’elle s’est maintenue jusqu’à nos jours. Le grand 
nombre de femmes qui, dans ces régions, fuyaient le monde — on 
comptait à Liège au milieu du xm B siècle, 1,500 béguines environ, 
à Cambrai, environ 1,300, dans la petite ville de Nivelles, 2,000 — 
explique comment les béguines, non seulement dans toutes les 
villes importantes mais même dans de petites localités de la cam¬ 
pagne, s’unissaient en de grandes communautés formées sur le 
modèle du béguinage liégeois ; elles donnaient asile à des centaines 
de pensionnaires et renfermaient, outre une foule de maisonnettes 
de béguines, outre des couvents plus considérables, de vastes 


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hôpitaux et de riches bâtiments d’églises. On donne les dates sui¬ 
vantes pour la fondation des premiers béguinages belges : Tirlemont, 
1202; Valenciennes, 1212; Anvers, 1230; Cambrai et Gand, 1233; 
Bruxelles, 1240-1250; Matines, 1259. Leur propagation dans le 
territoire des Pays-Bas actuels tombe un peu plus tard; mais alors, 
dans chaque ville importante on trouve un ou plusieurs béguinages. 
A côté de ces grands établissements, il y eut aussi de tout temps en 
Belgique et en Néerlande de petits couvents du genre des Sam- 
nungen de l’Allemagne. 

Ayant de nombreux et étroits rapports avec les ordres men¬ 
diants, les béguines belges et néerlandaises conservent cependant 
vis-à-vis d’eux plus d’indépendance que la majorité des béguines 
allemandes; par suite la propagande que l’on fit çà et là pour les 
engager à imiter la mendicité des mendiants n’a eu, en somme, 
chez elles que peu de succès. 

Une suite de cas de visions mystiques, de phénomènes hysléro- 
extatiques et d’ascétisme poussé à l’extrême, nous montre que dans 
les vastes couches des béguinages belges et néerlandais, de fortes 
impulsions religieuses ont conservé toute leur action jusqu’après 
la Réforme. La mystique hérétique a aussi trouvé des adeptes parmi 
les béguines belges et néerlandaises; en 1310, la béguine du Hainaut, 
Marguerite Porete, auteur d’un livre prétendument panthéiste et 
libertin, monta à Paris sur le bûcher; de même, la mystique bruxel¬ 
loise Hadewich Blœmærdinne (fl33S) comptait, parmi ses disciples, 
des béguines du Brabant et de la Zélande. 

Quand les bulles citées plus haut de Clément V et de Jean XXII, 
menacèrent aussi d’anéantir l’institution en Belgique et en Néer¬ 
lande, les souverains et les évêques intervinrent pour la protéger 
et obtinrent qu’on fit des enquêtes sur l’état religieux et moral des 
béguinages (1320-1328) ; les résultats favorables de ces enquêtes les 
mirent à l’abri d’attaques ultérieures. 

Ils ont également su se protéger contre les persécutions aux¬ 
quelles les couvents allemands furent en butte dans le dernier tiers 
du xiv c siècle, et qui menacèrent aussi très sérieusement les 
béguines belges et néerlandaises; ils échappèrent également aux 
attaques du fanatique dominicain Grabow. 

Lors de la fondation des premiers béguinages, les motifs reli¬ 
gieux avaient été seuls en jeu ; mais, déjà au début du xiv* siècle, 
les béguines belges et néerlandaises commencent à se recruter 
principalement dans la masse des femmes pauvres et transforment 
ainsi de plus en plus leurs béguinages en établissements de bien¬ 
faisance ; et ce développement correspond à celui que prit l’insti- 


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tution en Allemagne dans le bas moyen-âge. A la place de la vie 
contemplative, souvent, sous la pression des circonstances qui 
s’étaient modifiées, on trouve une vive activité manuelle ; les essais 
que l’on fait de se procurer des ressources nouvelles par la commerce 
et l’industrie provoquent, à maintes reprises, l’opposition des auto¬ 
rités. Les pauvres volontaires , les sœurs noires , qui occupent aussi 
parmi les béguines belges et néerlandaises une place à part et qui 
devaient plus tard s’affilier à l’ordre des Augustins se consacraient 
principalement à soigner les malades ; çà et là on s’occupe aussi 
dans les béguinages de l’éducation des jeunes filles. Nous avons déjà 
parlé de l’entrée de nombreuses béguines dans les communautés des 
Sœurs de la vie commune, qui, parfois, sont directement appelées 
béguines. 

Les archevêques de Malines, Jeau Hauchinus (1583-1589) et 
Math. Hovius (1589-1620) procédèrent, à la fin du xvi e et au com¬ 
mencement du xvir siècle, sous le règne de l’archiduchesse Isabelle, 
fort bien disposée à l’égard des béguines, à une réforme des bégui¬ 
nages belges qui, dès cette époque montraient des indices visibles 
d’un commencement de décadence. Ils remplacèrent, notamment 
dans le diocèse de Malines, par de nouveaux statuts communs, les 
anciens réglements qui s’étaient beaucoup modifiés au cours du 
temps et qui présentaient entre eux d’extraordinaires contrastes ; 
ces nouveaux statuts furent souvent adoptés aussi dans les diocèses 
voisins. 

La révolution française abolit les béguinages belges et néer¬ 
landais en tant que communautés spirituelles et ne les laissa sub¬ 
sister que comme maisons de bienfaisance ou de malades. Reconnus 
de nouveau dès 1814 comme associations religieuses, les béguinages 
belges ont cependant conservé jusqu’à présent principalement le 
caractère d’établissements de bienfaisance dirigés dans un esprit 
religieux et soumis, pour leur administration, au contrôle de l’Etat. 

Ainsi que M. le professeur Fredericq de Gand a eu l’obligeance 
de me le communiquer, il y avait en 1896 en Belgique, exclusive¬ 
ment dans la partie flamande du pays, quinze béguinages (contre 
vingt-neuf en 1825 et vingt en 1856), mais dont deux seulement, le 
grand et le petit béguinage de Gand, ont un nombre important de 
pensionnaires (1896 : 525 et 344 contre 710 et 364 en 1866 et 622 
et 272 en 1825.) Le grand béguinage, forcé par la création de 
nouvelles rues et par des conflits avec le Conseil communal de Gand, 
d’abandonner son ancien emplacement, a été transporté en 1874, 
grâce aux soins du duc Englebert d‘Arenberg, dans un terrain de la 
commune de Mont St-Amand aux portes de Gand ; comme aupara- 


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vant, il présente l'image d’une petite ville entourée de murs, do 
portes et de fossés et renferme toute une suite de rues et de places, 
une église, un hôpital, 18 couvents et une foule de maisonnettes de 
béguines, dont chacune est précédée d’une cour avec jardinet, 
entourée d’un mur et mise sous l’invocation d’un saint patron. 

Le nombre des béguines dans les autres béguinages belges 
(Anvers, Lierre, Turnhout, Hérenthals, Diest, Bruges, Courtrai, 
Dixmude, Alost, Audenarde, Hoogstraten, Malines et Termonde) 
varie de 3 à 60 ; quelques-uns de ces béguinages doivent bientôt 
disparaitre. Le total des béguines belges s’éleva en 1896 à environ 
1,230 contre environ 1,480 en 1866 et 1,790 en 1825. La cause de 
cette décadence est surtout la fâcheuse situation économique de la 
population des campagnes], où se recrutent principalement les 
béguines. 

A Gand, pour admettre une novice, on exige la preuve d’une 
vie irréprochable ; on doit, en outre, justifier d’un revenu d’au 
moins 110 francs et payer une entrée de 150 francs. Après un 
noviciat de deux ans, les jeunes sœurs vivent ensemble dans un 
établissement couventuel ; les anciennes ont le droit de se retirer 
dans l’une des nombreuses maisonnettes, qui peuvent recevoir 
plusieurs pensionnaires et que, parfois aussi, on loue à des femmes 
laïques. Les vœux de chasteté et d’obéissance que doivent faire 
les béguines ne les obligent que pour la durée de leur séjour au 
béguinage ; mais les cas de retour dans le monde sont très rares. 

Les occupations des béguines de Gand se partagent surtout 
entre la contemplation et les travaux manuels de femmes, notam¬ 
ment la fabrication de dentelles, qui forme la principale ressource 
des béguinages gantois ; dans d’autres, les béguines s’adonnent 
aussi à l’enseignement élémentaire ou professionnel ou soignent 
les malades. 

Le costume est maintenant uniformément noir ; la tête est 
couverte d’une toile blanche, sous laquelle les béguines portent un 
bonnet serrant ( begijne ) ; pour les sorties, on met un ample manteau 
noir (faille) qui couvre aussi la tête. Ce costume est représenté dans 
Hallmann, p. 18 et suivantes et dans Hélyot, viii, p. 6 et suivantes. 

La direction des béguinages est aux mains de la groot juffrouw 
(grande dame) qui est choisie par les supérieures des couvents et 
qjfassistent le chapelain du béguinage et un conseil de plusieurs 
béguines. 

Aux Pays-Bas, deux béguinages catholiques se sont maintenus 
jusqu’à nos jours; l'un, celui d’Amsterdam, compte treize pension- 


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naires ; l’autre, celui de Bréda, en a quarante-six, qui s’occupent de 
travaux manuels ou soignent les malades. Tout récemment on a aussi 
essayé de rétablir en France l’institution des béguinages. 


Herman HAUFr 

( Real-Encyclopüdie fur protestantische Théologie 
und Kirche. 3"* édit. Leipzig. Tome II, p. 516 
et suivantès.) 

Traduction de ***. 



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Calendrier Folklorique 


Le Premier Avril 

Dans toute l’Europe romane ou teutonique, le premier jour 
d’avril est consacré par des mystifications bien connues sous le nom 
de Poisson d’avril — pèhon d'avri à Liège, vai d'avri « veau d’avril » 
à Stavelot. 

On fait accroire à quelqu'un une fausse nouvelle, on l’engage à 
faire quelque démarche inutile, pour avoir lieu de se moquer de lui. 
Les enfants et les domestiques surtout sont exposés à ces plaisanteries. 
On leur donne des commissions impossibles, on les envoie n’importe 
où pour acheter de l’huile de cailloux, du baume de fer, un marteau 
à deux têtes, etc., etc. ; on leur attache fortuitement sur le dos 
des écriteaux, des queues ou des figures de papier, ou bien on les 
rend ridicules en leur barbouillant le visage à leur insu, de taches 
blanches ou noires. 

L’esprit gouailleur du Liégeois ne se fait pas faute de profiter de 
cette coutume, et un vieux dicton prévient que 
Li prumî djou d'avn'i 
On fait aller qicèri. 

Cette formule : « faire aller chercher » ne donne cependant pas 
une idée bien complète de ce que l’usage a de caractéristique à Liège. 

En réalité, on v hivôye , c’est-à-dire que de l’endroit où on vous 
a envoyé chercher quelque objet ou quelque marchandise illusoire, 
absurde ou grotesque, on vous renvoie, sous un prétexte fallacieux 
très sérieusement invoqué, chez une autre personne qui, elle-même, 
vous enverra ailleurs. 

C’est ainsi qu’on prie quelque apprenti bonnasse d’aller chez un 
voisin chercher li sôye à deâs lames « la scie à deux lames », di Vôle 
di bresse « de l’huile de bras », dèle simince di ramon « de la 
semence de balai », on rond sqwêr « une ronde équerre », etc. La 
formule varie souvent. On enverra le naïf acheter de la semence 
d’aiguille, dè rodje sé « du rouge sel » ou du lait de bouc. On le 
priera de demander la hache à deux têtes ou un maillet à deux 
manches, un œuf de coq, de l’herbe à couper le fer, du lait de porc, 
un hareng sans arêtes, etc. 


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Et le voisin ou le marchand, s'excusant de ne point avoir pour 
le moment ce qu'on lui demande, expédiera le naïf chez un confrère 
quelconque, à l’autre extrémité du faubourg. 

Une des choses singulières qu’on envoie prendre, c’est, sauf 
respect, dèle pihote di canârî « de l’urine de canari ». On explique 
sérieusement que cela est doux et sucré, rappelant, comme couleur, le 
vin de Musèlle. Si l’on a affaire à un enfant, on lui recommande bien 
de n’en point boire un petit coup en revenant... 

Le rodje sé est pai ticulièrement recommandé pour les gamins : 
on leur explique que cette denrée est souveraine sous la queue des 
oiseaux que cela empêche de s'envoler et qu’on peut alors prendre à 
la main. 

Une autre farce traditionnelle consiste à envoyer quelqu’un avec 
une énorme dame-jeanne chez un pharmacien, pour acheter po cinq 
cernes d'ôle di rose. Or, l’essence coûte 2,000 francs le kilo. Le 
pharmacien a soin de dépêcher le nigaud chez un confrère, qui 
regrette d’en être dépourvu pour l’instant et envoie à son tour le 
commissionnaire le plus loin possible. 

Au régiment, on envoie les conscrits chercher le parapluie de 
l’escouade, la clef du champ des manœuvres, un nouveau chef de file, 
de la graine d’agent de casernement, et bien d'autres sottises. 

Dans les mines, on ordonne aux « nouveaux » d’aller chercher 
les rodjès bottes dè maiste-ovri « les bottes roueres du porion «, ou 
d’aller éteindre le quinquet sans mèche, celui qu’on voit brûler au 
loin. On envoie un nigaud à l’autre extrémité du faubourg, chargé 
d’un lourd colis sur les épaules. Il se trouve qu’il n’a ainsi promené 
qu’un moellon. 

Dans certaines parties du Hainaut, les poissons d’avril s’ap¬ 
pellent sèmince d'avri. Cette dénomination vient de la farce tradi¬ 
tionnelle qui consiste à faire demander de la « semence d’avril » par 
celui qu’on veut berner. Jadis, cette demande s’adressait générale¬ 
ment au maréchal qui, adroitement, noircissait la figure du 
commissionnaire et, sous un prétexte quelconque, le renvoyait à 
l’expéditeur. 

Nos gamins des rues ont mille farces dans leur sac pour ce 
jour. 

Défiez-vous des objets bien en vue que vous trouverez aujour¬ 
d’hui. Si vous vous baissez pour les ramasser, vous les verrez 
subitement disparaître, filer au bout de leur fil vers un porche, d’où 
des frimousses éveillées, bientôt apparues, vous nargueront en se 
gaussant de vous. Bien entendu, les passants feront chorus ! 

Si le soir, dans une ruelle, vous voyez deux bambins accroupis 


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WALL0NIA 


sur les trottoirs d’un côté et de l’autre de la chaussée, louant en 
mains une ficelle probablement tendue, si vous les voyez chuchotter 
et se prévenir de votre arrivée, n’allez pas prendre vos précautions 
et lever les jambes plus haut que nature, pour éviter l’encombre. 
C’est bien cela qu’ils veulent : il n’y a pas de ficelle — ils font seule 
ment semblant, les gaillards, et vous serez attrapé ! 

Une des vieilles plaisanteries du jour, et vraiment drôle aussi, 
est faite par ce gamin qui se repose à côté d’un panier soigneusement 
recouvert d’un drap de toile bleue, comme c’est l’ordinaire. Vous 
passez. Il vous demande bien poliment de l’aider à remettre son far¬ 
deau sur l’épaule. Il le prend d’une oreille, vous de l’autre, vous 
tirez, vous tirez, vous plaignez mentalement le pauvre petit bon¬ 
homme de devoir porter pareil faix. Quand tout à coup, il file, et 
vous voyez le panier se soulever sous votre effort trop vif. Le panier, 
qui était sans fond, laisse voir un petit garçon qui saute et vous 
surprend. Votre air ahuri soulève les lazzis de la galerie, que vous 
n’aviez pas aperçue, et vous n’avez rien de mieux à faire qu’à partir 
rapidement. 

Une autre fois le panier est encore sans fond. L’enfant qui se 
repose auprès, demande que vous le lui placiez sur la tête. Vous 
faites un effort, et du panier s’échappent un tas de cailloux, pendant 
que le gamin s’esclaffe et se moque de votre naïveté... 

O. C. 



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Chronique Wallonne 


« Belges » ou Français ? 

Un livre a paru sous ce titre! 1 ), ce livre est une manifestation 
wallonne. C’est un roman à thèse, avec une longue préface. Le 
roman est remarquable, la préface est curieuse et la thèse fort origi¬ 
nale. Elle a réveillé l'attention, même hors de notre pays, à Paris, 
où le livre a été édité, sur la nationalité belge et notre question des 
races. Toute la presse en a parlé. C’est un succès. 

L’auteur, M. Albert du Bois, a débuté dans la Littérature par 
plusieurs recueils de poésies passionnées et d’intéressantes pièces 
de théâtre; il s’est encore fait connaître par des évocations brillantes 
de la civilisation grecque. Il a ainsi à son actif une douzaine de 
volumes dont le moindre est intéressant, et dont la plupart ont 
été remarqués. Son nouveau roman mérite tout à fait les éloges 
que lui ont décernés ceux mêmes des critiques — et en Belgique ils 
sont, je crois, tous d’accord — qui ont fortement désapprouvé la 
conclusion de l’auteur et l'allure de sa préface. 

M. du Bois vit à Paris et est resté Wallon. Il le dit, et entend 
le prouver. Il s’en fait gloire et rien n’est plus agréable à nos yeux. 
Mais, écrivain disert et artiste raffiné, il n’en est pas moins un 
Wallon... excessif! 

Le mouvement flamingant Va indigné. La suprématie des Fla¬ 
mands l’a blessé. L’oppression que commencent à ressentir les 
Wallons lui parait injuste et insupportable. Il reproche à la 
Wallonie sa longanimité. Il n’y a rien là qui semble vraiment neuf. 
Mais il trouve que la France a le tort de se désintéresser de nous — 
et c’est ici que se manifeste son sentiment personnel. Aux yeux de 
M. du Bois, la Wallonie est lasse d’être Belge et les Wallons 
appellent de tous leurs vœux le morcellement de la Belgique et leur 
réunion à la France. Il y a, dit l’auteur, en Belgique 300.000 
« Belges », qui sont des Brusseleers ou de vagues métis. Le reste sont 
des Wallons ou des Flamands, ceux-ci cousins très Germains de 

(1) « Belges » ou Français, roman, par Albert du Bois. Un vol. de 302 p. 
Paris. Lemcrre, éditeur, Passage Choiseul. Prix 3 fr. 50. 


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WALLON TA 


Guillaume II, ceux-là Français, de cœur et d’âme, et qui aspirent à 
le devenir de fait. 

C’est net — et dit en termes fort vifs, avec un luxe d’épithètes 
peu amènes, qui ne sont point toutes réservées aux Flamands, contre 
qui, néanmoins, est surtout dirigée cette préface, ce libelle. 

La négligence que met la France à poursuivre l’annexion de 
la Wallonie — qu’avait rêvée Napoléon III, ce « philosophe de 
génie » — nous vaut d’amères réflexions sur la légèreté proverbiale 
de nos voisins du Sud. Et quant au reste, M. du Bois dit aux 
Wallons leur fait en quelques paroles pleines de dureté. Il termine 
en interdisant à nos socialistes de chanter la Marseillaise , tant que 
les Wallons « n’ont point prouvé qu’ils ont cessé d’ètre un troupeau 
d’animaux imbéciles, à qui peuvent commander tour à tour les 
Espagnols, les Autrichiens, les Hollandais et les Flamands. » Ce 
diable d’homme est de ceux qui objurguent comme s’ils haïssaient ! 

Là-dessus, la presse a parlé. Les journaux belges ont donné 
avec ensemble, mais le mouvement a été sensiblement différent 
de celui que M. du Bois eût voulu susciter. Je ne dirai rien de la 
presse flamingante, sinon qu’elle fut bien mal venue de reprocher 
à M. du Bois des idées séparatistes, qu’elle s’est complu, du reste 
avec intention, à endosser à tous les Wallons : le jour où les 
Flamands ont déclaré que la Révolution de 1830 avait été une 
faute, « parce qu’elle avait séparé les Néerlandais du Sud et ces 
Néerlandais du Nord », ils ont donné l’exemple à M. du Bois (*). La 
presse belge de langue française ne s’est pas fait faute de montrer 
que le bruyant libelle de notre compatriote eût été impossible si les 
Wallons n’avaient vraiment à se plaindre. Elle a rendu responsable 
de cette violente diatribe ceux qui rêvent en Belgique de soumettre 
définitivement une race à une autre. On lui trouva une excuse dans 
le précédent de certains Flamingants pangermanistes et séparatistes. 
Mais on fut d’accord pour déclarer que la Belgique n’était pas aussi 
absurde qu’il le disait, et que ce n’était pour personne un si grand 
malheur d’être Belge. 

On a dit ici, sincèrement et en termes mesurés, ce qu’on pense 
en Wallonie et ce que nous pensons nous-mêmes de la question 
flamingante et de la question belge. La solution, à nos yeux, du 
conflit de races en* Belgique, n’est point dans la lutte et dans la 
violence. Elle est dans l’égalité des langues (il n’en périra que la 


(1) Je ne veux point contester que les patois flamands soient des patois, 
néerlandais, puisque cela plait à dire aux Flamingants. Mais le Wallon n'est point 
un patois français. Il appartient à la famille, il est un frère ou un cousin du français. 
C’est une distinction que M. du Bois n’a pas faite. 


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plus malade) dans la liberté au moins morale de leur usage et dans 
l'émulation des races. La violence nous déplaît autant chez les nôtres 
que chez autrui. Et quand nous voyons écrire, comme dans ce livre, 
que la langue flamande est « un patois enfantin et grossier bon tout 
au plus à servir de véhicule aux idées rudimentaires de l’anthropo- 
pithèque primitif », nous ne pouvons trouver le trait ni juste ni joli. 
Une langue vaut par l’usage qu’on en fait, et il n’est pas prouvé que 
l’anthropopithèque dont il s’agit fût plus bestial que nos modernes 
tortionnaires d’Arméniens, de Chinois ou de Boers. 

M. du Bois a défendu sa thèse â sa façon. Personne n’y trouverait 
à redire, si l’auteur ne s’abusait jusqu’à affirmer qu’il rend l’opinion 
de plus en plus générale des Wallons conscients. Dirai-je qu’il les 
connaît assez mai, et que c’est honorer singulièrement le peuple 
wallon que de lui prêter, au cours d’un roman qui a de si belles 
pages, un langage qui dénote une distinction verbale plutôt négative 
et, dans cette Préface, de faire de nos terriens des assassins sournois 
et des patriotes imbéciles? 

Pour M. du Bois, la conscience de race qui se développe chez 
les Wallons, les conduira, sans s’exaspérer, mais tout naturellement, 
à dénoncer le pacte de 1830 et à se jeter dans les bras de la France. 
On pourrait être plus mal, et le sein de Marianne doit être un 
oreiller fort agréable. M. Drumont, qui est, comme chacun sait, 
extrêmement Français, est resté sceptique devant les affirmations de 
M. du Bois, et il a même entrepris de le calmer. Suivant la Libre 
Parole (numéro du 10 février), il est vrai que la France se préoccupe 
fort peu de nous. M. Drumont ajoute qu’elle a tort, ce qui est 
flatteur pour les Wallons. Je ne suis pas prophète, pour ma part, 
et je n’ai pas l’intention de prédire ce qui aura pu se passer d’ici à 
un siècle ou même moins. Mais quant au temps présent, M. Drumont 
me paraît être bien dans la vérité quand il dit : « Quelque amitié 
qu’ils puissent avoir pour nous, je suppose que les Belges feraient 
une assez vilaine grimace si on leur offrait de renoncer à la situation 
heureuse et tranquille qui est la leur, pour l’existence tourmentée et 
violente qui est celle de la France actuelle. » 

Nous sommes peut-être, nous autres Belges, tout aussi tour¬ 
mentés que les Français. Du moins, notre minorité politique se 
plaint aussi fort, toutes proportions gardées, que la minorité adverse 
en France. Mais chacun est chez soi, et « cela aide beaucoup », 
comme dirait le paysan. 

Pour ce qui est des races, n’en est-il point de violentées en 
France, comme il en est une en Belgique ? Chez nos voisins, les 
provinces souffrent de la centralisation, — qui est pire, puisqu’elle 


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WALLONÎA 


est générale et qu’elle sous-entend la complicité des provinces elles- 
mêmes. A ce jeu-là, on anémie tout un pays, et l’anémie est un mal 
qui demande une médication longue et compliquée. 

Chez nous, il en va autrement : nous ne souffrons point d’une 
pieuvre effroyable comme est telle grande Capitale. Les Flamands 
sont bien vivants, si l’on en juge par l’énergie de leurs porte-paroles, 
et la Wallonie n’est rien moins qu’anémique, puisque c’est cette 
bonne mère qui nourrit les trois quarts des budgets ! Elle se contente 
de peu, et il est possible qu’à la longue elle se fatigue si l’on y 
aide encore, Mais enfin, dans le mariage de raison qui l’unit à la 
Flandre, elle n’a pas l’indignité de se poser en martyre lamentable. 
Elle rappelle plutôt, dans son attitude actuelle, la solide femme de 
Sganarelle qui souffrait qu’on la battît, puisque c’était la Loi — 
bien sûre d’avoir sa revanche dans l’intimité conjugale. Cette femme 
acceptait malicieusement l’actuel inévitable, se chargeant à part elle 
d’en faire quelque chose d’éminemment temporaire, jusqu’au 
moment où, son maître et seigneur offrant à sa portée ce qu’on est 
convenu d’appeler le bout du nez, il en viendrait tout naturellement 
aux pires soumissions. C’était une femme de bon sens et de philoso¬ 
phie. Quant à son Sganarelle, il reste, n’est-il pas vrai, un bon type 
de grotesque, et pour l’éternité. 

Que M. du Bois ne s’abuse. Il aura beau « interpréter > l’histoire 
à tour de phrases. Il ne convaincra point les Wallons. Ceux-ci 
restent, malgré tout, satisfaits d’être Belges, cette qualité, qu’il 
trouve si ridicule, ayant le premier avantage de leur garantir des 
libertés qu’on ne goûte effectivement nulle part au monde au même 
degré. Il y a bien d’autres raisons encore. Celle-là suffit déjà. 

Si notre auteur constate avec raison un actuel et très vif désac¬ 
cord entre les Flamands et les Wallons — un insatiable appétit chez 
les uns, des signes de lassitude chez les autres — ce n’est point au 
divorce que cela conduira. C’est à un de ces arrangements dont le plus 
mauvais, comme on sait, vaut mieux qu’un bon procès. 

Il est vrai que certains Wallons, peu convaincus du caractère 
transitoire de leur situation de race, ont envisagé la possibilité d’une 
séparation administrative au sein de la Belgique. Mais rien n’a pu 
laisser croire qu’ils pussent s’occuper de poursuivre cette idée 
de manière à intéresser nos voisins d’Outre-Quiévrain, autrement 
qu’à un point de vue politique tout à fait spéculatif. 

Les c impérialistes » du beau pays de France ont donc eu 
grand’raison de ne pas s’emballer à la suite de M. du Bois ! 

Quant au reste, je me permets d’assurer aux décentralisateurs 
et régionalistes français, dont nous admirons les eîforts généreux, 


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que nous, Wallons, qui tenons directement de leur beau pays tant 
de lumières et tant de joies, nous craignons par dessus tout les 
aventures de la phalène. Le soleil luit pour tout le monde. Mais il 
ne vaut rien de le voir de trop près. L’exemple de M. du Bois est à 
la fois cruel et salutaire. Nous le croyons très suffisant. 

O. Colson . 


Faits divers 


(Janvier et Février). 

B RUXELLES. — Le 19 janvier a eu lieu à l’hôtel du Grand-Monarque, un 
banquet wallon offert par ses amis à M. l’abbé M.-J. Renard, le chantre 
épico-comique de Djean d ’ Nivelles et de Largayon , qui venait de célébrer 
son cinquantième anniversaire sacerdotal. 

Parmi les personnalités présentes citons MM. Lequarrê, président de 
la Société liégeoise de Littérature wallonne , V. Chauvin, président du 
Comité officiel d examen des ouvrages dramatiques wallons , Jos. Defre- 
cheux et Michel, membres de ce Comité, Georges Willame, chef de 
division au Ministère de l’Intérieur ; Albert Robert, président de Nameur 
po tôt y de Bruxelles ; Tilkin, du journal liégeois Li Spirou ; O. Colson, 
directeur de Wallonia. M. C.-J. Schepers représentait la Ville natale de 
l’abbé poète, Brame-l’Alleud. S’étaient associés à la manifestation les 
poètes et écrivains wallons, abbé Courtois, curé de Saint-Gôry ; François-J. 
Renkin, de Ramioul ; ingénieur Paternotre, de Soignies ; Parmentier, 
Petit, Aimé Brulé, de Nivelles, etc. 

M. Chauvin présidait. Il a fait en termes heureux l’éloge du vénérable 
abbé, l’un des « pères spirituels » du mouvement wallon, et « le plus 
spirituel de nos Pères ». M. C.-J. Schepers associa à cette manifestation 
l’Administration communale et la population de Braine-l’Alleud qui, tout 
entière, entoure M. Renard de profonde estime et de sympathie respec¬ 
tueuse. 

Le jubilaire a répondu d’une façon topique : « On a dit que je suis 
populaire. Cette popularité m’est douce. Je la dois à mes deux femmes. Ne 
vous récriez pas !... Oui, je suis bigame. J’ai épousé la Wallonie, à 
laquelle j’ai voué toute ma tendresse. J’ai aussi épousé le peuple, que 
j’aime passionnément. C’est du peuple que je suis issu. Sa vie simple m’a 
séduit, ses besoins m’ont paru sacrés. Car le peuple symbolise spécialement 
le travail, c’est-à-dire le Devoir. Si je suis allô à lui, c’est également parce 
qu’il sait aimer et qu’il a besoin d’affection... » 


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WALLONIA 


Au dessert, on a eu la grande joie d’entendre, de tous les coins de la 
Wallonie la langue vibrer en sirophes émues et chaleureuses à l’adresse de 
ce patriarche autour de qui s’étaient spontanément groupés, réunis dans 
une même pensée affectueuse, des hommes de tendances philosophiques si 
différentes, qui tous œuvrent à son exemple pour le maintien et l’honneur 
de la vieille langue. O. C. 

M ONS. — M. Charles Rousselle, greffier du tribunal de commerce de Mons, 
vice-président de la Société des Sciences, Arts et Lettres du Hainaut, né 
à Mons le 12 mai 1833, y est décédé le 21 février dernier. Pendant plus de 
quarante ans, Charles Rousselle, le üls de l’érudit auteur de la Bibliogra¬ 
phie montoise , a consacré les loisirs que lui laissaient le barreau et plus tard 
ses fonctions judiciaires, à des recherches historiques principalement sur sa 
ville natale. Sa première publication date de 1854 et porte ce titre : Souve¬ 
nirs historiques . Des procès de sorcellerie à Mons , in-8° de 26 pages. 

Les travaux les plus importants de cet historien sont : Les agrandisse¬ 
ments successifs de Mons , fruit de laborieuses investigations dans les 
archives, des recherches sur Les rues de Mons , un répertoire des Vues 
gravées de la Vilte et des Monutnenls de Mons et enfin une Biographie 
montoise du XIX 9 siècle. 

Par ses travaux marqués au coin d’un érudition remarquable, présentés 
dans un exposé clair et sobre, Charles Rousselle s’est acquis une place 
marquante parmi les historiens montois du xix* siècle et ses publications ont 
élucidé bien des points obscurs des annales de la capitale du Hainaut. 

Rousselle aimait d'un amour profond sa ville natale, et tous ses conci¬ 
toyens se plaisaient à reconnaître les nobles qualités de son cœur et appré¬ 
ciaient ses belles aptitudes de jurisconsulte et d’historien. E. M . 

— Dans sa dernière séance, le Cercle Archéologique a appelé à la vice- 
présidence d’honneur, devenue vacante par la mort du savant regretté 
M. Félix Hachez, son ancien secrétaire, M. Ernest Matthieu, avocat à 
Enghien, à qui les sciences historiques doivent de nombreux et importants 
travaux, notamment Y Histoire de V enseignement primaire en Hainaut, 
œuvre couronnée par la Société des Sciences, des Arts et des Lettres du 
Hainaut, et la Biographie du Hainaut , en cours de publication. Nous nous 
faisons avec plaisir l’interprète de Wallonia en félicitant son excellent et 
dévoué collaborateur pour la distinction honorifique décernée avec tant 
d’empressement à M. Ernest Matthieu, par les archéologues du Cercle 
montois. Bruhald . 

— Plusieurs journaux ont reproduit comme « variété », la Légende de 
la dentelle — qu’ils empruntent à l’ouvrage, d’ailleurs si intéressant, publié 
par M. Verhaegkn sous les auspices de l’Office du Travail : « La Dentelle 
et la Broderie sur tulle ». Il convient de constater, avec un de nos confrères 
gantois, que le texte de M. Verhaegen appartient presque complètement à 
M me Popp, de Bruges, née Caroline Boussart, qui a vu le jour à Binche et 
qui fut la première femme de lettres décorée de l’Ordre de Léopold, Donné 


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d’abord, croyons-nous, à Y Office de Publicité , il a été souvent réédité 
depuis, dans la presse et dans les recueils de contes et légendes de M me Popp. 
Et, en bonne justice, c’est de ce dernier nom qu’il devrait être signé 
aujourd’hui encore dans les journaux. 

— Un drame en un acte, en vers, la Veille de Jemmapes , par M. 
Albert du Bois, a été créé à Mons dernièrement (le 10 février) par une 
société d’amateurs, le Cercle Labiche. Cette œuvrette est un nouveau 
produit de la thèse, ou plutôt de l’idée fixe de l’auteur de « Belges ou 
Français ». Il y a de beaux vers et des tirades pleines de fougue. Mais le 
sujet est si artificiel et illogique que, malgré une interprétation au reste 
soignée, le succès n’a pas été vif. L’auteur a eu l’adresse d’émouvoir les 
spectateurs en mettant en scène un enfant qui, jouant, sur les cpnseils de 
son père, le rôle d’espion, est tué par les Autrichiens au moment où il 
porte une lettre au général Dumouriez : on le rapporte mourant sur la 
scène, dans la maison de ses parents II n’en faut pas davantage pour 
arracher des larmes aux cœurs sensibles, et même pour provoquer des 
applaudissements de la part des spectateurs populaires. Néanmoins, l’im¬ 
pression a ôté fâcheuse et, le lendemain, le Journal de Mons reflétant 
l’opinion du public qui réfléchit a blâmé sévèrement l’auteur d’avoir conçu 
cet acte d’un patriotisme sui generis. et où le rôle de la mère, maîtresse 
d’un officier autrichien, est d’une immoralité si choquante. 

Le même auteur a publié en notre ville, sous forme de tract à 5 cent. 
(Louis Boland, éditeur) un Catéchisme du Wallon. Les Montois aiment 
leur ville et ne sont pas insensibles au sentiment de leur race. Mais la 
propagande que l’auteur a employée en faveur de sa thèse bien connue les 
a laissés froids. Les prémisses de son raisonnement sont connus: il faut 
nous défier de l’envahissement politique et administratif des Flamands, qui 
peuvent avoir raison chez eux, tout en ayant certainement tort chez nous. 
Mais M. du Bois conclut que les Wallons sont des Français exilés qui 
doivent poursuivre la réintégration de leur pays dans le « vrai » domaine 
national, en supprimant la Belgique, invention de diplomates. Sur ce point, 
M. du Bois n’a convaincu personne, et l’on a été plutôt étonné de la façon 
désinvolte dont il interprète l’histoire de nos provinces pour montrer que la 
Wallonie est vraiment française « sol de France et Peuple de France. » 
On ne trouverait rien à redire si M. du Bois avait cherché à faire une œuvre 
d’exaltation patriotique, surtout provinciale. On la trouve mauvaise, dès 
qu’il s’appuie sur des arguments peu sérieux pour nous conseiller une 
sottise. Montois-Cayau. 

L IÈGE. — Le Cercle athlétique , qui est aussi un cercle d’esthétique, a 
organisé récemment, en son local, diverses manifestations d’art, notam¬ 
ment une exposition d’œuvres choisies de Félicien Rops, ce Wallon de Namur, 
qui connaissait la vieille langue, la parlait, et lui empruntait même des mots 
dans ses écrits — et dont néanmoins on a voulu faire un Flamand... et 
même un Hongrois ! 


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M. Armand Rassenfosse, qui fut le disciple et l’ami presque filial de 
l’auteur d*»s Sataniques , a commenté, en une causerie touffue et du plus 
vif intérêt, la vie du maître et son constant effort vers la beauté. Il a litté¬ 
ralement fait revivre pour ses auditeurs la figure de ce fier artiste passionné 
de vérité. Retraçant l’enfance de son héros, ses études, ses voyages, ses 
luttes, au nom de la raison supérieure, contre l’esprit bourgeois de son 
temps, disant la séduction de cet esprit patricien et l’impossibilité qu’il 
éprouvait d’être satisfait de son labeur, M. Rassenfosse nous a évoqué un 
Rops étrangement vivant, que nous admirons encore davantage depuis 
que, grâce au conférencier, nous le connaissons mieux. 

Il nous a expliqué l’œuvre de cet illustre wallon par son caractère, 
en nous montrant comment il aima la vie d’un amour ample et fervent, 
dans toutes ses manifestations, et sut tirer d’une époque fiévreuse et 
opprimée une beauté suprême qui lui survivra, M. Rassenfosse nous a 
encore parlé des procédés graphiques de Rops. Il a trouvé, au cours de sa 
causerie, l’occasion de lire de nombreux extraits de la correspondance du 
grand artiste. Ces extraits ont prouvé, à ceux qui l’ignoraient, que Rops 
était aussi un parfait écrivain, qui excellait à exprimer sous une forme 
légère, aristocratiquement ironique, une philosophie très hautaine et très 
indulgente, celle d’un lumineux esprit dont la pénétrante raison a scruté 
l’hypocrisie du temps et connu les douleurs de la réalisation... 

— La Société liégeoise de Littérature wallonne a publié le pro¬ 
gramme de ses concours pour 1903. Il est divisé en deux sections : Histoire 
et Philologie, Littérature. Les concours sont au nombre de dix dans 
chaque catégorie. Nous ne pouvons entrer dans le détail, et convions 
simplement les intéressés à demander ce programme au Secrétaire de la 
Société , rue Hors-Château, 50, à Liège. Les concours seront clôturés le 
13 décembre. 

— Le cours laissé vacant à l’Université par la mort de l’ancien pro¬ 
fesseur d’Histoire de l’Art a été scindé, et les titulaires viennent d’être 
nommés. Un cours d’Esthétique est échu à M. Fierens-Gevaert, un 
écrivain et critique distingué, tout à fait moderne et d’esprit très ouvert, 
connu par maints travaux d’art et une collaboration active à de grandes 
revues et à de grands journaux. Nous ne doutons pas que M. Fierens- 
Gevaert, étant appelé à vivre à Liège, ne pénètre vivement notre originalité 
de race et ne rende à la Wallonie l’hommage qui lui est dû. Le cours 
d’Histoire de l’art est échu à M. Laurent, ancien élève de l’école 
d’Athènes. M. Laurent est Wallon, né sur les bords de la Semois. 11 a fait 
brillamment ses études à l’Université de Liège. M. Laurent est donc dou¬ 
blement chez lui. Les cours de MM. Laurent et Fierens-Gevaert sont 
très suivis et suscitent le plus vif intérêt. 

— L'Institut archéologique liégeois a lancé dans le public une pétition 
adressée au Conseil communal, en faveur du maintien de la maison Porquin, 
dont nos lecteurs connaissent la valeur et l’intérêt par les articles de M. Paul 


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Jaspar. Cette pétition a aussi été communiquée à maints journaux et il s’en 
est suivi une nouvelle campagne de presse où les plus éclairés amateurs de 
sites et d’archéologie monumentale ont pris la parole. A tirer hors de pair un 
article de M. Buls, l’ancien bourgmestre de Bruxelles : 

« Il importe, dit-il, de conserver précieusement les restes de notre 
architecture propre, celle qui correspond aux exigences de notre climat et 
aux propriétés de nos matériaux, jusqu’au jour, qui luira certainement, où 
l’on comprendra qu’il faut repousser de la langue, des mœurs, de l’art, un 
internationalisme iafécond. parce qu’il ne répond pas aux conditions de 
l’adaptation au milieu, du moindre effort, de « l’optimum », c’est-à-dire aux 
facteurs déterminants de la psychologie dos peuples ». 

M. Buls plaide ainsi, en termes excellents, la thèse que défendit ici 
M. Paul Jaspar. Il termine en disant : 

«Nous conjurons tous les hommes de goût, tous les wallonisants si 
ardents quocoiuple Liège, d’unir leur protestation à celle que leur Institut 
archéologique vient d’adresser au Collège et au Conseil communal pour 
dénoncer la démolition de la maison Porquin comme un acte de vanda¬ 
lisme, indigne d’une cité intelligente, Hère de son glorieux passé et amie 
des arts ». 

L’administration communale de Liège continue d’étudier la question. 

— L’admirable et doux poète de Bouquet toi fait , Pâhûtes rimès , Vis 
Lîdje , etc., M. Joseph Vrindts, a ouvert, le 28 février dernier, en notre 
ville, un cabaret. M. Vrindts avait été cordonnier. Il quitta le métier pour 
ouvrir une échoppe de marchand de journaux. Obligé à nouveau de changer 
de situation, le poète se fait débitant de bonne bière. S’il s’agissait d’un 
autre, nous pourrions croire qu’il rêve de créer quelque Chat-noir liégeois. 
Mais M. Vrindts n’a ni l’aplomb, ni la verve d’un Salis. Notre poète est 
un homme simple, un peu timide, très « en dedans ». 

La poésie ne nourrit pas toujours son homme, c’est entendu : tant pis 
pour les poètes. Ainsi parle la sagesse bourgeoise. 

Il est quand même regrettable qu’on ne songe pas à soustraire aux 
difficultés de la vie ceux qui, comme M. Vrindts honorent leur pays. La 
ville de Liège ferait chose noble et digne en réservant pour nos poètes 
populaires des situations modestes, mais sûres, pour lesquelles elle a parfois 
à rechercher des candidats de tout repos. Il est, dans les administrations, 
bien des emplois faciles dont iis s’accommoderaient fort bien. 

Pierre Deltawe . 


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WALLONIÀ 


Bibliographie. 


LES LIVRES : 

Bibliographie des ouvrages arabes ou relatifs aux Arabes publiés 
dans l'Europe chrétienne de 1810 à 1885, par Victor Chauvin, 
professeur à l’Université de Liège. (Ouvrage auquel l’Académie des 
inscriptions et Belles Lettres a accordé en partage le prix Delalande- 
Guerineau.) — T. VI : Les Mille et une nuits (troisième partie.) Prix : 
6 francs. Liège, H. Vaillant-Carmanne. Leipziz, 0. Harrassowitz, 
1902. — Un vol. in-8° de IV et 204 pages. 

Ce nouveau volume contient les résumés des contes 181 ( Les frères 
jaloux) à 372 {Leprince du Sind et Eatime) ; nous pouvons donc espérer 
que le volume suivant nous apportera la fin des Mille et une nuits. 

Nous avons déjà eu l’occasion de dire à nos lecteurs ce que nous 
pensons du travail de notre collaborateur. Bornons-nous à relever un 
nouveau fait analogue à celui que nous avons signalé à propos du t. V : le 
conte de Kalàne le paresseux (n° 233) paraît être la combinaison d’un 
conte plus ancien (n° 234) avec les éléments dont se sert l’auteur que 
M. Chauvin appelle le second égyptien et qu’il croit être un juif converti. 
Son hypothèse semble donc se confirmer de plus en plus. 

O. Colson. 

Pétition pour les Langues provinciales au Corps Législatif de 1870, 
par le Comte de Charencey, H. Gaidoz et Ch. de Gaulle. — A. Picard 
et fils, édit., 82, rue Bonaparte, Paris, Janvier 1903. 

C’est la guerre déclarée à la langue bretonne qui a amené la publica¬ 
tion de cette pétition vieille de trente-trois ans, et qui, à cause de la décla¬ 
ration de guerre, en 1870, était restée inédite. Elle est accompagnée ici de 
diverses annexes : des séries d’opinions fournies à l’appui des Pétitions, ou 
recueillies depuis lors à son profit, et la reproduction d’un très bel article 
de M. Gaidoz sur « la Poésie bretonne pendant la guerre » (Revue des 
Deux Mondes , 15 déc. 1871) où l’auteur reprenait occasionnellement la 
thèse au point de vue patriotique, sur des documents d’un intérêt tout à fait 
pathétique. 

M. Henri Gaidoz, le principal auteur de l’opuscule — on sent son 
inspiration jusque dans cette ingénieuse formule de « Langues provin¬ 
ciales » qui est tout le programme — a trouvé que la Pétition d’antan se 
justifiait encore. Dans ces pages, qui semblent écrites d’hier, tant elles 
répondent aux besoins présents, et qui même, en bien des points, furent 
prophétiques, les auteurs entraient avec autorité dans le vif de la question 
linguistique, en opposant des arguments d’ordre scientifique à la théorie 
jacobine de l’unité de langue ; ils montraient aussi que le patriotisme n’a 
rien à perdre, mais tout à gagner au maintien, à la restauration de l’esprit 
régional, et de la langue qui est la forme vivante de l’originalité provin¬ 
ciale. Le point de vue utilitaire ne leur échappait point, et l’incohérence du 


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français parlé dans certaines régions est toujours un excellent argument 
pour leur idée de donner renseignement du Français par l’intermédiaire de 
la Langue provinciale : Eskuara, Langue d’oc, Breton ou Flamand. 

Il est intéressant de retrouver dans cet opuscule, sous une forme frap¬ 
pante de précision, les idées qui sont aujourd’hui courantes chez les provin- 
cialistes et de centralisateurs français et étrangers. La pétition se justifiait 
en 1870, un vif mouvement se dessinant alors en faveur de la décentrali¬ 
sation : on espérait trouver dans cette transformation administrative une 
solution libérale des questions politiques et sociales. Le même mouvement, 
tout aussi vif, s’est pareillement dessiné dans le monde politique de nos 
voisins depuis une dizaine d’années. Il a abouti à la constitution d’une com¬ 
mission, créée par la Chambre des députés, pour l’étude dont le Gouver¬ 
nement impérial avait déjà chargé un groupe d’hommes politiques. « Les 
études continuent» —mais le public ne s’y fie pas. On travaille l’opinion 
par la presse, et, ce qui est mieux, les Provinces créent spontanément des 
revues, des musées, cent organismes divers et bien vivants. La France 
parait avoir compris que l’émancipation des Provinces doit être l’œuvre 
des Provinces elles-mêmes. Aide-toi, le Ciel t’aidera. C’est aussi ce qu’on 
commence à comprendre chez les Wallons de Belgique. 

O. C. 

Sourires perdus, par le comte d’Arschot. — Un vol. in-12. Lacomblez, 

éditeur, Bruxelles. Prix : 3 fr. 50. 

Dans un style discrètement ému, ce recueil d’observations mélanco¬ 
liques, forme une série de contes dont l’ensemble dégage une singulière 
impression d’unité. 

C’est l’évocation de sentiments très élevés, situés dans des âmes 
d’élection, tantôt tourmentées par des pensées mauvaises, tantôt idéalement 
purifiées par une revivescence du cœur. Comme devant certaines peintures 
de paysages profondément vivants, on sent passer sur ces êtres débiles, qui 
ont en leur âme une force inconnue, des brises de tendresse ou des rafales 
douloureuses. 

Le comte Guillaume d Arschot a passé son enfance bien près de nous, 
aux limites du Condroz et de la Hesbaye, dans un coin de nature d’une 
poésie cordiale et douce. Il semble avoir gardé avec une sorte de ferveur, 
le vif sentiment de jeunesse et de bonté qui l’a si souvent pénétré. Le 
dilettantisme qui corrode parfois si cruellement les âmes aristocratiques ne 
l’a point effleuré et il montre, au contraire, dans un de ses présents contes, 
le caractère décevant de ce détachement hautain, cause de toute impuissance 
psychique et sentimentale, D’autre part, c’est d’un cœur tendre et loyal 
qu’il étudie les problèmes troublants de la mentalité moderne chez les êtres, 
sensiblement symboliques, qu’il a rencontrés sur sa route. 

Il passe, à travers cette œuvre de jeunesse, qui est bien près d’être un 
Livre, un souffle d’humanité tout à fait remarquable. 

O. C. 


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Médailles historiques de Belgique, par Edouard Laloire. — Bruxelles, 

GoemaereJIn-8 0 de 12 p. 

Donne la description des médailles parues en 1902, avec 4 planches 
contenant 17 figures parfaitement gravées. Des livraisons analogues, du 
même auteur, ont paru en 1900 et en 1901, et le catalogue sera continué 
annuellement. C’est la seule publication, faite 'du reste avec toute la 
compétence et le soin désirables, qui renseigne sur ce genre d’œuvres d’art, 
qui n’est pas, on le voit, très pratiqué en Belgique. 

Ouvrages reçus. — La législation allemande sur Vassurance obliga¬ 
toire , par Léon Hanson, avocat à la Cour d’appel de Liège. Extr. de la 
Revue prat. du Droit industriel (Liège. Imprimerie Liégeoise, 1902). — 
Chansons frivoles : Kinkempois , vers de Pierre d’ÀMOR, musique de Louis 
Hillier. (Paris, Godchaux. Piano et chant, net : 1 fr. Chant seul, net: 0.35. 
— Marche wallone pour piano, par Louis Hillier. (Brux. Breitkopf et 
Hàrtel. Prix : 2 fr). — Armonac wallon do V Saméne po Van 1903 . 
(Malmédy, V* Scius-Stonse. Prix : 0.10). — Cang'mint d\tâvlai % lèver 
(T rideau ès wallon d'Lige, par Noël Dranoël. (Verviers, L.-M. Léonard. 
Prix : 0.75). [L’édition originale de cette pièce, parue en même temps, est en 
wallon de Verviers]. — Antoine Clesse , par Jules Deglève. [Publication du 
Cercle archéol. de Mons. Broch. in-8° de 18 p. avec portrait.^(Dequesne- 
Masquillier, Mons). — Les Archives générales du royaume , par Ed. 
Laloire et E. Lefèvre. Extr. de la Revue des Bibliothèques et Archives 
de Belgique, t. I, fasc. 1. (Leherte-Courtin, Renaix). — Vers l'amour , 
poésies, par R. Riversdale. (Paris, Maison desJPoètes, 42, rue Mathurin- 
Régnier. Prix : 3 fr.). — La Peinture au Pays de Liège et sur les bords de 
la Meuse , par Jules Helbig. Nouv. éd. (Liège, Imprimerie Liégeoise. Prix : 
12 fr.). — Quelques histoires de miséricorde , par Jules Destrèe. (Brux. 
V* Larcier. Prix : 2 fr. 50). 

BULLETINS ET ANNALES : 

Académie royale^d’Archéologie de Belgique. — Annales, 5 e série, 
t. |IV, 2* livraison. = Relation d'un séjour de Michel de saint Martin à 
Anvers, en 1661, par M. Armand de Behaült : Compte rendu d’un livre 
intitulé Relation d'un voyage fait en Flandre , Brabant , Hainaut , 
Arlon, etc., imprimé à'Caen en 1667 le compte-rendu donne des extraits, 
notamment un relatif au combat!desséchasses à Namur*. « Je n’ay pas 
manqué de m’informer du sujet, qui a peu (pu) obliger les habitants de 
Namur à combattre une fois l’an avec des Echasses, ainsi que quand le 
Gouverneur prend possession etjquand il y vient au Prince, sans en pou¬ 
voir rien apprendre. Je me persuade néanmoins que les Romains qui ont 
occupé cette Comté et dont les Soldats passoient les rivières elevées sur des 
Echasses, ont esté les Inventeurs de ce combat (Strada, /, 8 , de bello Belg.). 
Il leur apporte mesme quelque utilité, car en se rendant habiles à marcher 
sur des Echasses, ils peuvent aller avec plus de facilité, dans les Marais de 


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ces pais. L’action se passe en cette manière. Le jour du combat des 
Bourgeois de Namur composent une armée particulière, appelée le 
Milan {sic) et les habitants des Faux-bourgs, et d’une lieue aux environs de 
la ville, une autre qu’ils nomment Havresse {sic). Les Capitaines donnen 
des livrées à leurs Soldats, afin de les pouvoir reconoitre et chaque quartier 
a le sien. Ils sont tous élevés sur des Echasses hautes de 4 ou 5 coudées, et 
ceux tant de la ville et du Faux-bourg que des villages circonvoisins se 
rendent en la place de Saint-Remy, avec leurs Capitaines, qui ont chacun 
une compagnie de 50 hommes; puis les Trompettes qui sont placées aux 
fenestres de la mesme place sonnent la charge. Aussitost tous les combat- 
tans avancent les uns contre les autres en sautant et en cabriollans à 
l’envy, ce qui donne un grand plaisir aux personnes de condition qui sont 
aux fenestres de cette place, et à tous les spectateurs qui y arrivent de tous 
costés, mais la satisfaction croit encore lors qu’on les voit lutter l’un 
contre l’autre des épaules, avec une si grande violence qu’ils se rompent 
quelque-fois les bras et les jambes. D’autres s’appuyent sur une de leurs 
Echasses, et avec le bas de l’autre, ils donnent dans celles de leurs ennemis, 
et en renversent par terre trois ou quatre à la fois, qui tombent les uns sur 
les autres. Avant que de partir, les victorieux se mettent en rang, et les 
vaincus les saluent en s’en retournant; ils sont encore 2 mil 500 hommes. 
Le Prince ou Seigneur pardonne à la fin tout ce qui s’est passé, et donne 
des prix aux victorieux, qui jouissent encore de plusieurs privilèges. » — 
Pour la Biographie nationale , par le R. P. van den Gheyn, S. J. Suite des 
recherches de l’auteur dans le riche fonds des manuscrits de la Biblio¬ 
thèque royale, dont il a la garde : Sur Henri Rommain, chanoine de 
Tournai (xv® siècle), auteur de deux ouvrages; sur Antoine Majoul (1654) 
qui vécut à Nivelles et dédia à l’Abbesse Adrienne de Lannoy, une traduc¬ 
tion en vers français, des hymnes du bréviaire ; et sur un autre per¬ 
sonnage. — Les origines de notre art national , par M. Louis Maeterlinck. 
Réponse aux critiques formulées contre sa thèse, à savoir que « notre art, 
jusqu’à la fin du moyen-âge, n’est pas une dégénérescence de l’esthétique 
romaine (dont il faut néanmoins tenir compte) mais la continuation et le per¬ 
fectionnement des formules artistiques des peuples barbares dont nous 
sommes issus ». — Le jet des pierres au pèlerinage de La Mecque , par 
M. Victor Chauvin. L’auteur étudie cet usage à la lumière de sa profonde 
érudition, réfute les explications qui ont été imaginées, et en présente une 
autre qui rend mieux raison de certaines particularités qu’on a trop négli¬ 
gées jusqu’à ce jour. 

— Bulletin, 1902, VII. = Abbaye (VAulne, une demière^éleclion, 
par M. van Spilbeck. Relation de l’élection, en 1790, sous laTprésidence de 
l’abbé du Val St-Lambert, du dernier abbé d’Aulne, dom Norbert Herset. 
Avec pièces justificatives. — Liste des religieux du monastère dCAulne en 
Î660 , par le même. La presque totalité sont wallons, et surtout du pays de 
Liège. = Les deux articles sont accompagnés de notes biographiques inté¬ 
ressantes sur les personnages cités. 


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REVUE DES REVUES : 

Vlaamsche Gazet, de Bruxelles (6 janvier). — D r Milo, De Wallonia 
over <c VAme belge (?) ». Signale l’article paru dans notre n° de mars 190£, 
pp. 77 et suiv., et en donne un compte-rendu détaillé, très exact et 
approbatif. 

Revue de Belgique (15 janvier).— M. A.-J. Wauters étudie l’histoire 
de Adolphe de Bourgogne et les rapports qu’eut avec lui Jean Gossart, de 
Maubeuge, dit Mabuse — et dit aussi Gossaert par les rafleurs de gloires. 
L’érudite étude de M. A.-J. Wauters n’est pas seulement biographique : 
elle contient aussi des remarques et conclusions qui rectifient certaines 
attributions à Gossart et à d’autres, et elle donne de bonnes descriptions 
d’œuvres du peintre. 

Bulletin officiel du Touring-Club de Belgique (janvier).— A propos 
de la Maison Porquin, M. Ch. Buls, dans un article cité ci-dessus, a ces 
excellentes considérations : 

« Malgré les efforts de centralisation politique, malgré les tentatives 
d’unification dans les pays à races variées, malgré la multiplication des 
rapports entre les contrées les plus éloignées, c’est cependant au XIX e siècle 
que tous les peuples ont cherché à se grouper par nationalités. L’Italie a 
réalisé ce groupement après un long martyre; nous assistons à la lutte pour 
l’autonomie dans l’Autriche-Horigrie, dans les principautés balkaniques, en 
Silésie, en Finlande, dans le Schleswig-Holstein. Partout, on fait revivre 
en des chants, en des romans la langue populaire : en Flandre, en Bretagne, 
en Provence, dans l’Allemagne du Nord, comme en Ecosse, en Irlande, 
dans le pays de Galles. La principale préoccupation des Boers héroïques 
n’est-elle pas d’opposer leur langue à celle de leurs vainqueurs? La Wallonie 
a cultivé son dialecte et a créé un puissant mouvement littéraire, plein de 
saveur et d’originalité. 

» Le culte de la langue maternelle n’est qu’une forme de l’amour de la 
patrie. Tous ceux qui aiment leur pays et tiennent à leur nationalité doivent 
la pratiquer. Mais la patrie ne nous est pas seulement chère par ses chants, 
ses mélodies, son théâtre, elle nous parle encore par les œuvres qui reflètent 
ses mœurs, ses goûts, dans des matériaux arrachés à ses entrailles. 

» Nous serions des fils dénaturés si nous ne respections pas les véné¬ 
rables monuments qui incorporent quelque chose de l’âme nationale, si 
nous n’entourions pas leur caducité de soins pieux. 

» Ces témoins de pierre parlent plus haut que des documents écrits : 
tout le monde les voit et peut les entendre. » 

La Libre critique, 25 janvier. — I)e M me Goralie Castelein, à propos 
de l’exécution par Ysaye de la Symphonie en rê de César Franck : « Tout 
le drame de la vie profonde, vaste et humaine, chante, pleure, se convulse 
et se détend, court et sourit, s’arrête et s’élargit et s’angoisse, dans une 
noblesse infinie, une puissance musicale géniale, une science des sons et 


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des instruments incomparable, dans cette admirable et sublime symphonie, 
que nous devons reconnaître comme le monument de la musique moderne. 

« César Franck, c’est l’onde musicale avec ses infinis imprécis comme 
toutes les extases ; comme les horizons jamais touchés et toujours visibles, 
c’est la pure fluidité des sons enveloppés de leur ambiance grandissante, 
c'est l’esprit dans son essor sans limite, c’est la vie dans son expression de 
noblesse, de sublimité, d’angoisse terrible et de paix religieuse. Mais tout cela 
est nimbé comme de la puissance d'un souffle qui fut trop puissant, trop 
large, trop intense, et ce souffle entoure, enlace, joint les parties de cette 
admirable symphonie, comme l’incandescence de flammes voisines qui se 
toucheraient dans l’invisible et resteraient néanmoins tangibles. Aucune 
œuvre purement musicale depuis Beethoven n’a réuni une plus rare 
continuité d’émois; dans la plus grande partie de sa durée, elle reste au 
plus haut degré de la sublimité, sans défaillir un instant, et notre propre 
souffle s’angoissait, s’élargissait, suivait la religieuse humanité de cette 
œuvre grande comme un monde d’art et d’expression. 

» Mais pour nous révéler ce monument musical, il fallait un chef 
comme Ysaye. Grâce à lui, le frisson des grandes choses nous a étreints et 
soulevés; rien n’a échappé des sons sublimes, de leur couleur, de leur 
dessin, de leur relation entre eux et dans leurs mouvements. Jamais peut- 
être on n’a entendu ainsi cette admirable symphonie... Cette inoubliable 
audition restera comme un monumental souvenir attaché au monumental 
œuvre de Franck ». 

Le Ménestrel (22 février). — « Qui savait qu’Edgar Qüinet jouait du 
violon et sa femme du piano, et que tous deux faisaient de la musique 
ensemble? On nous l’a appris incidemment, ces jours derniers, lors de la 
première des commémorations instituées pour le centenaire de Quinet, à 
l’école municipale de jeunes filles de la rue des Martyrs qui porte son nom. 
Cette commémoration avait lieu dans une des salles de l’école, où on avait 
rassemblé un grand nombre de meubles, de gravures, de portraits, d’objets 
d’art, de livres ayant appartenu à l’illustre écrivain. Là, d’anciennes élèves 
ont exécuté sur le violon de Quinet et sur le piano de M mJ Quinet des airs 
de Grètry , particulièrement chers à Quinet et à sa compagne. » 

La Belgique militaire (30 novembre). — Un officier liégeois au ser¬ 
vice de VA utriche, par le général retraité Bernaert. Il s’agit de Léonard 
de Reyniac, né à Liège en 1775, naturalisé Français avant la Révolution de 
1830, et mort à Douai le 10 avril 1840. Il ne faut pas le confondre avec son 
homonyme — son parent, peut-être, l’auteur fait des recherches pour le 
prouver — François de Reyniac, né à Liège en 1739 et mort le 21 février 
1803 à Lintz (Autriche). L’auteur complète, au sujet de ce dernier, les ren¬ 
seignements connus sur cet homme de guerre du régiment liégeois dit 
de Vierset, qui défendit vaillamment Charleroi sans parvenir à en empê¬ 
cher l’investissement. — Le nom de Reyniac ne paraît pas être liégeois : 
il existe cependant encore des Reyniac en cette ville, à notre connais- 


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sance, dans le quartier de S^-Walburge, où ce nom (Regnac) est porté par 
de petits cultivateurs. 

Chronique des Arts (21 février). — M. Louis Materltnck rend 
compte de la trouvaille qu’il a faite récemment dans les réserves du musée 
de Gand, d’un tableau signé très lisiblement K. D. Kauninck, peintre qui 
était resté jusqu’ici complètement inconnu. Ce petit paysage fantastique 
appartient aux traditions picturales de Joachim Patenier. 

L’Idée libre. Mons (novembre, tiré à part). — La Belgique et le 
Folklore , par Charles Gheude. C’est la conférence que donna M. G. à 
Bruxelles, puis à Liège, et dont il fut déjà question ici-même, t. X, p. 79. 
L’auteur fait connaître l’intérêt scientifique, philosophique, artistique, et 
même politique du folklore. Il s’attache à combattre les préventions que 
certains conservent encore contre les traditions populaires. Pour le mora¬ 
liste, dit-il, pour l’homme de cœur aussi, il n’est pas d’être vil : toute âme 
mérite examen. Le folklore belge ne peut avoir aucun caractère d’unité, 
puisque^deux races s’y partagent le territoire. Mais partout nous trouvons 
une identique poésie, que l’auteur goûte vivement. Il fait à vol d’oiseau un 
résumé des différents modes du folklore, il en donne des exemples, il en 
déduit l’intérêt, il en montre le charme. Il n’y a pas jusqu’à la langue 
populaire, qui, pour sa verdeur, son pittoresque, sa parfaite adéquation à 
la saine franchise de l’homme simple, ne trouve en M. G. un admirateur 
convaincu,\qui met tout à sa place, et trouve beau ce que la nature a créé 
ou suscité. 

La vraie notion de patrie, dit l’auteur en terminant, repose sur la 
tradition. En même temps que les peuples doivent s’efforcer de s’élever, en 
prenant. de~plus en plus conscience d’eux-mêmes, ils ne doivent pas néan¬ 
moins oublier qu’ils sont solidaires l’un de l’autre. La confiance en soi ne 
sera point pour eux une cause de vie égoïste et fermée, et c’est au contraire 
de l’individualisme enthousiaste que sortira la solidarité internationale. Car 
en'se repliant sur lui-même chaque peuple trouvera en lui, à côté de 
sensations’et de caractères qui lui sont propres, le fond commun de l’âme 
universelle. 

Revue de l’Université de Bruxelles (décembre et janvier-février). 
— Les origines légendaires de « Fetiersnoth » de Richard Strauss , par 
Ernest Closson. — L’auteur de cette notice est conservateur-adjoint au 
Musée instrumental de musique de Bruxelles; il collabore au Guide 
musical , aux Signale fiir die musikalische Welt> de Leipzig,Jau Weekblad 
voor Muziek, d’Amsterdam, etc. C’est un musicologue, un critique, mais 
c’est aussi un artiste. Il combine agréablement, pour lui et ses lecteurs, 
l’esprit de recherches et le sens de la méthode à la pénétration de l’art. Il 
sera permis de dire que la rencontre de ces trois qualités est assez rare chez 
un musicien. 

Dans le présent travail, M. C. s’occupe d’une légende très amusante, 
que les revues musicales allemandes ont signalée comme ayant donné le 


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sujet du plus récent ouvrage lyrique de Strauss, légende audenardaise 
publiée par Wolf dans ses Niederlandische Sagen. Il s’agit d’un amant 
berné qui, pour se venger de celle qui Ta ridiculisé, oblige la belle à 
fournir aux bourgeois, le feu dont la ville a ôté subitement dépourvue par 
l’effet d’un puissant sortilège qu’il a suscité : tour à tour, les habitants 
viennent allumer leur cierge à une flamme qui jaillit du dos de la jeune 
fille ! Cette farce se trouvait sculptée à la façade latérale d’une vieille 
maison d’Audenarde. 

Cette légende compte parmi les plus populaires du moyen-âge, et le 
trait de l’amoureux suspendu dans un panier, au vu des passants, par sa 
malicieuse amie, n’est pas le moins répandu. Elle se rattache aux traditions 
relatives au personnage de Virgile l’Enchanteur. L’auteur en donne la 
bibliographie, avec extraits et commentaires. Un des conteurs les plus 
abondants en « faicts et dicts virgiliens », le liégeois Jean Despreis, dit 
d’Outremeuse, dans son Myreur des Hislors , a une variante très curieuse, 
dont le début est une véritable idylle, d’une grâce et d’une naïveté char¬ 
mantes. La sculpture d’Audenarde est loin d’être unique : les représenta¬ 
tions du panier, et du trait de la belle ardante, ont fait l’objet de nombreuses 
illustrations. L’auteur en fait le compte. Il a recherché à Audenaerde. où 
tout souvenir de la légende a disparu, la sculpture naturaliste que Wolf a 
signalée. Ce bas-relief n’était pas le seul en cet endroit ; il y en avait tout 
une série d’autres dans le même esprit. 

Par malheur, on les détruisit il y a quelque cent ans, « à cause de 
l’inconvenance de certaines d’entre elles ». L’auteur ajoute très justement : 
« La bêtise et la pruderie firent de tous temps, aux Vandales et aux Icono¬ 
clastes, une concurrence souvent victorieuse ». Un panneau de Jean Steen, 
qui représentait aussi le trait de la femme allumée, a été, il y a quelques 
années, l’objet d’un attentat aussi odieux de la part d’héritiers ruraux : 
un coup de rabot vengeur fit disparaître Ja figure principale, et le panneau 
ainsi purifié fut brocanté pour la somme de cinq francs. L’œuvre intacte 
avait été sur le point d’être vendue 3,000 francs à... M me Humbert. 

Revue des Traditions populaires, de Paris, 1902. — Les origines 
de la légende des Nulons , par Ernest Doudou. — L’auteur pense que ces 
nains légendaires ne sont autres que des esclaves, des colons et des soldats 
romains ayant fui les légions de César dominateur des Gaules, et qui, 
craignant le supplice et la cruauté des maîtres de l’époque, se seraient 
réfugiés dans les endroits où la légende place aujourd’hui les Sotais ou 
Nutons. M. D., qui est en possession d’une bibliographie très étendue du 
sujet, reprend une à une les caractéristiques que le peuple attribue aux 
Nains, et s’efforce de les concilier avec sa thèse. Il montre aussi comment 
les découvertes faites dans les grottes et cavernes justifient ses suppositions. 
Les explorations officiellement actées ne lui donnent pas toujours raison. 
Mais l’auteur affirme les avoir refaites avec des résultats souvent tout 
différents. Il y a ici matière à une discussion entre lui et ses savants 
prédécesseurs, dont il est nécessaire d’attendre le résultat, si l’on juge à 


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propos de l’entreprendre. Notons simplement, pour mémoire, et dans un 
autre ordre d’idées, que le travail de M. D. a ôté écrit avant la publication 
des articles de M. Schuermans dans Wallonia. 

REVUE DES JOURNA UX : 

La Réforme (23 février). — De M. Jean Delvaux, les Empêcheurs de 
danser. — «Un pli de mécontentement creuse le Iront des politiciens 
austères : voici le Carnaval. Leur mauvaise humeur s’isole en ces jours de 
gaieté débridée et leur farouche vertu se répand en véhéments réquisitoires 
contre l’odieux Mardi-Gras... Attendons-nous, avant qu’il soit longtemps, à 
voir le législateur, muni de verges et la bouche pleine de paroles fou¬ 
droyantes, tonner contre les licences du Carnaval et fustiger implacablement 
le masque et le déguisement. 

» C’est une tendance alarmante de l’esprit politique de la plupart des 
partis — avancés comme réactionnaires — en Belgique, que ce, prohibi- 
tionnisme à outrance contre tout ce qui n’est pas absolument conforftie à un 
lourd et ennuyeux idéal de décence et d’austérité. C’est à croire, parole 
d’honneur, que toute la lutte politique a pour enjeu unique nous ne savons 
quel prix de vertu superficielle et quel misérable honneur déplaire à \la 
Tartuferie collective. \ 

» Dans ce steeple-chase effréné vers le bon ton et la bonne réputation, ^ 
les partis méconnaissent la formidable puissance des mœurs ancrées dans la \ 
nature, la coutume et la tradition. L’esprit rectiligne de certains politiciens, ) 
figé dans une formule artificielle, est inhabile aux interprétations impar- \ 
tiales et consolantes des mœurs, incapable de comprendre le sens philoso- \ 
phique des coutumes, et en révolte constante contre la nature. v 

» Et le malheur est que cette mentalité de chambre close a gagné ! 
parfois l’esprit public lui-même et que, pour défendre les mœurs résistantes 
et éternelles, fondées sur l’inébranlable tradition et l’immuable nature, il 
faut un courage d’autant plus grand que l'hypocrisie de leurs contempteurs 
est en quelque sorte une hypocrisie inconsciente et de bonne foi. » 

L’Express, de Liège (15 février).— Le nouveau musée , par A. Màteur : 
Propose quelques rectifications au Catalogue officiel, et dit, entre autres, du 
peintre Lefebvre dont Wallonia a parlé (t. X, 33,153) : « Un peintre liégeois 
de grand talent et mort jeune, no figure pas au Musée où sa place est 
marquée : Laurent Lefebvre, né à Visé, le 3 août 1786, et mort à Liège, en 
1815, fut d’abord élève de Fassin, ensuite de Louis David, dont il devint le 
favori et qu’il aida dans ses travaux, entre autres dans le tableau du 
Couronnement. Liège possède de lui deux œuvres bien connues et que le 
catalogue attribue au Français Robert Le Fèvre ; ce sont les portraits en 
pied du roi et de la reine des Pays-Bas qu’on a relégués à l’hôtel-de-ville et 
qui devraient être au Musée avec le portrait en pied de Grétry (aussi de 
Lefebvre en 1813), qui appartient à l’Emulation et où il est mal éclairé. 
Lefebvre fit aussi le portrait de Napoléon I er et celui de l’impératrice 


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WALLONIA 


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Joséphine, que l’empereur donna à la ville d’Aix-la-Chapelle et qui, très 
brillant, fait l’ornement du Musée. On cite encore de Laurent Lefebvre les 
portraits du général Lecourbe (1808), de Delchamp (1815), et de l’actrice 
Clara (1815), maîtresse de l’empereur [dn roi] Guillaume. 

» Jean Lefebvre, son frère* mort à Saive, possédait à Visé le portrait de 
la célèbre Angelica Catalani et il y a, à Cheratte, un portrait d’une dame 
Hermans, de la cour de Napoléon ou de Guillaume I er , attribué à Louis 
David et offert en vente à la ville de Liège, après avoir été refusé à la 
National Gallery comme œuvre de David. Ne serait-ce pas une œuvre de 
Laurent Lefebvre? Il vaudrait la peine de s’en assurer. » 

Le Petit Bleu, de Bruxelles (7 décembre). — De Zemganno un article 
consacré à M lle Berthe Bady, rappelant la carrière artistique de cette 
Wallonne (du pays de Charleroi). Elle débuta au Théâtre Antoine, dans la 
création des Fossiles , de François de Corel. Passa au Théâtre de l’Œuvre, 
qui venait de naître : « C’était l’époque idéaliste, symboliste, ibsénienne 
surtout; sa nature rêveuse et vibrante la portait vers ce théâtre nouveau; 
elle s’y donna en croyante, avec son merveilleux instinct de femme artiste, 
et les qualités particulières de sa race », chez Lugné-Poë, elle créa Y Image 
de Beaubourg, le Cuivre de Paul Adam, Romersholm et d’autres pièces 
d’iBSEN, des drames de Maeterlinck, puis la Lépreuse et Ton sang 
d’Henry Bataille. C’est dans cette dernière pièce qu’on la revit au Parc 
où elle avait passé quelques fois en tournée avec Lugné-Poë et ses cama¬ 
rades « et ce soir-ià, le public bruxellois fut remué par la simplicité, la 
justesse et l’émotion profonde de son jeu. » 

« Elle avait eu la joie et la gloire de participer à une révolution artis¬ 
tique, d’être et de se développer parmi les meilleurs protagonistes d’un 
mouvement qui marquera dans l’histoire du théâtre ; mais tout cela n’était 
qu’une carrière à côté; elle jouait trop peu; à Paris, on l’admirait comme 
une artiste originale, d’uue espèce trop précieuse, trop rare ; les directeurs 
voyaient en elle une comédienne d’exception, qui ne pourrait pas se plier à 
l’ordinaire du répertoire. Alors, elle joua Fantine des Misérables , à la 
Porte Saint-Martin; ici, c’était la pièce à l’afïiche pendant des soirs; c’était 
le grand — voire même le gros — public. C’était le boulevard; très 
applaudie, très discutée, Berthe Bady entrait dans le rang. M. Ginisty 
l’engagea à l’Odéon..., et ne lui donna presque rien à faire jusqu’à la 
triomphale soirée où elle vient d’être acclamée. » 

...« Son succès dans Résurrection consacre plus qu’un talent, une sorte 
de génie féminin qu’on a pu comparer à celui de M mo Eléonora Duse. » 

La Gazette, de Bruxelles ( l ). — Les Utiles légendes , par un anonyme. 
« Un peu partout dans notre pays, Flamands et Wallons découvrent, dirait- 
on; leur âme ancienne ; mais avec étonnement et avec joie, ils s’aperçoivent 

(I) Cet article nous est communiqué par un lecteur obligeant, qui a omis d’en 
noter la date. Il doit, dit-il, remonter à deux ou trois mois. Le sujet qu'il traite est 
toujours actuel pour nos lecteurs, surtout quand il est écrit de cette façon. 


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WALLON IA 


qu’ils ont, dans leur passé, des expressions de .joie et d’émotion très parti* 
culières et qui leur donnent des impressions exceptionnellement profondes, 
des impressions étranges qui les font se souvenir de choses que, pourtant, 
ils n’avaient jamais entendues, iis n’avaient jamais vues. 

» Pendant très longtemps, ces souvenirs avaient sommeillé, réveillés 
de temps à autre seulement par quelque chercheur érudit, par quelque 
artiste amoureux de pittoresque. Mais l’élite les dédaignait un peu.^Dans le 
nécessaire, dans le salutaire mouvement vers l’atténuation des antago¬ 
nismes de races, vers la paisible fraternisation des peuples, ^on en était 
arrivé à confondre l’harmonie avec l’uniformité. On semblait craindre de 
conserver des caractères distincts. Et l’on s’acheminait, sans s’en aperce¬ 
voir, vers l’expression sans caractère. Il y avait là un évident excès. Pour 
s’entendre, pour vivre dans la mutuelle confiance et dans la paix, il n’est 
pas nécessaire que les hommes se dépouillent de tout ce qui les différencie ; 
il suffit qu’ils soient d’accord sur quelques grandes idées essentielles. Gela 
fait, il y aurait danger, parce que déperdition de force, à vouloir s’iden¬ 
tifier, à vouloir partout exprimer les idées de la même façon. Pour émouvoir 
les hommes d’une même émotion, il ne convient pas de leur dire partout les 
mêmes choses. Les mots et les usages changent de signification suivant 
l’atmosphère, suivant la nature du sol, suivant les tons de la verdure, la 
fécondité de la terre et la couleur du ciel. Il faut accorder les expressions à 
tout cela, observer la relation des valeurs. C’est pour cela que telle 
chanson, telle légende qui paraîtra banale, froide, muette au reste de la 
terre, éveillera dans l’âme des hommes d’un petit coin de pays une émotion 
indicible, la belle et pure exaltation qui rend l’âme subitement plus acces¬ 
sible aux mouvements généreux : c’est qu’elle aura soudain tait revivre 
mystérieusement toutes les émotions éprouvées par des générations succes¬ 
sives, c’est qu’elle aura fait sentir aux hommes du présent la communauté 
de leur passé. 

» Quand les géants sortent à Bruxelles au son du Reusenlied , quand 
apparaît le Doudou sur la place de Mons, quand le Signorke se montre à 
Anvers, quand se déroule le Cràmignon devant la Violette à Liège, ou 
quand Ath marie Goliath , il court dans la foule, en même temps, une 
exubérance et une extraordinaire cordialité. C’est que la coutume locale, 
la légende locale, la chanson locale, tout ce qui dit les vieilles émotions 
simples, tout ce qui les traduit dans la couleur de pensée de la race, a le 
don de faire penser et éprouver avec le maximum de sensibilité dont un 
homme est capable ; aussi d’éveiller en lui, le plus qu’il en peut éprouver, 
la conscience de la solidarité, car presque toutes les vieilles légendes et les 
vieilles coutumes disent, à travers leurs naïfs symboles, l’union des efforts 
humains contre quelque danger, contre quelque force mauvaise. 

» Et dans les émotions, dans les exaltations ainsi provoquées, il n’y a 
que sensibilité et bonté : cela n’a rien de commun avec le patriotisme belli¬ 
queux, agressif, avec l’odieuse culture des haines entre races. Il n’y a là 
qu’une force augmentant les énergies individuelles et, par conséquent, utile 
à la grande collectivité humaine. » 


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A Camille Lemonnier 


La Belgique intellectuelle vient de fêter, avec une cor¬ 
dialité magnifique le grand écrivain qui durant les quarante 

dernières années, a honoré 
en notre pays les Lettres 
françaises et l’Art univer¬ 
sel avec une fécondité gé- 
nialeau cours de cinquante 
cinq volumes. 

L’aspect de l’œuvre si va¬ 
rié, si soutenu, de Camille 
Lemonnier a été l’occasion 
d’une exaltation bienfai¬ 
sante, et les hommages fer¬ 
vents de tous ceux qui 
pensent ou rêvent se sont 
une fois encore, aujour¬ 
d'hui comme il y a vingt 
ans, unis en un hymne 
puissant d’admiration et de 
reconnaissance vers l’artiste probe et généreux qui, toujours jeune 
et puissant, reste le Maître. 

A tant d’hommages particuliers, nous joignons la cordiale 
reconnaissance des Wallons pour l’écrivain qui, dans tout son œuvre, 
a exalté la Vie des races comme la Vie des hommes ; et, dans maints 
livres, qui comptent parmi ses plus beaux, a rehaussé d’un art 
chaleureux et révélateur, les beautés de notre sol, le charme profond 
de nos forêts, la grandeur de nos paysages, la santé et la pittoresque 
originalité de notre race. 



WALLONIA. 

T. XI, no 4. Avril 1903. 


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WALLONIA 


Le banquet de Bruxelles 


Les Fêtes qui se sont succédées le mois dernier à Bruxelles en l’hon- 
neur de Camille Lemonnier ont eu récemment leur écho à Liège. A ce sujet, 
nous publions le présent numéro extraordinaire, où nos lecteurs trouveront, 
ci-après, le compte-rendu de la Fête Wallonne. 

Nous rappellerons ici qu’au banquet du 8 mars, à Bruxelles, les 
Wallons avaient déjà manifesté leur solidarité avec les artistes de la 
capitale et ceux du Pays flamand. Un grand nombre des nôtres étaient 
présents, et la liste en serait trop longue pour la donner ici. Les autres 
se sont associés par correspondance à cette grandiose manifestation 
artistique et littéraire. 

Au dessert, après les discours inspirés de nombreux et éminents 
artistes, M. Julius Hoste a parlé en flamand au nom des Flamands, et 
M. Oscar Colson en wallon au nom des Wallons. 

Le journal La Meuse a recueilli pour son compte-rendu, le discours de 
M. Colson. Nous l’extrayons de ses colonnes. Par égard pour nos lecteurs 
étrangers que le détail pourrait intéresser, nous en donnons aussi, comme 
il est d’usage dans cette Revue, la traduction, autant que possible, littérale. 


« Binamé Maisse, 

y> Cest on Wallon qui v'va djâser . 
I djâs'ret ès wallon. 

» Nos vèyans chai tôt çou qui 
V payîs conpte di grand rapoûlè po 
v' fiestî. 

» Toûr à tour , avou ’ne haute 
loquince , les pârlts les pus aconptés 
vantèt les mérites di vos te oûve et 
vis rindèt fhoneûr po vosse labor et 
vosse corèdje fou grands. 

p Divins ciràrebusquet, li Wallon 
n y qwîre à mêle , crèyez-le bin , qu'ine 
pitite fleur des tchamps. 

— > Cest ès Frangés qu vos avez 
scrît , devins ci lingadje qui 7ios 
pwèrtans , nos autes , dizeû tos les 
lingadjes. 

p Si les Wallons wârdèt à cour 
Vamor di leû riyant pattcès , is ont 
li d'vwêr dé dire , et nos V dihazis 


Cher Maître , 

C’est un Wallon qui va vous 
parler. Il parlera en wallon. 

Nous voyons ici tout ce que le 
pays compte de grand rassemblé 
pour vous fêter. 

Tour à tour, avec une haute élo¬ 
quence. les orateurs les plus estimés 
vantent les mérites de votre œuvre 
et vous rendent l’honneur pour votre 
labeur et votre courage éminents. 

Dans ce rare bouquet, le Wallon 
ne cherche à mettre, croyez-le bien, 
qu’une petite fleur des champs. 

— C’est en français que vous avez 
écrit, dans ce langage que nous 
portons, nous, au-dessus de tous. 

Si les Wallons gardent au cœur 
l’amour de leur riant patois, ils ont 
le devoir de dire, et nous le disons 


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Walloüia 


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bin haut, qui V Francès, lu toi seu , 
nos ralôye a ces homes <li d'vins 

V tinps qu'ont aqwèrou âs hautes 
idèyes cCa c'te heure li pus grande 
pârt di leu noblesse. 

» Vos avez tote vosse vèye ovi'èpo 

V glwêre dè bê lingadje di France . 

» Vosse labor a-st-aidî,pus qu ’ nol 
aute, a stàrer so Vpayîs les grandes 
clâriés qui V Francès respâd, sins 
mày noie cesse , tôt wi-ce qu'il est. 

y> Et c'est ine djôye, me grande 
djôye po nos autes % dè r'vèyî a 
cheskonk di vos lives ci doûs lin¬ 
gadje qui nos inmans co 'ne fèy 
hoslê di novèlès bêtès , co 'ne fèy 
pus doûs , pus aglidjant. 

— « Mains dCvins voste oûve i n'y 
a on Vive qui nos a stu à coû)\ Cest 
La Belgique. 

» Po fer cila , vos avez pris V bas- 
ton èl main, et vos avez r'batou 

V payîs , qxoèrant l'âme dèle Patrèye 
corne in' èfant pierdou. 

» Â bê mi tan dès grandès vèyes, 
vos avez monté so les pus hautès 
tours, et la, d'ine fwète vwès, vos 
avez dil,po l'honeûr di nos vis Pères , 
les pus bèlès paroles qu' i falève. 

» Vos v's avez K miné so les Ion- 
gués dréves dè Plat-yayîs ; et, â tou 
(T vos, vos avez vèyou li peûpe fla- 
mind, si fîr et si grand dè tinps 
passé, si pâhûle èl r'ployi po l' djoû 
dfhoûy . 

» Vos avez v'nou divès nos autes. 

» El d'pôy Tournay djisqua lez 
l' Prusse, nouk di nos p'lits vigreûs 
payîs n'a calchîpor vos s'sintumint. 

» C'est l' Borain rude et deûr. 
Cest V Namwnoès gaiye et luron. 
Cest l'Krdinwès sinpe et solide. 
Cest V Lîdjwès spilant et musicant. 
Cest tos nos autes, les francs Wal¬ 
lons ! 


bien haut, que le Français, seul, 
nous rattache à ces hommes d’autre¬ 
fois qui ont assuré à la civilisation 
actuelle la plus grande part de sa 
noblesse. 

Vous avez toute votre vie œuvré 
pour la gloire du beau langage de 
France. 

Votre labeur a aidé, plus que tout 
autre, à distribuer dans le pays les 
grandes clartés que le Français ré¬ 
pand, sans cesse, partout où il est. 

Et c’est une joie, une grande joie 
pour nous, de revoir à chacun de 
vos livres ce doux langage que nous 
aimons, encore une fois chargé de 
beautés nouvelles, encore une fois 
plus doux, plus séduisant. 

Mais dans votre œuvre, il y a un 
livre qui nous a touchés au cœur. 
C’est La Belgique . 

Pour faire celui-là, vous avez pris 
le bâton en main, et vous avez par¬ 
couru le pays, cherchant l’âme de la 
Patrie comme un enfant perdu. 

Au milieu des grandes villes, vous 
avez monté sur les plus hautes tours, 
et là, d’une voix puissante, vous 
avez dit, pour la gloire de nos Pères, 
les plus belles paroles nécessaires. 

Vous vous êtes conduit sur les 
longues drèves du Plat-pays ; et, 
autour de vous, vous avez vu le 
peuple flamand, si fier et si grand 
autrefois, si paisible et replié au¬ 
jourd’hui. 

Vous êtes venu chez nous. 

Et depuis Tournay jusque près de 
la Prusse, aucun de nos petits pays 
si actifs, n’a caché pour vous son âme. 

C’est le Borain rude et dur. C’est 
le Namurois, gai et luron. C’est 
l’Ardennais simple et solide. C’est le 
Liégeois sémillant et musiquant . 
C’est nous tous, les francs Wallons 2 


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WALLONIA 


» Vos avez trové totes cesp'tilès 
sorts ethomes tinant leû pièce ès 
bê décor qui V brave Mère des homes 
lèzî aveût fait . 

» Vos avez pwèrtè haut cisse 
Iwèce catchèye qui les tint à V bina - 
mêye têre qui les a noûris . 

» A don, qwand c'èst qui vos v's 
avez assiou a V tâve di nos ovris, 
qui vos avez magni F pan di nos 
payîsans, comme on fré qu'est 
riv'nou — di v' lèyî viquer dtvins 
zèls, vos avez sintou bâte leû cour 
corne si c'estahe vosse coûr. 

j> Si bin qu'a c'te heure , nos autes, 
qu'a naihou ès ci payis wallon, qui 
n' dimande qu'a-z-î viquer et qui 
vout î mori, nos trovans d'vins vos 
lives des raisons d'esse Wallons , 
d'inmer nosse peûpe si valureûs , 
(Fesse firs di nosse payîs — des 
raisons qui nos n'avîs go te près- 
sintou . 

» L'advinance di voste âme (V«ar- 
tiste », li fwèce di vosse coûr, li 
bêté d* vosse lingadje, li tcholeûr di 
vosse parole, tôt çoula nos done, po 
nos prôpes sintumints , clârté et 
rikfwèr tance. 

» Cest la poqzoè qu' nos v's èstans 
v'nous r'merci. 

» Nos v's admirans , binamè 
Maisse, mins co pus no v's inmans. 

» ht si dfel dis tôt sinplumint , 
c'èst qui dfel pinse — tôt sinplu¬ 
mint l r> 


Vous avez trouvé toutes ces petites 
races tenant leur place dans le beau 
décor que la brave Mère des hommes 
avait fait pour eux. 

Vous avez exalté cette force se¬ 
crète qui les tient à la chère terre 
qui les a nourris. 

Alors, quand vous vous êtes assis 
à la table de nos ouvriers, que vous 
avez mangé le pain de nos paysans, 
comme un frère revenu — en vous 
laissant vivre au milieu d’eux, vous 
avez senti battre leur cœur comme 
si c’était votre cœur. 

De sorte qu’à présent, nous, qui 
sommes nés dans ce pays wallon, qui 
ne désirons qu’y vivre et qui voulons 
y mourir, nous trouvons dans vos 
livres des motifs d’être Wallons, 
d’aimer notre peuple si valeureux, 
d’être fiers de notre pay3 — des 
motifs que nous n’avions nullement 
pressentis. 

La divination de votre âme d’ar¬ 
tiste, la puissance de votre cœur, la 
beauté de votre langue, la chaleur 
de votre parole, tout nous donne, 
pour nos propres sentiments, clarté 
et réconfort. 

C’est pour cela que nous sommes 
venus vous remercier. 

Nous vous admirons, cher Maître, 
mais plus encore nous vous aimons. 

Et si je le dis très simplement, c’est 
que je le pense — tout naturelle¬ 
ment. 



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e banquet organisé le 28 mars en l’honneur de 
Camille Lemonnier par le Cercle de Littérature 
et d’Art l’Avant-Garde n’a eu rien à envier à la 
grandiose démonstration du même genre qui avait 
eu lieu à Bruxelles quinze jours auparavant et 
qui devait se reproduire à Paris, le 3 avril. 

La manifestation liégeoise a revêtu un carac¬ 
tère tout-à-fait wallon. Et, à ce titre déjà, elle 
intéresse les lecteurs de notre revue. 

Elle fut une levée générale d’enthousiames vers le Maître des 
lettres belges, pour son œuvre initiatrice, pour la sincérité et l’élé¬ 
vation de son art, pour sa bonté sereine, pour le noble exemple de 
son indépendance et de sa ténacité. 




L'AVANT 

-GARDE 

LiÈQE. 1900 


La présence de Camille Lemonnier parmi nous a suscité une 
exaltation bienfaisante. Les cœurs se sont unis pour le fêter à la 
manière joyeuse et enthousiaste qui est celle de notre race. Le senti¬ 
ment wallon s’est exprimé avec unanimité et avec ferveur. Et le 
spectacle fut inoubliable. 

Organisée en huit jours, la manifestation avait réuni une élite 
nombreuse et variée. Chose à noter, la fête ne fut pas uniquement 


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WALLON IA 


celleMes littérateurs, elle réunit l’adhésion d’un grand nombre de 
personnes appartenant à tous les mondes des arts et de la pensée. 

Il n’avait cependant été fait aucune invitation, sauf à certaines 
personnalités bruxelloises. Ainsi en avait décidé le Comité organi¬ 
sateur, et le succès général qu’a rencontré l’idée de la Manifestation 
a été d’autant plus remarquable. 

Ce banquet marquera dans les fastes de la Wallonie. 

Aussi avons-nous voulu en fixer le détail, et il nous a été donné 
de recueillir, à cet égard, les documents nécessaires. Nous exprimons 
au Cercle organisateur toute notre gratitude, et nous remercions les 


orateurs de l’empressement avec 
autoriser à publier leur discours. 

Voici la liste des adhérents : 
Paul André, littérateur. 

Jules Berchmans, étudiant. 

Oscar Berchmans. sculpteur. 
Auguste Bénard, éditeur. 

F. Blondiaux, dir. d’école primaire. 
Ernest Bodson. 

Nello Breteuil, littérat. et publiciste. 
V. Brien, ingénieur. 

Çh. Bronne, publiciste et littérateur. 

G. Brouet, étudiant. 

Paul Burnotte, avocat. 

de Galonné, étudiant. 

Gh. Gastermans, architecte. 

Léopold Chaumont, avocat, conseiller 
provincial. 

Victor Chauvin, prof, à l’Université. 
Colin, étudiant. 

Isi Collin, littérateur. 

Arthur Golson, littérateur. 

Lucien Golson, littérateur. 

Oscar Golson, président honoraire de 
la Fédération icallonne de la pro¬ 
vince de Liège, directeur de la 
revue Wallonia. 

Paul Combien, architecte. 

Louis Corbeau, étudiant. 

Valéry Cousin, étudiant. 

J. David, étudiant. 

Jules Debefve, professeur au Con¬ 
servatoire. 

Jos. Defrecheux, sous-bibliothétaire 
à l’Université, homme de lettres. 


lequel ils ont bien voulu nous 


D r Alph. Dejace. 

Charles Delchevalerie, littérateur et 
publiciste. 

Jérémie Delsaux, artiste peintre. 

Arthur Detry, avocat. 

M. Dohy, étudiant. 

Aug. Donnay, artiste peintre, pro¬ 
fesseur à l’Aoad. des Beaux-Arts. 

Julien Drèze, avocat, conseiller pro¬ 
vincial. 

Eugène Duchesne, prof, à l’Athénée 
royal. 

Alfred Duchesne, professeur et litté¬ 
rateur. 

Aug. Dumoulin, ancien président du 
Conseil provincial. 

DweJshauvers, rôpétit. à l’Université. 

James Ensor. 

Esters, employé. 

Isidore Feron, instituteur communal. 

A. Fleury, industriel. 

Frenay, directeur d’école primaire. 

Claude Genval, littérateur. 

Olympe Gilbart, littér. et publiciste. 

Amédée Glesener, négociant. 

Gaston Grégoire, membre de la 
Députation permanente du Conseil 
provincial. 

Maurice Guillemin, étudiant. 

Léon Hanson, avocat, conseiller pro¬ 
vincial. 


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WALLONIA 


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Valère Hénault, échevin de la Ville. 

D r Henrijean, profes. à l’Université. 

Maurice Hoebaerts. étudiant. 

Hoven, chef de bureau à l’Admi¬ 
nistration communale. 

Armand Jabon, avocat. 

Jacques, professeur. 

Jacobi, dessinateur. 

Maurice Jaspar, professeur au Con¬ 
servatoire. 

Paul Jaspar. architecte. 

Jorissen, professeur à l’Université. 

D r G. Jorissenne. 

Keppenne. notaire, sénateur. 

D r Lambrichts. 

Louis Lavoye, artiste musicien. 

Nicolas Lequarré, professeur à l’Uni¬ 
versité, président de la Société 
liégeoise de littérature wallonne 
et de la Société franklin . 

Loumaye, avocat, président du Con¬ 
seil provincial. 

A. Louveigné, étudiant. 

Charles Magnette, avocat. 

Ernest Mahaim, professeur à l’Uni- 
niversité. 

Fernand Mallieux, avocat. 

Marlier, étudiant. 

L. Matagne, étudiant. 

Camille Masius, vice-président du 
Cercle Athlétique. 

Georges Masset, directeur du journal 
L'Express. 

Alfred Micha, échevin de l’Instruc¬ 
tion publique et des Beaux-Arts 
de la Ville. 

Van Missiel, directeur du Théâtre 
du Gymnase. 

Albert Mockel, littérateur. 

Mouzon, rédacteur au journal Le 
Peuple. 

Henri Mug, président de la Société 
dramatique Li Pérou Lidjwès. 

Ovide Musin, prof, au Conservatoire. 


X. Nei\jean-Dubois, avocat. • 

Jules Noirfalise, avocat, publiciste. 

Henry Odekerken, critique d’art. 

Y. Pirenne, étudiant. 

Henri Postula, directeur d’institut. 

J.-Th. Radoux, directeur du Conser¬ 
vatoire. 

Armand Rassenfosse, dessinateur et 
graveur. 

Joseph Remouchamps, avocat. 

A. Remy, notaire. 

Paul Rénaux. 

George Renuart, étudiant. 

Jean Roger, président de l’Associa- 
lion des Auteurs dramatiques et 
Chansonniers wallons. 

Joseph Rulot, sculpteur. 

Jules Seeliger, avocat, conseiller 
communal. 

Hector de Sélys, étudiant, président 
de la fédération des Etudiants 
libéraux unis. 

Gustave Serrurier, architecte et déco¬ 
rateur, président du Cercle l’ A vaut 
Garde . 

Ernest Sougnez, avocat. 

Arthur Snyers, architecte. 

R. Streel, instituteur communal, dé¬ 
légué du Cercle des Anciens nor¬ 
maliens. 

Maurice de Thier, directeur du 
journal La Meuse. 

Ernest Thiriar, étudiant. 

A. Thuillier, rédacteur au Journal 
de Liège. 

Mathieu Thone, imprimeur. 

Alphonse Tilkin, directeur de la ga¬ 
zette Li Spirou. 

Georges Tombeur, négociant. 

Julien Warnant fils, avocat. 

G. Willems, étudiant. 


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84 


WALLONIA 


A huit heures, Camille Lemonnier, suivi des membres du Comité 
organisateur, pénètre dans la salle et le spectacle est vraiment émou¬ 
vant. Des acclamations sans fin, enthousiastes, chaleureuses, partent 
de toutes parts. Ce sont des hourras, des applaudissements, des bans 
qui, pendant plusieurs minutes, tiennent l’assistance haletante. Le 
grand écrivain a peine à contenir son émotion devant une telle 
démonstration d’admiration et de sympathie. 

Enfin, l’on prend place, et le banquet, au menu excellemment 
composé par l’aimable M. Verlhac, commence au milieu du plus vif 
entrain. 

M. Camille Lemonnier occupe le centre de la table haute. A sa 
droite se trouvent MM. Gustave Serrurier, président de I’Avant- 
Garde ; Maurice des Ombiaux, Olympe Gilbart, Joseph Rulot, 
Oscar Colson ; à sa gauche, MM. Albert MocAel, Charles Delche- 
valerie, Auguste Donnay, Charles Bronne, Armand Rassenfosse. 

Vers 9 heures, M. Oscar Colson, secrétaire du Comité organisa¬ 
teur, se lève pour donner lecture des télégrammes et des lettres. Au 
même moment, une admirable corbeille de fleurs est apportée, 
offerte par quelques lectrices liégeoises de Lemonnier. D’autres 
gerbes arrivent et ornent la table d’une éclatante parure. 

Le secrétaire lit les lettres de MM. Edmond Picard, Emile Claus, 
Xavier Neujean père, député, Neujean-Dubois, avocat, Louis Dumonl- 
Wilden, membre du Comité de Bruxelles, Madame Marguerite 
Radoux, MM. Charles Radoux, Edmond Glesener, Louis Fraigneux, 
ancien échevin des Beaux-Arts, Ivoister, dessinateur, M ulp J. Coquette, 
directrice du pensionant de demoiselles, à Cliaudfontaine; MM. Ernest 
Malvoz, professeur à l’Université, D r A. van Beneden, directeur du 
Sanatorium provincial, D r Alphonse Dejace, Joseph Remouchamps, 
avocat, Nello Breteuil, publiciste, qui, en s’excusant pour des motifs 
divers, de ne pouvoir assister au banquet, s'associent d'enthousiasme 
à la manifestation. La Jeune Garde progressiste de Liège envoie ses 
hommages, ainsi que le Cercle des Anciens normaliens , section 
liégeoise de la Fédération nationale des Instituteurs belges ; l'Asso- 
ciation générale des Etudiants ; enfin la revue Wallonia. 

Nous détachons de cette correspondance la lettre de M. Edmond 
Picard : 


Mes Amis de VAvant-Garde, 

Excusez-moi de décliner votre cordiale invitation à la manifestation 
liégeoise en l’honneur de ce héros de lettres Camille Lemonnier, quoiqu’elle 
m’ait beaucoup touché. J’aime que de pareilles fêtes conservent une allure 
très particulière et très locale, et il m’a toujours déplu de voir les mêmes 


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WALLONIA 


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hommes apparaître partout comme des refrains auxquels on ne saurait 
échapper. Que Liège soit Liège et demeure Liège en sa pureté native et si 
bellement originale. Camille Lemonnier en recueillera une joie spéciale et 
un agrandissement nouveau. Que chacune de nos grandes entités nationales 
porte sur Lui son éclat et sa lumière qui ne ressemble pas aux autres 
lumières ; et libérez ce grand Ami, libérez-moi aussi, du colportage, qui 
pourrait fatiguer, de mon affection et de mon admiration. Je les ai de tout 
cœur, et peut-être suffisamment, exprimées déjà. Que votre Jeunesse vail¬ 
lante le fasse à son tour, seule et avec ses forces renouvelées. 

Pour moi, je reste un ancêtre littéraire, 

Edmond PICARD. 

Nous publions aussi cette lettre touchante rédigée par les 
élèves de l’école primaire des garçons de la rue du Jardin Botanique : 

Monsieur Lemonnier , 

Le maitre nous a dit ce matin que vous seriez ce soir dans notre ville 
pour assister à la fête que vos admirateurs liégeois organisent en votre 
honneur, à l'occasion de votre cinquantième volume. 

Nous ne connaissons de votre œuvre que Histoire de huit bêtes et 
dCune poupée , Bébés et Joujoux , La Belgique , et de beaux extraits qui 
sont dans notre livre de lecture ; mais ces pages nous ont donné souvent de 
bien douces émotions et nous avons voulu vous fêter, à notre façon, en 
écoutant attentivement ce que le maître nous a dit de vous, et en prolon¬ 
geant la leçon de lecture, tout en ne lisant aujourd’hui que de votre prose. 

Nous savons, cher Monsieur, que vous êtes la bonté même et que vous 
aimez particulièrement les enfants ; nous vous aimons aussi beaucoup, et 
si nous le pouvions nous irions à la fête de ce soir, pour voir de près votre 
belle grosse tête chevelue, et embrasser bien fort vos beaux yeux doux. 

(Signatures.) 

C est M. Gustave Serrurier, président de 1’Avant-Garde, qui 
a souhaité la bienvenue à Camille Lemonnier. M. Albert Mockel a 
pris ensuite la parole. Les tostes de MM. Olympe Gilbart, Charles 
Magnette, Auguste Donnay, Arthur Colson, Hector de Sélys et 
Charles Delchevalerie, se sont succédés, plusieurs fois interrompus, 
comme les précédents, par les plus vifs applaudissements. 

L’instant venu de la Réponse, un silence émouvant se fait et, 
quand le Maître se lève, tous les convives, mûs par une même pensée 
d’admiration et de respect affectueux, se lèvent à leur tour. L’instant 
est vraiment pathétique... Et c’est alors une admirable page, dite 
avec une émotion profonde, de cette belle voix solide, sonore, 
prenante, que possède l'immortel écrivain. 

Ce discours a produit une émotion inexprimable et, quand 
Camille Lemonnier prononça les dernières paroles, ce fut une 
explosion sans fin de bravos enthousiates... 


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TOSTES ET DISCOURS 


De M. G. Serrurier. 


Maître ! 

Je dois à ma seule qualité de président de I’Avant-Garde le 
grand honneur de vous adresser aujourd’hui la parole de bienvenue 
parmi nous et croyez qu’il n’a pas fallu moins que ce hasard pour 
me permettre, à moi sans autorité particulière, de parler en cette 
circonstance. 

Le Cercle I’Avant-Garde peut s’honorer d’avoir eu dès ses 
débuts votre sympathie et vos encouragements. Il y a deux ans, en 
effet, vous voulûtes bien venir faire chez nous une conférence qui 
eut le succès enthousiaste qu’elle méritait, et votre verbe ardent et 
réconfortant laissa parmi nous un souvenir qui ne s’est point effacé 
encore. 

Cet appui de votre haute autorité à notre jeune Cercle n’a 
d’ailleurs rien qui doive surprendre de vous dont les œuvres, après 
une longue période de production étonnamment féconde, semblent 
revêtir de plus en plus, au fur et à mesure qu’elles éclosent, une 
jeunesse et une fraîcheur nouvelles. 

Lorsque, il y a peu de temps, surgit dans le monde de la litté¬ 
rature et de l’art l’idée de manifester au grand artiste que vous 
êtes l’admiration et le respect que lui inspirent votre talent et votre 
caractère, I’Avant-Garde crut qu’elle ne pouvait rester étrangère 
au juste hommage qui devait vous être publiquement rendu. 

L’occasion se présentait belle pour elle de vous exprimer toute 
la gratitude que vous doivent ceux qui pensent que le patrimoine 
intellectuel d’uue nation constitue sa fortune la plus sûre et la plus 
impérissable. 

Il nous a paru que la terre wallonne où depuis une vingtaine 
d’années s’est formée une école d’artistes et de littérateurs sur 
laquelle votre œuvre exerça sûrement une influence et dont la noto¬ 
riété s’étend maintenant bien au-delà de nos limites géographiques, 
il nous a paru, dis-je, que la terre wallonne pouvait et devait 
prendre part à cette manifestation glorificatrice d’un des plus émi¬ 
nents représentants de la Belgique contemporaine. 

L’appel que nous avons fait à nos concitoyens, réunit des adhé¬ 
sions empressées dans tous les milieux où vit la pensée indépendante 


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et cette assemblée où des hommes d’opinions diverses se trouvent 
unis en un fraternel enthousiasme, et où ne manquent même pas 
certains éléments qui faillirent ailleurs, vous dit assez le respect 
dont s’entoure votre nom et votre œuvre en Wallonie. 

Dans quelques jours une série de représentations de Un Mâle 
que nous avons organisées, permettra à un public plus nombreux de 
vous acclamer et de vous fêter. 

Ce n’est donc pas une démonstration limitée à notre cercle qui 
nous rassemble ici. C’est une Manifestation wallonne et rien n’est, 
je pense, plus légitime. 

Vous avez, Maitre, dans plus d’une de vos œuvres touché par 
trop de côtés les particularités qui caractérisent l’Ame wallonne 
pour que vos livres n’aient pas suscité parmi nous un enthousiasme 
et une admiration tous naturels. 

Parallèlement, et bien que votre personnalité si distincte 
échappe quelque peu aux influences de races qu’elle domine, nous 
croyons que la Wallonie avec son génie propre a pu vous inspirer 
maintes pages parmi vos plus belles. 

De là la communauté de sentiments qui nous réunit aujourd’hui 
et nous voudrions que, pendant les heures que vous passez au milieu 
de nous, vous puissiez vous sentir vraiment chez vous, au milieu de 
cœurs remplis de respectueuse admiration. 

Parlerai-je de votre vie littéraire : incessant combat pour la 
cause de l’Art ? 

Dirai-je votre inlassable ardeur dans l’éternelle et grande lutte 
pour la conquête de la beauté ? 

Célébrerai-je votre œuvre qui est comme un long et passionné 
cantique à la nature, un hymne magnifique à la vie ? 

Tout cela fut dit en des termes que je ne saurais égaler, avec 
une compétence à laquelle je ne pourrais prétendre. 

Je veux cependant vous louer d’avoir eu beaucoup d’adversaires 
et même d’ennemis. 

Ce qui, pour des médiocres, des ambitieux, des normaux, serait 
une infortune, est, pour les âmes fortes et Aères, un honneur, car 
c’est l’aveu de leur valeur, la reconnaissance tacite de leur supé¬ 
riorité. 

Aujourd’hui même, alors que votre gloire littéraire illumine 
d’un irradiant éclat la Belgique intellectuelle, vous avez la joie de 
vous dire que votre nom suscite encore bien des haines, les unes 
avérées, les autres occultes. 

Et cela est bien. 


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Et il est bon qu’il en soit ainsi car ces ombres ne donnent que 
plus de brillant à la lumière dont rayonne votre œuvre, et votre 
conscience d’artiste est, ainsi, nette de toute compromission. 

Mais, si vous vous êtes volontairement privé des faveurs que 
certains savent si adroitement et si profitablement attirer à eux, vous 
possédez au moins cette rare et précieuse jouissance de vous savoir 
estimé, aimé et admiré par tous ceux qui représentent la pensée 
libre, généreuse et tolérante. 

Si des natures telles que la vôtre avaient besoin d’un réconfort, 
vous le trouveriez dans notre unanime accord pour proclamer la 
magnificence de l’édifice dont vous êtes le génial ouvrier. 

Je suis heureux, Maître, d’avoir pu vous dire ces choses au nom 
de I’Avant-Gàrde comme au nom de ceux qui ont tenu à se joindre 
à elle et je terminerai en exprimant, l’espoir que longtemps encore 
il vous soit donné de montrer aux générations nouvelles le haut et 
noble exemple de la foi dans l’art et de l’espérance dans l’avenir. 

De M. Albert Mockel. 

Cher maître et ami , 

Je ne suis pas l’homme des discours ; mais on m’a demandé de 
vous souhaiter la bienvenue au nom des écrivains français du pays 
wallon, — et de cette génération dont l’adolescence a connu le joyeux 
rayonnement de vos premiers livres. 

Un jeune confrère vous dira l'admiration des derniers venus 
dans les lettres. On m*a désigné pour vous exprimer la reconnais¬ 
sance de vos cadets plus immédiats, en terre wallonne. 

J’en vois plusieurs parmi nous ; d’autres n’ont pu venir, mais 
je sais que leur cœur est ici. Avec eux nous avions fondé il y a près 
de vingt ans une revue d’art, la Wallonie , à laquelle vous avez 
donné, pendant sept années, votre collaboration généreuse. Ils s’ap¬ 
pellent Charles de Tombeur, Demblon, Hector Chainaye, Arnold 
Goffin, Jules et Georges Destrée, Fernand Severin, Maurice Wil- 
motte, Ernest Mahaim, Pierre Olin, Gustave Rahlenbeck, Siville, 
Aug. Vierset, Maubel, Fontainas, Georges Garnir, Elskamp, Louis 
Delattre, Hubert Krains, Henrotay, Charles Delchevalerie, Paul 
Gérardy, Desombiaux, Jean Delville, Edmond Rassenfosse, Charles 
Bronne, Gilbart, Paschal, Thonnar, — il en est d’autres. Recevez 
un hommage que je vous adresse en leur nom, de tout cœur et en 
toute simplicité. 


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Vous avez, sachez-le, un privilège assez rare : Dans ce pays où 
se rencontrent deux races à peu près étrangères l’une à l’autre, 
chacune d’elles trouve en vous quelque raison particulière de 
s’exalter, une nuance de clarté où elle s’apparait embellie. 

Certes les Flamands vous doivent beaucoup. Vous êtes presque 
un des leurs et vous partagez peut-être mieux que nous leur goût 
pour l’opulence et les ornements magnifiques. Vous les avez peints 
tels qu’ils sont et tels qu’ils aiment à être peints, dans la splendide 
exubérance de la couleur. Vous avez dit la riche et lourde force de 
ces grands corps où la vie circule en pleine chair, et vous avez 
trouvé sous leurs brusques ardeurs une âme de silence et de rési¬ 
gnation. 

Mais notre petite patrie se découvre elle aussi, dans cette grande 
patrie qu’est votre œuvre. Vous avez connu et compris les gens dé 
chez nous, — leurs gestes, le décor où ils vivent, la joie et la 
douleur dont tous leurs mouvements s’environnent. 

Octave Pirmez avait dit quelques-unes de nos réflexions en face 
de la nature et parmi les êtres qui la peuplent : vous avez suscité ces 
êtres devant nous, et cette même nature vous l’avez montrée toute 
vivante. 

Vous avez même pénétré au Tond de nous avec une force singu¬ 
lière, le jour où vous avez créé le premier de vos types wallons. 
La jeune vigueur de Cachaprés remplit la forêt, les champs et les 
villages. Il est vif, nerveux, résistant et souple, et il a mille ten¬ 
dresses cachées en dépit de son métier d’homme des bois. Il est le 
fils de la nature, et il songe parfois à elle avec une sorte 
d’obscur sentiment panthéiste. En cette figure d’exception, nous 
devinous des choses qui vivent en nous-mêmes. Cachaprés est 
comme un frère sauvage qui nous parle notre langue, nous conte 
des souvenirs oubliés, et garde en son rude visage un sourire 
qui nous est familier. N’est-il pas un enfant perdu de notre 
grande famille? N’est-il pas, comme la plupart de nous, un indu 
vidualiste né ? 

Ce type, vous l’avez renouvelé ensuite et l’avez complété en le 
parant (Tune grâce ingénue : C’est la fierté juvénile du Sylvan de 
Vile Vierge , et c’est, tout près de nous, le libre garçon aux forces 
généreuses, tout frémissant d’un doux et d’un secret émoi, le franc 
et le naïf enivré de plein air que vous faites grandir au cœur frais 
de la forêt. 

Cette fôis, c’est notre pensée elle-même qui nous apparait 
tout à coup. Notre rêve s’est fait chair; et nous contemplons ici, 


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WALLONIA 


magnifiée par votre art, Tune des images idéales où notre âme de 
Wallons aspire à se formuler. 

Voilà, certes, de grandes et de justes raisons pour l’acte de 
reconnaissance et de foi que j’accomplis en m’inclinant devant votre 
œuvre. Mais notre gratitude vous est due encore pour avoir réveillé 
en nous, par votre admirable leçon, l’amour et le respect de cette 
noble langue française que nous avons apprise parmi les baisers 
maternels, et qui, pour nos esprits, fut elle-même une Mère. 

Oscar Golson vous en a remercié à Bruxelles par quelques 
paroles d’autant plus significatives, qu'il avait emprunté pour elles 
le dialecte liégeois : 

« C’est en français que vous avez écrit, disait-il, dans ce langage 
» que nous portons, nous, au-dessus de tous les langages. Si les 
» Wallons gardent au cœur l’amour de leur riant patois, ils ont le 
» devoir de dire, et nous le disons bien haut, que le français, seul, 
» nous rattache à ces hommes d’autrefois qui ont assuré à la civili- 
» sation actuelle la plus grande part de sa noblesse... Et c’est une 
» joie, une grande joie pour nous, de revoir à chacun de vos livres 
» ce doux langage de France encore une fois chargé de beautés 
» nouvelles. » 

Vous le savez tous, ici, ce qu’on avait fait en Belgique de cette 
fière langue française! La négligence de ceux qui en avaient la garde 
l’avait abandonnée à des amants séniles. Sa beauté toujours jeune, 
élégante et divine, était humiliée par l’étreinte de ces mains où 
l’on sentait la mort. Elle agonisait, semblait-il, dans ces bras de 
vieillards... En vérité, messieurs, il était temps qu’on vint la délivrer. 
— Quelqu’un vint en effet, et celui-là c'était un Mâle. 

Vous êtes arrivé parmi nous, vous, Camille Lemonnier, et vous 
nous avez rappelé qu’il est un art d’écrire. Pour la foule, il suffit 
de savoir rédiger , — les lettrés seuls écrivent. Ils ne rapprennent 
que lentement, par un fervent labeur où il faut de la foi et l’oubli de 
soi-même. Mais ^e labeur, cette foi et cette abnégation nous pou¬ 
vions les voir en vous-même, et vous nous entraîniez par la puis¬ 
sante persuasion de vos livres. 

Certes, la beauté française était là, qui sollicitait notre esprit 
comme la France elle-même sollicite notre cœur. Mais n’étiez-vous 
pas son porte-paroles, vous, l’un des plus brillants des écrivains 
français ? Tout près de nous, vous nous donniez un magnifique 
exemple ; vous nous appreniez que l’art des lettres n’est pas le 
simple fait d’accorder la grammaire avec le son d’une pensée, — 
mais qu’il faut, pour écrire, donner librement tout son être : voir, 
entendre, sentir, et prendre en soi-même la vie pour créer de la vie. 


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On n’osait plus, à vos côtés, abandonner sa plume, abaisser son 
esprit à la lâcheté des trop faciles besognes où la phrase se meurt 
d’avoir été conçue sans amour. Nous le savions par vous : l’acte 
d’écrire est un acte de passion. Il faut, pour que l’œuvre soit bonne, 
qu’elle tende toutes nos forces et nous laisse frémissants de la nuque 
aux orteils. 

Voilà, cher maître, ce que nous avons lu dans vos livres. Nous 
y avons connu la noblesse du travail et la fierté réconfortante d’une 
foi qui s’est dévouée à son œuvre. Nous y avons trouvé encore des 
idées hautes et vitales : celle de la grandeur de la race, la commu¬ 
nion filiale de l’homme avec la maternelle nature et sa fraternelle 
union avec l’homme lui-même ; la liberté enfin, la grande et véri¬ 
table liberté, celle dont ne s’occupe guère la politique, et celle-là 
pourtant qui nous importe le plus : je veux dire la force idéale 
d’un être vivant par soi-même, et qui entend les voix de ses instincts 
répondre aux voix de l’univers. 

Accueillez donc notre salut et notre hommage, à nous qui 
voulons être dignes de cette liberté là. Vous avez mérité les marques 
de respect d’une jeunesse qui n’en est point prodigue, et nous nous 
inclinons sans bassesse devant un homme qui ne nous a commandé 
jamais, sinon par son impérieux exemple. 

Vous avez su garder, dans la virilité de votre esprit, cette 
ardeur généreuse et hardie qui est l’adolescence du cœur, et qui sait 
conquérir les cœurs adolescents... Et si je devais, avec l’écrivain 
qu’ils connaissent, présenter aux camarades liégeois l’homme que 
vous êtes, je dirais simplement : « Le voici. Saluez un maître encore 
si jeune, à qui l’on pense parfois comme à un vieil ami. * 

De M. Olympe Gilbart. 


Maître , 


Je porte votre santé au nom de ceux qui ont la joie précieuse 
de vous connaître dans votre vie de tous les jours et de savoir toute 
l’étendue de votre bonté. 

Dans le monde des lettres, où l’envie jouit d’une faveur particu¬ 
lière, où les subtilités malicieuses sont si jalousement utilisées, — 
et souvent avec une adresse rare autant que perfide — il est récon¬ 
fortant de voir une universelle sympathie entourer votre personne. 

Vous n’avez jamais été parmi les courtisans et toujours vous 
avez gardé avec une fierté farouche la plénitude de votre indépen- 


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WALLONIA 


dance. Et voyez quel concours admirable d'individualités vous 
acclame ce soir ! 

On vous récompensa d'ailleurs dans certaines sphères par des 
actions de grâce toutes spéciales qui marqueront plus tard d’un signe 
indélébile de honte les gens qui ont la mission d'encourager les 
manifestations artistiques de la pensée. 

Mais vous avez, à travers tous les obstacles dont le pharisaïsme 
ambiant voulut embarrasser votre marche intrépide, persévéré dans 
la tâche que vous dictait la divination souveraine de votre miracu¬ 
leux instinct. En dépit des volontaires incompréhensions officielles, 
malgré les hypocrites et criminelles tentatives d’asphyxie intellec¬ 
tuelle dont vous fûtes menacé, vous êtes resté robuste comme un 
chêne majestueux qui balance orgueilleusement sa frondaison sonore 
au milieu des plus furieuses tempêtes. 

Et pour ceux qui connaissent votre belle santé morale, ce fut 
après quelques heures d’amertume, le triomphe puissant, irrésistible, 
de votre rayonnante personnalité qui illumina tous les esprits et 
ensoleilla tous les cœurs. 

La pureté et l’élévation de vos conceptions émerveillent toutes 
les consciences et vos œuvres sont les échos vibrants, pantelants et 
fidèles de votre tempérament, 

Vous ne vous êtes jamais menti à vous-même et vous avez ainsi 
enseigné à la jeunesse, par l'édification éclatante de votre œuvre, le 
prestige de la pensée libre et le secret de la vraie originalité. 

J’ai la joie de vous apprécier très souvent. Je sais de quelle 
sollicitude empressée vous suivez les efforts des jeunes gens qui ont 
recours â vous. Je connais l'admiration religieuse dont vous êtes 
frémissant devant les spectacles de la nature, et j’ai goûté dans votre 
langage la ferveur enthousiaste et sincère qui vous anime. Vous 
n’avez qu'un idéal, l'idéal des forts et des purs : la beauté par la 
santé. Tout votre œuvre respire comme votre personne l’énergie 
saine et la générosité fécondante. 

Devant l’art, vous êtes le prêtre pieux qui n'a pas assez d'holo¬ 
caustes pour exprimer son amour, et qui se souhaite toujours pins 
de force pour élever plus haut ses hommages dévotieux. 

Sensible à toutes les expressions de la pensée, vous accueillez 
les efforts d’où qu'ils viennent. Vous dispensez à tous ceux qui vous 
approchent les trésors fastueux de vos sensations divinatrices et vous 
êtes pour eux le maître de joie et de bon accueil. 

Vous initiez les âmes aux frissons éternels, ceux qui chuchotent 
dans la sève des branches naissantes, qui grondent dans les végéta¬ 
tions épanouies, qui passent en caresses d’amour avec le vent prin¬ 
tanier, qui éclairent les fronts purs des enfants. 


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Quiconque a entendu le son de votre voix chaleureuse, cordiale 
et passionnée ne vous oublie pas. Vous laissez dans les cerveaux et 
dans les cœurs l’irradiation lumineuse de votre foi brûlante et vous 
exercez l’influence salutaire qui fait le sang rouge, tumultueux et 
créateur. 

Maître, je vous salue un honnête homme, un noble artiste, un 
somptueux écrivain, un grand bienfaiteur et, au nom de ceux qui 
joignent à une admiration sans bornes pour votre œuvre gigantesque 
une estime profonde pour votre émouvante humanité, je vous dis un 
filial merci ! 


De M. Charles Magnette. 

Si, dans cette série de discours, une modeste place m’a été 
réservée, ce n’est à coup sûr point parce que ceux qui ont bien voulu 
me la garder so sont avisés que je fus, voici plus de vingt ans, avec 
Albert Grésil, Max Waller et d’autres, parmi les fondateurs et 
collaborateurs de cette Jeune Revue Littéraire qui, rapidement — 
tel un bouton informe se muant en fleur superbe — devint et resta 
La Jeune Belgique. 

C’est bien plutôt parce que je suis de ceux-là dont la plume s’est 
rouillée, et dont l’admiration pour les Maîtres — pour le Maître que 
nous fêtons — est d’autant plus vive, plus sincère, plus profonde, 
qu’ils ont pu, par eux-mêmes, se convaincre de la grandeur et de la 
difficulté de cette œuvre : penser hautement, largement, librement, 
et habiller cette Pensée de grâce et de splendeur, pour en faire la 
maîtresse du cœur et du cerveau de ceux à qui elle apparaît! 

Œuvre souveraine, souverainement accomplie ! 

C’est parce que, après ceux qui comme vous, ont l’art pour préoc¬ 
cupation essentielle, qui vivent en l’art et pour l’art, et en qui aussi 
il vit et vibre, il a semblé bon d’entendre ceux pour lesquels, en 
somme, vous avez travaillé, peiné, joui et souffert; ceux qui, dans la 
masse impénétrée, et pour longtemps encore, hélas, impénétrable à 
la vraie et humaine beauté, vous ont compris et cherchent à vous 
faire comprendre. 

C’est pour ceux-là que je parle. 

Et, en leur nom, je vous dis : 

Vous avez fait — et vous allez la continuer — une Œuvre 
grande, généreuse, désintéressée, essentiellement humaine. 

Comme l’énorme Emile Zola, vous avez le culte de la Vie, dans 
toutes ses manifestations. 


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WALLON IA 


Vous rêvez, vous voulez une Humanité dégagée des terreurs et 
des angoisses, goûtant enfin, après des myriades de siècles d’évo¬ 
lution, la joie et la dignité de la Vie. Et, pour cela, vous rêvez, et 
vous voulez avec nous, que cette misère qui fut jusqu’ici le lot, le 
triste lot, de presque tous les hommes, s'abolisse et fasse place à 
toute la joie que pourra donner, que donnera un jour, la Vie soli¬ 
daire et rationnelle des hommes, enfin éclairés et unis. 

Et voilà pourquoi, en des livres qui resplendissent ainsi que des 
toiles de Maîtres, vous peignez la Vie : la vie nationale, la vie 
sociale, la vie des campagnes et celle des villes; la vie et le crime, 
la vie et la paix et le bonheur. 

Aussi, vous les avez rencontrés sur votre chemin tous ceux-là 
qui haïssent et méprisent la Vie, parce qu’elle n’est pour eux qu’une 
préparation à ne plus vivre ; tous ceux-là qui haïssent, avilissent et 
dégradent l’Amour, parce qu’il est l’expression la plus haute de 
la Vie. 

Tantôt ils ont, sur votre route, répandu des ordures que vous 
n’avez même point aperçues; tantôt ils ont feint de vous ignorer, 
dans un aveuglement que la postérité ne parviendra pas à com¬ 
prendre ! 

Et pourtant combien, à n’en pas douter, qui vous connaissent, 
sans oser le dire, et que vous avez, suprême triomphe! forcés à 
rougir devant eux-mêmes! 

Mais, que vous importe ! 

N’allez-vous pas parce qu’il est en votre destinée et en votre 
pouvoir d’aller, et d’être un prophète de liberté, de progrès et 
d’amour? 

Votre sérénité n’est qu’une des faces de votre puissance! 

Aussi, peut-être, pas plus que les vitupérations des autres, nos 
louanges et notre enthousiasme n'auront le don de vous émouvoir. 

Qu’importe encore ? 

De même que vous faites votre tache parce qu’il le faut, parce 
qu’elle est en vous, irrésistiblement, nous accomplissons la nôtre, 
une partie de la nôtre. 

C’est notre devoir d’exalter, de déifier la pensée libre, magni¬ 
fiquement exprimée. 

C’est notre devoir, et c’est notre joie, de crier les émotions que 
remue en nous le spectacle d'un de ces hommes rares, en qui s’in¬ 
carne et se féconde le plus merveilleux instrument du progrès 
humain, la liberté absolue, énergique, opiniâtre, complète, des 
manifestations intellectuelles. 


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Et quand, à cette puissance de la volonté, s’allient le Verbe 
enchanteur et la tendresse infinie du cœur, il faut s’incliner tout bas 
devant celui qui réunit en lui ces dons précieux et qui, étant un 
surhomme, s’impose et domine. 

C’est ce que je fais, en un mouvement de respectueuse et d’affec¬ 
tueuse admiration. 


De M. Auguste Donnay* 

Au nom des artistes de Liège, qu'il me soit permis — en votre 
œuvre — de louer les pages magnifiant l*Art. 

A l’encontre des abstracteurs de quintessence, lesquels argu¬ 
mentent, ergotent et dissèquent si bien qu’ils en arrivent, unique¬ 
ment, à détruire les œuvres — vous êtes, Maître, parmi les très 
rares qui sachent écrire sur l'Art d’une façon efficace. 

Il suffit de vous lire. 

Et parce que vous êtes le peintre de la Vie, les Vies renaissent 
pour vous. 

Voici que Albert Diirer vous reçoit dans sa maison de Nu¬ 
remberg — Vous parlez avec Holbein — Monseigneur Pierre- 
Paul-Rubens vous donne ses pinceaux pour que vous amplifiiez 
magnifiquement le Verbe qui le va glorifier. Et je crois bien que 
c'est Frans Hais qui vous enseigna la puissance d’une touche à la 
fois emportée et certaine. 

Jordaens vous serre la main — Van Dyck vous salue d’un geste 
aristocratique — Vous adressez à Watteau un élégant madrigal. Et 
les Petits Maitres se rangent respectueux à votre passage, lorsque 
vous sortez songeur de l’atelier de Rembrandt, cet alchimiste de 
l’ombre. 

Et qu’il s’agisse des Primitifs — qui peignaient leur œuvre à 
genoux — tel était grand le Respect, eu leur art — ou bien des 
Tailleurs de pierre, imagiers ingénus qui décorèrent de vie l’archi¬ 
tecture d’autrefois, — les Vies renaissent pour vous et par vous. 

Ensuite c'est Millet, Corot, Hyppolite Boulanger, Dubois, les 
Stévens, Félicien Rops, Wervée, d’autres encore, dont vous glo¬ 
rifiiez l’œuvre. 

Vous commentez aussi Rodin, cet admirable sculpteur qui 
engangue l’idée moderne en sa forme adéquate. Le grand Constantin 
Meunier trouve eu vous un panégyriste absolument éloquent, et, 
lorsque vous célébrez Emile Claus, cet artiste qui peint avec du 
soleil, vos phrasés vibrent comme un tympanon en des mains 
enthousiastes. 


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... Serait-ce, Maître, parce que vous êtes le Grand Enthousiaste 
que vous êtes le Bon Critique d’art ?... 

De M. Arthur Colson. 

Maître, qui resplendissez des inaltérables clartés de la gloire, un 
des derniers parmi ceux que conduisit et réconforta votre bonté, 
vient, en ce jour de joie, d'orgueil et de triomphe, vous remercier 
au nom des Jeunes, parce que, jamais, leur espoir en votre appui 
ne fut déçu. 

Vous, le Grand, vous suivez avec une sollicitude attentive, la 
bousculade grouillante de nos maladroites activités, toujours prêt à 
donner le sauf-conduit de votre nom aux talents en larve que la 
critique, peut-être, sans vous, eût écrasés. 

Vous, l'Initié, vous avez sondé les mystérieux arcanes de la vie 
universelle ; vous nous en avez appris la splendeur souveraine et 
le sens profond. 

Grâce à vous, nous voici conscients de nous-mêmes et de la loi 
admirable qui règne sans trêve, qui fait naître la vie de la mort, 
dans les éblouissantes et déconcertantes renaissances des êtres et des 
choses. Grâce à vous encore, nous sommes fiers et fous de vivre nos 
heures avec tout ce qui fleurit et chante : avec les éphémères à la 
joie bruissante, avec les sèves à la silencieuse poussée, avec les 
fumées de l'espace aux flottements rêveurs et mous, avec les mondes 
qui fulgurent en tourbillonnements éperdus à travers l’immensité. 

Puisque vous avez tant fait pour nos jeunes âmes d’artistes et 
pour nos consciences d'hommes, puisque nous vous aimons, laissez- 
moi vous dire, Maître : 

Nous serons d’heureux enfants , si le tendre œillet rose de 
notre juvénile et enthousiaste admiration peut, comme la fleur 
écarlate que vous aimez tant, occuper une petite place auprès de 
votre grand cœur. 

De M. Hector de Sélys. 

Chargé par mes amis ici présents d'exprimer leur admiration 
pour le grand écrivain que l'on célèbre aujourd’hui, j'ai la convic¬ 
tion qu'en m’acquittant de cette mission, je ne me ferai pas seulement 
l’interprète d’un groupe d’étudiants, mais de tout ce que la Jeunesse 
universitaire compte d’éléments généreux, d’esprits libres et indé¬ 
pendants. 

Ce n’est pas à moi qu’il appartient de rappeler combien l’Art 
doit à M. Camille Lemonnier. Je me garderai d'entreprendre une 
tâche à ce point au-dessus de mes forces. 


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WÀLLONIA 


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Je dirai simplement que nous autres, les jeunes, émancipés, 
nous n’avons de respect que pour ce qui est vrai ; que nos sympa¬ 
thies ne vont qu’à ceux qui osent dire ce qu’ils pensent et ce qu’ils 
sentent, avec netteté, sans réticence, et attaquer ouvertement ce 
qu’ils considèrent comme vil et haïssable. 

Voilà pourquoi Camille Lemonnier est, je ne dirai pas un de 
nos dieux — nous n’en avons pas — mais un de ces surhommes que 
nous vénérons. 

Oui, nous le vénérons ! Nous le disons bien haut, car nous 
ignorons encore — et puissions-nous les ignorer toujours ! — les 
rancunes, l’envie, les bas calculs qui poussent tantôt à un mutisme 
rageur, tantôt à des propos hypocrites.... 

Et nous lui sommes reconnaissants, profondément, des aspira¬ 
tions élevée^, des sentiments vivifiants qu’il a si souvent fait naître 
en nous. 

Que de fois, en proie à l’exaspération ou au découragement, la 
lecture de quelques pages de l'incomparable artiste belge ne nous 
a-t-elle pas procuré l’apaisement et des forces nouvelles ? 

Ah ! quelle joie ! que de douces espérances ! que de rêves enchan¬ 
teurs ! quand, sous son souffle puissant, irrésistible, nous avons 
entendu craquer l’édifice vermoulu des conventions stupides et des 
préjugés maudits ! ! 

O Maître vénéré ! Nous vous en supplions — assoiffés de Liberté 
et de Justice — continuez à combattre ce qui n’engendra jamais 
qu’esclavage et misère, à opposer, avec votre mâle éloquence, les 
éternelles lois de la Nature aux fers que les hommes se forgent tous 
les jours, la beauté, la grandeur de ce qui se développe et vit 
librement aux tristes choses qu’enfantent la contrainte et la routine!... 

Oh ! continuez ! Et en vous lisant, nous apprendrons à être nos 
propres maîtres ; nous discernerons ce que nous devons aimer et ce 
que nous devons maudire. 

Le culte du Beau et du Bien fera battre nos cœurs.... Et pleins 
d’un espoir viril, nous entreverrons, transportés d’allégresse, le jour 
heureux où l’Humanité se réveillant superbe, frémissante de vie 
comme, à l’aurore, la forêt du Mâle , il n’y aura plus de gestes 
mesquins et dégradants. 

De M. Charles Delchevalerie. 

Mon cher Maître , 

Quand, à Bruxelles, il y a quelque trois semaines, au cours 
d’une manifestation inoubliable, vous fûtes salué par l’élite intellec¬ 
tuelle de la nation, un des journalistes qui se firent les historiographes 


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WALLONIA 


de cette noble soirée émit un regret. « Après tant de toasts d’une si 
parfaite éloquence et d’une si juste opportunité, dit-il, il semblait 
qu’on dut encore en entendre un, qu’on n’a pas entendu, celui du 
Monsieur qui a lu les cinquante volumes, le toast de l’introuvable ». 

En terminant son compte-rendu par cette boutade, ce chroni¬ 
queur, d’ailleurs éminent, sacrifiait à un très vieil usage, à un usage 
un peu démodé, qui veut que les journalistes de chez nous emploient 
le mode ironique lorsqu’ils parlent de littérature. Il ne faut pas lui 
en garder rancune. Son ironie était certainement bienveillante. 
Aussi bien, puisqu’une loi de la nature veut que rien ne se perde, 
elle avait s# mystérieuse raison d’être, puisqu’elle nous a fait réflé¬ 
chir. Et c’est dans cette ironie même que je trouve mon excuse, 
quand je me lève, en cette fervente soirée, pour ajouter ma petite 
fleur au somptueux bouquet, pour joindre mon hommage à ceux que 
vous venez d’entendre. 

Laissez-moi le dire tout de suite : je ne suis pas l’introuvable. 
Je n’ai pas lu vos cinquante, vos cinquante-cinq volumes, et je le 
regrette infiniment. Il ne me sera pas possible de satisfaire M. Tar¬ 
dieu. Et j’ajouterai : 

L’Introuvable, celui qui a eu le bonheur de suivre pas à pas, 
depuis quarante années, votre génial effort, il existe sans doute, et 
il n’est pas unique. Mais à coup sûr on n’en trouvera pas beaucoup 
d’exemplaires parmi les centaines d’admirateurs qui vous fêtèrent à 
Bruxelles, parmi ceux qui vous fêteront à Paris, parmi ceux qui 
depuis plus d’un mois vous glorifient dans ta presse de France et de 
Belgique, parmi ceux enfin qui se sont réunis aujourd’hui pour vous 
acclamer en notre Capitale wallonne. 

Dès lors, c’est à titre d’humble et anonyme lecteur que je con¬ 
tinue, et que je confesse la honte qu’il y a pour nous à ne pas connaître 
en son entier une œuvre comme la vôtre. Mais s’il en est peu qui la 
puissent apprécier complètement, dans le détail de sa masse gigan¬ 
tesque, votre triomphe actuel est d’autant plus admirable. 

La Belgique intellectuelle vous acclame, et pourtant la Belgique, 
même intellectuelle, ne lit guère. Le nombre n’est pas énorme de 
ceux qui ont lu dix de vos romans. Combien ne connaissent de vous 
qu’un livre, que quelques pages ! Néanmoins, vous les voyez autour 
de vous, vos lecteurs, pleins d’enthousiasme. Car ceux qui n’ont lu 
qu’un livre, et ceux qui n’ont lu qu’une seule page, y ont découvert 
de suffisantes raisons pour vous saluer avec une déférente émotion. 

Il n’est pas nécessaire d’être l’introuvable pour vous admirer 
et vous aimer. Il suffit d’avoir entrevu votre œuvre sous un de ses 
multiples aspects, il suffit d’avoir communié avec la beauté dont 


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vous évoquez si fastueusement les divers et changeants prestiges 
pour vous honorer et vous dédier cette durable gratitude que Ton 
voue à ceux qui amplifièrent notre esprit en nous révélant d’inédites 
merveilles. 

Nos admirations, nous en faisons une gerbe dont la frémissante 
bigarrure est pour vous un spécial motif d’orgueil. 

Tel vous admirera comme peintre minutieux du décor ; tel 
verra surtout en vous l’auteur d’amples fresques sociales ; un autre 
louera le psychologue divinateur, analyste des conflits secrets de notre 
être ; tel encore sera frappé par la pénétrante intuition qui donne un 
si vigoureux relief aux paysans de vos contes ; tel vantera votre 
compréhension si juvénilement panthéiste de la nature, votre subtile, 
votre insolite perception de la vie des choses ; tel enfin sera enthou¬ 
siasmé par votre fiére et généreuse idéologie. 

Il y a de quoi valoir à leur auteur la gloire d’un Andersen dans 
les innombrables pages que vous avez spécialement écrites pour les 
enfants. Certains de vos livres donnent aux femmes la joie d’être 
indiciblement comprises. Les artistes vous doivent sur l’art des 
lumières qu’ils n’espéraient point. N’avez-vous pas, jadis, montré sa 
voie à notre grand Constantin Meunier ? 

Critique littéraire, vous avez eu -- quand par exemple vous 
avez défini Emile Verhaeren « un grand ingénu violent » — des 
trouvailles que vous envient les professionnels.... Et vos romans, et 
vos contes ! Ceux de jadis et ceux d’hier, ceux qui sont noirs comme 
la nuit sans étoiles et ceux qui sont clairs comme un ciel apaisé ! 
Et votre prose, étrangement souple, vivante et fleurie, que l’on aime 
ici pour son opulence, et là pour sa simplicité... 

C’est pour chacun de ces détails, c’est pour cet ensemble unique 
et merveilleux, pour tant de beautés réunies et qui, dispersées, 
rendraient célèbres vingt écrivains, que l’on vous aime et que l’on 
vous admire. Et c’est encore pour le noble, pour l’intransigeant 
exemple de votre quotidien labeur, pour votre maturité plus juvénile 
que tant de jeunesses et qui promet encore, à notre faim spirituelle, 
de multiples et prodigieuses moissons... 

Ils ont bien raison, ceux qui vinrent après vous, lorsqu’ils se 
plaisent à vous appeler leur maître à tous... Sans doute il ne dépen¬ 
dait pas de vous de créer des talents, de faire surgir du néant les 
écrivains qui sont aujourd’hui l’honneur de nos jeunes lettres. 
Mais votre effort, réalisé dans l'enthousiasme d’une indéfectible foi, 
fut pour eux une leçon de courage en même temps qu’une révélation 
de beauté. Vous êtes celui qui, aux temps anciens, lutta sans 
troupes, pour imposer à la foule maussade les vérités merveilleuses. 


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WALLONIA 


Vous avez fait resplendir le soleil au milieu des brouillards, vous 
avez tiré de ses limbes la princesse endormie. Vous avez donné aux 
jeunes une conscience moins craintive d’eux-mêmes. Aux heures de 
bataille, vous étiez leur vivant drapeau ! 

Combien d’œuvres hautes n’aviez-vous pas entassées déjà, alors 
que toute tentative littéraire sombrait dans un morne silence, alors 
que vous étiez encore seul, avec ces illustres ancêtres, Charles 
de Coster et Octave Pirraez, à vous dresser contre la rétrograde 
hostilité des pontifes ! 

Depuis, vous n’avez cessé de combattre, montrant la tâche à 
accomplir aux cohortes que votre geste avait galvanisées, apprenant 
à l’étranger à honorer en vous cette Belgique qui vous honora 
si peu. 

Dans notre naissante littérature, vous êtes le maître par votre 
inlassable effort vers la vérité et la beauté, par votre militante 
vaillance intellectuelle, par cette supérieure loyauté d’artiste qui 
vous valut la haine tenace de Tartufe. Vous êtes le maître par votre 
talent fait de puissance et d’abondance, viril et délicat, expansif et 
contenu, par votre génie continuellement en travail, par cette force 
généreuse, toujours apte à se renouveler, qui vous a permis d’accu¬ 
muler tant de chefs-d’œuvre divers. Vous avez conquis la renommée 
de haute lutte, et vous continuez votre tâche, avec une santé morale 
inextinguible, avec une verve torrentielle, à la façon d’une force 
élémentaire, en dépit de l’indifférence et des outrages. 

Car, sachons le dire, et proclamons le : votre gloire est loin 
d’être celle que vous méritez. Vous êtes plus célèbre au delà de nos 
frontières qu’en Belgique. Et pourtant quel écrivain est plus puis¬ 
samment, plus noblement national ? Vous avez décrit les fastes de la 
patrie en ce livre grandiose et filial, la Belgique ; critique, historien, 
romancier, conteur, dramaturge, vous avez produit plus de cin¬ 
quante volumes où s’atteste, dans une profusion prestigieuse, la 
compréhension la plus vaste et la plus pénétrante de la dualité de 
l’âme natale. 

Prince aux multiples territoires, vous passez de l’ingénuité des 
Contes flamands aux truculences lyriques du Môle ; après avoir 
buriné les eaux-fortes du Mort , vous peignez les tragiques flambées 
de Y Hystérique avant d’exprimer les délicatesses de votre moder¬ 
nisme dans les proses cristallines de Y Arche. — Les Charniers , 
Thérèse Monique , Un coin de village , Ceux de la Glèbe , La Fin 
des bourgeois , Lupar , La Faute de M m 9 Charvet , vingt œuvres 

rayonnantes se suivent... 

Votre esprit retrouve la pureté de la sensation primitive pour 
nous décrire dans Adam et Eve et Au cœur frais de la Forêts les 


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WALLONÎÀ 


ICI 


subtiles féeries de l'instinct. Vous vous penchez avec une charité 
vengeresse sur la misère morale de l'Homme en Amour. Après le 
poème douloureux des Deux Consciences , vous chantez le poème 
ensoleillé du Vent dons les Moulins. Hier enfin, patient enlumineur, 
vous évoquiez, dans le décor d'un moyen-âge puéril et charmant, la 
petite âme mystique du Petit Homme de Dieu. 

Ecrivain-Protée, vous déconcertez, vous subjuguez, vous 
enthousiasmez par l’opulence de votre intelligence créatrice, par 
vos exceptionnels dons d'expression, par l'indépendance et la 
fécondité de votre effort. Vous n’êtes ni flamand, ni wallon, vous 
êtes l’un et l’autre à la fois, votre labeur est un pathétique, un récon¬ 
fortant spectacle, et votre génie est un magnifique, un admirable 
phénomène.... 

Mon cher Maître , 

Permettez à tous ceux qui ne sont pas l’introuvable, et qui vous 
aiment comme s’ils Tétaient, de vous saluer avant que vous ne 
repreniez la page interrompue. 

Permettez à la foule de vos lecteurs wallons de vous dédier 
par ma voix, avec le bonheur ému des admirations qui trouvent 
enfin l’occasion de s’exprimer, leur plus joyeux, leur plus fervent 
hommage ! 


Réponse de Camille Lemonnier. 

Messieurs , mes chers amis , 

C’est la seconde fois que vous m’accueillez, la seconde fois que 
je sens près du mien le grand cœur de Liège, valeureux et tendre. 
Le passé n’existe plus dans la joie de l’heure présente, j’ai abordé 
vivant la rive merveilleuse qui ne s’ouvrit qu’après la mort pour 
De Coster et Pirmez... 

Si j’ai soufïêrt, j’ai été payé au-delà de mon effort. Cependant, 
je puis bien rappeler que c’est ici, dans votre cité magnanime, que 
retentit avec le plus d’éclat l’outrage fait à l’art et à la pensée en la 
personne de celui qui s'honore d’en avoir été toujours l’intègre et 
ponctuel ouvrier. L’ « Avant-Garde » à l’ainé qui peut-être, en un 
pays tardif et circonspect, mérita le nom d’écrivain d'avant-garde, 
apporta le réconfort de son jeune élan magnifique. J’ai fidèlement 
gardé le souvenir de l’auditoire frémissant devant lequel il me fut 
permis de parler, dans la sincérité de mon àme et de ma vie. Je 
vous apparus en homme qui semait avec confiance des idées hardies. 
Mon labeur et mes forces, je les avais consacrés à n'ètre point un 


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artiste inutile. J’avais eu foi dans les mouvements d’un cœur qui se 
défendait de se séparer du teste des hommes. J’avais écouté les voix 
profondes qui me persuadaient la dignité de la vie conforme au 
principe de la personnalité insoumise et libre. 

Je ne prévoyais point alors que je reviendrais sitôt parmi vous 
pour fêter en commun la moisson levée : Car c’est bien la significa¬ 
tion de ce banquet.^ La journée s’est avancée : les semailles, 
commencées par les hommes de ma génération, et les cadets entrés 
après moi aux champs de la pensée, ojit fructifié. C est une humanité 
ardente et sensible que je sens devant moi, prête à continuer l’œuvre 
pour laquelle nous, les anciens, avions assumé d’exprimer la part 
de vérité que des hommes de ce temps pouvaient porter en eux. 

Je vous reviens à l’heure jeune de l’année où la première neige 
du printemps fleurit déjà vos bois. Je ne puis, en y songeant, me 
défendre d’une émotion forte et délicieuse. C’est que je suis ici dans 
une terre de beauté, de rêve et de vie joyeuse, rafraîchie d'un toujours 
nouveau printemps. Vous êtes l’âme jeune d’un peuple qui porte ses 
héroïsmes séculaires comme des trophées de rameaux en fleurs. 

Je vous dois de m’éveiller au sentiment le plus puissant qu’il est 
donné d’éprouver, le lien religieux des communions vitales, à 
travers l’illusion que le miracle des renaissances que porte en elle la 
nature s’associe à ce renouvellement de nos pâques intellectuelles. 
Pour un passionné de la vie comme moi, il y a dans l’accord mys¬ 
térieux de ces coïncidences une vibration plus intense de mon être 
intime. Un cœur qui se ravive à vos fraternités croit n’être point 
encore sur le point de s'éteindre. Vous ajoutez à ses pulsations les 
forces qui lui viennent de la chaleur du vôtre. Il n’y a point de vertu 
qui vaille celle-là pour le rajeunissement des énergies sans lesquelles 
la terre elle-même cesserait de produire. 

Ah! votre àme wallonne, si cordiale, et si fraîche, l'àme qui 
vous fit grands dans le passé et qui, aujourd’hui comme alors, exalte 
l'expansion sans trêve de vos puissances individuelles ! L’âme qui 
chante aux lèvres de vos poètes, tendre, ingénue, orageuse, àme de 
héros et d’enfants, comme l'oiseau sous la feuillée, comme l’enclume 
sous le marteau, comme le vent qui enfle les drapeaux, comme la 
chanson timide de l’amant, comme le fleuve aux ondes soyeuses qui 
passe sous vos ponts ! Ames frémissantes et profondes de votre 
Remouchamps, de votre Defrecheux, de votre Vrindts, de vos 
Colson !... Comme vous avez raison de vous enorgueillir de la sève 
naturelle qui, en chacun d'eux, met un peu du sang de la race entière 
et jaillit comme la source vive, comme les claires Castalies de votre 
sol natal !... Je n’ai jamais pu entendre Lèyiz-me plorer et]L*avez-ve 



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véyou passer sans me sentir le cœur mouillé comme au contact d’une 
humanité plus simple que la mienne et demeurée près des origines... 
C’est bien là le génie d’un peuple charmant et qui a gardé le culte 
de l’amour, de la jeunesse et de la beauté ! Ah ! ne tardez pas plus 
longtemps ! Une élégie mélodieuse vaut bien les épopées sonores. 
Que ce cœur souriant et mélancolique du poète qui chanta dans la 
langue des ancêtres renaisse de la pierre imagée et façonnée 
comme un hymne à la poésie éternelle ! 

L’àrae wallonne! L’âme d’un peuple qui efflora en grâces ély- 
séennes et mystiques avec ce divin chanteur de cantiques, César 
Franck, et qui, sur les lyres dyonisiaques, fit exulter la sensualité 
païenne d'un Raway ! Il me semble qu’on touche là aux points 
extrêmes de la courbe spirituelle, décrite par votre mentalité 
wallonne. 

La fine essence du naturisme latin, le rêve et la sensibilité 
germaniques se rejoignent en cette parabole d’art et de poésie, 
Mockel, Rassenfosse, Berchmans, Donnav, Maréchal, Rulot, esprits 
contemplatifs et jumeaux qui se réalisèrent par le verbe et l’image. 
Ce sont là vos gloires très précieuses : elles président à cette célé¬ 
bration de notre âme collective et la décorent comme une allégorie. 

Si douce que soit pour moi votre louange, je ne suis et ne veux 
être ici que l’occasion réflexe d’un hommage public à tous les 
artisans d’idéal qui, des plaines flamandes aux monts de la Wallonie, 
étoilèrent de génie te firmament national. 

Ne suis-je pas moi-mème comme l’arbre dont les racines s’en¬ 
foncent au double terreau, — flamand qui se ressouvient parmi vous 
d’ètre wallon? 

Souffrez donc que les palmes que m’attribue cette heure admi¬ 
rable soient par moi partagées avec tes fils, 6 Liège ! Et ces Edmond 
Picard, Georges Eekhoud, Em. Verhaeren, Maurice Maeterlinck, 
pour ne citer que les plus illustres parmi tant d’autres qui impri¬ 
mèrent leur talon vainqueur sur le roc aride. 

Ils furent les bouches d’or en qui se délia la parole et les cœurs 
émerveillés qui les premiers s’ouvrirent aux spectacles de la vie. 
Ils turent les libérateurs d’une terre enchaînée et dont toutes les 
chaînes ne sont pas tombées. Que vos acclamations leur portent, par 
delà cette enceinte, votre ferveur cordiale et cbarmée! 

Une fête comme celle-ci ne doit pas mourir. De toutes mes forces 
je souhaite qu'elle éternise au cœur des jeunes gens qui m’écoutent 
la solennité grave d’un grand soir légendaire. Vous entrez dans la 
vie, amis, au moment où vos aînés achèvent de gravir les dernières 
cimes. Tout à l’heure, la brume qui signale le déclin du jour les 


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enveloppera, regrettant la vie moins pour les satisfactions matérielles 
qu’elle leur apporta que pour les sacrifices qu’elle exigea d’eux. 

Eh bien ! laissez-leur la joie de s'en aller, leur tâche accomplie, 
avec la confiance que de leurs moelles sortiront des générations plus 
rapprochées déjà des grands soleils que connaîtront les âges. A leur 
exemple, ayez la Foi et soyez des Hommes, accomplissant simple¬ 
ment le devoir commandé à chacun et n’attendant de la vie que ce 
qu'elle peut donner, l'humble orgueil d'avoir réalisé sa destinée... 
Comme ils l’ont fait, tournez-vous vers l’Orient et regardez s’éclairer 
aux horizons les routes nouvelles. 

Dans les épis mûris à leur chaleur, prenez la graine lourde. Et 
puis, à votre tour, allez, la main ouverte, par la plaine et comme 
eux semez, semez jusqu’au soir, en pensant au pain futur. 



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La conférence de M. Albert Mockel 


La manifestation liégeoise en l’honneur de Camille Lemonnier 
s’est clôturée par une série de représentations de la pièce en quatre 
actes, Un Mâle , organisées par M. Van Missiel, directeur du 
Théâtre du Gymnase, sous les auspices de I’Avant-Gàrde. 

Ces représentations ont eu le plus brillant succès, et elles ne 
le cédèrent en rien à celles de la création, à Bruxelles et à 
Liège,[il y a une quinzaine d’années. 

La première était précédée d’une causerie de M. Albert Mockel, 
que I’Avant-Garde avait prié de parler de l’œuvre de Lemonnier. 

L’orateur a évoqué tout d’abord la situation des lettres belges 
an moment du premier banquet Lemonnier, en 1883. Charles de 
Coster était mort, Octave Pirmez était silencieux, nous n’avions 
guère~d’écrivains estimables, et, parmi les journalistes, ceux qui 
savaient écrire ne s’occupaient pas de littérature, ou combattaient 
toute tentative rénovatrice. 

Lemonnier, en écrivant Un Mâle , révèle aux jeunes qu’on peut 
réaliser de la beauté en peignant les mœurs de chez nous. Un 
écrivain belge est né, dont l’exemple stimule les énergies ado¬ 
lescentes. 

Il est belge, car les caractéristiques de nos deux races coexistent 
parallèlement en lui. Et s’il est des livres dans lesquels il s’atteste 
belge « tout[court», c’est dans Madame Lupar , et dans La Fin des 
Bourgeois . 

Mais Camille Lemonnier a prouvé les secrètes affinités qui le 
relient à "[notre race dans Un Mâle , oii il retrace avec un art 
somptueux la vie rurale du Brabant wallon, et dans Happe-Chair , 
où il donne un relief admirable aux gestes des parias du pays noir. 

Aussi bien, l’évocateur des milieux fait bientôt place à un poète 
infiniment harmonieux et subtil ; et, dès ce moment, son sens de la 
musique verbale, son écriture, non plus truculente, mais nuancée, 
son panthéisme, nous le montrent en si parfait accord avec nos 
secrètes préférences que nous pouvons dire qu 'Adam et Eve , Vile 


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WALLONIA 


vierge , Au Cœur frais de la forêt , font croire qu’ils ont été écrits 
par un Wallon de génie. 

Célébrant la noble idéologie de ce héros de lettres, son constant 
effort vers la beauté, vers la liberté, M. Mockel esquisse entre 
Lemonnier et Zola un juste parallèle. Moins vaste que l’auteur de 
VAssommoir, Lemonnier est plus subtil, plus artiste, plus varié, 
peut-être aussi plus profond. Sa merveilleuse diversité est telle qu’on 
a peine à se représenter son œuvre écrite par un seul homme. Mais 
le véritable artiste n’est-il pas celui qui pour un sujet nouveau veut 
une forme nouvelle ? 

Après avoir lu quelques pages, très heureusement choisies, du 
maitre, M. Mockel a conclu fort éloquemment en conviant son 
auditoire à saluer en Lemonnier l’homme dont la vie a pris son 
orientation dans une double foi, la foi en soi et la foi en la beauté. 
De longs applaudissements lui ont montré le plaisir qu’éprouvaient 
les spectateurs à s’associer à son vœu. 

Nous publions ci-après un extrait des notes manuscrites réunies 
par M. Albert Mockel pour sa conférence. L’auteur avait cru 
devoir les réunir en quelques mots rapides, dans sa conférence 
parlée. C’est donc, sur le sujet qu’il a traité, une page inédite 
que M. Albert Mockel, notre nouveau collaborateur, a bien voulu 
nous offrir pour sa joyeuse entrée dans nos pages. 



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Camille Lemonnier et le sentiment wallon 


Dans Happe-Chair , dans Un hâle , nous avons retrouvé nos 
mœurs, des paysages connus, des gens de chez nous. Camille 
Lemonnier y décrit, et c’est Vêtre physique qu’il nous montre. 

Mais une âme d’artiste comme la sienne ne pouvait se contenter 
de l’acte minutieux de voir, de noter, de transcrire ; si colorées, si 
frémissantes qu’elles soient, les descriptions du Mâle ne lui suffisent 
plus. 

Voici qu’il publie un récit dont l’action n’est plus que senti¬ 
mentale : VArche, ce chef-d’œuvre d’émotion délicate et profonde où 
nos âmes de Wallons écoutent avec ravissement leur plus secret 
langage ; — et soudain un poète se révèle dans les larges « romans 
lyriques » dont Camille Lemonnier a innové la forme. Cette fois il 
ne s’agira plus directement de la Wallonie ; nulle région ne sera 
nommée, car la poésie aime à se libérer de tout ce qui la rattache à 
un moment ou à un lieu particulier ; elle-même suffit à créer le 
temps et l’espace où résonnera sa musique. Mais un sentiment y 
demeure, qu’on ne peut inventer, et, dans sa manière même de 
concevoir les choses, le poète suit, comme à son insu, une inclina¬ 
tion qu’il ne dirige point. Or cette inclination conduit Camille 
Lemonnier vers nous : elle le rapproche de notre esprit, et il va 
composer selon un art qui ressemble au nôtre, avec un sentiment 
voisin du sentiment de nos propres artistes. 

Nous sommes bien loin du Mâle et de Happe-Chair ; rien ne 
rappelle directement les gestes de notre petit peuple, ni les détails 
coutumiers de nos mœurs. Mais l’âme de la Wallonie apparait 
encore, plus subtile, plus voilée et peut-être plus vraie, dans les 
pénétrantes confidences de Y Arche et dans les expansions juvéniles 
de Vile Vierge , Adam et Eve, Au cœur frais de la Forêt . 

Peut-être la proposition semble-t-elle aventurée. Les caractères 
de ces deux groupes de livres sont à ce point différents qu’on est 
tenté de chercher entre-eux des oppositions plutôt que des analogies. 


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108 


WALLONIA 


Mais regardons autour de nous : Tout peuple a deux aspects, 
souvent presque contradictoires, selon qu’on envisage les foules qui 
le composent ou l’art qu’il a créé. L’Allemand, épais buveur de bière, 
brutal et rude dans sa masse, a l’idéalité de la musique et de la 
poésie ; sa philosophie est subtile et profonde. L’Anglais est sports- 
man et dominateur, mercantile et positif; mais on trouve chez lui 
la poésie la plus suave qui soit : celle d’un Shelley et d’un Keats. Si 
l’on jugeait de Florence d’après l’histoire de la Toscane à son plus 
beau moment, on n’y verrait qu’un peuple querelleur et perfide, 
tout agité de guerres où l’esprit de vengeance a peut-être plus de 
place que la foi patriotique, où l'astuce l’emporte toujours sur 
l’héroïsme... et voilà la patrie de Ghiberti, de Donatello et de 
Desiderio, celle de Masolino et de l’Angelico, de Pesellino et de 
Pollaiuolo, celle de Botticelli, de Léonard, de Michel Ange ! 

Ici même, les Flamands sont des hommes chez qui la vie 
physique est vigoureuse et même violente ; ils aiment à glorifier les 
joies matérielles telles qu’on les voit dans la prodigieuse Kermesse 
de Rubens au Louvre, ou dans les Kermesses de Teniers ; mais 
Verhaeren, Van Lerberghe et Maeterlinck sont nés parmi eux, et 
semblent presque aussi loin d’eux, en leur art, que les Parisiens 
Baudelaire et Stéphane Mallarmé semblent loin des Parisiens du 
boulevard. 

Non pas, assurément, qu’il y ait divorce complet. Ni Baudelaire 
ne paraîtra jamais allemand, ni Richard Wagner français, et nous 
savons fort bien qu’il y a comme une robuste matérialité flamande 
dans les couleurs splendides d'un Yerhaeren, et que Mallarmé est le 
point extrême de la finesse française. Mais si la plupart des esprits 
qui donnent à une nation l’intellectuelle clarté ont comme des liens 
de famille, il y a des différences apparentes vraiment singulières 
entre eux et cette vivante masse dont ils sont limage épurée. 
Pourtant ils nous l’expriment mieux qu’elle ne s'exprime elle-même, 
car ils l’ont pénétrée parfois à leur insu. 

L’art n’est point, comme le dit Taine, le produit « direct » des 
instincts de la race et du milieu physique. Il est plutôt le développe¬ 
ment d'un rythme mystérieux qui dort au fond des foules, qui fait 
contraste avec leurs mouvements extérieurs, et se réveille de loin en 
loin dans quelques âmes privilégiées. Le secret de chaque peuple 
réside en son idéalité, et les aspirations de ses artistes donnent de 
ses appétits la traduction divine . 

L’homme le plus rude garde en son cœur un point de tendresse 
cachée dont il se défendrait sans doute comme d’une faiblesse. 
Achille pleure pour Briseis, Hercule est aux pieds d’Omphale, et le 


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WALLONIÀ 


109 


mythe grec dit vrai. L’homme le plus sûr de soi, le mieux d’aplomb 
dans la vie, a ses instants de timidité où il s’arrête, hésite et se 
prend à penser à des choses qu’il n’aurait jamais soupçonnées. Les 
véhémences vitales se transposent en lui, et quelque fibre nerveuse 
a vibré pour une émotion inconnue. 

Pourquoi n’en serait-il pas des races comme des hommes? 
Quelque part, au profond de leur chair, une fibre secrète a frémi, 
et c’est le point de l’art, le point de la tendresse et de la timidité, où 
l’on s’interrompt d’agir pour aimer, pour songer. 

* 

* * 

Essayons d’appliquer à nous-mêmes cette petite théorie. Nous 
aussi, nous avons deux aspects. 

De même que les Français, nos parents les plus proches, nous 
sommes aisément gouailleurs, légers, bons garçons, aimant à fronder. 

Comme eux, nous sommes plus raisonneurs, plus logiciens que 
les Flamands ; nous ne détestons pas de discourir, et nous savons 
nous emballer pour une idée. Le Wallon est indépendant, c’est un 
individualiste indomptable ; son histoire est d’abord celle d’une 
lutte sans repos pour la liberté individuelle. C’est ici qu’est né le 
dicton : «Pauvre homme en sa maison roi est.» Les Wallons sont 
assurément braves, et Mercy et ses hommes l’ont prouvé dans la 
guerre de tiente ans; ils peuvent avoir des traits d’un héroïsme épique, 
comme celui des Franchimontois. Mais ces grands enfants ont aussi 
la tête chaude, et ils ne sont pas volontiers endurants. « Tiesse di 
hoye , tètes de houille », disent d’eux-mêmes les Liégeois. Et les 
soudards de Wallenstein s’avertissent entre-eux dans la tragédie de 
Schiller : « Respectez-le, c’est un Wallon. » 

Cet individualiste, ce batailleur est pourtant cordial et fraternel; 
c’est le trait qui frappe tout d’abord ceux qui apprennent à le con¬ 
naître. Frè, frère , est le nom familier qu’on échange dans le petit 
peuple. Mais, comme le Français, le Wallon déteste les longues 
lamentations et la faiblesse qui s’abandonne. 

Il aime les choses claires, ce qui est jeune, résistant el ferme, — 
ce qui est vUjreux, dirions-nous en liégeois. — Les premières paroles 
du chant national belge parlent de « siècles d’esclavage ». Cela peut 
convenir à la Belgique politique, sur la musique de Van Campenhout; 
mais notre chant à nous, c’est l’air vif et déterminé de « Valeureux 
Liégeois ». 

Si nous regardons de plus près, si nous tachons de pénétrer dans 
l’àme de notre race, nous verrons que le Wallon est plus proche de 
la nature que la plupart des Français. Il la chérit pour elle-même : 


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iio 


WALLONIA 


non pour sa seule splendeur à'la manière des Flandi’es, — non pas 
comme un décor, ce qui est en général la manière française, mais 
plutôt comme une personne vivante. Il y a chez nous une nuance de 
sympathie pour les choses, et le Wallon se plait à les douer d’une 
Ame, obscure mais sensible; c’est une sorte de tendresse panthéiste 
qui vient peut-être de nos affinités avec les celto-germains de l’Alle¬ 
magne du Sud, — non point la dure et stupide Prusse, mais l’Alle¬ 
magne de la poésie, celle de la vieille Bavière qui refluait jusqu’au 
Rhin et prolongeait vers nous sa dernière vague humaine. 

De ces deux aspects si différents d’un seul peuple, l’un, le plus 
apparent, est celui qu’on décrit , — pour Camille Lemonnier, c’est 
un Mâle; l’autre, le plus caché, le plus subtil, nous le retrouverons 
non plus en ouvrant les yeux et en regardant autour de nous, mais 
en songeant nous-mêmes à ce que nous sommes et en pénétrant 
l’esprit particulier des œuvres de nos artistes. Le Wallon, dans sa 
vie extérieure, ressemble souvent aux personnages que l’on voit 
dans un Mâle , dans Happe-Chair; mais ce qui chante en lui lorsqu’il 
l ève, c’est la délicate et naïve tendresse de Cavèv' vèïou passé. 

Celle-là, dès le moyen-âge, remplit le conte admirable d'Aûcassin 
et Nicolete. C’est elle que nous retrouvons, sous des formes très 
diverses dans la musique de quelques vieux Noëls, dans l’œuvre de 
Grétry et chez beaucoup de nos compositeurs modernes, — chez 
Lekeu, par exemple—; dans les sculptures de Rulot et de Victor 
Rousseau; dans les tableaux et les pastels de beaucoup de nos 
peintres; dans la mélancolie de Pirmez et la psychologie de Goflin, 
comme dans la fine sentimentalité de Maubel; dans les contes 
d’Hubert Krains et de Louis Delattre, de Georges Garnir aussi et de 
Demblon, — chez presque tous nos poètes de langue wallonne ou 
française, et dans les petits livres d’Hector Chainaye et de Delche- 
valerie. 

C’est cet esprit-là, sous sa fonne de rêve juvénile, que nous 
reconnaissons aussi avec une sorte de surprise dans une partie de 
l’œuvre de Camille Lemonnier. VArche le traduit par le sentiment ; 
Vile Vierge et les autres poèmes le transforment en lyrisme. 

Chez un artiste comme celui-ci, habitué à voir large et grand, 
rémotion se cherche un domaine aussi vaste que possible, et le rêve 
est un rêve de toute l’humanité. Prenons garde pourtant que ce rêve 
et cette émotion restent très proches des nôtres; et si le sentiment 
veut s’y grossir parfois, il sait aussi garder de rares délicatesses. 

Sans doute y a-t-il, dans Adam et Ect\ beaucoup d’affinités avec 
la pensée de Rousseau et même de temps à autre, avec les formes 
épiques de Chateaubriand ; mais l’émotion y a une nuance qui nous est 


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WàLLONÎA 


ni 


familière, et les mille rythmes de la phrase ont des timbres qui peuvent 
nous parler. Sans doute la prose de Vile Vierge est-elle plus chargée 
que la nôtre : mais elle est surtout de la musique; elle peint moins 
qu’elle ne chante... Et la voici, plus dégagée, qui s’abandonne toute 
à la musique dans le Cœur frais de La forêt , pour conter l’aventure 
d’un libre adolescent qui va songeant avec sa mie sous les voûtes 
bruissantes des bois. 

Quand il veut peindre, Camille Lemonnier est flamand, parce 
que c’est à la Flandre que la peinture a donné presque toute sa 
richesse. Son âme se fait plus proche de nous quand elle pense à 
de la musique, parce que la musique est l’art propre de la Wallonie. 
Tout se met ici d’accord, et nous devinons le parfum de nos bois dans 
Adam et Eve , comme on entrevoit dans l 'Ile Vierge le cours tranquille 
de la Meuse. 

Les idées générales, les hantises de la philosophie dominent 
complètement ces poèmes, et y dominent aussi. Peut-être même y 
dominent-elles un peu trop, — et voilà certes un trait qui n’a rien de 
commun avec l’art des Flandres. 

Les Flamands, vivent beaucoup sur la sensation ; ils aiment ce 
qui parle aux yeux et doivent se défier d’un goût pour l’opulence 
qui les conduit parfois à des créations pesantes. Nous, Wallons, qui 
sommes plus raisonneurs, nous devons nous garder de l’idéologie. Elle 
gâte les tableaux de Wiertz, et laisse quelques traces jusqu’en l’œuvre 
admirable de Félicien Rops. Or, s’il est un défaut que l’on puisse 
reprocher aux romans symboliques de Camille Lemonnier, c’est qu’ils 
inclinent volontiers vers l’allégorie ; dans certaines parties de ces 
poèmes, l’idée philosophique 11 e se voile pas avec assez de soin, et sa 
présence trop remarquée nous distrait un peu au milieu des pures har¬ 
monies des eaux, des bois et de la lumière. Mais ces idées elles-mêmes 
ont de quoi nous toucher, car elles sont comme l’écho de nos propres 
instincts. Ces poèmes disent la force et la grâce des êtres vraiment 
libres, la simplicité et la religieuse grandeur des actes éternels de 
l’homme ; ils disent la nature, — et la matière vivante s’y spiritua¬ 
lise en un large et profond panthéisme. Là, tout près de nous, se 
révélent Sylvan, le «Petit Vieux », la Frilotte, les adolescents 
fraternels ; ils viennent à nous en leur souplesse que rien ne lie, et 
ces trois jeunes figures éveillent une beauté vivace qui, du fond de 
nos âmes, se reconnaît en elles. 


Albert MOCKEL. 


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112 


WalloNia 


CONCLUSION 


Le caractère purement et manifestement wallon des Fêles liégeoises 
dont notes venons de rendre compte , est, en toute évidence, un épanouisse¬ 
ment des sentiments particuliers auxquels Wallonià s'efforce de répondre 
en ses pages. 

Le mouvement de relèvement moral et <Texaltation de la Wallonie f 
s'étend déplus en plus chez nos Intellectuels. 

Certes, il faut rendre à la Littérature wallonne, au Théâtre wallon 
proprement dits, Vhommage qui leur est dû. Leur efflorescence eut la 
haute utilité de nous rattacher à la vieille langue dont l'affection est 
l'effet le plus naturel de Vinslinct de race. La Littérature patoise en 
reste la manifestation matérielle la plus caractéristique et la plus 
abondante. 

Mais cet instinct se manifeste aujourd'hui chez nos artistes aussi, et 
chez nos savants. Les littérateurs, les peintres, les sculpteurs, les musi¬ 
ciens -, les érudits eux-mêmes, quelque indépendante que soit leur pensée, 
quelque universels que soient leurs moyens d’expression, sentent et savent 
qu'ils sont Wallons, et qu'ils honorent, avant tout, la Petite Patrie. 

Dans la circonstance qui nous occupe, ils ont voulu fêter un noble et 
très haut artiste. Mais ils font fait en tant que Wallons compréhensifs 
et enthousiastes. Naguère, un pareil phénomène eût été impossible , et l'on 
eût honoré le grand écrivain sa?is s'apercevoir que l'on manifestait en 
Wallonie, et, même inconsciemment, avec une âme wallonne. 

En dehors de ces constatations, il faut reconnaître , et nous le faisons 
avec une joie reconnaissante, que Camille Lemonnier a suscité, dans la 
capitale de la Wallonie, une exaltation génératrice. 

Une fois de plus, nous Ven remercions. 


WALLONIA. 


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Jean Michel 


Comédie lyrique en quatre actes, 
poème de MM. George Garnir et Henry-Charles Vallibr, 
musique de M. Albert Dupuis. 

Première représentation à Bruxelles, au Théâtre de la Monnaie, 
le 4 mars 1903. 


Wallonia se devait de consacrer quelques pages à cette œuvre. 
Elle nous intéresse à un double titre, par son origine comme par 
l’action extérieure. Le compositeur et ses librettistes sont Wallons 
tous trois ; l’action elle-même se passe à Liège, vêt des décors 
reproduisant des aspects familiers et chers à tous les Wallons. 
Enfin, quelque jugement qu’elle inspire, son importance et sa portée 
artistique méritent mieux que le bref compte-rendu, le « référé » que 
l’actualité a substitué au feuilleton d’autrefois et qui, trop souvent, 
hélas ! fait juridiction devant l’opinion. 

* 

* * 

Examinons d’abord le livret ( 1 ). Je l’avoue à regret, mais, pour 
être franc, il ne me plaît guère, et à divers titres. Je ne connaissais 


(1) Voici un court résumé du scénario. Nous sommes au temps de la Restau¬ 
ration, dans la boutique d'un armurier, avec le quai de la Batte et la Meuse pour 
cadre, un des coins les plus pittoresques de la vieille cité. Là travaillent joyeuse¬ 
ment, sous les ordres du père Hubert, son petit-fils Jean et d'autres ouvriers, parmi 
lesquels un soldat de l'Empire. Les deux jeunes gens ont jeté leurs regards sur la 
même jeun» fille, la dentellière Madeleine, mais à des titres divers; le premier, en 
fiancé respectueux, le second en soudard galantin. Les préférences de Madeleine 
sont toutes pour Jean, mais François, repoussé par elle, sème la méfiance avec la 
calomnie au cœur de son rival qui, maladroit comme tous les amoureux, blesse sa 
fiancée en lui répétant les propos de François et rompt brusquement avec elle au 
lieu de s'expliquer. Cette scène, passée dans la nuit de Noël, devant le porche de la 
cathédrale Saint-Paul, sera suivie d'une autre à la Fête des Rois. Jean se désole, 
sa fiancée se meurt et François se repent. Il vient crier la vérité à son camarade 
implorant son pardon et Jean, fou de joie et de douleur à la fois, sort en courant 
pour sauver la mourante, s'il en est temps encore ! Hélas, il est trop tard. Le 
quatrième acte nous montre Madeleine expirant de consomption dans sa cham- 
brette, en proie au délire de la fièvre. L'arrivée de son amoureux et du grand-père 
Hubert ne peuvent rien au mal qui la consume. Elle meurt dans leurs bras. 

T. XI, no 5. Mai 1903. 


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114 


WALLONIA 


rien encore (le M. H. Vallier, mais, comme tous, j’ai lu, relu et 
admiré M. Garnir : il est de ceux dont on a le droit d’exiger 
beaucoup. 

L’action de Jean Michel est simple, un peu banale même (ce n'est, 
pas un reproche ; le théâtre lyrique n’a pas besoin de complication, 
non plus que du mysticisme et du symbolisme dont nous sommes 
saturés). Mais le fil de l'intrigue est par trop ténu, la persistance du 
fatal malentendu, invraisemblable ; Jean se sépare bien facilement 
de Madeleine, se laisse dessécher sans songer un instant à vérifier 
les accusations ignominieuses mais vagues du calomniateur ; 
Madeleine meurt, folle, presque subitement, après des allées et 
venues qui témoignent, du moins, d’une certaine vitalité: le dénoue¬ 
ment est un peu voulu. On remarque aussi, par-ci par-là, un certain 
manque d’équilibre : les deux dernières scènes sont trop longues, le 
musicien devant s’évertuer à conserver une expression nécessaire¬ 
ment toujours la même ; et 
cependant, pour remplir un 
acte, c’est trop court. Les me¬ 
nus épisodes de l’action sont 
habilement introduits, appor¬ 
tent d'heureuses diversions et 
des contrastes assez impres¬ 
sionnants; mais ils se déve¬ 
loppent au détriment de cer¬ 
taines scènes essentielles, 
comme les fiançailles des 
amoureux au premier acte et 
leur rupture au deuxième, 
d’une concision assez som¬ 
maire. 

Au surplus, ce ne sont là 
que menus reproches. Ce 
qu’il faut surtout critiquer, 
c'est la mise en œuvre. Passe 
pour les vers ri niés, — parfai¬ 
tement inutiles dans le drame 
lyrique contemporain, où la 
rime disparaît, déchiquetée par la métrique fantaisiste de la mélopée, 
et auxquels on substitue aujourd’hui, avec infiniment de raison, la 
prose rythmée ; c’est affaire au librettiste s’il lui plaît de se donner 
du mal inutilement. Mais la langue est déplorable, guindée et atone, 
d’un pathos filandreux et banal à la fois, bien loin de celle, si vivante 


i 



M. Albert Dupuis. 


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WALLONIA 


115 


et si simple à la fois, arrivant à l’effet par l’absence même d’« effets ». 
des livres de Garnir. 

Comment admettre ces gens du peuple qui parlent de « houris », 
qui formulent : « Vous fûtes toujours si discret » — « Nos rires sont 
des roses » — « L’horreur de mon forfait vient me glacer d’effroi », 
etc., etc. ? Et cet ouvrier armurier qui a lu Boileau : 

Ce n’est plus qu’un feston, ce n’est qu’une astragale! 

Et des répétitions : « Etre amou¬ 
reux, c’est admirable !» — « De la 
musique, c’est admirable! » Enfin, de 
déplaisants anachronismes de langage : 
ils paraissent peu « 1818 », ces ouvriers 
et artisans qui vous lancent des : « Je 
veux être complet! » — « Ça, c’est de 
l’histoire!» — « Ces chers mots d’a¬ 
mour... » — « A nous le pompon! » — 

« C’est assommant! » — « Zut! » 

J’eusse voulu une langue sans pré¬ 
tention, 1res simple (voir Y El ramier, 

IsOuise , fa Bohême), qu’une prudente 
élimination de locutions et de vocables 
boulevardiers eut suffisamment appro¬ 
priée à l'époque, — mais colorée et 
vivante, avec de ces traits originaux et mordants qui étampent d’une 
façon si caractéristique notre langage populaire ! 

* 

♦ * 

M. Albert Dupuis est verviétois; il débuta comme compositeur 
lyrique, dans sa ville natale, en 1896, avec un petit opéra-comique, 
Idylle, joué ensuite à Aix-les-Bains. Remarqué par Vincent d’Indy, 
celui-ci le fit entrer à la ISchola Cantorum , à Paris, et devint son 
professeur. M. Dupuis concourut une première fois pour le prix de 
Rome en 1899, obtint un triomphant second prix; d’administratifs 
obstacles l’empêchèrent de se représenter, — malheur de peu d’im¬ 
portance. 

On voit que, malgré ses vingt-sept ans, l’auteur de Jean Michel 
n’est plus un débutant. Il est trop facile de s’en apercevoir. Mais 
même en tenant compte de sa pratique antérieure de l'art, on reste 
étonné de son habileté de construction. C'est même ce qui frappe dès 
l’abord dans son œuvre. Malgré l’extrême diversité des éléments de 
l’action, les heurts et la vivacité des contrastes, malgré surtout 



M. George Garnir. 


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WALLONIA 


1 éclectisme stylistique du compositeur lui-même, tout se fond dans 
la plus harmonieuse unité, les chevilles demeurent imperceptibles 
la pensée se développe avec une liberté d’allures et une aisance 
rares chez des artistes aguerris, soi-disant familiarisés avec toutes 
les ressources de l’art lyrique et avertis de tous ses écueils. 

Le compositeur témoigne 
aussi de ce don précieux 
qui s’appelle le sens du 
théâtre, se manifestant par 
une science et une sûreté 
des effets presque inquié¬ 
tantes à cet âge-là. Et cet 
instinct ne se retrouve pas 
seulement dans le choix et 
l’à - propos des dits effets 
(remarquez, par exemple, 
combien est impression¬ 
nant le grand essor de l’or¬ 
chestre. au deuxième acte, 
pendant le court moment 
où Jean reste seul, atten¬ 
dant Madeleine), mais aussi 
par la vérité, la force et 
la concision de l’expression 
dramatique. Ceci est carac¬ 
téristique : plus d’un com¬ 
positeur lyrique, à l’aise 
dans les airs, les grands 
monologues, les chœurs, 
les mouvements de foule, ' 
où le flux mélodique peut 
s’épancher librement, reste 
impuissant, empêtré, dans 
l’expression des menus con¬ 
flits psychologiques du 
drame, une conversation, 
ces multiples détails exté- 
., rieurs ou intérieurs dont 

la brièveté ne laisse place qu’à un trait net et bien expressif, et où ils 
se perdent au contraire dans un enchaînement de formules stéréo¬ 
typées. avachies par l’usage. Or, ici, nous avons à la fois la ligne 
de grande envolée dans les scènes faisant « morceau », et la vérité 



Le costume de Mlle Friché (Madeleine) 
au 1er acte. 


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WALLONTA 


117 


dramatique dans Illustration musicale du détail, le tout irréprocha¬ 
blement proportionné. 

Mais tout cela, l'instinct et l’ingéniosité y suffiraient à la 
rigueur. 11 y autre chose encore dans Jean Michel , qui donne à 
l’habileté son complément nécessaire, c'est l'inspiration ; mais une 
inspiration d’une rare surabondance, dilapidée avec une folle et 
juvénile imprévoyance, ce besoin de « tout dire » qui marque les 
œuvres de jeunesse, et contraste avec les parcimonies avisées de la 
maturité, — quand, inquiétés par la stérilité imminente, nous espa¬ 
çons et savons mettre en sérieuse valeur les derniers fruits de notre 
imagination... Ici, elle remplit tout, jusqu’au moindre détail : 
écoutez ce petit motif pendant l'énoncé du menu (troisième acte) ; ce 
n’est rien, et c’est charmant, — trouvé, enfin. Si Massenet y avait 
pensé, il aurait fait un acte tout autour. Aussi peut-on dire que le 
répertoire actuel du théâtre ne contient pas beaucoup d’œuvres aussi 
constamment intéressantes, où l'attention soit soutenue d'un bouta 
l’autre par un tel renouvellement incessant de la matière musicale. 

Qui dit inspiration dit émotion : elle est ici très communicative 
et prenante ; en nous émouvant avec cette simple histoire, l’auteur 
atteste qu’il fut lui-même ému. Pour nous, Wallons, il y a quelque 
chose de plus, c’est que le sentiment qui se dégage de l’œuvre est 
bien nôtre, répond à de particulières idiosyncrasies. Ecoutez la belle 
phrase de Jean, au premier acte, après le duo d'amour fdélicat et 
chaste, loin du pathos érotique de tradition), et le passage du prélude 
du troisième acte où le thème du cràmignon s’estompe languissam¬ 
ment aux bois et aux cordes en sourdine: le bonheur et la joie y 
prennent cette nuance indéfinissable de 
mélancolie intime, de lancinante aspira¬ 
tion, qui caractérise si bien l'âme de notre 
race—qui émane, par exemple, des scènes 
populaires et familières, des paysages 
notés par le crayon d’AüGUSTE Donnay, 
cet artiste essentiellement wallon... Les 
scènes populaires (comme les chœurs du 
deuxième acte et les scènes d’ensemble 
du troisième) ont aussi l'expansion ner¬ 
veuse et excitante de chez nous... Partout 
enfin règne une délicatesse et une grâce 
fort différentes de la naïveté un peu lourde 
des compositeurs flamands, des opacités et 
de la solennité flegmatique des ouvrages lyriques allemands. 



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118 


WALLONIA 


* 

* * 

Au point de vue esthétique, la partition de Jean Michel est assez 
éclectique. Dans ses grandes lignes, elle est naturellement conforme 
au type du drame lyrique moderne, avec le commentaire orchestral 
et la mélopée vocale. Mais, à l'occasion, l'auteur ne se prive pas de 
développer à la voix d’amples mélodies. Il ne dédaigne pas non plus 
les ensembles, — heureusement, car les siens sont charmants. 
Emploi modéré du « thème conducteur ». 

S’il me fallait citer deux ouvrages avec lesquels Jean Michel 
présente quelqu’aflinité, je nommerais Louise de Charpentier et la 
Bohême de Pcccini ; de la première, l’œuvre de M. Dupuis a la 
chaleur et le réalisme, avec plus de naïveté et de fraîcheur, moins 
de personnalité et moins de robustesse ; de la seconde, elle a la 
verve brillante et l’ingéniosité pittoresque, avec plus de consistance 
et d’émotion. 



Décor du premier acte. 


On sait quelle personnalité se manifesta, dès ses premières 
œuvres, chez notre pauvre Lf.keu. A l’encontre de son éminent 
concitoyen, M. Dupuis ne parait pas encore s'ètre trouvé. Il se 
cherche et, en attendant, les réminiscences vont leur train. Qui n’a 
pas passé par là ? Naturellement, c'est Wagner qui l’obsède, encore 
qu’il se défende vaillamment. Voici la formule bien connue (avec la 
fioriture) du finale de Tristan ; voici le thème de Jean qui reproduit 
le geste rythmique de celui de Walt lier de Stolzing ; voici même, 
ma parole ! passer la douce et souffrante ligure de Herzeleide. 


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WALLONIA 


119 


Souvent, les analogies répondent à des analogies dans le sentiment 
général de certaines scènes, la première du troisième acte, par 
exemple, dont le caractère rappelle la scène correspondante au 
début du deuxième des Maîtres-Chanteurs. Le compositeur a tou¬ 
tefois échappé à l’influence de son maître d’iNDY, — fait aussi 
flatteur pour le maître que pour l’élève ; elle ne se révèle que par le 
modernisme distingué et intéressant de l’harmonie, exempte cepen¬ 
dant des excentricités des Jacobins de l'école, dont la mode périclite 
déjà. L’instrumentation, variée, claire, transparente (peut-être un 
peu trop cuivrée par endroits), trahit le même enseignement. 

La prosodie, elle, pourrait être revue. On ne dit pas, par 
exemple : « mon Désespoir », mais : « mon désespom » ; même au 
point de vue de la vérité d’expression, car on ne dit pas non plus : 
«Va vite... illuminer! » mais, d’un trait : « Va vite illuminer! » 
Faut-il ajouter qu’à ce point de vue, M. Dupuis se trouve en trop bonne 
compagnie pour être sérieusement incriminé? Plus d’un compositeurs 
français, et des meilleurs, devraient l’être avec lui ; ils n’ont d’ailleurs 
même plus besoin de notre indulgence à l’égard de ce défaut-là, 
contre lequel les adaptations de Ernst et d’autres nous ont, hélas ! 
cuirassés. 

* 

* * 

Le cadre de cette revue m’interdit une analyse détaillée de la 
partition ; qu’on me permette de signaler seulement quelques faits. 

Au premier acte, le dialogue tendrement expressif de Jean et 
Hubert, puis le beau duo de Jean et Madeleine, le délicieux mono¬ 
logue du ténor, — déjà noté, — qui termine l’acte. Le chœur du début 
pourrait être plus animé. Un opéra-comique de Lortzing ( i'Armu¬ 
rier) débule par une scène identique, pour laquelle l’auteur allemand 
a écrit — dans le genre léger, naturellement — une page charmante 
de vie. 

Au deuxième acte : Toute la scène pittoresque du début, le 
tableau de la nuit de Noël ; l’auteur l’a illustrée d’une sorte de 
psalmodie orchestrale aux harmonies indécises et mystérieuses, aux 
tons assombris, aux timbres assourdis et ouatés, d’une suprême 
délicatesse. Très bien aussi, les petits épisodes des mendiantes, ùco 
dévotes, — le premier surtout — l’entrée tumultueuse du chœur, le 
petit terzetto des enjôleuses qui veulent entraîner Jean : « Viens 
avec nous », d'un charme enveloppant; l’exaltation éloquente (déjà 
signalée) du thème amoureux après le départ de François, la scène 
entre Jean et Madeleine. 

Au troisième acte : le Prélude, morceau d’amples dimensions et 
de très beau caractère, — qui fera très bien au concert, — paraphra- 


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120 


WALLONIA 



Décor «lu tl«uxièmc acte. 

La monotonie du quatrième acte proposait au musicien un 
problème redoutable, que non-seulement il a adroitement résolu, 
mais dont il a même su tirer* un effet de plus. La folie de Madeleine 
y est exprimée dans une note très douce, à la fois virginale et 
irréelle, — des sons lents et mystérieux, des sons d’au-delà, traînant 
aux cordes en sourdine : M. Dupuis est parvenu à conserver cette 
note pendant toute la dernière scène, sans devenir une seule fois 
monotone. 


sant surtout le cr&mignon fameux : « J’ai mon amant pour rire avec 
moi. » Tout serait à signaler dans cet acte. Il y a surtout l’entrée du 
chœur sur l’air du cr&mignon précité, harmonisé avec autant de 
discrétion que de bonheur ; le menu, un vrai « morceau » avec 
refrain, d’un entrain et d’une bonhomie charmantes; le dialogue entre 
Jean et Hubert, quand celui-ci rappelle à son petit-fils l'heureuse 
paix de son enfance. Quant aux parties chorales proprement dites, 
elles sont des plus intéressantes. Je ne puis, sans partition, me 
rendre compte de la disposition des voix, mais celles-ci paraissent 
traitées d’une façon toute personnelle et originale. L’effet est à la 
fois réaliste et musical. Quand, pendant le repas, la voix de Jean, 
chantant l’inanité de l’amour, s’unit à l’ensemble, cela prend une 
allure véritablement puissante. 


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wallonîa 


121 


* 

* * 

Quelques mots de l’interprétation, — car on ne pourrait parler 
de l’œuvre sans louer le soin avec lequel les directeurs de la Monnaie 
ont tenu à entourer sa représentation de toutes les chances de succès 
en leur pouvoir, par une distribution excellente et un cadre 
superbe. 

M Ue Cl. Friché chante Madeleine avec le charme, l’assurance et 
l’intelligence dramatique qu’elle apporte à tout ce qu’elle réalise ; 
M. Imbart de la Tour est un Jean chaleureux, — mais un peu 
conventionnel, un peu blet aussi ; M. Viaud a, dans le rôle de 
François, la brutalité martiale qui convient ; M. Dangès a fait de 
celui de Hubert une création un peu pâle et indécise, mais pleine de 
distinction et de tact, tandis que M. Cotreuil a su donner au rôle tout 
épisodique de l’ouvrier Henry une allure et un relief extraordinaires. 
L’orchestre et les chœurs ont, sous la direction de M. Sylvain Dupuis, 
leur ensemble et leur souplesse habituels. Mise en scène fastueuse. 
Les costumes, œuvre du costumier archéologue liégeois M. Koister, 
sont une curiosité. Les décors : l’atelier de Hubert, dont les vastes 
fenêtres laissent apercevoir le quai de la Batte sous la neige et la 
rive de la Meuse, surtout la place St-Paul, au deuxième acte, 
avec la rue qui s’en va par le fond, les vitraux rougeoyants de 
l’église, les fenêtres des maisons discrètement illuminées, les arbres 
et les façades couverts de neige, et par là-dessus un beau ciel de 
nuit hivernale, d’un bleu noir et profond. ( 1 ) 

* 

4 . * 

Telle est donc cette œuvre, dans laquelle se retrouvent ces 
deux qualités dont l’harmonieux amalgame fournit à l’âme wallonne 
son trait le plus caractéristique : l’intimité toute germanique du 
sentiment et le sens plutôt latin du pittoresque, de la plasticité et de 
la grâce. 

Il est à peine nécessaire de rappeler quelle action décisive un 
artiste de même race a exercée dans l’orientation de la musique 
française contemporaine, et duquel se réclament tous les musiciens 
groupés sous la dénomination conventionnelle de « jeune école 
française ». 

Il serait doux, et non peut-être trop ambitieux, de rêver que 
cette intervention de notre vieille Wallonie, infusant à l’art français 
un sang nouveau et vigoureux, pourrait ne pas demeurer un fait 
unique dans les annales de l’art musical. 

(1) Wàllonia remercie ses excellents confrères VEventail et Le Petit Bleu 
de Bruxelles, qui ont bien voulu lui prêter leurs clichés. 


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122 


WALLONIA 


Si l’action de César Franck reste pour longtemps encore 
féconde dans le domaine de la symphonie, de la musique de 
chambre et du lied , au point de vue du théâtre on peut dire qu’elle 
fut et demeure stérile. Hulda , de Franck lui-même, malgré les 
enthousiasmes de commande, ne marque guère; Fermai , de d’iNDY, 
ne remplit pas les espérances que tous nous y avions mises; je crains 
que Y Etranger, malgré sa haute portée artistique et son indiscu¬ 
table valeur, ne soit pas beaucoup plus viable; le Roi Arlhus, de 
Chausson, à la lecture, ne me dit pas grand’chose. — En Allemagne 
d’ailleurs, malgré une production surabondante, le théâtre musical 
n’est pas mieux partagé. 

Dans ce domaine, Wagner seul règne en maître. Mais tandis 
que l’exemple de Franck féconde ses disciples, lui les absorbe, 
il dévore, tel le Sphinx sur la route thébaine, les imprudents qui 
s’attachent avec trop d’insistance à résoudre l’énigme de son art 
merveilleux. 

J’imagine qu’on ne saurait, dans la production lyrique française 
des vingt-cinq dernières années, désigner trois œuvres vraiment 
viables. Pour ma part, je n’en connais qu’une, — mais qui à elle 
seule en vaut un grand nombre : Louise de Charpentier, d’autant 
plus intéressante, celle-là, qu’elle résulte de l’évolution de l’opéra 
français en lui-même , l’influence étrangère, — sauf pour ce qui s’en 
est dilué dans l’ambiance immédiate, — restant écartée. 

C’est peu; il y aurait place, là, pour quelques-uns encore. 
Allons, Dupuis, alons , frè , corèdje! 

Ernest CLOSSON. 


Opinion de la Presse 


Albert Dupuis? Un nom que Bruxelles n’avait, jusqu’ici, guère appris 
à connaître, car si l’heureux auteur «le Jean Michel , quoique très jeune 
encore — il n’a que vingt six ans — a déjà un passé assez fourni, c’est 
presque exclusivement dans sa province d’origine — M. Dupuis est né à 
Verviers — et dans le milieu musical de Paris qu’il avait pu se faire 
apprécier avant ce début au théâtre. 

Ce n’est pas l’essai timide d’un débutant que nous a montré le théâtre 
de la Monnaie, c’est une œuvre accomplie, révélant des dons de compositeur 
dramatique vraiment exceptionnels. Certes, la personnalité, très réelle, 
d’ailleurs, de M. Albert Dupuis, subit encore maintes influences. Mais ces 
« rappels ne sont jamais de longue durée : quelques notes seulement, qui 
semblent n’être là que pour donner l’élan à sa propre inspiration, à laquelle 


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WaLlonià 


123 


elles servent en quelque sorte de tremplin. L’invention, chez M. Dupuis, 
malgré les réminiscences indiscutables que renferme sa partition, est 
extrêmement abondante ; et ses inspirations, toujours adéquates au senti¬ 
ment dramatique, semblent, malgré le raffinement de la forme, d’une 
spontanéité excluant toute idée de recherche ou de travail. L’œuvre se 
distingue aussi par une rare unité de procédé et de facture, qui ne nuit 
nullement d’ailleurs à la variété des effets. 

L’accompagnement a, en générai, sa vie propre. M. Dupuis met à profit 
avec une extrême habileté les ressources de l’orchestre moderne, et son 
instrumentation, qui a des particularités intéressantes, offre des colorations 
sans cesse variées, choisies toujours avec à propos. 

Le Guide Musical , (J. Br.), 8 mars. 

Jean Michel met en vedette un talent fait de souplesse, d’abondance et 
d’émotion, un talent dont on peut attendre le développement et Tépanouis- 
sement avec confiance. La partition déborde de trouvailles orchestrales et 
la mélodie en est très chantante. La couleur y est éparpillée à profusion et, 
par ses gaucheries de débutant, l’œuvre n’en a paru que plus spontanée et 
plus sincère. Albert Dupuis subit encore des influences d’ailleurs très 
compréhensibles ; il a étudié la jeune école française et son tempérament 
impressionnable s’en est ressenti. Mais tout cela n’est rien à côté du mérite 
et de la valeur incontestable de l’œuvre. 

La Meuse , (J. de Gheynst), 5 mars. 

Sur cette simple histoire d’amour, M. Albert Dupuis a écrit une 
partition puissamment expressive et colorée.C’est delà musique savante,mais 
presque toujours claire, limpide comme les sentiments éternels qui 
l’inspirent. Et dans toute la partition passe le souffle frais de l’esprit wallon, 
ardent et amoureux de mouvement. Il faut citer notamment le finale du 
premier acte, le duo entre Jean et Madeleine ; au deuxième acte, le chœur 
des ouvrières ; au troisième, le crâmignon : « J’ai mon amant pour rire 
avec moi », alertement chanté par M. Forgeur ; quant au quatrième acte, il 
est tout entier remarquable, d’une émotion profonde. Jean Michel a été 
mis en scène à la Monnaie avec un souci du pittoresque qui a réalisé des 
merveilles. 

VExpress , 5 mars 

Affirmer que M. Albert Dupuis marque déjà, dans Jean Michel , une 
réelle personnalité, serait certes mentir. Les influences les plus diverses s*y 
mêlent, au contraire. Mais ces influences sont assez larges, dirai-je, pour 
ne jamais aller jusqu’à l'imitation ; et elles se fondent en quelque sorte dans 
une atmosphère ardente de charme sincère, de spontanéité et de chaleur 
sympathique. Ajoutez-y un « métier » adroit et souple, une distinction 
souvent exquise, et des qualités de grâce et d'esprit unies, quand il le faut, 
à de non moindres qualités de vigueur pathétique. Enfin, la chanson popu¬ 
laire, si elle n’est pas encore l’âme même de cette musique, bien libre et 
bien moderne, lui apporte cependant çà et là une couleur et une saveur 
spéciales. 


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WÀLLONIÀ 


Tous ces dons épanouis, toutes ces promesses en fleur ont fait, hier 
soir, le très vif et très mérité succès de cette partition remplie, avec d’iné¬ 
vitables inégalités, de jolis détails et de pages bien venues. 

Le Soir , (L. S.), 6 mars. 

Le jeune compositeur qui fut applaudi hier soir a, en lui, toutes les 
qualités requises pour réussir brillamment dans la carrière. Il possède au 
plus haut degré ce qu’on appelle le sens du théâtre et conduit faction 
musicale avec une sûreté, une maîtrise réellement extraordinaire, et l’on 
ne saurait relever dans ces quatre actes aucune maladresse. L’œuvre est, 
au contraire, bien équilibrée et jusqu’au bout l’intérêt musical ne cesse de 
captiver l’auditeur sans le fatiguer. 

Dans l’inspiration dramatique, comme dans les parties épisodiques, 
M. Dupuis est également heureux et l’on peut dire qu’il a tiré des situations 
que lui offrait le poème tout le parti que le musicien le plus expérimenté 
aurait pu en tirer. 

Si la mélodie, chez lui, jaillit spontanément, sans effort, cette facilité 
ne nuit en rien à la qualité de l’inspiration qui est toujours distinguée, 
point banale, généreuse et très chantante. 

Quant aux parties épisodiques destinées à faire opposition, elles sont 
traitées avec un brio, une virtuosité et un élan vraiment surprenants, une 
science de l’orchestration qui révèle un compositeur sûr de lui, connaissant 
à fond toutes les ressources de l’orchestre moderne et ne négligeant rien 
pour colorer sa partition. Les deux derniers actes notamment sont écrits 
avec une parfaite gradation et ont fait sensation. 

On peut, certes, en ce qui concerne l’atmosphère de certaines parties, 
retrouver l’influence des auteurs ou des œuvres qui ont fait impression sur 
le jeune auteur, mais dans son ensemble et telle qu’elle se trouve, cette 
partition révèle un tempérament d’artiste véritable, consciencieux et d’ori¬ 
ginalité puissante dont la personnalité se dégagera mieux encore par 
la suite. 

C’est, en tous cas. la meilleure œuvre lyrique belge qui ait été produite 
jusqu’à présent. 

Le Peuple , (F. Labarre), 6 mars. . 

Cette œuvre de début — le croirait-on en l’entendant ? — nous offre 
plus que de belles promesses, car elle constitue par elle-même un tout musi¬ 
calement conçu avec un sens du théâtre qui n’est jamais pris en défaut. 

Elevé à la belle et sérieuse école de Vincent d’Indy, M. Dupuis y a 
puisé tout ce qu’un musicien de tempéramment et de race peut y trouver. La 
science de l’orchestration lui est acquise sans restriction et je n’en veux 
pour preuve que l’entr’acte symphonique du troisième acte, une page d'une 
très haute valeur, autant par l’inspiration mélodique que par la forme 
réellement personnelle dans laquelle le musicien a cerclé sa pensée. 

Donc, dès ce premier essai de drame lyrique, M. Albert Dupuis prend 
place au premier rang des compositeurs avec une belle assurance, comme 
quelqu’un qui a la vision claire de la route artistique qu’il doit parcourir et 
qui distingue nettement l’idéal à atteindre. 


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WALLONIA 


125 


D’autres que lui possèdent — c’est assez fréquent de nos jours — une 
sûreté de métier égale à la sienne, mais sont arrêtés dès les premières 
compositions, car le souffle leur manque et ils retombent épuisés, à bout 
d’inspiration ; chez M. A. Dupuis, au contraire, la sève mélodique est 
abondante et riche, la phrase musicale distinguée, généreuse et belle, se 
prêtant admirablement à tous les développements symphoniques. 

Certes, le très jeune compositeur subit encore l’influence de son maître 
et aussi d’autres personnalités, et l’on trouve dans Jean Michel nonpas des 
réminiscences ou du plagiat, — chose commune chez beaucoup d’auteurs 
à réputation consacrée, — mais plutôt des harmonies qui rappellent telle ou 
telle chose connue. Cela, c’est l’inévitable perdurance des impressions 
reçues par un cerveau jeune et facile à émouvoir et l’on ne saurait en faire 
sérieusement un reproche à M. Albert Dupuis. 

Bientôt sa personnalité s’émancipera, car il est mélodiste en même 
temps que symphoniste et possède toutes les qualités requises pour produire 
dans un avenir prochain l’œuvre définitive qui le classera parmi les 
meilleurs ouvriers d’art. 

L'Eventail , 8 mars. 

L’œuvre qui vient de voir le jour est vraiment de celles qui doivent 
requérir l’attention, non seulement à les considérer en elles-mêmes, mais 
encore, à titre égal, à les juger entourées de toutes les circonstances qui en 
amoindrissent les tares et en précisent la portée. 

Si, en soi, elle pêche par excès de réminiscence, par quelques faiblesses, 
par de légers « trous » dans l’inspiration, l’âge de qui la conçut en fournit 
explication suffisante. Un début ne peut s’affranchir des influences. 
L’important est de dégager de ces souvenirs, que les jeunes enthousiasmes 
de l’auteur rendent tyranniques, la personnalité de demain ; or, celle-là 
existe, et elle se présente sous les couleurs les plus précieuses. Ecoutez 
cette sonorité de l’orchestre, pleine, bien en dehors, librement présentée ; 
admirez cet instinct de l’instrumentation, cette clarté, cette justesse du 
sentiment ! 

M. Dupuis possède une qualité rare chez les jeunes, rare spécialement 
parmi les Belges, pour lesquels, en général, les arts d’expression se|mon- 
trent ingrats : il a le sens de la proportion. Il a la juste mesure. Il ne 
gonfle pas une mélodie qui doit rester simple. Il n’abuse ni d'un thème ni 
d’un timbre, lorque l’action exige la sobriété. Par contre, il sait amplifier la 
phrase, si le dramatique s’accentue. Chez d’autres, expérimentés, c’est là 
de l’adresse ; M. Dupuis est assez près de l’adolescence pour qu’on puisse 
le lui reconnaître comme un don. 

Et voyez quelles en sont les heureuses conséquences. Si, à certains 
moments, l’intrigue faiblit, il trouve en lui assez d’inspiration mélodique 
pour illustrer ces vides, et il l’utilise, sans effort, avec un salutaire à-propos, 
Par contre, si un épisode, un récit, un conflit du drame le séduit pleinement, 
son talent s’épanche avec une spontanéité, une richesse, une allégresse 
charmante. 

L'Art Moderne , (H. Lesbroüssart), 8 mars. 


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Comment passer dedans ce bois 

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gnie a - ha ! J'ai mon a - mant pour rire aveo 



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K 

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moi J'ai mon a - mant pour ri - - re. 


1 . 

Comment passer dedans ce bois, 
Moi qui est si jolie ? 

Je prenderai mon cher amant 
Ma loi ! pour compagnie. 

Aha ! 

J’ai mon amant pour rire 
Avec moi, 

J’ai mon amant pour rire. 

2 . 

Je prenderai... 

Quand il fut au milieu du bois. 

Il commence à me dire... 

J'ai mon amant... 

3. 

Laissez-moi prendre un doux baiser 
Sur votre bouche, ma mie. 


4. 

Prenez-en un, prenez-en deux, 
Mais ne l'allez pas dire. 

5. 

Car si mon père le savait. 

Il m’en ferait mourir(e). 

6 . 

Mais si ma mère le savait, 

Elle ne ferait qu'en rire. 

7. 

Elle sait très bien ce qu'elle faisait 
Quand c’est qu'elle était fille. 

Chanson populaire à l.iége. 

O. c. 


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Documents et Notices 


Sur l’exode annuel des Briquetiers liégeois 

Juste à la date où les oiseaux migrateurs nous reviennent, nos 
braves houilleurs quittent leur pays, leur famille, leur métier et 
s’en vont à l’étranger, en Allemagne principalement, pour aller 
faire des briques. 

Pour tout bagage, ils ont des outils et quelque linge, le tout 
enveloppé dans des sacs rayés de coutil bleu. Ils ont commencé leur 
exode récemment et il est difficile de se défendre d’un sentiment de 
mélancolie et de tristesse en songeant à ces vaillants des deux se*es 
qui s’expatrient pour aller chercher au loin un supplément de res¬ 
sources pour le ménage. 

Actuellement, ils vont généralement en Allemagne, surtout dans 
la Prusse rhénane. Mais autrefois ils allaient bien plus loin, comme 
en témoigne cet engagement, extrait du protocole du notaire Lezaack, 
aux archives de Spa : 

L’an 1770 du mois de septembre le deuxième jour par devant moi 
notaire public soussigné et en présence des témoins embas dénommés sont 
comparus Mathias Clauson de Liège, paroisse S 1 Nicolas, Dieudonné 
Brocau de la paroisse S 4 Laurent, Laurent Jude. résident à Spa et Georges 
Giar aussi résident audit lieu, lesquels se sont déclarés de s’avoir engagé à 
M. Daly dans la colonie de Demerary en l'Amérique, pour se rendre chez 
lui et y faire des briques aux conditions suivantes. 

Savoir lesdits comparants s’engagent audit seig r Daly pour un terme de 
trois ans pour travailler comme est dit à faire des briques, lequel terme 
commencera à prendre course le jour qu’ils seront arrivés à leur destination 
savoir à Demerary et finira les trois ans expirés. 

M. Daly donnera six esclaves auxdits comparants pour assister à 
travailler avec eux lesdites briques. 11 donnera pareillement les nourritures, 
logement et blanchissage auxdits comparants aussi bien en santé qu’en 
maladie. 

M. Daly payera tou3 frais de voiage et embarquement desdits quatre 
compagnons tant pour les conduire que pour les ramener après l’expiration 
desdits trois ans ici à Spa. 

M. Daly s’oblige de faire faire un bâtiment assez grand pour travailler 
en tout temps dessous soit pendant le temps pluvieux avec d’autres bâti¬ 
ments à sécher les briques et livrer tous matériaux et outencils convenables 
pour la réussite desdites briques. 

Lesdits quatre comparants devront travailler icelles briques de la 
meilleure manière et qualité que possible sera, avec toute l’économie conve¬ 
nable pour le profit de M. Daly et ils auront pour chaque mille de briques 


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128 


WALLON! A 


bien réussite vingt-quatre escalins. Ils devront travailler en gens d'honneur 
et le plus qu’il leur sera possible et ils auront droit de commander lesdits 
esclaves pour travailler avec eux. 

Lesdits quatre comparants ont reçu de M. Daly six louis qu’il retrou¬ 
vera après défalcation de leurs dépenses d’ici à Middelbourg. Etant arrivés à 
Middelbourg il sera fourni auxdits quatre comparants l’argent convenable 
pour acheter les chemises, souliers et hardes convenables. 

M. Daly s’obligera de faire tenir à chaque des quatre comparants dix 
louis ici à Spa à toucher par leur épouse ou autre personne de leur part. 

Lesdits comparants ne devront aucunement s’amuser à la boisson ni 
se griser. 

Le tout quoy M. Daly at accepté et les parties se sont obligées l’üne 
envers l’autre avec tous leurs biens meubles et immeubles, etc. 

Fait et passé à Spa. 

Albin Body. 

Aujourd’hui encore, comme il était de coutume autrefois, les 
briquetiers liégeois quittent le pays avec leurs femmes et leurs 
enfants, qui les aident à leur besogne. Souvent, le « ménage * 
revient virtuellement agrandi, avec la promesse d’une prochaine 
augmentation ; il va sans dire que l’augmentation est parfois 
accomplie déjà au retour: nous connaissons dans notre village, plu¬ 
sieurs personnes nées en Allemagne, par le hasard des circons¬ 
tances. Ces faits ont dû frapper l’imagination populaire, et c’est à 
eux sans doute que fait allusion un vieux dicton liégeois : de quel¬ 
qu’un qui n’était pas né, on dit qu’il faisait encore des briques à 
Namur. Ce qui laisse supposer qu’autrefois les briquetiers liégeois 
allaient souvent faire leur « campagne » à Namur. 

0 . ü. 

Uu vieil usage montois. — En feuilletant VArmonaque dé 
Mous pou Vannée 1862 , nous trouvons sous la rubrique : Ouvrages 
à faire tous lès mois , su lés camps , et dins lés gardins, dans la 
nomenclature des travaux de jardinage du mois de mai, la mention 
que voici : 

« On comminche à ramer lés pois précoces pou V ducasse dé 
» Mons : dins 1’ temps (jé n’ sais nié si ça s’ fait co à c’ t’ heure) ( ! ), 
» c’étoi 1’ Gouverneur qu’avoi 1’ preumière pinte dé p’tits-pois ; éié 
» 1’ fourbouttier (maraîcher) qui li portoi avoi toudi n’ pièce d’or pou 
» sés peines, el’ même dringueille qué S 1 2 Georges » (*). 

Les petits pois, de même que la tarte et le jambon, étaient un 
plat figurant au menu du dîner de la « ducasse » dans les familles 

(1) Voilà belle lurette que l’usage a disparu. 

(2) Allusion à la récompense en argent que le cavalier, représentant saint 
Georges dans le combat dit Lumeçon . allait recevoir des mains du maïeur après 
avoir occis le dragon. En 1825, la rémunération était de 10 florins, plus tard on 
doubla cette somme. 


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WALLONIA 


129 


bourgeoises. Certaines années lorsque la Trinité, jour de la fête, 
venait au commencement de mai, et que des gelées tardives avaient 
nui à la culture, ce légume était rare et coûteux. Mais, malgré son 
prix et peut-être même à cause de soii prix, on tenait à honneur d’en 
servir aux chabourlettes (étrangers invités à la ducasse). 

Bruhald. 

Procession de Boussoit-sur-Haine. — Dans une Notice 
historique sur le village de Boussoit-sur-Haine, Th. Lejeune se 
borne à dire qu’ « outre la fête patronale, essentiellement reli¬ 
gieuse, qui a lieu le 22 juillet, on célèbre à Boussoit deux fêtes 
communales, la première, le lundi et le mardi de la Pentecôte, 
et la seconde, le premier dimanche d’octobre (*) ». 

La kermesse de la Pentecôte était marquée par une procession 
qui est décrite dans l’attestation suivante, datée du 19 mai 1701 
(conseil souverain de Hainaut, procès jugés, n° 42846, archives de 
l’Etat à Mons) : 

Les soubsignéz certifient que la procession qui ce fait à Boussoit-sur- 
Haine le lendemain de la Pentecôte a toujours fait en la manière telle que le 
jour de la Pentecôte après-midi, avant chanter les vespres le curé dudit 
Boussoit, revêtu d’une chappe, son clerc et la plupart de manans, précédé 
de la croix et confanons, s’en vont au vilage de Maurage droit à l’église où 
il se trouve le curé dudit Maurage avec la plupart des habitans; après 
avoir chanté les prières ordinaires, les personnes destinées à porter les 
fiertés sortant de ladite église, suivy des deux curés et le peuple vont 

§ asser devant l’hôpital de S'-Julien audit Boussoit prenant la flerte de 
1 Julien, et ensuite viennent à l’église de Boussoit où ils chantent tous 
ensemble solennellement les vespres* Le lendemain, se fait la procession 
conjoinctement les curés et les deux communautés; le même jour après- 
midi l’on y chante les vespres, estant achevée on reconduit les fiertés 
jusqu’à l’extrémité du territoire. Réciproquement le jour de S 1 Jean- 
Baptiste, patron de l’église de Maurage, se fait la même chose. 

Il est intéressant de rappeler ces processions collectives de 
paroisses voisines qui avaient pour effet d’entretenir de bonnes rela¬ 
tions entre les populations; leur institution semble ancienne. 

E. M. 

Jours heureux et malheureux. — Au dernier feuillet du 
compte de l’église et des pauvres de Groçage pour le terme du 
1 er octobre 1590 au 30 septembre 1591 ( 2 ), on trouve ces curieuses 
indications : 


(1) Annales du Cercle archéologique de Mons , t. VIII. 

(2) Archives de l’Etat, à Mons. 


V 


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130 


WALLON IA 


Les jours heureux et périlleux de l’année revelez par l’ange de Dieu 
au bon Job. 

En cecy sont déclaret les jours les plus heureux de toute l’année, 
propice à vendre, achater, semer, planter et édifier héritage ; pour aller en 
pèlerinage ou en marchandise, et toute enfans quy sont et seront nez en cest 
jour heureux chy après nomez ne peult estre povre, ne périr mal, et iceulx 
enfant quy seront mis à l’escolle ou à quelle esta en ung de cest jour il 
parviendron chesqun en leur vocasion; et les marchans commenchant leur 
marchandise en cest jour cy nomez ne peult perdre, mais au contraire il 
proflteron, car lesdits jour on esté révélé par l’ange de Dieu au bon Job 
ponr se conduire en tous ses œuvre et action ; trasit le nombre desdits jour 
heureux sont vinghuit. 


Et premiers les jours heureux : 

Janvier : le III e et le XIII e . 

Février : le V e et le XXV e . 

Marche : le premier et VIII e et XXX e . 
Avrilz : le V e et XXII e et XXIX e . 
May : le VII e et XV e et XVII e . 

Juin : le VI e . 


Juillet : le II e et XIII e et XIIII*. 
Aoust : le XII e . 

Septembre : le VII e , XXIII e , XX...( l ). 
Octobre : le IIII® et XV... ( l ). 
Novembre : le XIII e et XIX e . 
Déchembre : le XVIII e et XXVI e . 


Les jours que on dit estre mal heureux : 


Janvier : le premier, II e , 1111 e , VI e , 
VIII e , XV e . 

Février : le VI e , XVII e , XVIII. 
Marche : le VI e , XVI e , XVII e , XVIII e . 
Avrilz : le VII e . XV e et XVII e . 

May : le VI e et XVII e . 

Juin : le VI e . 


Juillet : le XV e et XVIII e . 

Aoust : le XIX e et XX e . 
Septembre : le XVI e et XVIII e . 
Octobre : le VI e . 

Novembre : le XV e et XVI e . 
Déchembre : le VI e , VII e et XI e . 


Nous publions ce document tel que nous l’avons rencontré 
il a le mérite d’être relaté dans un registre daté, provenant d’une 
commune du Hainaut, voisine de Chièvres. 

Rechercher les motifs qui, dans la tradition populaire, ont 
déterminé cette classification, mérite d’attirer l’attention des 
folkloristes. Le comptable de Grosage s’en est rapporté à la révé¬ 
lation de l’Ange au bon Job, sans prendre souci d’en apprendre 
davantage. 

E. Matthieu . 


(1) La page a été déohirée en cet endroit. 


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Chronique Wallonne 


L'excellent organe mensuel de la Fédération règionaliste fran¬ 
çaise , nous fait spontanément l’honneur d’annoncer Wallonia parmi 
les publicatons adhérentes à cette Fédération. Nous lui sommes 
infiniment reconnaissant de l’attention bienveillante que cette 
annonce manifeste à l’endroit de notre Revue, et nous saisissons avec 
empressement l’occasion d’assurer les éminents promoteurs de la 
F. R. F., de nos sentiments de fraternité internationale, sur le 
terrain où doivent s’unir tous les libres esprits, conscients des néces¬ 
sités présentes, pour le plus grand profit des idées de restauration 
intellectuelle et morale des Provinces. Nous ajouterons que nous 
lisons avec le plus vif intérêt les documents assemblés par Y Action 
règionaliste , notamment le recueil périodique des opinions émises 
par les philosophes, les littérateurs, les publicistes, les hommes 
politiques de toute opinion, sur le fédéralisme et la décentralisation. 

Wallonia est, modestement, une publication règionaliste, au 
môme sens que nos excellents confrères Lemouzi , La Picardie , La 
Province , la Revue septentrionale, la Revue provinciale, la Lorraine 
artiste , et tant d’autres remarquables publications françaises. Mais, 
s’il est évident que le Pays de France peut être une revue régiona- 
liste sans porter à son titre le nom de sa province, par contre 
Wallonia , qui est régionalement de sa région, peut rester politique¬ 
ment de son pays politique, sans cesser de prêter sa plus vive atten¬ 
tion, d’accorder sa plus grande sympathie, aux manifestations 
étrangères d’un mouvement qu’elle est, jusqu’à présent, seule à 
représenter ici. 

Nous approuvons hautement le but élevé et désintéressé, l’in¬ 
telligente et généreuse propagande de la Fédération règionaliste 
française , sans chercher à appliquer son « Programme administratif, 
économique et intellectuel », qui répond spécialement, comme il est 
naturel, à des points de vue plutôt français. 

Mais, il y a beaucoup de points communs entre l’œuvre française 
et celle qui doit être entreprise en Belgique. C’est pourquoi nous 
signalons, sans pouvoir y insister pour le moment, l’œuvre d’union 
et d’action commune entreprise chez nos voisins, sous les heureux 
auspices de la Fédération règionaliste française . 


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132 


WALLON! A 


L'organe de cette Fédération, Y Action règionaliste , paraît men¬ 
suellement à Paris, sous la direction du Comité, présidé par M. L.- 
Xavier de Ricard. Le secrétaire-général est M. J. Charles Brun, 
15, avenue des Gobelins, Paris (5° arrondissement). Le prix de 
l’abonnement annuel est de 4 fr. Un ii° 30 cent. 

La Direction. 


Bibliographie. 


LES LIVRES : 

Dictionnaire Wallon-Français (Dialecte Namurois) , par Léon Pirsoul. 

Tome 1 (A à L). Malines, L. et A. Godenne, 1902. 1 vol. in-8\ 

392 pp. Fr. 3-50. 

Le Dictionnaire Wallon-Français de M. L. Pirsoul (dialecte Namu¬ 
rois) dont le premier volume a paru récemment, était déjà connu des 
amateurs qui, depuis quelque temps, le suivaient avec intérêt dans le 
feuilleton du journal La Marmite. C’est incontestablement l’œuvre d’un 
homme connaissant à fond sa langue, la maniant avec aisance, comme il l’a 
montré dans des chansons et des rondeaux spirituels, dans des comédies 
très goûtées. 

Les journaux namurois ont fait l’éloge du nouveau dictionnaire dû à 
M. P. et l’on doit y reconnaître une œuvre consciencieuse, fruit d’un long 
travail soutenu avec une belle vaillance. 

Il s’en faut cependant que cet ouvrage soit parfait et réponde en tout 
point aux exigences de la science philologique. On peut regretter d’abord 
que l’auteur n’ait pas mieux circonscrit son sujet : à sa place nous aurions 
élagué quantité de définitions inutiles (la définition, souvent difficile à 
établir, n’est désirable que faute d’un équivalent exact en français ou pour 
éviter une équivoque); nous aurions banni ces biographies d’écrivains 
wallons de toute provenance, véritable hors-d’œuvre en admettant même 
qu’elles fussent exactes, ce qui n’est pas toujours le cas. A la rigueur, on 
comprendrait une série de notices sur les écrivains namurois placée en 
appendice de façon à ne pas encombrer le volume. 

L’auteur, et c’est dommage, a vu trop grand. Il eût fait sagement de se 
borner à son dialecte particulier et à ce qui s’y rapporte directement : il y 
avait matière à une petite encyclopédie populaire namuroise, que M. P. 
était très capable de présenter en un livre commode et peu coûteux. 

M. P. a recueilli avec soin un grand nombre de termes techniques (du 
cordonnier, du verrier, etc.); il donne d’intéressants détails sur les croyances, 
les usages, les jeux populaires, l’histoire locale. (Voir par exemple : Fiesse , 


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WALLONIA 


133 


cougnou, jeu , balle , dragon , guie, chacheu , Chestia , Bôrdia , Café, etc.) (1). 
Personne ne songerait à s'en plaindre, si la dose n'était un peu forte. Même 
prolixité dans les articles consacrés aux animaux, aux plantes. (V. aragne , 
chauwe-sori , grète-cu , frînne...). 

Mais arrivons à la partie essentielle du lexique, aux mots et expressions 
usuels expliqués par M. P. La collection certes est copieuse ; il y avait, 
cependant, moyen de l'enrichir encore : d’abord en ne négligeant pas le 
Dictionnaire étymologique de Grandgagnage, où défilent presque tous les 
vocables namurois, exactement interprétés d’après le Chanoine Zoude — 
puis en relisant les écrits d’une pléiade de poètes du cru. Il suffisait 
d’éplucher ceux-ci pour retrouver nombre de vieux mots et de locutions 
typiques. Citer Ch. Wérotte ou J. Colson ou A. Demanet, quelle pré¬ 
cieuse ressource pour illustrer un vocabulaire namurois ! Un exemple : le 
vrai sens de aistrée (être, en liégeois aisse) n'eût pas échappé à M. P. 
s’il avait eu sous les yeux ces passages de Wérotte : 

Didins Vhivièr , à V vesprée 
On fileûve autou ef Caistrée 

3« édit. p. 169. 

Rècoureûve è s’ maujon , si tchaufer (Tlez Vaistrée. 

ibid. p. XXI. 

Voici une liste de mots pris dans de bons auteurs et qui manquent au 
Dictionnaire de M. Pirsoul : adiercî, amich' tauve, api (mouche (T), 
ardespine , aicette (d’awète — di raioète), bayî (df so bayî), barbauje , 
biytadje , biy' teu , birginette , boscadje (L. Loiseaü), boufer , bran (2 fois 
dans Wérotte), brokettes (]e\i de jonchets), bioargnasse (dans V. Collard), 
brouchîr (mot villageois). On compterait de même une vingtaine d’omissions 
à la lettre C. Un supplément pourrait, si l’auteur le juge à propos, réparer 
ces lacunes. 

Ce qui est plus grave peut-être que des lacunes, c’est le manque de 
logique dans le groupement des significations. Il convient de partir du sens 
premier ou étymologique et de passer de là aux sens dérivés. M. P. 
n’observe pas toujours cette loi (ex. : bèlche , bouter , frumji , etc). Il lui 
arrive de traiter en deux articles, voire en trois, les acceptions d’un même 
mot (voyez èrî, bouchi\ couru , awie, etc.) ou de réunir en un seul article 
des sens appartenant à deux mots distincts (ex. : fraze ). Parfois, il oublie 
de noter les acceptions figurées (ex. : bèdée , broster , chachi , clincî , etc.) 
ou d'indiquer d’abord le sens propre : ainsi aux mots capotine , (jaquette de 
femme à la vieille mode), banbt , (vaciller : Ti voès les pauv * cochas , Bambî 
comm' des flayas. Wérotte, p. 71). 

Mais, sans insister sur quelques imperfections semées dans un tel inven¬ 
taire, constatons que le livre est soigné et correctement écrit ( 1 2 ). Les fautes 

(1) Ici encore # l'auteur n'a pas su garder la mesure : il parle, en leur lieu 
alphabétique, du Cramignon , qu'on ne connaît pas à Namur, et du Doudou , cher 
aux seuls Montois. 

(2) A part quelques mots d'un français douteux : motir à la page 204, goutter 
pour dégoutter à la page 306. 


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WALLONl A 


de détails relevées ci-dessus n’empêchent pas que l’ouvrage de M. P. 
ne soit très intéressant et digne d’éloges. A. notre avis, il sera consulté avec 
profit et agrément par l’ouvrier, il fournira au linguiste d’abondants maté¬ 
riaux pour ses études. A. Maréchal. 

Ouvrages reçus. — Albert Lantoine, Le Livre des Heures , poèmes, 
in-8® de 148 p. (Ed. de « l’Humanité nouvelle», Paris - VI e , fr. 5-50). — 
Renée Vivien, Sapho , traduction nouvelle avec le texte grec. 1 vol. in-12 
de 148 p., couvert, illustrée (Paris, Lemerre, fr. 3-50). — Renée Vivien, 
Evocations , poèmes. 1 vol. in-12 de 164 p. (Paris, Lemerre, 3 fr.). — Cha¬ 
noine F.-D. Doyen, Bibliographie Namuroise. 3 vol. in-8°. Edit, de la 
Socié. archéol. de Namur (Namur, Wesmael-Charlier, 1885-1902). — 
Alphonse Bayot, Le roman de Gillion de Trazegnies , Un vol. in-8° de 
203 p. (Louvain, Ch. Peeters, 4 lr.). — A. de Cock et Is. Teirlinck, 
Kinderspel en Kinderlust in Zuid-Nederland. 2 do deel : III, dansspelen. 
1 vol. in-8° de 389 p. avec croquis et schémas (Gand, A. Siffer, 4 fr.). — 
Charles Bartholomez et Maurice Peclers, Dâvid li lûteû , com.-vaud. en 
3 a. primée par le Gouvernement, broch. petit in-8° de 76 p. (Liège, Math. 
Thone, 1 fr.). — Léon Wèry, L'Art et la Vie. Extr. de la « Revue de 
Belgique », in-8® de 65 p. (Bruxelles/Weissenbruch). — A. Fagnard, 
Couvin , ses environs , ses curiosités naturelles , ses promenades , ses agré¬ 
ments , sa flore. Broch. pet. in-8° de 110 p. avec 2 cartes et 10 photograv. 
(Couvin, A. Fagnard, fr. 0-50). 

REVUES ET JOUR N A UX : 

Petite revue illustrée de l’Art et de l’Archéologie en Flandre 

(15 février). — Wallonia a reproduit t. X, p. 306, une notice du Catalogue 
critique de l'Exposition des Primitifs à Bruges, par M. Georges H[ulin] 
de Loo, mettant en cause la famille de Mérode. L’auteur rapportait, en 
s’appuyant sur le Catalogue officiel, qu’un triptyque attribué au Maître de 
Flémalle, et qui jadis appartenait à la famille de Mérode, passe pour avoir 
été aliéné depuis, et remplacé par une copie, exécutée il y a quelques 
années. L’auteur ajoutait quelques réflexions critiques. Le comte de 
Mérode-Westerloo. qui prétend être toujours en possession du tableau 
original, a jugé que l’article auquel nous faisons allusion, a causé une 
dépréciation à son retable. De ce chef il intente à M. Georges Hulin une 
action en dommage et intérêts, et lui réclame 10.000 francs. C'est ce que 
nous apprend la Petite Revue citée, dans un de ses derniers numéros qui 
ne nous était point parvenu, par oubli. La loyauté la plus élémentaire nous 
engage à reproduire l’information. Nous espérons avoir connaissance en 
temps utile de la solution de l’affaire, qui intéresse indirectement mais vive¬ 
ment l’œuvre du Maître de Flémalle. 

L’Ami de l’Ordre (3 mars). — Un correspondant occasionnel signale 
quelques vieux arbres intéressants et non encore signalés : un charme et 


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WALLONIA 


135 

un chêne au château de Denlin-Fronville, et un troisième arbre, spécimen 
curieux de hêtre. « Il croît sur la commune de Marenne, à l’orée du bois 
situé au midi de ce village. Ce qui le rend digne de mention, ce n’est ni 
son âge ni ses dimensions, car en cela il n’a rien d’extraordinaire, mais 
c’est une particularité toute spéciale. Au printemps, une de ses branches 
est toute en feuilles douze à quinze jours avant les autres. Chaque année, ce 
phénomène curieux peut se constater, et l’on ne sait à quelle cause l’attri¬ 
buer. Notons que les bons habitants de Marenne sont fiers de leur hêtre 
extraordinaire, et qu’ils exigent qu’on le respecte lors des exploitations. Ils 
y attachent même des idées superstitieuses et, en tous cas, ils vous affirment 
que la branche précoce ne manque jamais son feuillage pour le 20 avril, 
jour de l’Adoration ». 

Gazette de Liège (10 avril). — « La correspondance de Pierre Corneille 
le montre occupé à Rouen, en 1652, de sa traduction en vers de Y Imitation 
de Jésus-Christ , de l’illustration de cet ouvrage, et du débat en cours au 
sujet de l’auteur de cette Imitation . Les uns attribuaient ce livre à un 
Français, d’autres à un Italien. Les plus avisés tenaient pour Thomas a 
Kempis, qu'ils disaient Allemand. 

» Il n’est pas sans intérêt d’entendre le grand tragique, dans une lettre 
au P. Boulaud, du 12 avril 1652, devancer ceux qui attribueront cette 
Imitation à un auteur flamand et alléguer à ce sujet, le voisinage de... la 
Wallonie : 

« Je ne sais pas l’allemand, écrit-il à ce religieux, et par conséquent je 
» ne puis pas juger de la conformité du style de notre auteur avec la gram- 
» maire de son pays : mais je crois qu’il vous seroit plus avantageux de 
» prétendre que son latin sentiroit le flamand, ou pour mieux dire le wallon, 
» que non pas l’allemand. Il ne cite pas une phrase pour allemande que je 
» ne prétende française, et les mots que les Italiens prétendent leurappar- 
» tenir, ont aussi l’air entièrement français. Ainsi vous pourriez prétendre 
» que Thomas a Kempis, auroit pris la phrase et les mots des Wallons dont 
» son monastère était très proche et qu’il s’y serait mêlé aussi quelque 
» chose de flamand. En son temps, la Flandre étoit sous la souveraineté 
» de France ; on y parloit en trançois, on y plaidoit en françois et on s’y ser- 
» voit de nos ordonnances, qui sont pleines de ce latin grossier. Et peut-être 
» a-ce été la cause qu’on a attribué ce livre, ne son commencement, à deux 
» François, saint Bernard et Jean Gerson... » 

Petit Bleu de Bruxelles (22 avril). — « Une polémique de presse initie 
en ce moment le grand public à une controverse qui avait jusqu’ici som¬ 
meillé dans les livres. Faut-il appeler David de Dinant ou David de Dinan 
le « maître David » dont les écrits furent brûlés, au commencement du 
treizième siècle, comme entachés d’hérésie ? En d’autres termes, était-il 
originaire de la principauté de Liège ou du duché de Bretagne ? 

» L’argument d’autorité serait ici de nulle valeur. Il importe peu, par 


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WALLONIA 


exemple, qu’Ernest Renan, dans son admirable livre Avei'rhoès et VAver - 
rhoïsme , se soit bien gardé de faire de David un Breton comme lui, tandis 
qu’Alphonse Le Roy, dans la Biographie nationale publiée par l’Académie 
royale de Belgique, Ta revendiqué pour notre pays. 

» Des textes décisifs tranchent d’ailleurs la question. Il faut écrire 
David de Dînant, non seulement parce que les actes de condamnation 
rassemblés par Duplessis d’Argentré en sa Collectio judtciorum (1,126-133), 
portent magister David de Dînant et magister David de Dinando , mais 
parce qu’il existe un document dont les futurs biographes du philosophe 
mettront certainement en lumière l’importance capitale. 

» Ce document, nous l’avons trouvé dans la Patrologie de Migne. C’est 
une lettre d’innocent III, adressée le 6 juin 1206 à l’abbé et au chapitre 
« de l’église de Dinant, dans le Diocèse de Liège » — ecclesiæ de Dinant , 
Leodiensis diæceseos — et par laquelle le souverain pontife prie ceux-ci de 
conférer à un clerc nommé R. la partie de prébende qui lui a été cédée par 
son oncle, maître David, chapelain du Pape... Ceci met évidemment fin au 
débat. » 

[Cette note est de l’érudit bien connu, M. A. Boghaert-Vaché. Dans 
VIntermédiaire du 10 mai, il signale sa découverte et demande si ses 
confrères n’ont, pas plus que lui, rencontré ce document chez les auteurs 
qui se sont occupés jusqu’ici de David de Dinant. Le texte est dans le 
II e vol. consacré par Migne à Innocent III, page 901.] 

La Meuse du soir (25 avril). — Extrait d’une interview de M. Edmond 
Picard sur le Théâtre belge. <' Quelle devrait être la préoccupation d’un 
auteur dramatique désireux d’« arriver » ? — Je crois que lorsque nos 
auteurs dramatiques se décideront à « être originaux », au lieu de croire 
qu’il faut, en cela, comme certains le croyaient pour le roman, imiter la 
France, on verra qu’ils sont bien doués pour le théâtre. Sous ce rapport, les 
jolies pièces wallonnes sont significatives dans leur gaîté, leur esprit, leur 
observation bien exacte de nos mœurs ». 


Faits divers 


L IÈGE. — On a exposé récemment, à la vitrine de la Maison Magis et 
Henn, place de la Cathédrale, une œuvre nouvelle de notre collabo¬ 
rateur, le sculpteur Joseph Rülot. 

« C’est, dit L'Express , sur un socle décoré d’un bas-relief plein de vie 
et de charme, où une théorie d’enfants nous symbolise le Crâmignon, une 
statue détachée du groupe de haute allure que l’artiste a conçu pour 
honorer plastiquement, en même temps que le génie poétique de Nicolas 
Defrecheux, l’âme même de la race wallonne. Cette statue, d’exécution 


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WALLONIA 


137 


très heureuse et d'un sentiment viril, délicat et intensément attachant, nous 
restitue, absorbé dans son regret, le mélancolique héros de L*yîz-me 
plorer. C’est une œuvre forte et distinguée, imprégnée des meilleures 
qualités de notre terroir, et par cela même particulièrement expressive. Par 
ce fragment, nous pouvons déjà nous figurer quelle sera l’émouvante 
beauté du monument Defrecheux quand les destins et les pouvoirs publics 
voudront qu’il soit réalisé dans son ensemble, aux dimensions qui doivent 
logiquement être les siennes. 

» La réduction du Lèyîz-me plorer est offerte par ses amis à M. Joseph 
Defrecheux, le fils du poète, le wallonnisant qui a rendu de si nombreux 
et considérables services à nos lettres locales, à l’occasion de sa nomination 
de chevalier de l’Ordre de Léopold. » 

— Le 30 avril, M. Hector Chainaye, directeur du journal La Réforme , 
de Bruxelles, a fait, sous les auspices du Jeune Barreau, une intéressante 
conférence sous le titre assez mal choisi de « La Patrie wallonne ». 

M. Hector Chunaye fut, il y a quelque vingt ans, avec M. Célestin 
Demblon et M. Albert Mockel, des premiers à s’intéresser au passé artis¬ 
tique du pays, et à prôner l’excellence du sentiment wallon dans la Littéra¬ 
ture française, renaissante en Wallonie. A cette époque le mouvement 
entrepris à Bruxelles par les écrivains de la Jeune Belgique , avait excité 
sur les bords de la Meuse une assez vive émulation. C’est sur l’initiative des 
écrivains liégeois que nous venons de citer, et sous l’influence durable de la 
revue la Wallonie , dirigée par M. Mockel, que se créa et se soutint un 
mouvement qui a donné à la Belgique maints écrivains aujourd'hui notoires. 
M. Hector Chainaye publia à cette époque un livre tout-à-fait remarquable, 
VAme des choses , où se manifestèrent sous une forme impeccable, avec un 
art des plus affinés, les caractéristiques essentielles et profondes de la 
sentimentalité pénétrante de notre race. 

Depuis lors, M. Chainaye fut pris tout entier par le journalisme. Il 
n'en restait pas moins attaché à sa ville natale, et préoccupé des intérêts 
supérieurs de la Wallonie. Aussi a-t-il pu légitimement songer à présenter 
au Jeune Barreau et à son public, la contre partie de la thèse soutenue l’an 
dernier, à la même tribune, par une série de jeunes orateurs bruxellois. 

Ces Messieurs entendaient nous révéler une âme « belge » dont les 
caractéristiques étaient d’ailleurs surtout flamandes. M, Chainaye, déve¬ 
loppant des idées qui furent notamment exposées dans Wallonia, estime 
avec raison que les races flamande et wallonne sont aussi différentes que 
les régions qu’elles habitent et qu’il n’y a entre elles que fort peu de points 
de contact possibles. 

Après les avoir analysées 1 une et l’autre avec verve et pénétration, il 
a tenté de les montrer agissantes dans l’histoire. L’unité nationale est, 
d’après lui. l’œuvre des Wallons, qui ont formé une Belgique selon la 
tradition française. Mais la réaction a été terrible. Les revendications 
flamingantes, qui datent de 1846, se sont d’abord cantonnées dans la litté¬ 
rature, puis elles ont envahi tous les domaines et, de légitimes qu’elles 


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étaient dans le principe, elles ont graduellement, lentement pris le carac¬ 
tère d’impérieuse violence et de tyrannique exagération qu’elles ont aujour¬ 
d’hui. A l’heure actuelle, les Wallons sont débordés, les Flamands étendent 
leur influence de village à village et de privilège à privilège. Le gouverne¬ 
ment est à leur dévotion, les rares ministres wallons ont été jusqu’à présent 
impuissants à arrêter le mouvement envahisseur. 

M. Chainaye, après avoir émaillé sa démonstration de justes aperçus et 
de boutades plaisantes, après avoir entonné un vibrant couplet sur le génie 
colonial du roi, a terminé, tout comme un candidat à la Chambre, par 
l’exposé d’un programme. 

Les Wallons paient les deux tiers des contributions, et ils ne jouissent 
que d’un tiers des faveurs gouvernementales. M. Chainaye réclame pour 
eux des avantages budgétaires correspondant aux charges qui leur 
incombent. Il veut, en attendant, une répartition plus équitable des emplois 
entre les deux races, et la nomination de fonctionnaires wallons dans le 
pays wallon, sans qu’il soit exigé d'eux qu’ils connaissent le flamand. 

Bien que l’orateur se soit défendu de vouloir toucher à la politique, il a 
aussi demandé le suflrage universel, l’abolition du remplacement, l’instruc¬ 
tion obligatoire, une meilleure législation sociale — réformes qui, suivant 
lui, s’imposent à l’esprit de tout homme de bon sens. 

Sans nous prononcer sur la valeur absolue de ces réformes, il faut 
reconnaître qu’elles sont dans les vœux de la plupart des hommes politiques 
que la Wallonie envoie actuellement aux Chambres, et qui constituent la 
presque totalité de l’opposition. On ne voit pas bien à première vue, 
comment le S. U., par oxemple, tient à la question wallonne. Mais il serait 
puéril de nier qu’un grave différent politique complique la lutte des races 
en Belgique. Dans l’état actuel, les Wallons sont en majorité, anticléricaux; 
les Flamands, au contraire, sont en majorité catholiques. Or le gouverne¬ 
ment est catholique et clérical. De là, l’occasion de considérations particu¬ 
lières qui devaient naturellement venir à l’esprit d’un journaliste politique 
d’opinions avancées. 

Le succès obtenu par l’orateur, qui fut chaleureusement applaudi, ne 
doit pas nous empêcher de regretter qu’il n’ait point insisté sur la valeur du 
mouvement historique, artistique et littéraire en Wallonie. Le réveil 
général de l’intellectualité dans les centres provinciaux, son orientation 
vers le pays lui-même, sont à nos yeux des faits d’une importance capitale ; 
ce réveil créera des besoins moraux et des tendances générales qui survi¬ 
vront aux revendications sociales actuelles et aux aspirations politiques, 
sur lesquelles tout le monde n’est pas d’accord. Ce résultat sera évidemment 
sans préjudice du progrès général, car le particularisme sentimental et 
patriotique, qui ornera la race de beautés nouvelles et particulières, ne sau¬ 
rait heureusement plus, à notre époque, empêcher l’internationalisme de la 
pensée. O. C. 

N AMUR. — Un chansonnier namurois très populaire et qui fit partie de 
l’orchestre des Moncrabeaux, M. Jules Metten, est mort à Saint-Servais, 
âgé de 75 ans. L’un des plus féconds parmi les poètes namurois, il est aussi 


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celui dont l'instinct poétique s'est développé avec le plus de bonheur. Il 
joignait à de précieuses qualités d'observation un humour très personnel et 
un grand souci des expressions locales. Ses poésies fourmillent de proverbes, 
de comparaisons pittoresques et ses meilleures œuvres sont celles où il s'est 
montré le plus sans-façon, le plus malicieux, le plus jovial, et aussi le plus 
« namurois », ce qui ne va point sans une certaine verdeur de langage et 
une pointe satirique. A signaler notamment : Li Fin do monde , On mau 
tchéyu à feume , Li mtoaiche linwe , On djône home qui grogne avou 
s'mayon , etc. M. Metten avait rempli les fonctions de commissaire-adjoint 
de police et de commissaire en chef de la gare de Namur. 

— M. l'abbé Jules Dethy, curé d’Assesse, a été nommé, par M* r Heylen, 
chanoine titulaire de la cathédrale de Namur. 

Né à Namur, le 20 août 1838, il appartient à une vieille et honorable 
famille bourgeoise de cette joyeuse cité et il en a la bonne humeur. 
Walloniste épris de son terroir, il est l'auteur de la fameuse chanson : 
Vive Nameur po tôt (1883), paroles et musique, devenues presque aussi 
populaires au pays de Namur que Li bia Bouquet , de Bosret. On lui doit 
aussi un grand nombre de poésies et de chansons patoises inédites et une 
comédie en 3 actes, Djan-Biétrumé Picard , dont nous avons parlé t. X, 
p. 123. 

— Le 26 avril, la Fédération Wallonne de la Province a organisé au 
Théâtre une grande fête dramatique. Trois pièces ont été jouées : Lipia 
(Ton 9 aute % vaudeville en deux actes de M. Léon Pirsoul, interprété par 
« La Scène wallonne des Gomognes », de Vedrin ; One Pasquéye au 
Villatche , comédie-vaudeville en 1 acte, de M. Louis Toussaint, interprétée 
par Li Club toalon di Binant ; enfin On Mwinnadje modèle , comédie en 
deux actes, de M. Louis Sonvaux, interprétée par Li vis thèyâte toalon di 
Nameûr. La soirée a remporté le plus vif succès, les auteurs et les acteurs 
ont été vivement applaudis. Le théâtre était bondé. 

B RUXELLES. — Sur le rapport de M. Octave Maus, directeur de Y Art 
moderne et de M. Maur. Kufferath, directeur de la Monnaie, l'Acadé¬ 
mie libre de Belgique a décerné le Prix Edmond Picard au musicien 
▼erviétois M. Victor Vreuls. On sait que ce prix annuel est destiné à un 
jeune Belge, juriste, littérateur, sculpteur ou musicien le plus méritant. 

M. Victor Vreuls est né à Verviers, le 4 février 1876. Il commença 
ses premières études musicales à l'excellente Ecole de musique de cette 
ville, et les continua au Conservatoire de Liège. A un concert dans sa ville 
natale, il eut l'occasion de faire la connaissance du maître Vincent d'Indy, 
avec qui il acheva ses études et qui regarde notre compatriote comme un 
de ses élèves préférés. Bien que fort jeune encore, M. Vreuls a déjà un 
bagage artistique, et ses œuvres ont été jouées avec grand succès à 
l'étranger, notamment à La Haye, Cologne, Genève, Marseille, Barcelone, 
Madrid et surtout à Paris, où il est considéré comme une nature tout-à- 
fait remarquable. 


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WalloNia 


Citons un poème symphonique pour orchestre ; un quatuor pour piano 
et cordes; un Adagio pour orchestre à cordes; un Trio pour piano, violon 
et violoncelle joué pour la première fois à Liège par le Cercle Piano et 
Archets et exécuté ensuite dans beaucoup d’autres villes et tout dernière¬ 
ment à la Libre Esthétique ; une Sonate pour piano et violon exécutée à 
Bruxelles, à la Libre Esthétique; puis à Verviers, par MM. Jaspar et 
Zimmer; elle fut aussi jouée à Paris par M. Armand Parent et par 
MM. Ysaye et Pugno, à la salle Pleyel, où elle obtint un succès retentissant. 
Citons encore trois poèmes pour chant et orchestre; un triptyque pour 
chant et orchestre sur des paroles de Verlaine; une ouverture pour 
orchestre et une symphonie pour orchestre qui vient d’être exécutée à 
Verviers avec beaucoup de succès. 

— Le 6 avril, le puissant Cercle Verviètois de la capitale a dignement 
fêté M. Albert Dupuis, à l’occasion du brillant succès de Jean Michel. Un 
banquet qui avait réuni de très nombreux convives a eu lieu au local 
de ses séances. De nombreuses personnalités verviétoises de la capitale, et 
une délégation notable de Verviers même avaient tenu à se joindre aux 
nombreux membres du Cercle. Le président, M. Degey, dans un discours 
fréquemment interrompu par les applaudissements, a congratulé le héros 
delà fête, dégageant la part qu’ont prise les Verviètois au succès de Jean 
Michel . Il a émis l’espoir <c que toutes les promesses que nous donne Jean 
Michel se réaliseront et que cette renommée naissante s’épanouira plus 
tard en œuvres magnifiques et en gloire définitive pour la plus grande 
fierté de la Wallonie en général et de Verviers en particulier. » 

M. Albert Dupuis pénétré de gratitude et d’émotion, a répondu dans un 
langage simple dont la cordialité a fait impression. D’autres discours se sont 
succédé. Puis une partie musicale s’est organisée, où l’on a eu la grande 
joie d’entendre M me Albert Dupuis, dont le charme et la voix d’or ont fait 
merveille, au milieu des artistes et des amateurs de choix dont dispose le 
vaillant Cercle Vemiétois . 

Puisque nous parlons du Cercle verviètois de Bruxelles, rappelons, 
d’après son intéressant Bulletin mensuel, quelques informations qui ne 
nous éloigneront point du sujet de cette note. 

Des fragments de Jean Michel ont été donnés à Liège au concert Ysaye 
du 18 avril. Le prélude de cet opéra a été exécuté au concert de l’Ecole de 
musique de Verviers. L’œuvre sera jouée l’hiver prochain à Anvers, à 
Liège et aussi, paraît-il, à Verviers; elle est également demandée à Berlin. 
Le Choral mixte, qui vient de se fonder à Spa, consacrera l’un de ses pro¬ 
chains grands concerts, celui du 26 juillet, à des œuvres symphoniques et 
chorales d’Albert Dupuis, qui dirigera. 

Enfin, il était vraiment dit qu’aucun rayonnement ne manquerait à la 
gloire du jeune maître verviètois : Jean Michel a eu l’honneur d’être 
parodié dans une fantaisie scénique étourdissante intitulée VAgent Michel , 
où le fameux crâmignon se chantait sur ce thème : « J’ai mon agent pour 
rire avec moi, j’ai mon agent pour rire ! » 


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UN ARCHITECTE WALLON (') 


Paul Jaspar 


t; cours de ces dernières années, une pléiade com¬ 
pacte d’artistes originaux s’est révélée sur les rives 
de la Meuse belge. Tous les curieux d’art connaissent 
et apprécient l'œuvre réalisée, notamment dans le 
domaine de la peinture décorative et de l’illustration 
livresque, par MM. Auguste Doxxay, Armand Ras- 
senfosse, Emile Bercumaxs. On sait aussi quels 
prestigieux résultats nous a valu, dans les arts du mobilier, l'esprit 
harmonieusement inventif de M. Gustave Serrurier. 

Dans l'art architectural, un autre apporteur de neuf s’est affirmé 
à côté d’eux : c'est le Liégeois Paul Jaspar. 

En même temps qu’il mettait une science consommée au service 
d’une intelligence largement compréhensive, il a prouvé, dans un 
champ d'action ou ses émules les Horta, les Hobé, les Ilankar, ont 
conquis la renommée, une personnalité brillante, nettement tran¬ 
chée, robuste, diverse et réfléchie. 

De fortes études, menées avec discernement, par sa seule initia¬ 
tive, dans la solitude du bureau, l’incitèrent à appuyer sur la raison 
judicieuse sa conception de la construction moderne. Dans son 
passage aux académies de Liège et de Bruxelles, il s’adonna particu¬ 
liérement au dessin d'après l'antique et ne s’attarda guère à scruter 
les arcanes de l’architecture classique, dont l'emploi dans les pays du 
Nord lui apparaît à bon droit comme une hérésie. 

B fit ensuite un stage de cinq ans chez le maître Beyaert, au¬ 
jourd’hui disparu, puis il voyagea en Italie et dans le Nord de la 
France. 

(1) Cette étude, qui fut, pour Wallonia , revue et amplifiée, a paru pour la 
première fois, traduite eu allemand, dans la Deutsche Kunst und Décoration , 
de Darmstadt, numéro de février 



T. XI, n* 6. 


Juin 1903. 


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WALLONtA 


Revenu à Liège, il se mit à étudier avec ferveur l'archéologie 
du pays wallon. Ces patientes recherches — il n’est pas d’an¬ 
cienne bâtisse liégeoise qui ne lui ait livré ses secrets— détermi¬ 
nèrent chez lui l’éclosion d’une individulité soucieuse d’utiliser 
les legs du passé dans ce que leur beauté présente d’invariablement 
opportun. 



C’est dans ce sens qu’il a, à mesure que s’amplifiait sa pensée, 
élaboré des créations d'un rare intérêt, en s’inspirant, autant qu’il 
est possible, pour la satisfaction des nécessités contemporaines, 
de ce qu’il avait relevé de perpétuellement vivace dans une tradition 
séculaire. 

M. Paul Jaspar se refuse, en effet, à admettre cette sorte de 
nihilisme artistique qui veut que rien n’ait existé avant nous, et 
qui entend imaginer de toutes pièces un style nouveau. C’est, 
en un mot, un novateur épris du passé. Son architecture n’est 
pas seulement originale et pittoresque, elle est profondément 
rationnelle et vaut d’être commentée en son principe, pour l’édifi¬ 
cation des jeunes qui, souvent, oublient de réfléchir aux fins de l’art 
qu’ils cultivent. 

Sans doute, il pense que la maison moderne doit être conçue 
selon nos besoins inédits, selon les exigences naguère méconnues de 
l’hygiène et de l’esthétique, et il accorde toute l’importance qui lui 
revient au rôle qu’ont à jouer dans la construction des matériaux 
jadis inemployés, tels que le fer et le verre. Il est convaincu, 
d’autre part, que les styles d’autrefois ne peuvent plus — les mœurs 
s’étant considérablement modifiées — s’imposer dans leur rigueur 
archaïque. Il est d’avis que notre époque est assez belle, assez signifi¬ 
cative dans tous les domaines de l’activité sociale, pour ne point se 
contenter du mauvais goût chaotique qui a si longtemps sévi, et 


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WALL0N1A 


m 


que l'instant est venu pour elle de s’exprimer dans un style qui 
soit en étroite harmonie avec son caractère. 

Mais il estime aussi, fort justement, que l’architecte d’aujourd’hui 
doit avoir étudié et pénétré ce qui a ôté fait dans son art au cours 
des siècles révolus. 

Tirer du vieux du neuf : telle pourrait être sa de vise, et tel fut 
le titre du petit album ou il réunit jadis les croquis de quelques- 
unes de ses créations. 



^llla^on yuai de 1'Abafîoir, Lleje 

pAvLjApiA1{ • Aqchi te bte . itjÿ- 

Le praticien qui a un bâtiment à édifier doit, selon lui, 
s’inspirer de l’architecture de la contrée où ce bâtiment doit 
s’élever dans ce que cette architecture a de spécial et d’immuable, 
car ces caractéristiques ne peuvent avoir surgi au gré du 
hasard. En vertu de la loi naturelle qui veut que la fonction crée 
l’organe, elles sont la résultante de raisons impérieuses que la 
réflexion parvient toujours à découvrir. Le climat, la nature et la 
composition du sol, les matériaux qui lui sont propres, peuvent être 
cités parmi ces facteurs. 

Si nous examinons les maisons construites par M. Paul Jaspar, 


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WALLON IA 


nous constatons que, tout en étant appropriées de la façon la plus 
avisée et la moins mesquine aux. besoins d’aujourd’hui, elles accusent 
les particularités judicieusement utilisées de la vieille architecture 
wallonne. Les matériaux qu’il emploie sont ceux du pays même : 
moellons, pierres de taille, briques, bois, tuiles, ardoises : il les veut 
apparents, dans leur beauté naturelle, comme les organes même de 
l’édifice. 



Maison projetée sur l'emplacement do la Chapelle do Paradis. 


Le raisonnement, chez cet artiste, s'allie d’ailleurs au sens le 
plus affiné du pittoresque et du confortable. Ses demeures sont con¬ 
çues avec une asymétrie qui charme et distrait l'œil, qui intéresse 
l’esprit avant même qu'on ait pénétré leur belle et stricte ordon¬ 
nance. A les étudier, on découvre comme une saveur de passé dans 
l'agrément de leur nouveauté : c’est cette inspiration résolument 
autochtone et le souci d'un art riant et compréhensif qui rendent si 
intéressante la personnalité de M. Paul Jaspar. 

Le bonheur avec lequel il concilie la logique et la fantaisie s’at¬ 
teste victorieusement dans tous ses travaux : les reproductions qui 


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WALLONIÀ 


145 


accompagnent cette notice n’ont, à cet égard, nul besoin de commen¬ 
taire. Il n’est pas de ceux qui, pour faire effort décoratif, recourent 
aux inventions inutiles ou aux fioritures surannées ; les nécessités 
du plan primordial, l’emploi rigoureusement économique des maté¬ 
riaux fournissent à son initiative des ressources suffisantes pour faire 
œuvre pittoresque. Aussi bien, il a gardé des enseignements de feu 
Beyaert la préoccupation fondamentale d’étudier le moindre détail 
tant au point de vue de l’art qu’à celui de la construction. 



Café du Moulin, Ayw&ille. 


Ainsi, par exemple, il s’attache constamment à suivre les 
préceptes de son vieux maître dans la recherche d’une silhouette 
agréable. « Lorsque vous aurez une bonne toiture, une silhouette 
satisfaisante, disait Beyaert, mettez dessous tout ce qu’il vous plaira. » 


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WALLONlA 


M. Paul Jaspar s’évertue d'ailleurs à adapter ses bâtisses aux 
sites qu'elles doivent meubler , differentes si elles s'élèvent dans une 
rue ou au coin d'une place, différemment décorées si elles foraient 
relief sur un quai citadin ou si elles sont entrevues dans les feuil¬ 
lages d'un jardin. L’emploi des matériaux très variés dans le pays 



Li Blnnko Motionne, à Liège. M. B. 


lui permet, en effet, d'accorder un rôle important à la couleur : il 
emploie, au besoin, le blanchiment à la chaux qui diffuse son rire 
clair dans les verdures et qui a, par surcroît, le double avantage 
d'ètre économique et de protéger les murailles de l'humidité et de la 
chaleur du soleil. 

Cette réflexion permanente qui s'atteste â l'extérieur de ses 
constructions apparaît aussi nettement dés qu'on les visite intérieu¬ 
rement. Ses maisons sont familiales : on y peut avoir, charme 
inestimable à notre époque, la religion du foyer. A chaque pas se 
révèle la personnalité d'un ordonnateur artiste, qui a scruté le passé 


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WALLONlA 


147 


de la vie wallonne dans ce quelle a de plus intimement attirant ; 
un plaisir permanent naît de la diversité de ses trouvailles, de 
l’harmonie et du sens pratique qu’elles décèlent. Appropriées aux 
besoins du confort le plus moderne, ses maisons sont de la plus 
élégante esthétique sans cesser d'être agréables; pas un pouce n'y 
est perdu : il n’a pas son pareil pour tirer d’un recoin qui paraissait 
inutilisable et disgracié quelque agencement dont on demeure ravi. 
Au surplus, un de ses soucis primordiaux est d’approprier la maison 



Société anonyme Métallurgique de Trayon Bureaux à Liège 


qu’il bâtit aux travaux de celui qui doit l’habiter. Il conçoit tout 
différemment, et de façon à ce que chacun lui sache gré de son 
heureux esprit d'adaptation, la demeure d'un avocat, d’un indus¬ 
triel, d’un artiste ou d’un simple rentier. Vingt exemples témoignent 
de cette conscience avisée, dont il faudrait pouvoir détailler ici les 
preuves. 

Ayant longuement et scrupuleusement étudié les arts de la 
décoration et du mobilier, il entend faire d’une demeure une chose 
harmonieuse, un tout sans élément disparate. A son avis le simple 
bon sens, en matière artistique, devrait laisser à l’architecte la 


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W ALLON T A 


responsabilité du moindre détail dans la maison qu*il édifie. Rien 
ne serait par lui confié au hasard : ayant la haute main sur l'or¬ 
donnance intérieure et extérieure d’une construction , le modèle 
d’un bouton de porte ou la nuance d une frise ne pourraient être 
choisis sans qu’il en ait prescrit la forme ou la couleur. C’est seu¬ 
lement au prix de ces scrupules d’homogénéité qu’on cessera de 
faire de nos habitations de hideux assemblages hétéroclites. 

A présent dans la force de l’àge, M. Paul Jàspar s’est imposé 
par une infinité de créations qui lui ont valu dans le monde des 
connaisseurs en Belgique et à l’étranger une notoriété considérable. 
Mais il est regrettable que l’occasion ne lui ait pas encore été 
fournie de donner, dans l’érection d’un monument important, la 
mesure de sa personnalité si originale. 

Les maisons, les villas qu’il a bâties, l’iiospice de Glain, en voie 
d’achèvement et qui promet d’èlre une de ses plus intéressantes 
constructions, ses études pour la restauration d’anciens édifices 
liégeois qu’il poursuit dans un esprit dont les lecteurs de Wallonia 
ont pu apprécier l’élévation et la logique, prouvent à suffisance qu’on 
peut attendre les plus heureux résultats de sa laborieuse et intelli¬ 
gente initiative. 

Charles DELCHEVALERIE. 



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Villa il Spa. M. II. 



Buffet de M. J. 


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Villa i\ Spa (projet) M. 



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Le Folklore de la Wallonie prussienne 

La foire de la Saint-Pierre à Malmédy 

A la date du 29 juin, fêtes des SS. Pierre et Paul, l' Armanac dol 
Samène nous prévient chaque année que les grandes djins minet 
les trèhes. Mais les dites grandes personnes 11e semblent guère se 
soucier de ces rappels réitérés et s'obstinent à ne plus faire de 
trèhes en ce jour, car, à leur avis, les bals publics les remplacent 
efficacement (*). A vrai dire, ce sont là cependant, avec le proverbe 
météorologique : Saint-Pire plocineùs, qwarante jours dandj'rem , 
à peu prés les seules particularités folkloriques que nous ayons à 
relever. Cependant nous croyons qu'une courte relation de la 
foire de la St-Pierre, par maints côtés différente de celles de Bel¬ 
gique, ne pourra qu’intéresser le lecteur. 

Comme la kermesse de Néaux (Eupen) a lieu vers la mi-juin, 
c'est de cet endroit que nous arrivent, quelques jours avant la 
Saint-Pierre, en grande partie les baraques foraines si impatiem¬ 
ment attendues par tout ce que la ville compte d’enfants petits 
et grands. 

Du préau de l’école, d’où ils peuvent voir la gare sur une 
hauteur, ils n’ont cessé depuis huit jours pendant l’heure de 
récréation de scruter attentivement les wagons, tâchant de distinguer 
sur l’un ou sur l’autre la forme bleue ou verte d’une roulotte de 
forains. Déçus aujourd'hui, ils fondent leur espoir sur demain, et 
le matin en se rendant en classe, ils recherchent tous la compagnie 
de ces garnements qui, plus heureux, peuvent courir les rues quand 
eux sont depuis des heures au lit. Ils s'empressent autour de ceux-ci, 
ils s'enquièrent de ce qui est arrivé par le dernier train et ces 
gamins, qui 11’ont pas précisément droit au prix de vertu, flattés de 
tant d’attention leur débitent les nouvelles les plus invraisemblables 
et les plus contradictoires. Mais comme la naïveté et la crédulité 
sont surtout de cet âge, il s’en trouve assez qui, sur la foi des asser¬ 
tions de leurs mystificateurs, dés midi, courent à la gare, et penauds 
s’en reviennent s’exposer à la risée des autres. Mais quelle joie est 
la leur, quand enfin la première « baraque * si impatiemment 
attendue, détache ses couleurs criardes de quelques rangées de 
wagons enfumés ! C'est, à l’ordre du jour de toute la gent en culotte 
ou jupes courles, un événement que chacun commente à sa manière 
en se rendant à la gare. Et quand, attelée de deux gros chevaux 

(i) Sur les trèhes , voir ci-dessus tome VII. p. 109 et 110. 


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WÀLLONIA 


ardennais d’un voiturier do l’endroit la roulotte descend, pour se 
rendre sur la place du Marché, tous ils lui font escorte en criant 
en chœur : One baraque , one baraque ! 

Après celle-là d’autres arrivent, nombreuses et variées, mais 
le nombre des enfants qui les accompagnent est de jour en jour plus 
restreint, car ce plaisir est vieux jeu déjà, tandis que sur le Marché il 
y a du nouveau. Là on « bâtit », on élève les tentes qui renfermeront 
tant des choses délectables autant qu’inconnues et les gamins ont 
mieux à faire qu’à courir à la gare. Avec le sérieux du stratège qui 
étudierait une place forte, ils se rendent compte de la manière 
dont est disposée la tente et bientôt connaissent tous les côtés faibles 
par où ils pourront, dès la première représentation, s’introduire 
« à l’œil » dans la place. Cet espionnage remplit les loisirs que leur 
laisse l’école, jusqu’à ce qu’arrive la veille de la foire où tout est 
terminé ou à peu près. 

Au soir de ce jour toutes les tentes sont dressées, même les 
petites boutiques de bonbons s'alignent toute blanches le long des 
trottoirs. Mais tout reste encore fermé aujourd'hui et rien ne marche 
si ce ne sont les machines des « carrousels » que le conducteur 
contrôle et qui soufflent et gémissent mais dont le bruit bientôt est 
couvert par la cacaphonie canaille des orchestrions qui maltraitent 
les ouvertures d’opéras les plus en vogue. 

Petit à petit la vaste place s’emplit d’une foule endimanchée 
qui ne tarde pas de s’écouler dans les cafés voisins qui offrent 
aujourd’hui un tableau tellement chamarré que morne semblerait, 
à côté, celui d’un caravansérail. 

Là-bas, dans un coin, un joueur d’accordéon vous caresse l’oreille 
de son ronflant instrument, tandis qu’un acrobate au milieu de la 
place, danse sur les goulots d’une demi-douzaine de bouteilles et 
qu’à l’entrée une chanteuse s’accompagnant de la guitare, débite 
d’une voix plus ou moins ferme quelques couplets de café-concert. Un 
prestidigitateur, qu’une bande de musiciens ambulants suit sur les 
talons, fait déguerpir l'acrobate et étonne les badauds par ses vieux 
trucs. Mais à son tour il est obligé de céder la place à un homme- 
caoutchouc qui, attiré par les sons bruyants de l’orchestre, se charge 
d’aveugler, par les mille et un reflets des paillettes qui le couvrent, 
l’assistance déjà abasourdie par le tintamarre des cuivres. Il se tord 
encore sur sa table qu’un ventreloque impatient d’avoir son tour 
commence une déclaration à la fille occupée à mettre le grenier en 
ordre et ne l’interrompt que pour demander le consentement du 
patron qui est en train de rebaptiser ses boissons à la cave. 

Et ainsi remplit les cabarets une foule de saltimbanques, 


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WALLONIA 


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parlant, expliquant, chantant et disputant, chacun dans son dialecte 
allemand respectif, car tous sont des représentants de ce peuple de 
philosophes et de penseurs — comme dirait Mme de Staël. De temps 
à autre cependant alterne avec ces rudes accents du Nord le suave 
parler d’un basané enfant d’Italie qui vient vous inviter à acqué¬ 
rir quelque lamentable copie en plâtre des marbres de son beau 
pays : « Ecco (telle belle statuette a buon mcrcato ! Comprimene 
Signori . » Et, accommodant comme il est, bien que ses prix soient 
fixes, il les baissera de la moitié ou des trois quarts si vous faites 
mine d’ètre amateur de ses objets. 

Mais déjà ragent de police est venu annoncer l’heure de la 
fermeture en tonnant son ♦ Feierabend » dans l’entrebâillement de 
la porte, et le cabaretier commence à éteindre ses lampes, signe 
évident qu’il est grand temps de regagner ses pénates si on ne veut 
pas courir le risque de se voir « coller » un bon procès-verbal. Les 
cafés se vident et seuls quelques vieux habitués attablés dans un coin, 
terminent leur brute ( ] ) avant de se séparer, tandis que maints jeunes 
hommes s’agitent déjà sur leur couche, espérant, — souvent en vain 
hélas ! — que la nuit conseillère fera naître, dans leur cervelle 
inventive, une régie d’arithmétique qui fera se balancer leur maigre 
avoir avec le doit pyramidal des étrennes à offrir demain aux 
parents, aux jeunes frères et sœurs, aux neveux et nièces et — the 
last but not the least — à la fiancée, s’il est gratifié d’une amoureuse 
aux exigences un tantinet au-dessus de la moyenne. Les débours 
à faire pour les premiers ne sont ordinairement pas bien lourds, 
mais pour cette dernière il faudra payer sans compter. Malheur 
à l’amoureux qui voudrait circonvenir à cet usage ; malheur aussi à 
celui qui offrira une « foire » trop mince à sa future : il se pourrait 
fort bien qu’il vît l’amour le plus ardent s’éteindre comme une allu¬ 
mette chimique dans une bourrasque. Donc, si le jeune homme 
parvient à équilibrer son budget, ce sera nécessairement aux dépens 
de toutes les autres « foires » et aussi des plaisirs qu’il aurait pu 
s’offrir à lui-même. 

Les nuits blanches aussi prennent fin. Et le lendemain, dans 
le brouhaha qui signale l'ouverture de la foire et assaillit la foule 
sortant de la messe de 11 heures à la proche église paroissiale, on a 
tôt fait d’oublier toutes les préoccupations de la veille. La cacophonie 
des orchestrions, des orgues de Barbarie, des trompettes, des grosses 
caisses et des cymbales, entrecoupée de temps à autre des appels 
stridents des sifflets des chevaux de bois, recommence des plus belles 
et se mêle aux cris des gens et des animaux de ménageries les plus 

(lj Jeu de cartes du terroir. 


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WALLONIA 


divers. Mais si déjà le bruit de cette foire qui ne le cède en rien 
au tumulte des kermesses flamandes peut sembler insolite, il est une 
chose qui l’est plus encore dans cette ville où, disait M. Gaidoz, 
l’étranger ne se sent pas en Allemagne. C'est que toute la foire est 
empreinte précisément du cachet allemand. En effet, pas une ba¬ 
raque — si nous exceptons par-ci par-là une tente que quelque 
boutiquier de la ville a dressée sur la place pour y écouler un vieux 
stock de ses marchandises — pas une qui n’ait pour propriétaire un 
Allemand, pas une dont tout le personnel ne le soit, dont l’enseigne 
et le programme ne soient en allemand. 

Voici sur les trétaux, devant un « théâtre de variétés », un 
clown qui débite ses boniments dans la langue de Goethe et invite les 
gens à entrer; et voilà un charlatan qui dans le même langage, tâche 
d’écouler sa camelotte, et à engluer gobeurs et gobeuses. Et plus 
loin, un photographe qui s’ingénie, que vous le compreniez ou non, 
à vous démontrer les avantages de son système, sur celui du concur¬ 
rent d’en face. Quand il vous lâche, après avoir figé vos traits plus 
ou moins ressemblants sur une plaque de tôle, ce sont les teneurs de 
jeux de hasard, de force et d’adresse qui s’acharnent sur vous et vous 
assurent—toujours en allemand— que vous êtes appelé à faire 
fortune dans leur tente. 

Mais s’il peut sembler étrange, au Belge surtout, de n’entendre 
que de l’allemand sur notre champ de foire, le contraire étonnerait 
plus encore le Malmédien habitué qu’il est à ne voir d’autres 
saltimbanques que des Allemands. 

Hormis cela, le Belge ne trouve pas à première vue une grande 
différence entre notre foire et celles de son pays. Cependant, c’est 
en vain qu'il y chercherait la friture de pommes de terre, dont à 
un quart de lieue à la ronde, les douces senteurs de graisse brûlée 
ne manquent en Belgique à aucune kermesse ou dicace. Il ne trouvera 
pas non plus l’antre ou la jeteuse de caites dévoile aux curieux un 
avenir d’autant plus en rose que le prix qu’il lui paie est plus élevé; 
ni ces petites tentes louches, sans enseignes, les parasites des foires 
en Belgique, où le soir venu, à la lumière d’une lampe fumeuse qui 
en éclaire à peine les rideaux rouges, on voit entrer d'impudents 
et hâves gamins, la cigarette aux lèvres cyniques et la calotte cra¬ 
puleusement jetée sur l’oreille. Vainement aussi il cherchera toutes 
ces baraques de lutteurs, une des attractions principales des ker¬ 
messes flamandes et ces autres, remplies d’images ou de figures en 
cire représentant des scènes de meurtre et d’assassinat, spectacles 
qui semble destiné à un public échappé des bagnes et qu’il nous 
souvient avoir vus maintes fois sur les foires des faubourgs de 


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WaLLONIA 


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Bruxelles. Rien de ces choses qui répugneraient aux Malmédiens ne 
blesse l'œil du spectateur, mais au contraire la majeure partie des 
tentes porte le cachet d’une certaine élégance — une élégance de 
foire sans doute — qui néanmoins à ce titre est de bon aloi. Et 
non seulement les grands établissements, tels que cirques, hippo¬ 
dromes, théâtres, chevaux de bois assez riches pour la plupart, 
témoignent en faveur du sens esthétique relatif de leur propriétaire, 
mais les petites tentes aussi et les boutiques sont proprettes et 
gaies. 

Que de souvenirs lointains ces petites boutiques blanches, ali¬ 
gnées sur le haut du marché jusque dans le Châtelet, n’évoquent- 
elles pas en nous au milieu de ce tohu-bohu. Ce sont d’anciennes 
connaissances qui, chaque année nous reviennent, toujours les 
mêmes dans l’évolution générale de tout ce qui les entoure. Devant 
les yeux de la présente génération elles étalent les mêmes jouets qui 
nous ont tenté en notre enfance. Voici le cheval en bois aux jambes 
raides et à la tète carrée, peint de blanc et tacheté de noir et dont la 
queue est un sifflet qui se dresse derrière comme pour inviter à 
souffler dedans. Lâ-haut à une latte au plafond pendent les mêmes 
trompettes en zinc bariolées et à l’embouchure en porcelaine, et les 
mêmes fouets à lanière de coton qu’on nous donnait pour notre 
« foire ». Et ces articles pour fillettes ce sont de simples poupées 
au corps de toile rempli de sciure, à la tête et aux mainsen porcelaine, 
affublées de robes bleues ou rouges comme en portaient nos grand’- 
mères le jour de leur première communion. Et voici, entassés sur 
un coin de table, de grands morceaux du même pain d’épice sec, 
dont nous offrions un morceau de 5 phennigs à nos parents avec le 
secret espoir qu'ils n’en voudraient pas, mais qu’ils acceptaient 
souriants pour nous en régaler après. Et vraiment voici encore, dans 
une boîte, ces cœurs en sucre rose, dont personne ne veut plus 
aujourd’hui, avec dessus les deux pigeons blancs symboliques et au- 
dessous, sur une bande de papier, un verset parlant d’amour inalté¬ 
rable et de fidélité éternelle, et que les amoureux de jadis offraient 
en ce jour à leur promise. Sur un autre coin de la table se trouve 
encore le vieux tourniquet à la luisante flèche en cuivre où on 
tentait, pour 4 phennigs, une fortune consistait en quelques bonbons. 

Du reste, les jeux ne manquent pas sur cette foire et chaque 
année nous retrouvons les mêmes : C’est d'abord le « djeù âs 
plalênes ». Là, avec cinq disques en zinc qu’on loue pour 10 phennigs 
on doit aller couvrir, sur une table à environ deux mètres du joueur, 
un rond de papier numéroté, généralement de la grandeur d'une 
de ces 4 platines ». Si le joueur réussit, il reçoit l’objet désigné par 


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Wallonia 


le numéro couvert : pipe allemande, accordéon ou portrait de 
l’empereur. 

Puis vient le « djeù âs ancs » où on reçoit, au même prix 
que ci-dessus, cinq anneaux qu’on lance un à un pour enfiler les 
canifs qui se trouvent à distance. 

Plus loin, c’est un tir qui fait concurrence à ses vis-à-vis les 
poupées. Ici on casse des pipes au moyen de boules remplies 
d’étoupes, là on fait la même chose plus élégamment à l’aide d’une 
carabine. 

Et enfin, là-bas où la foule est plus compacte, nous trouvons la 
loterie qui, sans contredit, attire le plus grand nombre dejoueui*s. 

Mais avant de taire le « tour de foire », on ne doit pas manquer 
de faire une visite à la marchande de cerises du pays de Trêves, 
qu’on trouve chaque année sur le même coin du Marché. C’est l’usage 
qu’on en mange à la St-Pierre et c’est toute une affaire que ces cerises 
qui font bien longtemps avant la fête l’objet de maintes conversations 
à table. Selon le temps qu’il fait, on se demande s’il y en aura ou s’il 
n’y en aura pas. On dispute sur les prix, qui varient selon que 
l’année est bonne ou mauvaise, de 15 à 40 pfennigs la livre. 

Après avoir tait cet achat indispensable, le Malmédien continue 
sa promenade à travers la foire, puisant dans le cornet ouvert qu’il 
tient d’une main, les fruits dont il projette nonchalamment les pierres 
d’un souffle vigoureux sur le dos de ceux qui se bousculent devant 
lui. 

Mais tout à coup une grosse goutte de pluie tombant sur un 
chapeau de paille ou sur une blouse claire, fait lever la tête à tout 
le monde. Là-haut, au ciel, bleu encore il y a un moment, un nuage 
noir s’étend et grossit à vue d’œil. Bientôt la pluie tombe drue et 
alors c’est un sauve-qui-peut général devant l’orage de la St-Pierre, 
l’orage traditionnel qui éclate. Car comme il n’y a pas de St-Pierre 
sans cerises, il n’y en a pas non plus sans orage. 

Les chevaux de bois arrêtent leur course folle, le cirque baisse 
son cône et les boutiquiers sauvent ce qu'ils peuvent de leurs mar¬ 
chandises dans leurs voitures et sous les porches hospitaliers du 
Marché. Bientôt la place où se déchaîne l'orage, un orage tel qu’on 
en voit en Ardennes —avec éclats de foudre, roulements de tonnerre, 
averses diluviales, bourrasques et tout le tremblement, — la place 
est déserte. Tout le monde s’est réfugié dans les cabarets bondés ou 
dans la salle de danse la plus proche devant laquelle, le drapeau 
portant les mots « Bal à grand orchestre. — Entrée libre » claque 
au vent furieusement. 

Dans cette salle,comble aussi, sans souci de l'orage qui gronde, se 


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wallonià 155 

succèdent joyeusement les valses et les schottichs. Aux sons de trois 
ou quatre violons et clarinettes qui miaulent là-haut et forment le 
grand orchestre, tourne une foule de citadins, et une foule plus 
grande de ruraux venus tant pour la foire que pour le pèlerinage à 
Notre-Dame des Malades, ou à l'église paroissiale en l’honneur des 
Sts-Pierre et Paul. Après avoir satisfait à leur dévotion et avoir fait 
leurs achats, ils entendent s’amuser maintenant. Les conversations 
menées dans les différents dialectes de la Wallonie prusienne, des 
localités belges de la frontière et dans une foule de dialectes allemands 
de l’Eifel sont aussi bruyantes que sont tapageurs les accoutrements 
des iîhes dont les cheveux lisses sont couverts d’une cornette à grosse 
touffe de fleurs jaunes ou rouges qui se balance à chaque pas de la 
danse, et qui ont noué sur leur jupon de coton à grands dessins un 
tablier bleu ou vert. Mais il n’est pas que les Allemandes qui ont une 
prédilection pour les cornettes aux couleurs voyantes, bon nombre 
de femmes de Francorchamps sous ce rapport sont des « tîhes ». 

Quant aux paysannes de nos villages elles se contentent encore 
pour la plupart de l’ancien barada ou du mouchoir brodé de fleurs 
de soie qui leur encadre la figure. Comme seul bijou scintille à leur 
cou sur uue simple robe noire, une croix en or que déjà l’aïeule 
exhibait aux grands jours de fête. 

Et toute cette jeunesse joufflue et halée, allègrement fait entendre 
dans le flic-flac des escarpins des jeunes filles anémiques de la Ville, 
le clapotage sonore de ses gros souliers ferrés. Mais leurs cavaliers, 
par contre, semblent de plus en plus mépriser l’ancien sarrau de 
leurs pères et lui préfèrent un complet qui, tant par la coupe que 
par la qualité et la teinte de l’étoffe, indique qu’il vit le jour sur 
quelque établi de village. 

Le soir venu quand les paysans sont retournés, le bal reprend le 
caractère habituel, sauf que les couples font volontiers la navette 
entre la salle de danse et les chevaux de bois qui, maintenant, 
resplendissent dans toutes les lumières d’innombrables poires élec¬ 
triques. 

Enfin, vers minuit, la foire prend fin, le vacarme cesse, les 
lumières s’éteignent et seuls quelques noceurs se rassemblent encore 
dans les cafés pour commenter les faits de la journée. 

Le lendemain, à l’exception peut-être d’un cirque ou d'un 
théâtre, toute la foire a disparu et des merveilles de la veille il ne 
reste sur le marché qu’un tas de débris épars que le tombereau 
communal emporte vers une destination inconnue. 

Henri BRAGARD, 

Président du « Club Wallon », Malmédy. 


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Deux chansons snr les convents 

i 

Ah ! venez au couvent 


Ronde enfantine 


m 




Quand j'é - tais pe 

1 






tite A l’â - ge de quinze ans J’enten - dais Jé - 


sus Qui m' disait sou-vent: Ah! venez mon en - faut Ah! venez au cou - 




3Pi 


vent. 


1 . 

Quand j’étais petite 
A l’âge de quinze ans, 
J’entendais Jésus 
Qui me disait souvent : 
Ah / venez , mon enfant , 
Ah ! venez au couvent. 

2 . 

J’entendais... 

Vous aurez Marie 
Pour votre maman. 

Ah ! venez... 

3. 

Vous aurez Jésus 
Pour votre cher amant. 


4. 

Vous aurez les anges 
Pour tous vos parents. 

5. 

Vous serez maîtresse 
Des petits enfants. 

6 . 

Vous les punirez 
Quand ils s’ront méchants. 
7. 

Vous les embrass’rez 
Quand ils s'ront savants. 
Ah ï venez mon enfant , 
Ah ! venez au couvent. 


Cette ronde est très populaire, surtout dans les écoles catholiques, où elle est 
souvent chantée par les enfants pendant les récréations. Elle se composait autre¬ 
fois des quatre premiers couplets ; la suite est une ajoute relativement récente, 
datant d'environ vingt ans ; on signale au 3° couplet cette variante : « Vous aurez 
Jésus pour votre parent », et ce texte est actuellement préféré, bien qu’il amène 
une répétition au 4 # couplet. 


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Wallonia 


157 


11 

Non, non, pas d’couvent! 

Cramigxox liégeois 


*'- f -*— 1 L *= ;= /-t- 


Mon père veut me faire bé - guine Béguine de - dans un cou- 


:_ p-j £= ==^ pg EgE^E fE pgE EEî 




vent Ma mère a déjà par 

rlzzErrziî 


lé 


A la 


dame 


du cou- 


vent Non non pas d'cou-vent: Mère il me faut un a - mant! 


1. 

Mon père veut me faire béguine 
Béguine deJans un couvent. 

Ma mère a déjà parlé 
A la dame du couvent. 

Non, non , pas d'couvent : 

Mère , il me faut un amant ! 

2 . 

Au couvent ma très chère mère 
On y vit trop pauvrement. 

3. 

On y jeûne tout le Carême 
Et le reste à l’avenant. 

A. 

On y couche dessus la terre 
On y pleure tous les moments. 

5. 

Je serai bien plus heureuse 
Dedans les bras d’un amant. 


6 . 

Il me contera ses peines 
Moi les miennes pareillement. 

7. 

Et nous coucherons ensemble 
Comme ont fait tous nos parents. 

Variante 

3. 

On n’y voit que de vieux prêtres 
Pour s’y confesser souvent. 

4. 

J’aime mieux vivre dans la misère 
Avec mari et enfants. 

5. 

Que d'aller au réfectoire 
En faisant des yeux mourants. 


Populaire à Liège. Variante dans Terry, 
In 8\ Liège, 1881). Pages 28 et 428. 


R cueil d'airs de crdmignons. 

O. COLSON. 


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Documents et Notices 


Un souvenir du premier Empire. — Dernièrement, je ren¬ 
contrai un aimable vieillard qui, après les salutations d'usage, me 
tendit sa tabatière et m'engagea à y puiser, non pas en employant la 
phrase habituelle : En usez-vous ? mais par cette formule : 

Acceptez une prise 
En souvenir de Marie-Louise. 

Je n’acceptai pas la « prise », mais je lui demandai l’explication 
du distique, ce qu’il fit bien volontiers. 

La voici : Lors d’un voyage en Belgique et en Hollande, Napoléon 
et Marie-Louise traversèrent le petit village de Tubise, où la popula¬ 
tion dressa « des fausses-portes » (arcs-de-triomphe). Au-dessus de 
l’une d’elles se lisait, en grandes lettres, cette inscription : 

Il n'a pas fait une sottise 
En épousant Marie-Louise. 

L’Empereur mit en belle humeur par la naïveté des vers (?), et 
ne voulant pas demeurer en reste de politesse, présonta sa tabatière 
au Maire, en prononçant ces paroles aimables : 

Monsieur le Maire de Tubise 
Veut-il accepter une prise ? 

Des gens, se disant bien informés, ou des jaloux, probablement 
des orangistes, revendiquèrent pour un Bourgmestre d’une commune 
hollandaise l’honneur et la gloire de l’entrevue. Ils prétendirent que 
Napoléon avait dit : 

Lorsque vous prendrez une prise 
Rappelez-vous Marie-Louise. 

A qui revient la palme? Nous posons la question sans tenter de 
la résoudre. 

Émile Hublard. 

= Les souvenirs du premier Empire ne sont pas rares dans le 
folklore ; l’histoire légendaire de Napoléon a tenté, en France et en 
Belgique, plusieurs écrivains distingués, qui ne paraissent cependant 
point avoir conduit leur enquête bien loin dans la tradition orale. 


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WÀLL0NÏÀ 


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Nous profilerons de l’occasion présente pour signaler à l’attention le 
petit couplet suivant : 



vc à Mont-Saint - Jean C’est là qu’j’ai vu couler mon 



Ce couplet est fort connu des fillettes dans nombre de localités 
du pays wallon, surtout dans les villes, par exemple à Nivelles, 
Namur, Liège... Il sert à ces enfants pour rythmer leurs sauteries à 
la corde. O. C. 


Feux de la Saint-Jean. — M. le docteur Alexandre attire 
notre attention sur un texte curieux relatif aux feux de la Saint-Jean 
(24 juin) à Liège, en 1478. C’est un extrait de la célèbre Chronique 
d'Adrien d'Oudenbosch , moine de Saint-Laurent, à Liège, éditée par 
la « Société des Bibliophiles liégeois » en 1902 (page 255). 

« In die Acacii et sociorum ejus natus est Philippus fllius primogenitus 
» Maximiliani ducis, ex Maria fllia unica Karoli ducis Burgundiae, Braban- 
» tiae, etc., de cujus nativitate gavisi sunt multi, et dominus Laeodiensis 
» fecit construi magnum ignem ante palatium, et duci choreas circa ignem 
» in festo S. Johannis, et Dominica infra, et fuit ipse praesens usque ad XI. 
» horam noctis ». 

Voici la traduction de ce texte, extraite du volume xxxvi des 
Publications des Bibliophiles liégeois, iu-8°, en cours d’impres¬ 
sion (p. 286). 


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WALLONtA 


« Le jour de Saiat-Àcace et de ses compagnons [21 juin], naquit Phi- 
« lippe, fils aîné du duc Maximilien et de Marie, fille unique de Charles, 
» duc de Bourgogne, de Brabant, etc., beaucoup de gens se réjouirent de 
» cette naissance. Le prince de Liège fit faire un grand feu devant le Palais 
* et conduire des danses autour du feu le jour de la fête de Saint-Jean et le 
» dimanche suivant ; il y était lui-même présent jusqu'à 11 heures du soir ». 

Ce texte est surtout curieux en ce qu’il montre comment la fête 
de ces feux traditionnels a pu, à la faveur des circonstances, acquérir 
un caractère de réjouissance particulière et officielle. La présence du 
Prince-évêque n’a cependant en soi rien de singulier : les feux de la 
Saint-Jean étaient généralement, et sont encore en certains endroits, 
allumés parle curé de la paroisse. Ce n’est cependant point sans inten¬ 
tion, sans doute, que le chroniqueur a rapporté le fait à propos de la 
naissance du prince Philippe, et peut-être n’était-il pas d’usage de 
faire les feux traditionnels de la Saint-Jean au centre de la cité et 
devant le palais de nos Princes, vu le danger d’incendie que présen¬ 
taient ces foyers, souvent énormes. Quant au reste, le Moine de 
St-Laurent fut le témoin oculaire de la plupart des faits qu’il 
rapporte. 

M. le docteur Alexandre fait remarquer que le mot choreas , 
dans le texte latin, est tiré du grec ; il signifie danse en rond en 
chantant et se tenant par la main. Il désigne sans doute ce que nous 
nommons actuellement « cràmignons ». O. C. 



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Chronique Wallonne 


A La Légia, 

Aux Disciples de Grétry. 

En ce moment, la population liégeoise et le pays 
wallon célèbrent le Jubilé glorieux de ces deux vaillantes 
et célèbres Sociétés qui, depuis cinquante, depuis vingt- 
cinq années, ont illustré, dans le pays et à l’étranger, 
l’art choral et l’Ecole wallonne de musique. 

Un grand et brillant festival, organisé à l’occasion 
de ce Jubilé, un cortège où prendront place plus de deux 
cents Sociétés, la remise solennelle, à chacune des deux 
Chorales liégeoises, d’un album commémoratif où une 
multitude de cercles d’art et d’agrément ont inscrit leur 
hommage — telles sont les phases principales de la 
manifestation. 

Nous tenons à ajouter nos félicitations cordiales et 
chaleureuses à toutes celles qui, le 28 juin prochain, 
s’exprimeront avec une unanimité absolue et une défé¬ 
rence profonde, dans la population liégeoise et parmi 
tous les fidèles de l’art, à l’adresse de La Légia, des 
Disciples de Grétry, honneur de la Cité et du Pays 
liégeois. 

Wallonia. 


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WALLOXIA 


Bibliographie 


LES LIVRES : 

Contes wallons : Les fauves da nosse vie mère , par J. Porti [J. Pirot]. 

Un vol. petit in 8° de 84 p. Namur, impr. J. Delwiche. Prix : 1 fr. 50. 

Voici un livre tout à fait remarquable. Non dans sa forme matérielle, 
qui est fort ordinaire, ni dans son origine, aussi peu « littéraire » que pos¬ 
sible, mais dans son sens profond et dans sa nouveauté. 

L’auteur dédie ce premier-né à son père, à sa mère. Il avoue ne l’avoir 
publié que « pour satisfaire au désir de beaucoup d’amis ». Et, dans un des 
essais lyriques qu’il a glissés entre ses proses, il donne à ses compatriotes 
ce conseil d’une sagesse qui a fait son temps : 

Efants dNameur, dimèrez dins vosse vile : 

Vos V rigrèCriz dèdja lot enne alant ... 

Mais quoi, est-ce à des traits dépuré naïveté que nous avons affaire 
ici? Et d’aventure, le sourire ironique qui s’esquisse sur nos lèvres ne 
serait-il point une sorte de profanation ? 

Ne peut-il donc plus, en nos temps compliqués, se rencontrer de temps 
à autre une âme ingénue et sincère, qui exprime simplement des sentiments 
essentiels, et qui note, sans prétention, pour les èties qui l’aiment et qu’il 
chérit, les effusions d’un cœur resté tout près de la nature ? 

En vérité, le cas est celui-ci. Car c’est, en ce petit livre, écrites sans 
prétention mais avec quelle vérité et quel charme saisissants, le recueil des 
fantaisies auxquelles l’auteur livra ses loisirs lorsque, loin du pays et loin 
des siens, il se retrempait dans les nostalgiques souvenirs de son enfance. 

Or, l’origine même de ces contes leur donne les qualités les plus origi¬ 
nales, à la fois de fond et de forme. Cherchant par un retour fervent de 
l’imagination, à remonter au temps de sa jeunesse, à se replonger dans le 
milieu matériel et moral où elle s’est écoulée, l’auteur s’est remis à penser 
comme alors. Et il a écrit comme il pensait. De doux mirages sentimentaux 
lui ont assuré cette force impulsive qui se traduit ici par maintes pages 
vraiment inspirées, restitution de légendes savoureuses, tableaux délicats 
ou pittoresques de la vie rurale dans un petit village du Namurois. 

C’est naturellement dans les récits où l’imagination créatrice joue son 
rôle, que l’on juge vraiment des qualités de l’écrivain. Or, à qui voudra 
lire avec attention, il apparaîtra bientôt qu’elles sont tout à fait remar¬ 
quables. Non seulement l’auteur jouit d’un rare talent d'observation, mais 
fait preuve tour à tour, et avec une égale aisance, d’une sentimentalité 
très fine et d’un humour très agréable. Il a surtout une connaissance par¬ 
faite de son wallon, et c’est dans une verbalité très riche bien qu’exempte 
d’archaïsmes qu’il puise la variété, la sûreté et le relief de l’expression. 

Est-ce à dire que tout soit parfait dans ce petit livre ? Non, certes. Si 
l’auteur a su éviter la puérilité et la préciosité, il n’en semble pas moins, 


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WALLOXIA 


163 


par endroits, manquer un peu de cette pondération qui est l'apanage de 
l'expérience. Ses sujets ne sont pas tous également heureux, et dans ses 
vers, le bonheur de l’expression ne rachète pas toujours une inexpérience 
foncière. Mais par combien de qualités ces petites taches ne sont-elles pas 
amplement rachetées ? Vraiment, ce petit livre est plein de saveur, de 
finesse. On le sent écrit avec une passion souriante, et l'on en goûte la 
langue savoureuse et pittoresque. C’est un livre imparfait et charmant. Il a 
du reste des pages, et elles sont nombreuses, où il serait difficile de trouver 
à reprendre... 

Si, dans les genres divers traités par l'auteur, on devait manifester une 
préférence, on se prononcerait sans doute en faveürde ses tableaux de la 
vie rurale. Ce sont de vraies perles. Or ce genre, où s’illustre à présent 
Stijn Steuvels en Flandre, attend encore en wallon une création définitive. 
Le tempérament de M. P., les qualités exquises et toutes particulières 
de son talent, le portent vraiment de ce côté. Qu’il nous donne un nouveau 
recueil, consacré uniquement, cette fois, aux petites gens de son village ; 
qu’il les croque en leurs rares émois comme en leur placidité coutumière, 
sous les aspects très simples qu’il comprend si bien et dont il nous donne 
déjà ici de petits tableaux pleins de charme. Son talent, déjà mûr pour une 
œuvre, trouvera dans cette voie son entier épanouissement. O. C . 

Ouvrages reçus. — Eug. Rolland, flore populaire ou Hist. natu¬ 
relle des pl. dans leurs rapports avec la Linguistique et le folklore , 
tome IV. Un vol. in 8°, 263 p. (Paris, F. Staude, successeur de Eug. Rol¬ 
land, 2, rue des Chantiers. Prix: 6 fr.). — Renée Vivien, Bu vert au 
violet , poèmes en prose. Un vol. in-12 de 148 p. (Paris, Lemerre. Prix : 
3 fr.). — Touring-Club de Belgique : Annuaire 1903. In-8\ 440 p. (Siège 
social, 12, rue des Vanniers, Bruxelles. En vente contre la cotisation : 3 fr.) 
— Victor Carpentier, Brihes di Jonesse , comédie en 2 a. pièce primée par 
le Gouvernement, in-8*. (Bressoux, chez l’auteur, imprimeur-éditeur. 
Prix: 1 fr.). — Avec Vauteur de €jean d'Nivelles». Souvenirs. Broch. 
( Hors commerce), in-8° de 24 p. Liège, Vaillant-Carmanne. — Baron Pierre 
de Pirquet, Un extrait du Journal de mon Père , in-8*, 3 p. (Hors com¬ 
merce). Vienne Autriche, avril 1903. Célestin Demblon, La Pornogra¬ 
phie cléricale , discours prononcé à la Chambre Belge. Broch. in-8° de 51 p. 
( Brux. Parmentier, édit. Prix : fr. 0,25). Albert du Bois, La Veille 
de Jemmapes , drame en 1 a. en vers. (Paris, Lemerre. Prix : 1 fr.). — 
Le même, Le Catéchisme du Wallon. Nos droits , nos devoirs , nos espé¬ 
rances. (Mons, Louis Boland, édit. Prix : 0.10). — L’Auteur des « Car¬ 
nets du Roi », Le Chinois tel qu'on le parle. Lettre ouverte aux Juges 
de mon pays . Broch. in-8° de 32 p. (Paris, Genonceaux. Prix : 1 fr.) 

BULLETINS ET ANNALES : 

Bulletin des Commissions d’Art et d’Archéologie ( l r * livraison 
de 1902, parue en mars 1903). — Intéressante étude de M. E.-J. Dardenne 


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WÀLLONIA 


sur la faïence cTAndenne et spécialement sur le sculpteur-faïencier 
Jacques Richardot. L’article est illustré de cinq jolies planches reprodui¬ 
sant des œuvres de Richardot, et la série des marques et monogrammes 
des faïenciers andennais. 

Bulletin des Musées royaux ( mai ). — Joseph Destrée : La Croix 
de Scheldetcinkele. Cette croix d'autel et de procession, entrée récemment 
dans les collections des musées royaux, provient de l’église de cette com¬ 
mune de la Flandre Orientale. On ne possède aucune donnée sur son 
origine. L’auteur décrit cette croix reliquaire dans tous les détails et 
montre l’originalité de certaines de ses particularités. Il conclut que « cette 
remarquable pièce d'orfèvrerie est un travail de la seconde moitié du 
xii* siècle, procédant d’un atelier mosan ». L’article est illustré de quatre 
photographies, dont une figure d’ensemble. 

Société d’Art et d’Histoire du diocèse de Liège. — Leodium, 
Chronique mensuelle de la Société . 

Janvier. — Ed. Maréchal, Quelques personnages ecclésiastiques 
originaires de Hodeige : notes biographiques sur cinq religieux dont la 
destinée et les œuvres furent très remarquables. — Emile Schoolmeesters, 
Tableau des Archidiacres de Liège pendan t le XIII* siècle : liste presque 
complète, avec les dates.—Georges Monchamps, A propos de l'authenticité 
du saint Suaire de Turin : rappelle des documents liégeois et romains, 
d’où il résulte que la relique ne serait pas authentique. 

Février. — Fondation tfun prix Georges Delaveuœ , en conséqnence 
d’un legs fait à la Société par un de ses membres récemment décédé ; ce 
prix ( annuel de 300 fr. ) est à décerner par elle à la meilleure monogra¬ 
phie d’histoire paroissiale. — Em. Schoolmeesters, Le droit diocésain 
liégeois à l'époque carlovingienne ( travail continué dans les n os suivants 
et terminé en mai ) : analyse des documents connus sur ce point, dont 
plusieurs lettres de Charlemagne, et des instructions de son contemporain 
l’évêque de Liège Gherbald ainsi que du successeur de celui-ci, Walcaud. 
Ces instructions visent l’instruction des fidèles et des prêtres eux-mêmes, 
l’ignorance des uns et des autres étant très grande ; elles visent aussi les 
règles de conduite morale des prêtres. Plusieurs ordonnent de recher¬ 
cher les sorciers et devins, et ceux qui pratiquent des cultes officiellement 
interdits ; l’un d’eux défend aux fidèles d’épouser la marraine de leurs 
enfants ou leur propre filleul ; il y a d’autres détails qui intéressent les 
folkloristes. — J. Ceyssens, Housse , comment l'abbaye du Val-Dieu 
devint propriétaire de la ferme de Levai : historique détaillé de ce fait. 

Mars. —- Gust. Ruiil, Coup d'œil archéologique sur la ville de Visé 
en 1902 : relevé des restes architecturaux et documents divers encore 
existants. Article très intéressant et très utile. 

Avril. — Abbé Gilissen : relevé des mentions anciennes du nom du 
célèbre Eracle, qui a varié même de son temps ; il est légitime, conclut 
l’auteur, de continuer en français, à écrire Eracle, et de ne pas imiter 
M. Pirenne, qui écrit Everachar. — Fondation Georges Delaveux : but 


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WALLOXIA 


165 


du concours, conditions d’ordre scientifique à remplir dans les recherches 
et dans l’élaboration des mémoires ; cet article reproduit le programme 
arrêté par l’archevêque de Malines en 1898, lequel invitait son clergé à 
faire des monographies de ce genre. 

Une place est faite aux légendes et coutumes, mais les questions posées 
à ce point de vue constituent un programme bien maigre. Le côté supers¬ 
tition est entièrement passé sous silence, et il ne s'y agit point des cultes 
locaux. Le questionnaire fait surtout appel aux renseignements matériels. 

Annales du Cercle Archéologique de Mons, tome XXXI. — 
Félix Hachez, La légende pieuse de Lemhecq (avec 3 grav.). C’est la lég. de 
Saint-Véron qui fait l’objet de ce consciencieux travail dû au savant dont 
Wallonia a annoncé la mort (t. X, p. 277). L’auteur rapporte la découverte 
de la sépulture de Véron, faite en 1004 et relatée par Olbert de Gembloux 
en 1020. Il expose l’hagiographie du Saint et discute la légende de Sainte- 
Vérona, parèdre de Véron et que l’on prétend être sa sœur. Suit ta descrip¬ 
tion de l’église de Lembecq, de la chapelle de S t# -Vérona, de la procession 
de Lembecq. L’auteur est amené à s’occuper des terreurs de l’an mil, et il 
constate qu’aucun écrit contemporain n’y fait allusion : on en a surtout 
parlé depuis Robertson (1769). — Ernest Matthieu, Sceau d'Elisabeth de 
Hainaut , veine de France : reproduction et description de cette pièce qui, 
par la finesse de l’exécution et le parfait agencement des draperies, accuse 
la main d’un artiste de mérite, peut-être Hennuyer. — Ch. Hodevaere, 
Les octrois communaux et le sceau échevinal de Prisches et Battignie- 
lez-Binche : précis historique de cette terre franche. — L. Jàcquemin, Les 
sceaux de ta ville de Fleur us : reproduction des dix sceaux connus ; 
l’auteur recherche l’explication de certains détails de ces figures. — 
A. Gosseries, Monographie du village de Nouvelles : bon exemple du 
travail très utile qui devrait être entrepris pour chaque commune du pays. 

— Comte Albéric d’Auxy de Lauxois, La fonlaine de la Vallière , à 
Spiennes , captée récemment pour le service des eaux alimentaires de 
Mons. Louis XIV, assiégeant cotte ville en 1691, se promenait à Spiennes 
accompagné de la duchesse de La Vallière ; la belle dame eut soif et, tentée 
par la limpidité de l’eau d’une source, elle en goûta et la trouva si bonne 
qu’elle donna son nom à la fontaine et y laissa choir une bague, d’aucuns 
disent un bracelet. L’auteur montre que cette anecdote, si honorable pour 
la source, n’a aucun fondement. Elle fut imaginée sur quelques coïncidences. 
L’ancien nom de la source est Vallierne. —- Gonzalès Descamps, VHôpital 
N.-D . ou de Jean Canari , à Mons : excellent travail de reconstitution 
historique dont le titre dit l’objet, au cours duquel l’auteur fournit des 
fragments généalogiques sur la famille Canart. — L. Devillers, Cartulaire 
des hospices et établissements de charité de la ville de Mons : suite de ce 
précieux inventaire analytique fait avec une compétence entière, une 
méthode et un soin exemplaires, par le savant président du Cercle montois. 

— Variétés : suite de notices diverses dont une (de notre collaborateur 
M. Matthieu) fournit de nouveaux détails sur un travail de sculpture 
dû à Louis Le Doulx, artiste montois du milieu du XVII* siècle. 


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REVUES ET JOURNA UX : 

Revue des Bibliothèques et Archives de Belgique (mars-avril). 

— René van Bastelaer. La Gravure primitive et les peintres de Vécole 
tourfiaisienne. A propos de 1‘identiftcation proposée par M. Georges Hulin 
du « Maître de Flémalle » avec Jacques Daret de Tournay, l’auteur relève 
et spécifie les analogies frappantes entre certaines œuvres de ces deux 
peintres et les gravures contemporaines du « maître W. A. », du « maître 
E. S. », et du «maître aux Banderoles ». Il conclut que ces trois graveurs 
ne formaient qu’un groupe autour des deux peintres rapprochés par 

M. Hulin, et il montre que Rogier Van der Weydcn lui-même ne doit pas 
être tenu à l’écart de ce groupe. Il existe entre eux tous un rapport 
particulier, dont la nature échappe encore. L’auteur pense que ces graveurs 
et miniaturistes ont vécu à Bruges. Mais, quant à leur origine, dit-il, ou 
songe en quelque sorte instinctivement à ces « mystérieux ateliers » du 

N. et de l’E. de la principauté de Liège, que rappellent aussi Jean de 
Hasselt, Pol de Limbourg, les van Eyck, etc. 

La Picardie (mai). — Cette excellente revue, fidèle à son programme 
régionaliste, adresse aux meilleurs écrivains « picardisants » la question 
suivante : « Pourquoi patoisez-vous ? » Cette enquête provoquera sans 
doute des réponses qui éclaireront d’un jour intéressant le mouvement 
patoisant, en Picardie et ailleurs. 

Art et critique, de Liège (mai). — Publie un discours prononcé par 
M. A. Micha, échevin des Beaux-Arts de la Ville, sur la vie et l’œuvre du 
graveur liégeois Gilles Demarteau (1722-1776), inventeur du procédé de 
gravure à la roulette, appelé aussi gravure crayonnée et gravure à la 
manière du crayon. Gilles Demarteau fut membre de l’Académie des 
Beaux-Arts de Paris. « Graveur et pensionnaire du Roi » Louis XV. 

La Semaine littéraire, de Genève (16 et 23 mai) — En deux articles 
de belle tenue et vraiment instructifs, M. Hubert Krains fait le tableau de 
La littérature en Belgique. C'est un exposé lumineux de l’histoire littéraire 
belge, en une suite de médaillons des principaux écrivains, depuis les 
précurseurs de Coster, Pirmez et van Hasselt, jusqu’à l’époque actuelle. 

La critique de M. Krains est précise comme son style ; elle est péné¬ 
trante, et son objectivité constitue, pour ses nouveaux lecteurs, un gage de sa 
sincérité. Ecrivant à l’étranger, il a su n’être pas trop sévère pour le public 
belge, que sa superbe indifférence rend indigne des efforts littéraires 
multipliés par deux générations d’artistes véritables, consacrés au dehors. 

Wallon lui-même, l’auteur a su, chemin faisant, rendre justice à ses 
compatriotes en se plaçant sur le terrain même de leur inspiration. Nous 
détachons ces articles sur les conteurs wallons. 

« Dans l’art de M. Louis Delattre la vie s’étale, palpite et déborde. 
Son œuvre entière — Les Contes de mon Village , Les Miroirs de Jeu¬ 
nesse, Une Rose à la bouche , Les Marionnettes rustiques , La Loi de 


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Péché — est pétrie de grâce et de fraîcheur. Louis Delattre a commencé 
à écrire sur les bancs de l’école. Pendant que le maître s’exterminait à lui 
enseigner le rudiment, lui regardait irrévérencieusement par la fenêtre. 
Il regardait la nature avec ces bons yeux d’enfant qui reçoivent de toute 
chose une image que rien d’impur n’altère. Le sol gracieusement ondulé 
de son pays, — le pays wallon — son atmosphère lumineuse, son ciel 
clair, se sont imprimés dans sa pensée, et, de là, ont passé dans ses livres 
où ils font un cadre charmant aux personnages qui, eux aussi, sont les 
gens de son pays, de petites gens qui nous amusent par leurs gestes pitto¬ 
resques ou qui nous attendrissent par le jeu de leurs sentiments ingénus. 
De même qu’il a une façon personnelle d’observer la vie, Louis Delattre a 
son style à lui, un style qui ne doit rien aux Académies, un style qui 
flâne, qui murmure, qui cascade comme un clair ruisselct, roulant dans la 
mousse sur des cailloux pointus. 

« Maurice des Ombiaux et Georges Garnir sont également deux bons 
peintres de la vie wallonne. Le premier est un réaliste, au style classique, 
qui, sans avoir le charme séducteur de Delattre, met cependant beaucoup 
de justesse dans ses études de campagnards, soit qu’il dessine de ceux-ci de 
grandes silhouettes sur le fond noir et rouge de quelque drame, ou qu’il les 
photographie dans des poses amusantes, au milieu de leurs agapes et de 
leurs ribotes. Les meilleurs livres de des Ombiaux sont : Le Joyau de la 
Mitre , Nos Rustres et Têtes de houille . 

» Chez Georges Garnir, l’observateur est doublé d’un poète et d’un 
rêveur. C’est lui aussi qui incarne le mieux le sentimentalisme wallon et 
qui répand le plus de son cœur dans ses livres. Une bonne et saine émotion 
se dégage des trois volumes qu’il a publiés : Les Charneux , Les Contes à 
Marjolaine , La Terme aux Grives. Son style est pur, simple et harmo¬ 
nieux, avec une tendance au lyrisme. Il voit bien ses personnages et éclaire 
admirablement leur vie, quoiqu’il les assujettise parfois un peu trop, surtout 
dans ses romans, à l’influence de son âme poétique ». 

Plus loin, l’auteur s’occupe des poètes. Voici ce qu’il dit de M. Mockel : 

« Albert Mockel fut le premier en Belgique qui tenta de canaliser l’ori¬ 
ginalité wallonne. Il fut aussi, dans son pays, l’apôtre le plus ardent de la 
nouvelle prosodie. Dans son esprit, d’ailleurs, ces deux choses se liaient. Le 
vers libre, si souple et si docile, devait lui paraître un instrument excellent 
pour exprimer, dans toute leur subtilité, la rêverie, le sentimentalisme et 
l’idéalisme du tempérament wallon. Il a malheureusement perdu de vue — 
du moins dans les premiers temps — que les meilleures qualités, cultivées 
avec excès, se transforment en défauts. Dans son premier volume de vers, 
Chantefable un peu naïve, nous trouvons plutôt de la musique que de la 
littérature, le parlum de la poésie sans la fleur. Ce rafllnement est toutefois 
moins sensible dans les vers qu’il a publiés depuis lors. L’âme flne et lumi¬ 
neuse du poète s’exprime ici avec beaucoup plus de force. Nous avons 
constaté le même progrès dans quelques poèmes en prose qui n’ont pas 
encore paru en volume. Ceux-ci gardent, dans leur finesse, une fermeté de 
ligne, une sobriété de langue, un charme intime, qui nous paraissent préci- 


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WÀLLONIA 


sèment représenter les qualités wallonnes dans la mesure où elles consti¬ 
tuent une originalité et une beauté réelles ». 

L’art et la Vie (i re année, n° 8). — Cette revue, édition française de 
Kunst en Leven , consacre la majeure partie de ce numéro à « Deux artistes 
wallons », MM. Armand Rassenfosse et François Maréchal. Ce fascicule, 
illustré d’excellentes reproductions, est hautement significatif et fait honneur 
à l’éclectisme du directeur de Kunst en Leven , M. Pol de Mont, qui est 
aussi l’auteur de l’article. Nous regrettons vivement et sincèrement que 
l’abondance des matières nous empêche d’en publier des extraits, et nous 
engageons les amateurs à se procurer ce numéro (chez Hoste, à, Gand). IL 
figurera avec honneur dans leurs collections. 


Faits divers 


B RUXELLES. — La Wallonie, le pays et la science ont perdu ce mois une 
de leurs personnalités marquantes en la personne de M. François Crépin, 
l'illustre botaniste bien connu. 

Né à Rochefort, en 1830, il fut, en 1850, nommé surnuméraire des 
Postes, puis devint, peu après, commis de l’Enregistrement. Mais, doué de 
la passion des sciences naturelles, il n’avait guère de propension pour la 
besogne administrative. Et c’est ici que l’on peut constater toute la puissance 
de la vocation. 

M. le baron de Sélys-Longchamps, en un charmant discours qu'il 
prononça lors de la manifestation organisée en 1891 en l'honneur de 
François Crépin par la Société royale de botanique, a esquissé le labeur 
auquel Crépin se soumit par le seul amour de la science. Alors qu’il était 
attaché à l’administration de l’enregistrement, disait l’orateur, ses devoirs 
de la journée remplis, il trouvait moyen de satisfaire à ses véritables 
inclinations, en passant les nuits à étudier les classiques latins et en faisant 
des excursions pendant les jours fériés. 

Mais les travaux de bureau ne s’accordaient pas avec ses études 
favorites. Il ne resta que deux années à l’enregistrement et rentra à 
Rochefort avec la volonté intense de se vouer aux sciences, bien que cela 
ne lui donnât alors aucun espoir de se créer une position. 

Pendant dix années, il étudia avec acharnement la flore du pays par de 
continuelles excursions et acquit la connaissance des grandes langues 
vivantes qui lui étaient nécessaires pour comprendre les ouvrages de 
botanique. 

Ne se trouvant en possession que d’une bourse très modeste, il copiait, 
par économie, les livres et les planches des œuvres qu’il empruntait. Ce 
fut pour lui, disait-il, un véritable tour de force que d’être parvenu à 
posséder un microscope. 

Enfin, en 1860, il publia son Manuel de la flore de Belgique, vrai petit 


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chef-d’œuvre, concis, clair et pratique, qui est devenu le vade-mecum de 
tous les travailleurs qui s'occupent de la flore indigène. 

En 1861, M. Scheidweiler, professeur à l'Ecole d’horticulture, étant 
mort, le Gouvernement nomma Crèpin pour lui succéder, Eq 1871, il fut 
nommé conservateur pour la botanique alors annexée au Musée royal 
d’histoire naturelle ; puis, en 1875, directeur du Jardin botanique de l’Etat, 
lien a fait l’établissement de premier ordre que l'on connaît. En 1872, la 
classe des sciences de l’Académie l'élut correspondant; en 1875, il fut 
promu membre effectif, puis nommé directeur de la classe pour l'année 1884. 

L’œuvre capitale à laquelle il consacra quarante années de sa vie est 
la monographie du genre Rosa. Il avait rassemblé un immense herbier de 
roses comprenant plus de 30,000 feuilles. Il y a classé, à côté des spécimens 
récoltés par lui en Europe, ceux qui ont été recueillis par les botanistes 
voyageant en Asie mineure, en Perse, en Syrie, au Canada, en Chine, au 
Japon, dans l’Amérique du Nord. Ce travail de bénédictin, dont on peut se 
faire une idée dans le discours qu'il prononça le 16 décembre 1838 à 
l’Académie des sciences sous le titre : « La Rose aux. prises avec les 
Savants, histoire d’une Monographie», absorba tous ses loisirs. 

François Crèpin contribua à la fondation du Club Alpin de Belgique 
dont il fut le premier secrétaire. Le Bulletin de cette société contient des 
pages charmantes écrites par lui avec cette bonhomie qui le caractérisait. 

La bienveillance et l’obligeance extrêmes de ce savant sont bien con¬ 
nues de tous ceux qui ont été en relations a^ee lui. 

[François Crèpin était l’abonné fidèle et le lecteur attentif de Wallonia 
où il publia (t. VII, p. 49 et 77) après les avoir revus, des extraits de son 
premier ouvrage, aujourd’hui introuvable, un très curieux Guide à Roche- 
fort , sa ville natale. Il donna à Wallonia, à propos de ce livre, une preuve 
d’attachement et à nous-mème il manifesta son obligeance, dans des cir¬ 
constances rapportées t. IL p. 189, et dont le souvenir n’est pas sorti de 
notre mémoire. — O. C.] 

— Le 8 mai est décédé inopinément un autre abonné fidèle de Wal¬ 
lonia , M. Servais Delvaux, né à Liège le 2 mars 1845, établi depuis de 
longues années dans la capitale, où il était typographe au journal le 
Petit Bleu. Delvaux, qui avait conservé très vif l'amour du terroir, s'est fait 
connaître par des œuvres dramatiques notables, dont Grand-père Bal - 
thazâr est la meilleure et la plus souvent représentée. Il avait aussi com¬ 
posé des chansons marquées au coin de la plus spirituelle gaieté. 
Delvaux, dont le caractère serviable et la bonté foncière étaient vivement 
appréciés, est profondément regretté de tous ceux qui l’ont connu et spé¬ 
cialement de ses collègues de « l’Association Typographique », et de 
«l’Ecole professionnelle de Typographie» où il rendit des services 
éminents. 

— L’architecte auteur du projet du Mont des Arts, qui doit trans¬ 
former toute une partie de Bruxelles, M. Henri Marquet, est un Wallon, 
né à Avennes, petit village situé entre Hannut et Waremme. 


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Il tint, comme aptitudes et comme vocation, de son père ijui, n'ayant 
pris cependant que neuf « leçons d'ornement », parvint, lui, modeste 
menuisier, à construire et à sculpter des autels et des baldaquins d'église. 

Le premier maître de Henri Marquet, celui dont il se réclame avec 
le plus d’émotion, est un professeur particulier qui, il y a une cinquan¬ 
taine d’années, exerçait à Liège, ignoré des Autorités, et qui ne put 
jamais affirmer ses connaissances et son talent architectural. Il s’appelait 
Radino, et donnait des leçons chez lui aux élèves de l’Université et de 
l’Académie des Beaux-Arts, et aux employés de Cockerill : le dimanche, 
sa classe était emplie d’une cinquantaine d’ouvriers à qui il inculquait 
son savoir. 

M. Henri Marquet reçut encore à Liège des leçons de Delsaux, l’auteur 
de la restauration du Palais provincial, et il suivit, à l’Académie, les cours 
d’ornement et de modelage de Buckens et de Herman. Il fut aussi l'élève 
à Bruxelles de Begaert et Deman. 

Aujourd’hui, M. Henri Marquet, — qui a soixante ans et qui n’en 
paraît pas cinquante — malgré tous ses mérites n’en est pas plus fier pour 
cela. « Son succès, dit Champal, dans La Réforme , ne lui fera pas perdre 
son sourire et sa cordialité. Les Wallons les plus glorieux ne posent 
jamais pour la statue. Et c’est pour cela, du reste, qu’on leur en élève 
si peu ». 

— Le Conservatoire de la Tradition populaire a organisé au Palais 
de Justice, sous les auspices du Jeune Barreau de Bruxelles et de la 
fédération des avocats de Belgique , une exposition du folklore flamand 
et wallon. Ce sont les collections variées de MM. Max Elskamp et Edmond 
de Bruyn qui en firent presque tous les frais. Quelques prêts particuliers 
notamment une collection complète de Wallonia y avaient augmenté ce 
riche et précieux fonds, et l’ensemble fut assez complet pour satisfaire les 
folkloristes les plus difficiles. 

Elle était charmante, cette exposition de la tradition populaire. On y 
trouva les jolies images naïves dont s'amusa l’enfance de nos parents, les 
joujoux si joliment idéalistes qui suffisaient aux bébés d’il y a cinquante 
ans, des exemplaires de cos succulentes pâtisseries locales qui nous 
paraissent plus délicieuses que les sucreries les plus raffinées ; puis, c’était 
le costume traditionnel des « Gilles de Binche » ; c’étaient les pantins, des 
enseignes comiques ou naïves, des affiches de kermesses ; enfin toute la 
poterie traditionnelle spéciale aux pays belges. 

Un compartiment de l’exposition était réservé à la médecine tradition¬ 
nelle. On y voyait la peau d’anguille propre à guérir les rhumatismes, la 
cendre du feu de la Saint-Jean, les clous de cercueil contre le mal de 
dents, de la corne de cerf contre les aigreurs, et autres panacées rustiques 
et populaires. 

Certains étalages, d’autre part, étaient réservés aux images reli¬ 
gieuses, aux cultes locaux, aux modes traditionnels que l’on eut dans 
nos provinces d’adorer le Seigneur. 


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Tout cela faisait une petite exposition folklorique vraiment intéres¬ 
sante. Elle rappela à beaucoup de jolis et tendres souvenirs ; elle donna 
des joies sentimentales autant que des plaisirs de curiosité, 

M ONS. — La Société des Bibliophiles Belges séant à Mons, qui entre 
dans sa 69* année d’existence, a tenu le dimanche 25 mai, chez l’un de 
ses membres, M. l’abbé Puissant, sa séance annuelle. Après avoir entendu 
la lecture du rapport du secrétaire, l’assemblée a procédé au renouvelle¬ 
ment du Bureau composé de la manière suivante : M. Jules De le Court, 
président ; MM. Léopold Devillers et A. Wins, vice-présidents ; M. Léon 
Losseau, secrétaire ; M. Courtin, trésorier. Ce choix judicieux nous donne 
l’assurance que l’œuvre, fondée par Renier Chalon, Henri Delmotte, 
Charles De le Court, Victor François, Gachard, etc., sera, dans l’avenir, 
digne de son passé, s’inspirant des traditions, de science et d’érudition que 
ses membres fondateurs lui ont léguées. L’impression de la première partie 
du Journal Historique de Paridaens est terminée ; le premier volume, 
qui compte xiv — 299 pp., comprend une période allant du 27 avril 
1787 au 28 décembre 1790. On y trouve de curieux détails sur les 
événements survenus à Mons, à cette époque. Bruhald. 

L IEGE. — Le 2 mai, VAssociation des Auteurs dramatiques et Chan¬ 
sonniers icallons a offert à ses membres un grand banquet pour clôturer 
ses fêtes du xx e anniversaire. A cette occasion, elle a fêté comme ils le 
méritaient deux de ses membres les plus marquants, à qui elle devait un 
juste tribut de reconnaissance. C’est M. Alphonse Tilkin, l’auteur drama¬ 
tique bien connu, l’un de ses fondateurs, qui créa à Liège la première 
gazette wallonne, li Spirou , qui fut président de VAssociation pendant les 
douze dernières années, et que celle-ci a nommé, lors de sa retraite, 
président honoraire. C’est ensuite M. Joseph Closset, ancien trésorier et 
ancien secrétaire de VAssociation, un des membres les plus constamment 
dévoués à l’œuvre commune. 

Outre un grand nombre de membres de la Société, étaient présents: 
MM. Gaston Grégoire, député permanent et Micha, échcvin des Beaux- 
Arts de Liège ; MM. Victor Chauvin, délégué de la Société liégeoise de 
Littérature wallonne ; Robert et Pir, délégués de Nameur po tôt, de 
Bruxelles; Tonglet, président de la Fédération wallonne de la province de 
Na mur , le Vice-Président de la Fédération wallonne de Liège, et d’autres 
nombreux délégués de sociétés wallonnes. 

A l’heure des toasts, M. Rooer, président actuel de VAssociation, a 
rendu en excellents termes, hommage aux héros de la fête. M. Delaite a 
montré spécialement la valeur de leurs efforts en faveur de la cause 
wallonne. MM. Gaston Grégoire et Micha ont félicité VAssociation de 
l’heureuse idée qu’elle avait eue d’organiser cette manifestation si méritée. 
Chaque délégué a apporté scs congratulations. M. Carpentier a fait un 
remarquable discours wallon au nom des plus anciens membres de TAsso- 


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dation. Enfin, à l’heure des chansons, qui ont été nombreuses et d’une 
gaîté débordante, M. Joseph Vrixdts a détaillé un toast charmant de poésie 
et de cordialité souriante. O . C. 

— Chronique mondaine. Une représentation de charité a été récem¬ 
ment donnée au château de M. Greiner, à Seraing, par des dames et des 
messieurs du monde. On sait que l’art dramatique est fort pratiqué dans la 
haute société liégeoise. Le régisseur ordinaire de ces soirées du high-life 
est le Liégeois M. Jacques Schroeder, bien connu de nos sociétés drama¬ 
tiques wallonnes et des amis du théâtre wallon. A cette soirée de bien¬ 
faisance, dont les invitations furent très courues, on a joué L'Ecole des 
Belles-mères de Brieux ; Révérence , pantomime de Vidal, et Sèlche i 
hèlche , le tableau de mœurs de notre collaborateur Henri Simon. Cette 
pièce wallonne a mis la salie en gaîté. Toute la presse a loué l’exactitude 
et l’en-dehors avec lesquels tous les interprètes indistinctement, dames et 
hommes, ont su rendre les types populaires liégeois croqués par Tauteur, 
leur attention à sauvegarder le pittoresque ingénieux de la pièce, enfin le 
talent remarquable avec lequel ils ont incarné leurs personnages. Ce fut un 
régal savoureux — et unique. Pierre Dellawe . 

— Deux journaux wallons ont vu le jour récemment au pays de Liège. 
C’est li Mohon (le Moineau), à Spa, rédacteur M. Gérard Borckmans et 
L'Airdiet (l’Arc-en-ciel), à Dison-Verviers. Nous souhaitons longue vie à 
ces nouveaux confrères. 

— En ce moment, est ouverte à Liège, une exposition internationale 
des Poupées, organisée par le Cercle Les Anus du Vieux-Liège , à l’occa¬ 
sion du x* anniversaire de sa fondation. Cette exposition, honorée de la 
collaboration de collectionneurs belges et étrangers, obtient un vrai succès 
de curiosité. 



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Vue générale d'Herbeumont. 


Légendes des Bords de la Semoys 


Retour à la vieille maison 

La vieille maison est au bout du village — toute seule. Une 
maison pas haute, avec beaucoup de toit. Un peu d’herbe la sépare 
de la route qui passe devant. Route peu fréquentée qui descend au 
moulin, et là, finit en impasse, à la rivière. 

En face, il y a de grands prés, jusqu’à l’autre route bordée de 
sapins. 

I)e la vieille maison, on distingue facilement la malle, qui passe 
deux fois par jour et lait le service de Herbeumont à Bertrix. 

Au-delà, l’horizon est vite borné par la colline semée d’avoines 
et coiffé d’un groupe d’habitations que l’on appelle : le Terme. 

Et c’est la fin du pays : plus loin, il n’y a plus rien qu’une 
grande solitude où le vent courbe les genêts pendant des lieues... 

Voilà ce que l’on voit de la vieille maison. 

De chaque côté, il y a un jardin. 

Le bois, derrière recouvre une pente abrupte qui tombe cent- 
cinquante pieds plus bas, à la rivière. 

Léopoldine est déjà partie pour scier son grain. 

Elle a mis la clef dans un trou qu’a formé une pierre descellée 
de la muraille. 

Au fond du rustique vestibule, dont le sol est de terre battue, 
baille l’ouverture noire de l’étable où la silhouette élégante et démo¬ 
niaque de la chèvre emprunte à l’ombre quelque mystère... 

T. XI, n* 7. Juillet 1903. 


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WALLONIA 


La fenêtre s’ouvre sur le petit matin. 

Le parfum de la première heure pénètre, avec le bruit de 
clochettes — pur et lointain — des premiers troupeaux. La fenêtre 
s’ouvre du côté où le bois descend è la rivière. 

Les arbres proches, dans la brume de l’aurore, ont l’air de sur¬ 
plomber du néant. 

Peu à peu apparaissent les prés, dans les fonds, d’une teinte 
morte, comme encore figés de silence et de nuit... Ils descendent, 
pareils à des fleuves de verdure entre leurs rives de bois profonds 
qui tapissent l’autre versant de la Semoys. Puis ils s’évasent en 
estuaires, roulant leurs bruyères et leurs genêts... 

Mais,de cette altitude, et, à cette heure matinale ils apparaissent 
plats et vagues comme d’étranges tapisseries. 

Jusqu’au moment, où le soleil, dissipant les dernières brumes, 
réchauffe leurs tons neutres et ranime leur impressionnante 
inertie... 



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Croiï ^i S^t Jdt L '«f“ rt Tunnel 


tMauleus. 


Carte pour servir au folklore d'Herbeuniont. 


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WALLONIA 


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Le moulin des Nawés, 


Le Moulin des Nawés (>> 


Il pleut, il pleut, parapluie ! 

Notre Dame est dedans la rue 
Qui ramasse tous les p’tits us 
Pour fair’ l’om’lette à Palisu. 

La meunière chantonne en faisant la pâte. 

Elle est petite et maigre. Sa figure à saillies est bonne et rusée 
— des pommelles cuivrées et un grand nez de squaw. 

Elle trotte sur de minces chaussons noirs, qui lui prennent la 
forme des pieds de telle sorte qu’elle a Pair de trotter sur ses bas. 

Autour d’elle, deux petits Jésus, aux yeux bleus, cheveux frisés, 
couleur de route, et la peau blonde, suivent attentivement son 
manège — les mains derrière le dos, et le menton au bord de la table. 

Notre Dame est dedans la rue... 

La pièce est un peu sombre ; le temps est à la pluie. 

Les antiques plats d’étain luisent dans le jour gris, le long de la 
hotte, sur la cheminée ; et la porte ouverte sur l’étable laisse voir, au 
fond de l’ombre les flancs rebondis de l’âne blanc. 

Oh ! le câline gris de cette pièce basse, dans ce petit moulin isolé 
au bord de la rivière sauvage ! 

(1) l.e moulin appelé géographiquement « Nawés * est peu connu sous ce nom 
à Herbeumont Pour les gens du pays, c'est « le moulin du Jean Deleau », son 
premier propriétaire, qui l'a bâti il y a soixante-treize ans. 


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WalloXia 


i ?() 


La route déserte qui vient du.village, se termine ici. Elle vient 
mourir au bord de l’eau. 

Les trois marches moisies descendent au petit pont vermoulu. 

Comme l’eau se précipite avec rapidité dans la vanne ! 

Voici le petit champ de tabac ; voici le réservoir des anguilles ; 
et nous voici dans l’île. 

Un joujou d'île, guère plus grande qu’un mouchoir de poche, 
tissée d’herbe verte, avec un ourlet de cailloux. 

Voici l’end l'oit où se trouvait le four, autrefois. 

Quand j’étais petit, je me plaisais à voir sortir les pains fumants 
que l’on mettait ensuite refroidir sur les palets de la grande roue. 

Mai& le tour est démoli, la grande roue ne tourne plus souvent ; 
et la pluie qui commence, trace de longues zébrures sur l’écran 
sombre des bois, en face... 

Les vieux moulins à eau — poésie de la Rivière — se meurent à 
leur tour. 

Le jour viendra bientôt où retentira leur dernier tic-tac... où ils 
ne moudront plus que le grain amer des nostalgies... 

La Hâte des Satis 0) 

La route, dès le moulin, commence à monter, longeant cette 
muraille de bois et de roches qui domine la rivière et forme comme 
le soubassement d’Herbeumont. 

La crête effleure les maisons solitrffres du quartier de la Garenne, 
passe prés de l’église, et, portant le village sur son dos, va plus haut, 
s’enfler en une bosse conique qui supporte les ruines de l’ancien 
château. 

Aux flancs de cette pente (*), à peu de distance du moulin des 
Nawés, une forte saillie de schiste émerge de la cime des arbres, et 
forme une petite terrasse tapissée de mousses et'de bruyères. 

Là fleurissaient autrefois un arbre et une légende. 

Là se rencontraient d’étranges petites créatures, des « Petits 
Bossus », des « Petits Tordus » qu’on appelait les Satis. 

Us avaient la face noire et barbue, ils étaient vêtus de courtes 
blouses serrées à la taille par une ceinture, et qui descendaient au 
genou sur leurs jambes nues, où s’entrecroisaient des bandelettes. 

Leur occupation favorite consistait à danser et à « se tatouiller ». 


(1) Conté par Madame Damain, GO ans. 

(2) Cette pente boisée q* i va du moulin des Nawés au château en passant 
sous ie village s’appelle : La Roche. 


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Ils aimaient aussi se baigner dans la fontaine voisine, pour se mettre 
ensuite sécher au bon soleil, su:* la mousse tiède. 

On dit qu’ils aimaient la société des gens, sans jamais, cepen¬ 
dant, lier conversation. 



Vieille maison du quartier (le la Garenne. 


Un peu plus loin, mais au pied de la montagne cette fois, et aux 
bords mêmes de la rivière, se trouve une caverne minuscule, d’ou¬ 
verture triangulaire appelée le Nid de la Dame, ou plus souvent le 
Lit de Madame, et qui était aussi fréquentée par les Salis I 1 ). 

Aujourd’hui ce mot de Salis n’évoque plus aucun sens; l’arbre 
magnifique sous lequel ils allaient danser est abattu, et leur souvenir 
s’efface. 

Il ne reste qu’un très ancien lieu-dit, que les vieilles citent 
encore, mais dont le cadastre ne veut plus ( 2 ). 

Les Loups 

Le loup semble avoir tenu, dans les récits des vieux conteurs 
une place importante que suffit à expliquer la situation du village, 
de toutes parts pressé par l’immense mer des sept forêts. 

Son souvenir persiste, vivace dans les mémoires et, avant de 
disparaître, il a légué son nom redoutable aux mauvais parages. 

Le chemin qui coupe les Hurzeys, sombre entonnoir de bois, 
d’une tristesse, malgré des coupes récentes, presque lugubre, s’appelle 
toujours : Le chemin des Loups. 

Ils « se remisaient » dans ce val étranglé, et « s’y allongeaient 
sous les grandes racines » ( 3 ). 

(1) Je n'ai pas trouvé trace d'une autre légende qui fait du Nid de la Dame, 
un lieu de refuge où la dame du château se retirait en cas de siège. 

(2) Entre Herbeumont et Saint-Médard, dans le Bois à-Ban, il y a un arbre 
également hanté — c’est la Hâte Marie. 

(3) Conté par Madame Damai n. 


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L’isthme étroit qui rattache à la côte du château l’énorme pres¬ 
qu’île de Boult est encore désigné par de rares vieillards : les Egrés 
dou Leu. 

Les loups défendaient l’approche de ces rugueuses solitudes : ils 
« barraient le chemin » ! 

De Bouillon à Florenville, à travers la forêt, on ne rencontre 
que quelques maisons échelonnées à grande distance l’une de l’autre, 
au bord de la route monotone et droite. 

Les Trois-Ruisseaux, le groupe des Quatre-Chemins ou la 
Douane beige, entourée d’auberges, surveille des sentiers qui viennent 
de Villers-Cernay et de Grand’Haie. 

Puis, deux maisons forestières espacées d’une lieue : la Petite 
Virée et la Maison Blanche qu’on appelle aussi la Croix-du-Soldat. 

Voici ce qu’uii vieux de Muno, nonagénaire, raconte au sujet de 
la Croix-iu-Soldat : 

Un soldat revenait, en permission, au pays. C’était l’hiver. 
En arrivant à la fourche de l’ancien chemin de Mortehan, il fut 
assailli par onze loups. Le soldat tira son sabre et se défendit vail¬ 
lamment. Il avait tué dix loups déjà, quand son sabre se cassa. 

Le onzième loup mangea le soldat. On ne retrouva que les 
souliers et les tronçons du sabre 

A cet endroit on éleva une croix au bord de la route, une croix 
qui n’existe plus. 

Les loups ont également attaché leur détestable souvenir aux 
fonds de la Relogne. 

La Relogne (on croirait, à ce nom, entendre l’eau jouer sur les 
frais cailloux) est un ruisseau qui se jette dans la Semoys à deux 
lieues d’Herbeumont, au plus creux de la forêt. 

C’est dans le Sud-Est, non loin des Roches du Tchèt (M, dont les 
bosses informes dominent l’immense houle de feuilles. 

Des chemins de Belle-au-bois-dormant s’y perdent dans les 
pénombres vertes, le long de la Semoys silencieuse. 

La répétition, aux mêmes courbes, des mêmes murailles vertes, 
qui semblent — curieuse impression — se hausser, et venir au 
devant de vous, fantastiquement, à mesure que l’on s’avance vers 
elles — procure, à la longue, une satiété d’abord, puis une fatigue 
du vert que l’on pourrait peut-être apparenter à cette singulière 
snow-blindness, ou fatigue du blanc, qui trouble la vue des explora¬ 
teurs polaires. 

Encore aujourd’hui on ne vous conseillera pas de vous attarder 
dans ces parages, car « les noires bêtes » s'y r'mètint et y hurdètint. 

(1) Roches du Chat. 


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Les Renards 

Le Renard, moins audacieux que son compère le Loup et moins 
soucieux de figurer dans les conles, a cependant inspiré une 
expression d’un pittoresque extrême et d'une justesse étonnante. 



On l’applique — dés que l’on voit, après les grandes pluiés, si 
fréquentes, les vapeurs de la Seinoys fumer aux flancs des forêts. 

On dit alors que les r'nauds font la biée . 

Biée ou buée, c’est-à-dire la lessive. 

Les Cailloux des Sorcières ( l ) 

Comme la Hâte des Satts , les Cayaus des Sorcires ont disparu. 

11 n’en reste qu’un lieu-dit perdu, au milieu des genêts, au sommet 
d’un cône désert dont les flancs, du côté de l’ouest, dévalent en courbe 
rapide dans le petit bois des Burzeys. 

Ce sommet, hérissé de genêts griffus, balayé par tous les vents, 
illuminé par tous les clairs de lune, prête en effet à l’idée de kabbale. 

Les vieilles gens d’Herbeumont se rappellent avoir vu, disposés 
en cercle, les gros cailloux où les Soi*ciéres se reposaient après avoir 
pris leurs ébats. 

Personne n’aurait osé s’aventurer, en ce temps-là, du côté du 
Plateau magique. 

Du village, les mères le montraient du doigt aux enfants ; c’est 
de là que descendait aussi, certains soirs, un Homme Blanc, monté 
sur un cheval blanc. 

(1) Renseignements donnés par Madame Damain, 60 ans. Amélie Breny, 30 ans. 


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11 venait jusqu’au village, mais sa haute taille ne lui permettait 
pas d'entrer dans les maisons, et il devait se contenter daller de 
long en large devant les portes. 

Et Ton avait remarqué qu’il avait des bas rouges.... 

La Veillée. 

C’est un souvenir de ma toute petite enfance qui me revient. 

La chambre donnait sur la grande place. J’étais couché à côté de 
mon frère dans un lit très haut, si vaste que nous n’arrivions pas à 
nous y réchauffer. 

Je me souviens d’un soir où la lune étendait comme des draps 
blancs sur le plancher. 

J’allais m’endormir... Tout il coup de grands éclats de rire 
trouèrent la paix blanche de la nuit. 



Cette joie insolite, traversant le silence lunaire, m’impressionna 
beaucoup. La sensation que j’éprouvai avait quelque chose de fantas¬ 
tique. 

Je me glissai hors du lit et me mis à trotter, pieds-nus, jusqu’à 
la fenêtre. 

Ces éclats de rire retentirent de nouveau. 

Ils partaient d’un groupe noir, au milieu de la place. 

C’étaient simplement les garçons du village qui « veillaient » 
comme chaque soir, devisant et riant haut. 

Je me suis souvenu de cela, cotte année, en retrouvant le groupe 
joyeux, à la même place. 


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Mais, il m’a semblé que les rangs s’éclaircissaient, certains soirs 
même, il n’y avait personne. 

Depuis la construction du chemin de fer. et l’arrivée des Italiens, 
cette vieille distraction traditionnelle de la veillée, ne suffit plus à 
rHerbeumont tapageur d’aujourd'hui. 

La grande place est maintenant entourée d’auberges, qui, le soir, 
se transforment en petits bastringues cosmopolites. On y joue de 
l’accordéon et du violon. Flamands, Belges, Italiens, dansent entre 
eux, braillent et fument dans la lumière trouble. 

Les femmes, attroupées au dehors, regardent par la fenêtre 
ouverte, ce spectacle anormal. 

Il en est de meme, le long de la route qui descend au pont de 
Conques et conduit aux « Travaux », dans tout ce camp volant de 
commerçants nomades, qui suivent — à l’affût des salaires — la voie 
ferrée en construction, comme les corbeaux suivent les armées. 

La chasse-Babète 

Les hautes landes qui dominent Herbeumont, au Nord. Nous 
marchons à travers bruyères et genêts, sur le tapis élastique et 
silencieux des mousses. 

Au fond d’un petit entonnoir, un trou d'eau funèbre où remue 
le tremblotement vertical du têtard ( 1 ). 

Puis la lande se plisse, devient pré, et semble finir en cul-de- 
sac, de l’autre coté du ruisseau, au pied d’une abrupte muraille de 
bois. 

C'est « La Laide Côte. » 

Rien de trop rébarbatif au premier abord, cependant. L’An- 
trogne, tout mince filet encore, coule entre les mousses, et, des 
ronciers épais, s'envole un tiède parfum de framboises. 

Mais trop de silence y règne, et une sensation d’emprisonne¬ 
ment vous poigne entre ces déclivités rapides. 

Et puis, autre chose, que les lignes du paysage ne suffisent pas à 
expliquer; quelque chose d'incompréhensible et d’inquiétant; cette 
appellation de « Laide-Côte » évoque bien la physionomie grima¬ 
çante de ce carrefour solitaire de landes et de bois. 

De ces deux mots, me semble se dégager sa « laideur » roman¬ 
tique, impressionnante comme un dessin de Gustave Doré. 

(1) Cet endroit porte un nom atrocement banal; c’est l'Etang Camus. Près 
de là, se trouvent les lieux dits dont voici les noms : Le Ruisseau des Corbeaux, la 
Chairine des Fa.ynnes, la Fontaine au plaune. 


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Il y a environ soixante ans, trois fillettes cTHerbeumont, s’en 
allaient par là, chercher des ampounes. ( 1 ) 

C'était le matin — détail étrange — car la fleur de légende 
aime le clair de lune. 

Elle avaient dépassé l'étang, et se dirigeaient vers le fond du 
val, quand des tourbillons de petits chiens, sortirent du bois et les 
enveloppèrent de cercles extravagants. 

Ils tournaient autour d'elles « passant comme le vent » et « leur 
sautant aux hottes. » 

— Et gny arot! gny a rot! et is bawinaienl , et is gluwinaient! 

Il y en avait par mille et par mille, de toutes couleurs, des 
noirs, des rouges, et surtout des blancs! 

— Vraiment, vous avez vu cela? 



La fillette qui est maintenant une bonne vieille au regard doux, 
répondit : 

— J’ai souvent entendu parler des Sortir es, des Waros, des 
Lumerèles et des Arlequin <?; je n'en ai jamais vus; mais la 
Chasse-Babète, je puis dire que je l'ai vue; oh!... comme je vois 
cette poule-là! 

— Et alors? 

— Alors, nous avons quitté nos hottes, et nous avons pris nos 
jambes à notre cou — avec les petits chiens dans nos jupes; ils nous 

(1) Framboises. 


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ont poursuivis jusqu’au bas de la côte, mais ils n’ont pas dépassé la 
gouttelle... 

Après un moment de silence, elle ajouta : 

« On ne croit plus à tout ça, maintenant... les gens sont trop 
malins. » (*) 


Légendes de la « Petite Danseau » 

Dans le « Plat» ( 2 ) de la Petite Danseau, qui est un bois, de l’autre 
côté de la Semoys, en face le moulin des Nawés, «revenait» de même, 
une Chasse-Babète. 

L’ancien meunier ( 3 ) entendait souvent, la nuit, à la même heure, 
les fantastiques petits chiens qui jappaient, jappaient, jappaient. 

Quelquefois aussi des chevaux blancs sortaient de ce bois. Ils 
traversaient la Semoys et venaient cabrioler dans les avoines. 

Le meunier, un soir*, décrocha son fusil et se mit à leur chasse. 
Les chevaux repassèrent l’eau et disparurent. Mais, peu après, ils 
revinrent. 


La Baur du Jacques Sauvage ( 4 J 

En remontant l’Antrogne, à partir de la Laide Cote, on rencontre, 
au milieu du bois de Poursumont, une caverne appelée la Baur du 
Jacques Sauvage, où « revenait » un charretier-fantôme. 

Il était monté sur un chariot vide, attelé de bœufs, qui allaient 
et venaient le long de la gouttelle. 

Les Faunets(’) 

Entre Auby et les Hayons, il y a un lieu-dit qu’on nomme la 
Roche des Sorcières. 

Ces sorcières avaient la spécialité de tourmenter les voyageurs 
en expédiant à leur rencontre des Mouches fantastiques appelées 
Fauncls. 

Ces mouches ressemblaient à des taons, mais elles étaient « plus 
minces » et « plus effilées ». 

Il en fallait sept pour tuer un cheval. 


(1) Renseignements donnés par M mc Damain. 

(2) Le « Plat », c’est-à-dire la partie plate — le9 prés - qui vont des bords de 
la rivière à 1 entrée du bois. 

(3) Louis Deleau, cousin frerraain de mon père. Cc9 légendes m'ont été contées 
par sa fille Hortense Frèresse, la meunière actuelle. 

(4) Conté par Madame Damain, 60 ans. Joseph Breny, 31 ans. 

(5) Conté par Marceline Body (de la Cornette), 25 ans 


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Sobriquets 

Les habitants de Bertrix ont reçu le sobriquet de Baudets. 

Gela vient d'une aventure saugrenue arrivée à un chasseur myope 
qui aurait tué une bourrique croyant tuer un lièvre. 

A Auby, ce sont les Gadelis, à cause du grand nombre de chèvres 
gades) que possède ce village. 

A Herbeumont, une aventure de chasse encore (un chien victime 
d’un maladroit, et tué à la place d'un sanglier) a valu aux habitants 
le sobriquet de « chiens de Mauleux ». 

On les appelle aussi les « Hanglis » et les « Warus » ( 1 ). Les 
enfants de Mortehan saluent ceux d’Herbeumont de ce couplet 
ironique : 

Waros % Waros , 

Pattes à gat/ot 
La malète su V dos 
Les quaV pat' dans V pot . 

Ceux d’Herbeumont ripostent en les traitant de Taians , Taïam 
d'Mortehan! (Taïan , c’est à dire taon). 

Mais le sobriquet le plus extravagant est celui dont on affuble 
les habitants de St-Médard : les Bas Vintres ! 

L’Eglise d’Herbeumont 

La vieille église d’Herbeumont va disparaître. 

L’église qui doit la remplacer est en construction déjà. Elle est 
située en face de l’autre. De sorte que l'ancienne peut voir sa rivale 
monter, de jour eu jour, peu à peu, pierre à pierre. 

De sorte qu’elle se voit mourir. 

Elle était trop étroite aussi, et elle n’était pas assez confortable, 
cette vieille église. Le curé ne montait plus en chaire depuis long¬ 
temps de crainte de sombrer avec elle sur la tête de ses paroissiens. 

Mais, elle avait un parfum si rustique ! 

Oh ! elle n’avait aucun style, c’est vrai, c’était une maison comme 
les autres, blanchie à la chaux, plus grande seulement, et qui expli¬ 
quait bien Vadvlnette des enfants : une grande maison sans 
cheminée ! 

Mais, elle était si vénérable ! Ses vieilles dalles d’ardoises 
étaient usées par tant de pas de tant de vieilles et de vieux ! 

A force de lumière calme sur leurs oreries, les vilains saints de 

(1) Waro , garou. 


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plâtre devenaient presque charmants ; vraiment elle avait l’air d’un 
vieux joujou bien épousseté... 

Et rien que deux simples petites portes basses peintes en vert et 
semées de gros clous; le cimetière autour et la Semoys tout en bas. 

C’est fini. Dans le gâchis du chantier, l’autre élève ses murailles 
romanes, vaste, robuste comme une forteresse. 

Coifled’un chapeau de paille noir, le curé, au milieu de la nef 
nouvelle, sous le ciel encore ouvert, dirige le travail, en fumant un 
cigare ! 



Quand nous reviendrons, après une longue absence, nous ne 
reconnaîtrons plus le village, car ici, comme partout, l’église en 
avait fixé l’image dans notre souvenir. 

Le clocher a, sur le regard, une grande influence : c’est le « nez » 
du paysage. 

Et il nous semble que cette petite silhouette disparue, c'est tout 
le paysage qui disparaît... et que c'est aussi une page de l’existence 
d’Herbeumont qui se tourne, une page de son passé silencieux et 
naïf... 


Départ 

La malle-poste roule sous les sapins de la grand’route. 

Le paysage se met doucement à tourner. 

Nous nous sommes juchés sur le toit de la voiture pour goûter 
cette mélancolie de voir les maisons du village se rapetisser à chaque 
tour de roue... 

La vieille maison de la garenne, là-bas, derrière les prairies, 
passe à son tour. On aperçoit encore le toit du moulin des Nawés, 
puis, la route fait un coude, le terrible coude qui va marquer une 
nouvelle étape, le commencement d’un autre « ailleurs », le tournant 


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du chemin qui fait surgir derrière nous les petits fantômes du sou¬ 
venir, pâlissant dans ce bon Passé... 

Herbeumont disparait. 

La montagne s'est rapprochée de ce côté-ci de la route, avec ses 
bois et ses roches, et la couvre de son ombre. 

Voici la « Vieille Rivière » un peu en contre-bas ; une mélan¬ 
colie encore, cet ancien tronçon de la Semoys qui est maintenant un 
marécage trouble, dans lequel une haute roche se réfléchit tristement. 



Mortehan, vn de la Chapelle de Cugnon. 


C’est un phénomène peut-être inexplicable que l’abandon qui 
frappe certains lieux. Cependant, la Vieille Rivière n’est séparée de 
la route que par le rideau de sapins qui la bordent ; et elle demeure 
enveloppée d'une atmosphère de silence et d’éloignement ; elle parait 
être à une distance étrange. 

Autre part peut-être, la Roche des Corbeaux serait remarquée. 
Ici, on passe sans la voir. Elle bénéficie du mystère hostile dont la 
baigne cette eau louche, œil falot où luisarne le désespoir de l’eau 
courante, de l'éternel murmure, d’un beau destin avorté... 

De l'autre côté, maintenant, les courbes de la Semoys accom¬ 
pagnent la route à quelque distance. Une Semoys plus douce entre les 
déclivités vertes d'un paysage presque riant. 

Mais, bientôt nous avons dépassé l'auberge solitaire de Lenglez, 
où nous quittons pour de bon la vallée de la Semoys, — et la malle 
s'enfonce bon train, dans le long couloir boisé qui fait communiquer 


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cette région de petites presqu’îles déchiquetées à la région des 
Plateaux. 

La route est escortée par un beau ruisseau (*), qui reflète dans la 
pénombre verte, les nombreuses ardoisières échelonnées le long du 
trajet (*). 

Lugubres lieux que ces « Ecayîres » tour à tour exploitées et aban¬ 
données. Des ruines et du silence réveillé à longs intervalles par le 
bruit maigre de quelques ardoises maniées par des ouvriers invisibles. 

Ici, une grande caserne, trouée de fenêtres vides avec des mu¬ 
railles sales, aux pieds d’une énorme pente de bruyères; là, une 
masure avec une incompréhensible boîte aux lettres, et une chèvre 
devant la porte. Voici plus loin, une femme d’aspect misérable sortie 
je ne sais d’où, qui fait un signe au cocher et la voiture s’arrête ; le 
cocher lui remet les six pains qui se trouvaient dans le coffre; la 
femme disparait, et la malle continue sa route. 

Plus loin, un homme « en bras de chemise » qui se savonne 
énergiquement dans le ruisseau, avec autant de belle humeur que si 
cette solitude était le plus confortable cabinet de toilette. 

Les écayîres passent tour à tour, montrant leurs tranches de 
schiste, lisses, nettes, perpendiculaires parfois comme des remparts. 

Elles passent avec leurs amoncellements bleus d’ardoises au 
rebut — étrangles entre les hautes parois de verdure. 

Région triste, humide, muette. 

Impression d’abandon figé. Cela évoque l’idée d’une colonie 
frappée de décadence et dont la population s’est peu à peu éteinte. 

Le ruisseau nous accompagne toujours, dans un petit lit de bois 
artificiel, qu’on lui a fabriqué sans doute pour lui permettre de se 
tenir au niveau de la route; et nous voici à la croisée des chemins 
de Saint-Médard et de Bertrix. 

Ici, il y a une auberge; la route monte, les bois s’écartent, la 
montagne s’abaisse, et il semble que le jour se lève. 

Nous montons vers les Plateaux. 

Les Plateaux!., c’est un bandeau de brume qui se déchire. Les 
pures et grandes lignes sobres, reposantes après la tourmente schis¬ 
teuse; les douces vastitudes, les pâturages qu’égaient le semis des 
troupeaux et tachetés de sapinières joujoux. 

Mais la malle s'arrête... Bertrix! Il faut descendre. 

Pourtant nous commençions à nous y trouver bien, n ayant que 
l’unique occupation d’aimer le paysage. 

(1) Le ruisseau d'Aise. 

(2) Voici les noms de ces ardoisières : Les Français, la Mal-Joyeuse, la Gout- 
teUe-Husson, le Prigé-Morépire (récente;. Babinage et St-Médard. 


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Pourquoi les diligences ont-elles un but ? 

Pourquoi s’arrètent-elles quelque part ? 

Est-ce qu'elles ne devraient pas rouler jusqu’au bout du monde 
et même un peu plus loin, remplies de voyageurs insouciants et 
méditatifs, qui seraient éternels et dont la pipe ne s’éteindrait jamais ? 

Herbeumont, septembre 1902. 

George DELAW. 



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Une exposition de la Dinanderie 


a dinanderie, la vieille et somptueuse dinanderie 
va avoir son exposition. C’est le bourgmestre de 
Dînant qui a eu celte idée, et il a proposé au Collège 
échevinal de réunir à Dinant les chefs-d’œuvres 
d’un art éminent et malheureusement disparu, qui 
fit des cuivres repoussés tant d'objets si merveil¬ 
leusement décoratifs. 

Peut-être cette exposition suscitera-t-elle une renaissance de 
l’art abandonné. Déjà renaît la poterie flamande. Il n’y a point 
de raison pour que des artisans intelligents n’entreprennent pas 
de faire revivre l’art de la dinanderie. 

Cet art fameux a enthousiasmé Michelet qui, dans son Histoire 
de Fronce en parle avec une vive admiration, et montre la valeur, 
l’importance politique et sociale au moyen-âge, de l’industrie dinan- 
taise. 

« La fortune de l’industrie et du commerce de Liège, dit-il, date 
du temps où la France commença d'acheter. Lorsque nos rois mirent 
fin peu à peu à la vieille misère des guerres privées et pacifièrent 
les campagnes, l'homme de la glèbe qui jusque-là vivait comme le 
lièvre entre deux sillons, hasarda de bâtir; il se bâtit un âtre, inau¬ 
gura la crémaillère (’), à laquelle il pendit un pot, une marmite de 

(1) Cérémonie importante dans nos anciens mœurs, dit fort justement 
Michelet. Et il ajoute à cette mte les faits suivants qui nous intéressent à un 
autre point de vue : ^ Le chat, comme on sait, ne s'attache à la maison que lors¬ 
qu’on lui a soigneusement frotté les pattes à la crémaillère », [cf. Wallonia , V, 83]. 
— la sainteté <lu foyer au Moyen-âge tient moins à latre qu’a la crémaillère qui y 
est suspendue. « Les soldats se déiroupèrent pour piller et griffer, n'espargnant ny 
aage, ny ordre, ny sexe, femmes, filles et en fans, s’attachans à la crémaillère des 
cheminées, pensans échapper A leur fureur ». Mki.art, HLst. de la ville et du 
chanteau de Ilutj p. 200. = [On ne doit point s’étonner de l'attention émue que 
Michelet a accordée au moins dans le Livre XV de son Histoire de France , à tout 
ce qui touche au pays do Liège : Comme il nous l'apprend lui même, il était 
wallon par sa mère, née à Renwez, dans l'ancien duché de Bouillon, et il avait à 
Liège même, parait-il, des relations de famille. — O. C.J. 



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fer, comme les colporteurs les apportaient des forges de la Meuse. 
L’ambition croissant, la femme économisant quelque monnaie à 
l’insu du mari, il arrivait parfois qu’un matin, les enfants admi¬ 
raient dans la cheminée une marmite d’or, un de ces brillants 
chaudrons, tels qu’on les battait à Dînant. 

» Ce pot, ce chaudron héréditaire, qui pendant de longs âges 
avaient fait l’homme du foyer, n’étaient guère moins sacrés que lui, 
moins chers à la famille. Une alarme venait, le paysan laissait 
piller, brûler le reste, il emportait son pot, comme Enée ses dieux. 
Ce pot semblait constituer la famille dans nos vieilles coutumes; 
ceux-là sont réputés parents, qui vivent « à un pain et à un pot. * 

Et plus loin, Michelet écrit : 

« Ceux qui ont vu les fonts baptismaux de Liège et les chan¬ 
deliers de Tongres, se garderont bien de comparer les Dinandiers 
qui ont fait ces chefs-d’œuvre, à nos chaudronniers d’Auvergne 
et du Forez. Dans les ouvrages de fonte, on sent souvent, à une 
certaine rigidité, qu’il y a eu un intermédiaire inerte entre l’artiste 
et le métal. Dans la batterie, la forme naissait immédiatement sous 
la main humaine, sous un marteau vivant comme elle, un marteau 
qui, dans sa lutte contre le dur métal, devait l'ester fidèle à l’art, 
battre juste, tout en battant fort; les fautes, en ce genre de travail, 
une fois imprimées du fer au cuivre, ne sont guère réparables.» 

La ville de Dinant s’était ainsi acquis pendant le Moyen-âge une 
grande réputation pour l’exécution des vases d’usage domestique, en 
laiton ou cuivre jaune. Cette industrie ne se bornait pas aux objets 
mobiliers, mais elle abordait aussi de grandes pièces d’un caractère 
artistique, destinées à l’ameublement religieux. On possède en 
Belgique des cuves baptismales qui datent de la fin du xi® siècle ou 
du commencement du siècle suivant et qui sont d’un remarquable 
travail. Les fonts de Saint-Barthélemy, à Liège, ont été exécutés par 
Lambert Patras, batteur de cuivre de Dinant, en 1112 ; ils se 
composent d’une cuve en bronze qui est supportée par douze figures 
de bœufs destinées à rappeler la disposition de la mer d’airain du 
temple de Salomon. Sur le pourtour de la cuve sont modelés des 
bas-reliefs représentant des sujets du Nouveau-Testament relatifs au 
baptême; la grâce de la ligne, la finesse du modelé, l’exactitude 
de l’expression font de ces bas-reliefs une œuvre de toute pre¬ 
mière beauté. 

On doit émettre l’espoir que cette œuvre unique ne manque pas 
à l’exposition dinantai.se, comme devront peut-être manquer les 
charmantes portes en cuivre qui sont sous le jubé de la Cathédrale 
liégeoise. 


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A l’époque où l’industrie des dinanderies était prospère, Dinant 
faisait partie de la principauté de Liège ; aussi, nombre d’églises 
du pays de Liège, nombre d’amateurs aussi possèdent de ces 
cuivres repoussés. Le Musée royal de Bruxelles et plusieurs églises 
de la Belgique possèdent encore des pièces remarquables d’ameuble¬ 
ment religieux en laiton. Ce sont des fonts baptismaux, de grands 
lutrins en forme d’aigles, des candélabres, des chandeliers pascals 
terminés par des croix et des couronnes de lumière. Quelques-uns 
de ces monuments portent les signatures des artistes-ouvriers qui les 
ont exécutés : Jehan JosÈs, de Dinant (1372) ; Guillaume le Fèvre, 
de Tournai (xv® siècle)... 

Le Musée archéologique liégeois compte des pièces de dinan¬ 
deries, dont plusieurs présentent un grand intérêt ; la Commission a 
décidé, dans une récente séance, d’envoyer ces spécimens à l’Exposi¬ 
tion dinantaise. La ville de Liège a également décidé l’envoi d’un 
plateau de la Révolution de 1789 et de quatre médaillons et portraits. 
D’autre part, les Evêchés de Liège et de Namur ont autorisé les 
fabriques d’églises à prendre part à l’Exposition. 

♦ 

* ♦ 

La batterie de cuivre de Dinant a une très ancienne origine. Si 
l’on en croit des documents du xm® siècle, elle remontait à l’époque 
de Charlemagne. Ce qui est certain, c’est que dès 1252, les cuivres de 
Dinant étaient très réputés. Au xiv e siècle le mot dynan ou dynant 
était en France, synonyme de potier d’airain, et c’est probablement 
à partir de cette époque que le mot «dinanderie» a été employé pour 
désigner les cuivres des bords de la Meuse. Car Dinant n’avait pas 
le monopole exclusif de la dinanderie. A deux kilomètres en aval, 
sur la rive gauche de la Meuse, s’élevait une autre ville, aujourd’hui 
déchue, Bouvignes, dont les habitants battaient également le cuivre. 
Et bientôt, comme dit le vieil historien Croonendael, on vit s’élever 
entre les deux villes « une vraie jalousie de gloire pour soy mesler 
d’un mesme mestier de batterie ». 

L'industrie du cuivre comportait deux branches distinctes : la 
batterie consistant à forger le métal à chaud, comme le fer, et à en 
fabriquer des objets usuels, chaudrons, bassins, poêles, bassinoires, 
etc., etc., et la fonderie , constituant, à proprement parler la dinan¬ 
derie. C’est surtout dans la fouderie qu’excellèrent les Dinantais. 
Toutes les œuvres ayant un caractère artistique — cuves baptismales, 
lutrins, chandeliers, cloches, landiers, croix de procession, lampes 
d’autel — sont en cuivre fondu. 

Dans une ordonnance du comte de Namur Guillaume I er , en 


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date de 1375, on voit que les batteurs bouvignois se partageaient en 
trois catégories : les hialmeliers , ou faiseurs de grands et petits 
chaudrons ; les paHiers , ou faiseurs de poêles ou poêlons, et les 
faiseurs de Itassins. La nature des ouvrages exécutés à Bouvignes est 
clairement indiquée dans cette classification. 

A quelques années de là — ce fut, croit-on, vers 1380 — les 
Bouvignois, jaloux de la réputation de leurs voisins, voulurent 
s’essayer dans la dinanderie proprement dite, c’est-à-dire dans les 
objets d’art; ils y réussirent, et l’animosité qui régnait à l’état latent 
entre les deux villes prit alors un caractère aigu. Les guerres, en 
général, ont une cause économique : ainsi les démêlés des Dinantais et 
des Bouvignois eurent pour origne la concurrence industrielle et 
commerciale. Il convient, d’ailleurs, de remarquer que la situation 
politique respective des deux villes était de nature à aggraver leurs 
dissentiments : tandis que Dinant faisait partie de la principauté de 
Liège, Bouvignes dépendait des Etats de la maison de Bourgogne. 

En 1462, un exode de batteurs bouvignois se produisit. Philippe- 
le-Bon, en vue de l’enrayer, rendit un curieux édit qui défendait 
d’importer dans ses états des ouvrages de cuivre qui n’auraient pas 
été fabriqués à Bouvignes — ou à Dinant — confisquait toutes les 
marchandises de batteries fabriquées « à Huy et autres lieux non 
accoutumez de faire ledit mestier » et ordonnait de détenir prison¬ 
niers ceux qui amèneraient des marchandises ! Quand Philippe-le- 
Bon faisait de la protection, il prenait, on le voit, les moyens de la 
rendre efficace. 

A l’époque de la destruction de Dinant par les troupes du duc de 
Bourgogne, en 1466, les batteurs de cette ville calculaient que leurs 
formes seuls valaient cent mille florins du Rhin ! La ville fut 
détruite de fond en comble. Le chroniqueur de Liège, moine de 
Saint-Laurent, qui vint voir cette destruction qu’il lui fallait 
raconter, dit qu’il ne trouva debout qu'une seule chose, un autel, et 
€ de plus, chose merveilleuse, une bien belle Notre-Dame qui restait 
toute seule au portail de son église ». On a les registres de ce que 
trouvèrent les fouilleurs de décombres : les objets déterrés sont 
généralement des masses de métal, hier œuvres d’art, aujourd’hui 
lingots... Il faut lire dans Michelet tout le chapitre de la destruc¬ 
tion de Dinant... 

La disparition de la ville donna un nouvel essora l'industrie 
bouvignoise, laquelle atteignit son apogée sous le règne de Charles- 
Quint. A cette époque, elle comptait 252 maîtres batteurs, qui entre¬ 
tenaient quatre fois autant « de maisnaigiers, ouvriers, journaliers 
et bourgeois avec leurs femmes et leurs enfants». Les principaux 


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objets fabriqués à Bouvignes à cette époque étaient des marmites, 
chaudrons, plats en laiton, bassinoires, chandeliers, mortiers, che¬ 
nets, vases, aiguières, cuillers, etc. 

Cependant le sac de Dinant ne put abattre l’énergie de ses 
fondeurs et batteurs. Exilés, vaincus, ruinés, ils retournèrent néan¬ 
moins sur la rive désolée et y relevèrent leurs ateliers. Rapidement, 
ils reprirent leur exportation d’objets d’art, non seulement dans les 
anciens Pays-Bas, mais en Allemagne, en Italie, en Angleterre, en 
Scandinavie, etc. 

La communauté du malheur fil oublier les anciens griefs. Au 
mois de juillet 1651, les troupes de Henri II, roi de France, détrui¬ 
sirent de fond en comble Bouvignes et endommagèrent gravement 
Dinant. Cette dernière ville offrit alors un asile aux batteurs bouvi- 
gnois. qui, littéralement, n’avaient plus un toit pour s’abriter. 
Beaucoup se fixèrent à Dinant, d’autres émigrèrent en Flandre, en 
Hollande et en Allemagne et y fondèrent des ateliers. Tous les efforts 
de Philippe II, en vue de rendre à Bouvignes son ancienne splen¬ 
deur, restèrent vains : cinquante ans après le désastre, les maîtres 
batteurs n’y étaient qu'au nombre de douze. Mais Dinant était rede¬ 
venue cité opulente malgré la concurrence que lui faisaient Namur, 
Aix-la-Chapelle, Stolberg et Eysden Les procédés de fabrication de 
ces dernières villes, plus expéditifs et partant plus économiques, ne 
valaient pas, à beaucoup près, ceux de Dinant et de Bouvignes, et 
c’est ce qui fait encore rechercher de nos jours les produits dinantais 
et bouvignois de préférence à lous les autres. En 1710, l’industrie du 
cuivre n’existait plus à Bouvignes; elle continua à être prospère à 
Dinant jusqu’à la Révolution. Elle se continua modestement dans 
leCondroz, peut-être à Huy ou à Ciney, durant le premier quart, 
au moins, du xix* siècle : on rencontre encore fréquemment dans 
cette région de petits ustensiles mobilière, par exemple des brocolis 
ou porte-allumettes, portant cette signature naïve : Fait par Dozot 
fecit . Dozot est un nom condruzien. 

Bien rares sont les dinanderies signées. Aussi, les musées et les 
églises ne peuvent généralement indiquer si les cuivres qu’ils pos¬ 
sèdent sortent des ateliers de Dinant, de Bouvignes, de Tournai ou 
d’ailleurs. Quelques batteurs bouvignois, notamment Pierre et Jean- 
Baptiste Chabotteau, ont laissé le renom d’habiles artisans. 

L’église Saint-Lambert, de Bouvignes possède des cuivres remar¬ 
quables, entre autres la tombe d’Antoine de Nassogne et de sa femme 
Marguerite Le Bidart; un lutrin représentant un pélican se saignant 
pour ses petits et offert à l'église par Antoine de Nassogne; des 
lustres, des crucifix, une croix et des lanternes de procession, des 


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chandeliers, une lampe d’autel... Les cuivres étaient si nombreux, 
jadis, à l’église de Bouvignes, que l'on employait deux ou trois 
femmes pour les récurer, à Pâques, à la Fête-Dieu et à la St-Lambert. 

A l’église collégiale de Dinant, il y a aussi de magnifiques pièces, 
notamment un lutrin, des croix, des lanternes, des troncs, un bap¬ 
tistère, et six grands chandeliers hauts d environ deux mètres, qui 
appartenaient jadis à des confréries. Deux portent cette inscription : 
« Nicolas Bello ma fait 1629 », et deux autres : « Huhert Grognar 
m'a faict 1640». Les deux derniers ont été offerts à l’église de 
Dinant par le bourgmestre Perpète Jacquemin et sa femme Marie 
Ghisen, en 1668. A l’église Saint-Brice de Tournai, on voit également 
deux magnifiques chandeliers, de mêmes dimensions et à peu près de 
même style que ceux de Dinant, et signés Pierre Chabotteau. 

Les batteurs de cuivre ne se bornaient pas à la fonte des pièces 
de cuivre; il y avait aussi parmi eux des maîtres susceptibles d’entre¬ 
prendre des œuvres de sculpture. Nous citerons Nicolas Josès, 
employé par Philippe le Hardi, qui jetait les cloches de la Chartreuse 
de Dijon et l’artillerie du prince, en même temps qu’il entreprenait 
les ornements les plus délicats de Champmol. L’ancien Perron de 
Liège était en cuivre et avait été fondu à Dinant : il s’agit de celui 
que le Téméraire emporta chez les Flamands après avoir détruit la 
ville de Liège. C’est à Dinant que fut fondue, au xvn c siècle, la 
statue de bronze que Liège éleva à son bourgmestre Beeckman. 

* 

* * 

« Le dernier batteur de cuivre de Dinant, dit M. Jacques Evrard 
dans un très curieux article de Art Liberté (*), le dernier batteur , 
Nicolas Halt, est mort il y a quelques années, âgé de 80 ans. Etant 
en villégiature sur les bords de la Meuse, je lui rendis un jour 
visite, dans la très vieille maison qu’il habitait rue Grande, tous 
près de l’ancien palais des princes-évêques de Liège — aujourd’hui 
l’hôtel-de-ville. Fils et petit-fils de dinandiers, le « père Halt » conti 
nuait, seul dans la ville, à travailler le cuivre, martelant du matin 
au soir le clair métal, dans un petit atelier très encombré, où il 
fabriquait des ustensiles de cuisine. Les collectionneurs venaient 
fréquemment voir le père Halt, et, tout en causant du bon vieux 
temps, furetaient dans l’atelier — parfois même dans la maison! — 
et faisaient, de temps à autre, une découverte crasset , witche , 
coquemar, brocoli (*) — dont ils s’attribuaient naturellement tout le 

(!) Dont nous avons emprunté divers fragments ci-dessus. 

(2) Le crasset et la witche sont des lampes à huile, dont la forme rappelle un 
peu celle de la lampe romaine; le brocali servait de boîte à brocales (allumettes 
soufrées); le coquemar , on le sait, est une sorte de bouilloire à anse. 


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mérite, tandis qu'elle n’était qu'une délicate et un peu malicieuse 
attention du vieux batteur pour ses indiscrets visiteurs. 

« Le père Hait avait conservé les vieilles traditions des batteurs, 
ses ancêtres, dont il parlait avec admiration et respect. Il se consi¬ 
dérait toujours comme faisant partie de la Corporation — bien que 
celle-ci eût disparu au moment de la Révolution — son rêve eût été, 
me disait-il, de fabriquer, comme ses aînés — comme Antoine de 
Nassogne — quelque chef-d'œuvre qu'avec solennité il eût offert, 
un jour de grande tête, à l’église paroissiale; mais les impérieuses 
nécessités de la vie ne lui permirent jamais de le réaliser. Et ainsi 
mourut, sans avoir atteint son idéal, le dernier batteur de cuivre. » 

* 


Bien que le berceau primitif de la dinanderie soit la ville de 
Dinant, la Belgique et l’étranger possédèrent plusieurs autres grands 
centres de fabrication du cuivre, pour la plupart créés très tôt par 
l’apport des transfuges wallons. Dinant finit par se réserver plus 
spécialement la fabrication des coquemars et des aiguières aquama- 
niles, des flambeaux formés par des figures d’hommes et d’animaux, 
des bassins et des mortiers et de tous les ustensiles de la vie 
intérieure. 

Elle n’eût à lutter sérieusement que contre la concurrence 
de Bouvignes et de Tournai. 

La célèbre industrie tournaisienne est fille de celle de Dinant. 
C’est ce qu’a montré M. L. Cloquet. 

Dans son guide Tournay et Tournaisis, cet auteur rapporte 
qu’au xiv c siècle, des batteurs dinantais émigrèrent de leur pays 
désolé par les guerres et vinrent se fixer à Tournai : le plus ancien 
fondeur que mentionnent les archives de cette ville se nomme Pierre 
de Dinant ; il est cité en 1325. Dinant eut bientôt une rivale dans 
Tournai; on en trouverait une preuve au besoin dans certaines 
diatribes rimées qui s’échangeaient au temps passé entre Dinantais 
et Tournaisiens et qui exhalaient leurs jalousies. 

« L’industrie du cuivre, dit M. Cloquet, était déjà représentée 
au xiiP siècle à Tournai, sinon par des ateliers, au moins par les 
œuvres importantes qu’on y voyait. On garde encore le souvenir de 
deux œuvres magistrales de ce genre que possédait la Cathédrale et 
qui dataient de cette époque. C’étaient les mausolées des évêques 
Walter de Marvis et Walter de Croix, morts, le premier en 1252, le 
second 10 ans plus tard. — L’efligie de Walter de Marvis, coulée en 
métal, en relief, dans l’attitude du sommeil suprême, était étendue, 


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à ce que révèlent d'anciens écrits, sur une grande laine de cuivre 
portée par six lions également en fonte de cuivre. 

* Un autre monument, qui devait avoir une importance capitale 
et qui remonte au xiv® siècle, a malheureusement disparu comme 
les précédents. C’est le contre-retable de l’ancien autel du chœur de 
la Cathédrale, dû à la libéralité du chanoine Simon de Portail, mort 
en 1362. Il consistait en une table d’airain, soutenue par des 
colonnes de même métal, sur laquelle étaient placées les chasses de 
saint Eleuthére et de Notre-Dame. Monseigneur Voisin qui a fourni 
sur ce monument les quelques données qu’on possède, pensait avoir 
trouvé le nom de l’auteur de cette pièce magistrale, en découvrant 
du même coup la mention de deux antiques mausolées en cuivre. Il 
s’agit d’un contrat de l’an 1345, où on dit : « Qu'un nommé Lothaire 
Hamaitte s’engage à faire « une tombe couverte de laiton... aussi 
suffisamment ouvrée que n’est celle de Jakenon de Corbri. » Cette 
tombe devait porter l’effigie de deux prêtres. 

» Les chroniqueurs nous apprennent encore qu'il y avait dans 
le chœur de la Cathédrale deux lutrins en airain qui existaient 
encore au xv® siècle. L’un, exécuté par Cambien Descaus, avait la 
forme d’un aigle, et l’autre était orné de la figure de Moïse. Cette 
dernière forme, qui symbolise l’ancienne loi, était généralement 
réservée au lutrins de l’épître, tandis que la première était employée 
pour lire l’Evangile. 

» Par ces quelques exemples, on peut se figurer la merveilleuse 
richesse du chœur de la Cathédrale. 

» Nous pouvons ajouter que les églises paroissiales offraient en 
plus petit le même luxe dans leur ameublement. Dans ces dernières, 
subsistent des spécimens originaux du savoir-faire de nos anciens 
maîtres. Le lutrin de Saint-Nicolas est le plus ancien : il remonte à 
1385 et porte une inscription rimée. Celui de Saint-Piat est de 1405 à 
l’exception du fût, et celui de Saint-Jacques, de 1411. Celui de Saint- 
Jean-Baptiste doit remonter à 1180 environ. Celui de Notre-Dame 
est à peu près de la même époque, sauf l’aigle qui est postérieur et 
date du xvii® siècle. Celui de Saint Quentin appartient à la Renais¬ 
sance. Tous ces lutrins de nos paroisses, auxquelles on peut joindre 
ceux de bien d’autres églises des environs, comme Gaurain et Saint- 
Ghislain, sont, sans aucun doute, des productions des fondeurs 
tournaisiens, et ils attestent que les batteurs des rives de la Meuse 
n’avaient plus au xv® siècle le monopole de la fabrication des grands 
objets servant au culte. » 

M. Cloquet entre dans le détail des principales œuvres des 
fondeurs tournaisiens. On y relève que Denys Van den Doorne 


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(ce nom existe encore à Tournai) fut chargé, en 1468, de fondre le 
lutrin aiglier de l’église Saint-Vaast, à Menin. En 1463, Jean le 
Gaudrelier fond la croix qui couronne encore la flèche de la Cathé¬ 
drale de Cambrai. En 1446 Guillaume Lefebvre (encore un nom 
demeuré tournaisien) signe le baptistère de l’église Saint-Martin à 
Hal et les lutrins de Téarlise de Saint-Ghislain, œuvres très remar¬ 
quables dont la Cathédrale possède une copie. 

Parmi les dernières œuvres notables de la dinanderie tournai- % 
sienne, signalons les quatre aigles qui figurent à la base de la Colonne 
Vendôme, à Paris, et les portes de bronze du Louvre, œuvres de 
Charles Canler. 

On voit par ces détails combien fut florissante l’industrie du 
cuivre à Tournai. Ses produits sont de véritables œuvres d’art, et il 
y aurait assurément grand intérêt à organiser à Tournai une expo¬ 
sition analogue à celle que l’édilité dinantaise va offrir prochaine¬ 
ment au public. 

Le journal /,e Courrier de l'Escaut , à l’annonce de l’exposition 
dinantaise avait proposé de compléter le projet en faisant place à la 
didanderie tournaisienne. Il paraît que la réalisation de cette idée 
a été reconnue possible et que l'Exposition recueillera les œuvres 
de tous les émules des Dinandiers de Dinant, des Bouvignois, Bruxel- 
iois, Tournaisiens, Malinois, Brugeois, etc. On ne peut que s’en 
féliciter. Il sera possible ainsi de voir comment les écoles par¬ 
ties du même point, se sont développées différemment en raison des 
conditions locales. 

Le prince Albert a accordé son haut patronage au comité dinan- 
tais dont le président d’honneur est M. le baron van der Bruggen, 
ministre des beaux-arts, et les vice-présidents d’honneur M. Beer* 
naert, ministre d’Etat, Mgr Heylen, évêque de Namur, et le baron 
de Montpellier, gouverneur de la province. 

Le Comité a décidé de reconstituer, à l’instar de ce qui a eu 
lieu au Vieil-Anvers et au Vieux-Paris, une série de vieilles mai¬ 
sons du xv e siècle ainsi que l’ancienne Régence de Dinant ( maison 
communale ). On y verra également un intérieur complet des mai¬ 
sons de l’époque : la cuisine, li pièce et l’atelier du batteur. 

L’exposition de la Dinanderie aura lieu en août et septembre 
prochains. Elle présentera, paraît-il, plus de 1400 pièces. Ce sera, 
il n’en faut pas douter, un succès pour la jolie petite"ville wallonne, 
si fière de son glorieux passé artistique. 


O. C. 


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Chronique Wallonne 


Bibliographie 


LES LIVRES : 

Les Phosphorescences, vers, par Albert Bonjeàn. — Un vol. de 211 p.; 

Léon Vanier, éditeur, 19, quai St-Michel, Paris. 

L’auteur de ce recueil aime à rimer ses émois, ses enthousiasmes, ses 
déceptions dans les loisirs que lui laissent ses travaux de droit et les études 
sur l’hypnotisme qui l’ont fait connaître. Il ne faut donc voir dans le présent 
cahier de vers — le deuxième qu’il publie — qu’une façon d’herbier où il 
s’est plu à classer les meilleurs souvenirs de son être intime. Dès lors, on 
comprend plus facilement qu’il ait tenu à y faire figurer un certain nombre 
de pièces d’inspiration plutôt banale et de métier ingénu : M. Bonjean, qui 
aime les enfants, n’a pas su se montrer Spartiate envers ces filles mal venues 
de son esprit. C’est surtout la première partie du volume qu’il conviendrait 
d’émonder si l’on se plaçait au rigoureux point de vue de l’œuvre pure : 
toute cette peinture d’idylle cesse rarement d’être superficielle et imper¬ 
sonnelle. 

Par contre, dans la seconde partie, intitulée Lucioles et Feux Follets , 
l’auteur, élargissant sa vision, s’exprime en une forme plus experte, fleurie 
d’images plus décisives. Un souffle plus viril, une allure sincère et géné¬ 
reuse animent ces petits poèmes éparpillés, qui sont aussi d’un tour plus 
élégant et plus allègre. La muse de M. Bonjean a la candeur et l'enthou¬ 
siasme de la bonne santé. Elle chante notamment avec une louable ferveur 
les prestiges de la nature épanouie, et nous lui savons un gré particulier de 
nous offrir une série de croquis d’Ardenne, détaillés, précis et vivants, 
tracés avec amour et d’un charme tort aimablement évocateur. Le bois, la 
colline et la source n’ont pas d’ami plus sûr que notre poète. 

M. Bonjean, qui annonce, sous le titre de Silhouettes et Légendes de la 
Haute-Fagne , un prochain livre, nous paraît appelé à fournir une excellente 
et filiale contribution aux fastes de son coin de terre. 

Ch. Delchevalerie, 


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Gouvin, guide du touriste, par A. Fagnard, Broch. petit in-8° de 110 p. — 

Chez l’auteur-éditeur, à Cou vin. Prix : 0.50. 

Gouvin est, par excellence, un lieu propre à la villégiature. Peu de 
localités rassemblent autour d’elles autant de curiosités naturelles. Les 
étrangers qui visitent Gouvin et ses environs en demeurent enchantés. 
Tous s’étonnent qu’aucune réclame n’ait été faite jusqu’ici pour ces beautés 
et curiosités en quelque sorte agglomérées, pour cette grande facilité et 
simplicité de vivre, pour ces agréments si chers à l’homme paisible, qui 
aime les montagnes, les eaux, l’air pur, les solitudes champêtres et fores¬ 
tières, le confort simple. 

D’autre part, le touriste qui tient à la simplicité rurale redoute cette 
réclame, qu’il sent fatalement imminente, de crainte qu’elle n’amène en ces 
lieux bénits les complications et les servitudes de la villégiature civilisée. 

Quoi qu'il arrive, voici la réclame faite, et bien faite, par le petit livre 
de M. Fagnard. 

Ce guide excellent est de nature à attirer et à retenir le touriste dans 
cet aimable coin du pays wallon. M. Fagnard y décrit le rocher de Gouvin, 
l’abîme, la caverne, la butte, la vallée de l’Adugeoir, l’Àdugeoir et le pont 
d’Avignon, le parc de Saint-Roch, Pernelle, le Moulin des Bois, la vallée 
de l’Eau-Blanche, Lompret, le lac de Virelles, la pierre qui tourne et 
la Trappe. Il donne ensuite des renseignements sur les environs de 
Gouvin, l’Hermitage, Rocrai, Regnorvels, Culdes-Sarts, Bruly, Pesche, le 
Pouhon, Mariembourg, la Roche à l’Homme, le château-ferme de Roly, 
les ruines de Fagnolles, Olloy, Givet. Enfin, le guide fournit une notice sur 
la flore du pays de Gouvin. 

Deux cartes et une douzaine d’illustrations superbement tirées ajoutent 
à l’attrait et à l’intérêt de ce petit livre coquet et de format aisé, écrit dans 
un style agréable, et qui se recommande à tous points de vue au public 
des touristes. Pierre Deltawe . 

Ouvrages reçus. — L. Maeterlinck, Nederlandsche spreehwoorden 
handelend voorgesleld door Pieter Breughel den oude. Petit in-8° de 28 p. 
avec deux grav. hors texte. Publication de la Koninkl. vlaamsche Academie 
(Gand, Sififer). — Camille Liégeois, Gilles de Chin % l'Histoire et la Légende . 
In-8°de 169 p. et trois pl. (Louvain, Peeters. Prix: 4 fr.). — Avau let 
champ , œuvres wallonnes de Ccnmeil Gomzè, publiées par « le Sillon ». 
In-8° de 116 p. ill. par P. Gomzé. (Nautet-Hans, Verviers.) — Louis Rou- 
quier, Un tanlos a Campilhergues , com. en vers en 1 a. (Delort-Boehm, 
éd. Montpellier.) 

L. Maeterlinck, Un tableau de K. D. Kauninck au musée de Gand . 
Petit in-8° de 16 p. avec une grav. Extr. du Bulletin de la Soc. d'bist. et 
d’archéol. de Gand (Vuylsteke, Gand). — Donne le résultat de l’étude de ce 
tableau, que l’auteur a découvert récemment (voy. ci-dessus p. 72). Le 
peintre, dont on connaît quatre œuvres, serait Chrétien ou Kerstian de 
Coninck, natif de Courtrai, fin du xvi®s., ou son fils, commencement du 


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xvii 0 s. Le sujet du tableau, discuté dans ce travail, reste mystérieux : le 
peintre paraît avoir voulu représenter Paris. L’œuvre appartient incontes¬ 
tablement aux traditions picturales de Joachim Patinir. 

Léon Legavre. Adolphe Mathieu. Broch. pet. in-8° de 37 pages. 
(Edition de «l’Idée libre ». Bruxelles, rue des Minimes). — L’auteur attire 
l’attention sur ce poète, tout-à-fait méconnu de son temps si favorable à la 
médiocrité, et injustement oublié aujourd’hui. Il montre dans l’indépen¬ 
dance et le talent de Mathieu les raisons qui l’isolèrent. Des extraits choisis 
et mis en relief par une critique bienveillante mais juste montrent qu’en effet 
Mathieu mérite mieux que la plaque commémorative dont on ne fait certes 
pas un usage trop fréquent, mais qui ne fut, pour le poète, qu’un hommage 
tardif, dérisoire et, espérons-le, provisoire. 

Va paraître : Explorations scientifiques dans les Cavernes, les 
Abîmes et les Trous qui fument de la province de Liège , par Ern. Doudou. 
Beau volume illustré de nombreuses gravures, imprimé par Math. Thone, 
Liège. En souscription : Edition illustrée, 5 fr. ; êd. non illustrée, fr. 3-50. 
S’adresser à l’auteur, 37, rue du Molinay, Seraing-sur-Meuse. 

BULLETINS ET ANNALES : 

Institut archéologique liégeois. = Bulletin , tome XXXII, 2 e et 
dernier fascicule. — (P. 111 à 334.) Edouard Poncelet, Les rrùarèchaux 
dûarmée de VEvêché de Liège. Origine, développement et décadence de 
cette fonction d’abord purement utilitaire et domestique, puis militaire et 
juridique, puis enfin honorifique et décorative. Biographie des titulaires 
depuis Godefroid de Skeuvre (1214-1229) jusqu’à J.-J.-Ph. van der Noot 
(1767-1803). Cinq planches d’armoiries illustrent ce très important et très 
intéressant travail historique, qui se termine par le recueil des 71 documents 
connus relatifs à la matière. — (P. 335 à 348). L. Renard, Candélabre et 
trepied en bronze de Vépoque Belge-Romaine, trouvés à Borsu (avec 2 pi.) 
Ces deux objets, d’un travail très artistique, sont extrêmement intéressants. 
Le premier constitue l’unique spécimen de ce genre découvert en Belgique ; 
le second, qui fait d’abord penser à un siège pliant comme on en a trouvé 
quelques-uns en notre pays, est en réalité un meuble, et constitue aussi 
une pièce unique pour la Belgique. L’auteur croit qu’ils ont été importés 
d’Italie, volés dans quelque villa par des Germains pillards, et enfouis par 
eux à l’endroit où le hasard les a fait découvrir. 

Société des Sciences, des Arts et des Lettres du Hainaut. = 

Mémoires et publications , VI e série, t. IV (54 e volume). — P. 1 à 84. Victor 
Chauvin, La légende égyptienne de Bonaparte. Nous avons rendu compte, 
d’après le tiré-à-part, de ce travail de notre collaborateur, ci-dessus t. X, 
p. 252. — P. 85 à 96. L. F. de Pauw, Contribution à Vètude de VIgua - 
nodon Bernissarlensis. Les temps secondaires, avec leurs sauriens aux 
formes étranges et leur végétation exubérante, ont particulièrement excité 
la curiosité et ont fait l’objet des illustrations de nombreux ouvrages de 


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vulgarisation où l’amour du pittoresque et du merveilleux nuit parfois à la 
vérité scientifique. Mettant à profit ses constatations personnelles et les 
données fournies par la géologie, la paléontologie et l’anatomie comparée, 
l’auteur s’efforce de faire revivre, dans son milieu d’existence, l’Iguanodon 
de Bernissart. L’examen et l’étude attentive des terrains traversés par les 
travaux du charbonnage de Bernissart montrent, de la façon la plus certaine, 
que la vallée où l’on a voulu situés ces animaux n’a jamais existé. De la 
structure du squelette et des traces de pas laissées par l’Iguanodon, l’auteur 
déduit les caractères de sa marche, qui était bipède, comme l’avait déjà 
montré M. Dolio, ou quadrupède. Il montre aussi cet amphibie nageant à 
la manière des tritons. Tout cela rectifie le tableau qu’avait fait, en 1897, 
de l’Iguanodon M. Dupont, directeur du Musée d’histoire naturelle de 
Bruxelles. Le travail si remarquablement raisonné et si clair de M. dePaunv 
est accompagné de 6 planches. — (P. 97 à 108). Jules Declève, Lettres de 
Prince au XVII e siècle. Analyse de la correspondance de Florent de Ligne, 
second fils de Lamoral, en 1607-1608, pendant un séjour à Nancy, lettres 
charmantes adressées à ses parents. — (P. 109 à 112). Jules Declève, Avant 
la loi de Ventôse en pays de Hainaut. Cette loi organisa le notariat. 
Auparavant en Hainaut la « coutume » régnait en souveraine. Elle avait 
pris naissance dès le V® siècle. L’auteur donne des détails intéressants 
sur cette coutume. — (P. 113 à 208). O. Gambier, Note sur /’ esclavage 
dans la Grèce ancienne . 

Programme des Concours annuels pour 1003. — Ces concours 
comprennent des questions spéciales proposées par la Députation per¬ 
manente du Conseil provincial du Hainaut et par la Société elle-même. 
Puis un exposé des sujets généraux sur lesquels la Société attire l’attention 
des concurrents. Les concours portent sur les Sciences historiques, les 
Sciences mathématiques, la Philologie, la Littérature française, les Sciences 
philosophiques, le Droit, les Sciences naturelles, les Sciences médicales, les 
Beaux-Arts et les Sciences sociales. — Le programme est adressé sur 
demande faite au Secrétaire-général de la Société, M. Camille Wiliquet, 
greffier provincial, 22, avenue d’Havré, à Mons. 

REVUES ET JOURNA UX : 

La Meuse (n° du soir, 17 juin). — Notre ami M. Dumont-Wilden 
parle du Régionalisme français et du Mouvement wallon. 

« Nous sommes, dit-il, généralement hypnotisés par Paris. Nous ne 
voyons en France que ce centre de cultures si merveilleusement lumineux 
qu’il nous cache le reste du pays. Aussi ne nous doutons-nous guère de 
l’intensité de ce mouvement provincial français, qui est, pourtant, d’autant 
plus intéressant pour nous que nos contrées wallonnes y participent en 
quelque manière. 

» Avec une notion très précise des possibilités et des nécessités actuelles, 
les promoteurs de ce mouvement, en effet, ont évité jusqu’à présent de 
s’aventurer sur le terrain politique. Ils ont compris que, dans l’Europe 


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actuelle, le fédéralisme ne peut être considéré que comme un idéal, au 
moins dans les grands pays qui peuvent avoir à lutter éventuellement avec 
les puissances centralisées. Ils ont limité leur action au domaine intellec¬ 
tuel et moral ; l’effort décentralisateur et fédéraliste français commence par 
un mouvement littéraire. A la culture de plus en plus cosmopolite de 
Paris, les régionalistes veulent opposer une culture provinciale intense; 
ils prétendent cultiver et enrichir les façons de sentir propres à chaque 
district. 

» Aux œuvres abstraites et sèches, à la littérature fiévreuse de Paris, 
ils opposent le souffle vivifiant d’une poésie instinctive, rustique et prime- 
sautière qui vient de tous les coins du pays. Un Cladel, un Mistral, un 
James l’apportent du Midi ; un Le Braz, de la Bretagne ; un Maupassant, 
delà Normandie. Mais ceux-là sont les aînés, presse les ancêtres. Ces 
dernières années ont vu se perfectionner et s’augmenter l’œuvre qu’ils 
avaient commencée. Dans un grand nombre de villes de France, des revues 
se sont fondées, manifestations modestes, mais vaillantes, d’une quantité de 
petits milieux intellectuels provinciaux extrêmement intéressants. 

» Ce régionalisme littéraire s’est exprimé, jusqu’à présent, sauf pour la 
Provence, exclusivement en français. Depuis peu, il accueille le concours 
des « patoisants ». Rien de plus sage et de plus légitime. N’est-ce pas, en 
effet, par le patois propre à chaque province que s’exprime le plus claire¬ 
ment et le plus complètement l’ame provinciale en ses intimités profondes ? 
C’est la langue d’un peuple qui est l’expression la plus positive de sa 
sensibilité et de sa tournure d’esprit ; si l’on veut conserver intacte l’origi¬ 
nalité des provinces, il importe, avant tout, d’en conserver le patois. 

» Obéissant à la tendance universelle, la culture française centralisée 
à Paris peut devenir de plus en plus cosmopolite ; elle peut s’enrichir — ou 
s’adultérer, cela dépend des points de vue — au contact des cultures 
étrangères; tant que survivront dans les campagnes lointaines le vieux 
patois français, la sensibilité française conservera ses forces. 

» A ce titre, le mouvement wallonisant doit intéresser au premier chef 
ceux qui ont le souci de la culture gallo-latine, car il lui apporte dans son 
intégrité l’esprit des provinces du Nord et, comme disait Nietszche, la 
supériorité de la civilisation française sur les autres est d’être exactement 
une demi-synthèse du Nord et du Midi, dans laquelle l’élément septen¬ 
trional et l’élément méridional prédominent alternativement. L’élément 
wallon est dans le régionalisme français le contrepoids nécessaire de l’élé¬ 
ment provençal et languedocien. » 

Bulletin du Cercle verviétois de Bruxelles. — Du « Carnet d’un 
Flâneur» dans le vieux Verviers : 

« Un vieux souvenir disparu dans la transformation de la rue du Brou 
est la Pompe du Brou . Elle s’élevait sur l’emplacement de la maison 
Frehis-Claude. Elle faisait partie de tout un coin très pittoresque, formé de 
vieilles maisons précédées de jardinets aux haies vives, toujours couvertes 
de linge en train de sécher. Un vrai coin de village. 


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» Cette fameuse pompe du Brou n’affichait aucune prétention à l’élé¬ 
gance architecturale; et elle avait bien raison. C’était un bloc massif en 
pierre, surmonté du buste de Napoléon I #r . Elle avait cependant une 
spécialité, c’était d’être souvent dérangée et de refuser fréquemment son 
eau, et elle était devenue un objet de dérision. C'est de là qu’est né le 
dicton wallon aller comme lu pompe dè Brou , que le populaire appliquait 
aux machines qui « n’allaient » pas. On disait et on dit encore d’une montre 
détraquée, par exemple, qu 'elle va comme lu pompe dè Brou. 

» Le buste de Napoléon en fonte — le bronze du pauvre! — avait été 
coulé en notre ville, dans la fonderie de M. A. Houget, et il fut même un 
jour la cause — bien involontaire — d’un incident diplomatique, d’un 
casus belli. 

» Une belle nuit — ou peut-être un beau matin — après boire, 
quelques joyeux drilles ne trouvèrent rien de mieux, pour s’amuser, que 
de renverser de son piédestal l’auguste faciès du grand conquérant. Du 
choc, l’infortunée posture fut brisée en mille morceaux. 

» Ces faits se passaient en 1860 , je crois, et si vous vous souvenez, ami 
lecteur, à cette époque, notre puissant voisin, Napoléon III, dans tout 
l’éclat de sa puissance qui éblouissait l’Europe, guignait de l’œil l’affrio¬ 
lante petite Belgique. 

» Comment l’empereur des Français apprit-il l’injure faite au bronze (?) 
de son oncle ? Je ne sais ; mais il envoya dare-dare au gouvernement belge 
un petit poulet farci de menaces pour réclamer réparation de ce noir for¬ 
fait. Communication du petit papier en question aux autorités de Verviers 
et demande d’explications. Mais nos édiles, nés malins, ne s’effrayèrent pas 
trop des allures de Croquemitaine du gros voisin et se tirèrent de la situa¬ 
tion par un procédé qui démontre qu’à cette époque on ne manquait, à 
Verviers, ni d’à-propos, ni d’aplomb. Lors de la fonte du buste, le premier 
exemplaire avait été refusé à cause d’une cassure qui se trouvait au socle et 
c’était une seconde édition qui figurait sur la pompe. 

»Nos édiles allèrent tout simplement chez Houget reprendre le buste 
refusé jadis et on le plaça en lieu et place de l image brisée et puis on 
répondit au gouvernement qu’on ne savait ce qu’on voulait dire, que le 
buste de l’illustre Napoléon trônait toujours sur la pompe du Brou, ainsi 
qu’on pouvait s’en assurer facilement. 

» On envoya une grosse légume de l’administration qui vint constater 
la véracité du fait et tout bas, mais bien bas, on murmura dans les minis¬ 
tères que Napoléon III avait eu la berlue et qu’il nous cherchait une que¬ 
relle d’allemand. 

» Ce buste — sauveur de la patrie — figure aujourd’hui au Musée 
Renier ! » 


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Faits divers 


L IEGE. —i /œuvre du monument Defrecheux vient de faire un pas décisif. 

Sur la proposition de M. Ernest Verlant, directeur des Beaux-Arts, 
M. le ministre van der Bruggen, approuvant le projet du sculpteur liégeois 
Joseph Rulot, accorde un subside de 25.000 francs pour aider à l’érection de 
ce monument wallon. Précédemment, le Conseil provincial de Liège avait 
accordé de son côté un subside, naturellement conditionnel, d’un import de 
10.000 francs. Il est hors de doute que l’Administration communale donnera, 
d’urgence, son appui financier à l’œuvre du monument qui, dans ces condi¬ 
tions, pourra être inauguré en 1905. 

Wallonia s’est jusqu’à présent abstenue de parler de cette œuvre tant 
en raison delà position de son Directeur, qui est aussi le président du Comité 
du monument, qu’en raison de la présence, parmi s*\s fondateurs, de l’un des 
fils de Nicolas Defrecheux, dont le monument célèbre et magnifie l’œuvre 
si populaire dans toute la Wallonie. Ces motifs de discrétion toute naturelle 
n’existent plus à présent que le monument Defrecheux a reçu la consécra¬ 
tion des pouvoirs publics après avoir mérité celle des artistes et de la 
population wallonne. 

— On a inauguré, au début de juin, le culte officiel de sainte Eve, 
recluse de l’église, aujourd’hui basilique de St-Martin, en cette ville. Ce 
culte se rattache à celui du Saint-Sacrement; la dévotion de l’Eucharistie 
fut du reste avant tout propagée par des religieuses liégeoises : Julienne, 
de Retinne; Eve, de Liège; Isabelle, de Huy. C’est sainte Julienne qui eut 
l’idée de la Fête-Dieu, et qui prit l’initiative d’en réclamer l’institution. Son 
amie Eve, à qui la mystique religieuse de Cornillon avait confié ses projets, 
parait avoir pris la plus grande part des efforts en quelque sorte matériels 
pour les faire aboutir. On voit Jacques de Troyes, ancien archidiacre 
à Liège, quand il ordonne la célébration de la Fête-Dieu dans toute la 
Chrétienté, informer à la fois de sa décision, d’une part l’évêque de Liège, 
d’autre part une recluse qui paraît bien être Eve de St-Martin. 

La vie de sainte Eve est encore pleine d’obscurités. Mais sa qualité de 
Liégeoise ne paraît pouvoir faire de doute. Elle avait écrit, vers 1620, des 
mémoires en langue vulgaire — en wallon — auxquels a puisé le plus 
ancien biographe de sainte Julienne, ainsi qu’on le voit aux Acta sanc- 
torum , 1 er vol. d’avril. A ce titre, sainte Eve est en date, comme l’a dit 
M. Joseph Demarteau, la « première auteur wallonne » (*). L’historien 

(1) Jos. Demarteau. La Bienheureuse Eve de St-Martin, la première auteur 
wallonne. Notes d'Histoire brochure in*8°. (Liège, Demarteau, 1896. Prix 1 fr.) Cet 
ouvrage, écrit en faveur de la canonisation de la bienheureuse, rend compte des 
sources, et en fait une critique ingénieuse. Depuis lors, M. Josekp, curé-doyen de 
St-Martin, a publié, en guise de livret de pèlerinage, un opuscuD intitulé : Vie de 
sainte Eve , recluse de St-Martin à Liège. (Liège, Demarteau, 1908 Prix 0-75.) La 
préface, p. xiv-xv, signale également les sources. 


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Fisen, en 1628, constatait encore l’existence, à la maison de Cornillon, du 
texte précieux de ces mémoires, aujourd’hui perdus. 

La fête de sainte Eve, célébrée pour la première fois par de nombreux 
pèlerinages paroissiaux et une grande procession diocésaine, a été fixée par 
l’autorité ronnine au 18 juin de chaque année. 

— L’Exposition de Liège en 1905 s’annonce sous les plus heureux 
auspices. Il est inutile que nous parlions en long et en large et périodique¬ 
ment de cette vaste entreprise dont s’occupe régulièrement la grande presse. 
Mais nous ne pouvons passer sous silence la récente visite ministérielle aux 
travaux de l’Exposition. On y a fait de beaux discours. M. Digneffe, 
président du Comité exécutif, a retracé les difficultés que « La ténacité wal¬ 
lonne » est déjà parvenue à vaincre en grande partie. « Tous les Liégeois, 
a-t-il dit, sont unis aujourd’hui dans une pensée commune. Le sentiment 
national fera le succès de l’Exposition. » Il s’est plu aussi à constater la 
bienveillance du Gouvernement, étant donné que, depuis une vingtaine 
d’années, la Wallonie n’a pas précisément été comblée de faveurs par le 
pouvoir central. 

Puisqu’on a parlé du scepticisme que les organisateurs rencontrèrent 
sur leur chemin, le moment n’était-il pas bien choisi, pour les actuels et 
d’ailleurs très méritants apôtres officiels et créateurs de notre World’s fair, 
de rappeler qu’ils furent eux-mêmes parmi les sceptiques de la première 
heure, et que l’initiale propagande fut celle que firent, contre toutes les 
résistances, contre tous les sourires, les pères de l’idée. MM. Dumoulin et 
Pholien, dont on a regrettablement oublié de citer les noms? 

— La Ligue wallonne de Liège a naguère ouvert un concours poétique 
et musical pour la création d’un « Chant des wallons ». Le poème qui sortit de 
ce concours est dû à M. Théophile Bovy ; comme toute chose humaine, il a 
ses défauts et ses qualités. Quant à la musique, due au Liégeois Louis-H. 
Hillier, elle est vraiment bien venue : à la fois nerveuse et pleine d’élans, 
elle convient à la foule et a été bien accueillie. L’auteur en a tiré une 
Marche wallonne qui fait grand effet. On l’a jouée aux concerts du Parc 
d’Avroy, et l’on tend à introduire la chanson dans les fêtes wallonnes. 

Cela est très bien et nous applaudissons au succès de MM. Bovy et 
Hillier. Seulement, nous nous demandons si le besoin d’un Chant des 
wallons nouveau et officiel se faisait vraiment bien sentir. Il est très difficile 
de créer des traditions. Mais nous avons le « Valeureux Liégeois » qui 
persiste et qui a raison. 

— On a prétendu que l’industrie des armes périclitait à Liège. Le pré¬ 
sident de l'« Union des Fabricants d’armes» a récemment communiqué une 
statistique d'où il résulte qu’il n’en est rien. Les renseignements sont pro¬ 
bants à cet égard. Ils portent sur la production, en 1897 et 1092, à Liège, 
Birmingham et Saint-Etienne, c’est-à-dire pour les trois principaux centres 
concurrents de la fabrication des armes. Voici les chiffres, relatifs aux 
armes éprouvées en les trois villes : 


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En 1897: Birmingham, 402,115; — Saint-Etienne, 60,062 ; — Liège, 
1,712,800. 

En 1902 : Birmingham, 376,788 (soit une diminution de 25,327 armes 
éprouvées) ; — Saint-Etienne, 98,488 (soit une augmentation de 38,426) ; — 
et Liège, 2,117,767 (soit une augmentation de 404,967, pendant la même 
période). (Petit Bleu.) 

N IVELLES. — Le brave Djexn-Djean % dont l’histoire et la légende occu¬ 
pèrent il y a quelques années les pages de Wallonia, est enfin sorti de 
l'inaction persistante qui désolait les bons Aclols. Après l’avoir « retapé » 
— non toutefois sans modifier malencontreusement sa casaque dé cuivre — 
on lui a fait reprendre ses antiques fonctions de batteur de cloche. Il s’est 
remis à l’œuvre, et ce fut, pour les Nivellois un événement sensationnel. 
Aussi, la veille de sa réinauguration, attendue depuis 1859 {! ), les Sociétés 
nivelloise8 ont organisé une retraite aux flambeaux. Jean de Nivelles s’est 
promené par les rues de sa bonne ville, acclamé comme un souverain, en 
compagnie des géants nationaux, le brave Largayon, sa sémillante épouse 
Largayone et leur bouillant rejeton Lolô, qui, depuis onze ans, n’avaient 
plus quitté les greniers de l’hôtel-de-ville ! 

Le motif qui détermina l’édilité locale à remettre en branle le légendaire 
jaquemart, était la visite imminente du prince Albert en la jolie ville bra¬ 
bançonne à l’occasion de l’inauguration, le 21 juin, du monument élevé à la 
mémoire du chirurgien Seutin. 

Ce monument, dû au sculpteur hennuyer Jean Herain, se compose 
d’une stèle surmontée du buste de Seutin, et au pied de laquelle est assise 
une femme personnifiant la Science. 

Ici se placent utilement quelques notes sur la vie et l’œuvre de cet 
illustre enfant de Nivelles. 

Louis-Joseph Seutin naquit à Nivelles le 19 octobre 1793, d’une famille 
de modestes cultivateurs. Il manifesta dès l’enfance un penchant très pro¬ 
noncé pour la médecine : tout jeune, il fréquentait en effet le cabinet d’un 
médecin nivellois, dont le souvenir n’est pas perdu. S’ôtant fixé à Bruxelles 
chez sa sœur aînée, il put suivre les cours de l’école secondaire de médecine 
établie en cette ville. Travailleur infatigable, il parvint bientôt, à la suite 
d’un concours, à se faire admettre comme interne. Le succès de ses études 
fut rapide. A dix-huit ans, il se trouva cependant dans l’alternative de 
devoir les abandonner pour faire son service militaire ou de solliciter une 
place d’ofllcier de santé dans l’armée impériale. Il obtint un ajournement 
d’un an, et parvint alors à conquérir, à Paris, le grade de chirurgien- 
major. 

Il exerça ses fonctions sous la direction de l’illustre chirurgien Larrey, 
qui remarqua son intelligence professionnelle et son dévouement pendant 
les journées d’octobre 1813, sa belle conduite sur les champs de bataille de 
Leipzig et de Dresde. 

En 1815, il fut des premiers à répondre à l’appel du roi Guillaume, qui 
le plaça à la tête du service de santé de l’armée hollando-belge. Il était alors 
âgé de vingt-deux ans. 


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La paix enfin rétablie, Seutin reprit ses études, fut reçu en 1810 
docteur en médecine à Leyde, et en 1820, docteur en chirurgie et accouche¬ 
ments à FUniversité de Liège. 

Il s’établit alors à Bruxelles. En 1822, il fonda la «Société des Sciences 
médicales et naturelles», 1 ^ laquelle il présenta successivement quatre 
mémoires sensationnels. 

Nommé, le 1 er avril 1823, chirurgien en chef à l’Hôpital Saint-Pierre, 
il fut l’année suivante chargé du cours de médecine opératoire à l'Ecole de 
médecine. Son enseignement d’un caractère essentiellement pratique, sa 
réforme des conditions hygiéniques, son attention constante à observer le 
détail des opérations et de leurs suites, enfin sa réorganisation de l’établis¬ 
sement ont été louées par le docteur Thiry, qui rappelle que bien des pré¬ 
cautions imposées par Seutin et jugées alors futiles, sont aujourd’hui 
d’usage courant dans la pratique de la médecine opératoire, et considérées 
comme des mesures de préservation indispensables, ainsi que les jugeait 
déjà leur inventeur lui-même. 

Eii septembre 1830, dès le début de la Révolution, Seutin, qui venait 
de se marier, n’hésita pas à offrir spontanément ses services au Gouverne¬ 
ment provisoire, qui lui confia l’organisation du service sanitaire de la 
nouvelle armée belge, en le nommant médecin en chef. Il suivit l’armée à 
Berchem, à Hasselt, à Louvain, s’acquittant de sa tâche avec un dévouement 
admirable. On le retrouve plus tard au siège d’Anvers. Sa belle conduite 
patriotique et les immenses services qu’il rendit avec dévouement dans 
l’exercice de ses fonctions lui valurent le titre héréditaire de baron, conféré 
par le roi Léopold. 

Seutin avait prouvé au siège d’Anvers que non seulement il était habile 
opérateur, mais qu’il savait, suivant les circonstances, modifier ses procédés 
et franchir même les limites de la science. Quelques opérations nouvelles 
qu’il pratiqua, telles que la résection fémorale, l’extraction du péroné, la 
résection souspériostée de l’humérus et d’autres encore lui ouvrirent la voie 
de la chirurgie consti'vatrice , qu’il ne cessa de défendre depuis lors, et dont 
il fut le promoteur. «L’art de rendre les opérations inutiles, écrivait-il dès 
cette époque, doit précéder l’art de les bien faire ». 

En 1834, année de sa fondation, l’Université de Bruxelles appela Seutin 
à la chaire de clinique chirurgicale et de médecine opératoire. Dès cette 
année, l’hôpital Saint-Pierre devient un centre de travail où tous, maître et 
élèves, rivalisent d’activité. C’est l’époque la plus brillante de la vie de 
Seutin. Il n’est plus seulement praticien ; il est le professeur qui fonde un 
enseignement clinique; il est le novateur qui créera la chirurgie physiolo¬ 
gique pour aboutir à la thérapeutique chirurgicale, malgré l’opposition de 
nombreux chirurgiens beiges et français. 

C’est à cette époque de sa vie qu’il inventa le bandage amidonné et la 
méthode amovo-inamovible qui souleva tant de discussions, mais qui finit 
par triompher. En 1849, il publia pour la défendre, un Traité qui eut un 
succès universel, cependant qu’en son pays et en France, on contestait 
encore les idées de Seutin et l’on allait jusqu’à nier ses cures. Le chirurgien 


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lutta avec vigueur contre la routine par la voie des journaux et des revues. 
Pour donner un coup décisif à ses adversaires, il porta sa défense, en 1844, 
devant l'Académie. Alors qu’il croyait la bataille gagnée, il se buta à une 
nouvelle campagne de confrères intéressés qui, ne pouvant plus le combattre, 
firent le silence sur son invention et s’interdirojrt d’employer sa méthode. 

Convaincu que la démonstration expérimentale forcerait les obstruc¬ 
tionnistes à capituler, Seutin résolut d’en appeler à ses confrères de 
l’étranger. Il se mit en route et visita successivement Berlin, Ternow, 
Breslau, Cracovie, Saint-Pétersbourg. Partout reçu avec déférence, il 
reproduisit infatigablement ses démonstrations dans ces villes, puis à 
Moscou, aux avant-postes russes du Caucase, à Odessa, Sébastopol, 
Constantinople, Malte, Naples, Rome, Florence, Turin et Lyon. De retour 
à Bruxelles, le corps médical belge lui offrit un banquet et lui remit une 
médaille commémorative portant d’un côté son effigie et de l’autre l’ins¬ 
cription suivante : « A l’auteur de la méthode amovo-inamovible, la 
Médecine et l’Humanité. » 

Après tant de luttes, Seutin aurait certes eu le droit de se reposer. Il 
reprit néanmoins ses voyages, en Espagne, en Portugal, au Maroc et en 
Algérie, où il recommença ses démonstrations. 

Rentré à Bruxelles, il couronna sa carrière par une discussion 
solennelle à l’Académie de médecine, sur la Chirurgie conservatrice dont il 
était le père. 

Elu entretemps sénateur, il réclama l’assainissement des habitations 
des pauvres, la réorganisation des bureaux de bienfaisance, la multiplication 
des hôpitaux communaux et d’autres mesures philanthropiques, inspirées 
par la science et la charité. 

Le 5 janvier 1862, une réunion de médecins lui remit, à l’occasion de sa 
promotion au grade de commandeur de l’Ordre de Léopold, un groupe sur 
le socle duquel était gravée cette inscription : « Au persévérant défenseur 
de la dignité professionnelle, le baron Seutin, ses confrères belges recon¬ 
naissants ». 

Ce fut sa dernière joie : le 29 janvier de la même année, il succombait 
à une hypertrophie du cœur compliquée d’un érysipèle gangréneux. 

En mourant, Seutin n’oublia pas sa ville natale. Parmi les diverses 
donations qu’il fit à des hospices, à des caisses de prévoyances, à des 
bureaux de bienfaisance, à des écoles, etc., il en attribua de notables aux 
institutions nivelloises; il fonda une bourse d’études médicales en faveur 
d’un nivellois. et légua six mille francs pour la réparation de la fontaine 
gothique de la Grand’place J 1 ). A. Claux. 

(1) Sur le baron Seutin, on consultera utilement, comme nous l’avons fait 
nous-même pour cette note, l’excellente Notice sur lu vie et les œuvres du baron 
Louis-Joseph Seutin par Jules Dumont. Itrocli. in-8 J de 18 p., Nivelles, J. Gauthier, 
édit. 1903. Prix : 0-10 — Cf. aussi Thiry dans Bull, de C Acad. royale de Médecine 
de Belgique , t. XII, 3* série, n* 3. 


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Théodore Baron 


ville de Namur vient d’inaugurer la statue du 
paysagiste Théodore Baron. Gela a eu lieu le 
12 juillet et nous n’avons pas voulu laisser passer 
cet événement sans saluer ce grand mort : Théodore 
Baron, le peintre de la Meuse . 

Car c’est ainsi qu’il nous apparaît. S’il peignit 
tout d’abord certain coin de Flandre, si quelques- 
unes de ses interprétations de la Campine sont de purs chef-d’œuvre, 
si meme il nous révéla quelques aspects puissants.de la mer, il semble 
indéniable que notre beau fleuve mélancolique ait été la grande 
passion de sa vie d’art. 

Il reçut le coup de foudre quand il alla passer quelques semaines 
dans la monacale gentilhommière de Burnot, sise au bord du ruis¬ 
seau de ce nom, qui court, rit, chante, sautille et cascade entre les 
herbes, sur un lit de cailloux, passe dessus les roues verdâtres des 
moulins pour se jeter en Meuse à Rivière. Camille Lemonnier, au 
sortir d’une prime jeunesse ardente, réalisait là son rêve de vie libre 
et sauvage et, dans le recueillement de la solitude, dans le charme 
et la vigueur d’une existence rurale et forestière, préparait son âme 
aux œuvres fortes. Je crois bien que c’est là que se fit l’incubation 
du Mâle , ce livre d’une si belle exaltation de la nature. 

Baron ressentit aussitôt des impressions profondes devant les 
paysages grandioses des bords de la Meuse. On eût dit qu’un ata¬ 
visme lointain venait de s’éveiller en lui pour emplir son cœur 
d’un chant d'une gravité liturgique. 

Car l'art de Baron a de l’austérité dans sa grandeur; ses paysages 
sont des psaumes ou il est parlé du principe même des choses et de 
l’éternité. L'eau, les cieux, les rochers, la forêt ont, sous son pin¬ 
ceau, la solennité des témoins dé la genèse. Ils savent des secrets si 
extraordinaires et si profonds que le poème des saisons passe sur eux 
sans y laisser de sa joie et de ses ivresses. L’homme n’y figure 



T. XI, nos 8-g. 


Août-Septembre 1003. 


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WALLONIÀ 


point, car il serait écrasé par la présence invisible du dieu farouche 
et créateur des premiers âges. 

La puissance primordiale qui, au temps où le monde était en 
formation, creusa de larges ou de profondes vallées, entassa Tune 
sur l’autre des montagnes, érigea des rochers à pic et déchaîna les 
masses d’eau, fut, pour le peintre, l’objet d’un culte incessant; c’est 
ainsi qu’il apporta un « frisson nouveau » dans l’art du paysage. 

L’auteur du Mâle fait, de l’artiste, ce portrait sobre et nerveux: 

€ Baron, tout le temps de notre compagnonnage au cœur du pays 
» de Meuse, me fut un spectacle pathétique Son masque ridé, caus- 
y> tique et rude, avec la mobilité pointue des petites prunelles, domina 
» la contrée. Il me révéla un des caractères de peintre les plus valeu- 
» reux et les mieux trempés que j’aie connus. Son art était austère, 
» religieux, héroïque; il participait de l’action et du geste plutôt que 
» du songe. 

» Les grandes roches volcaniques, les cimes acrocérauniennes 
» l’opprimaient, le redressaient ensuite. Il séjourna anx convulsions 
» du cosmos; il vécut dans l’horreur primordiale. Sa peinture eut des 
» accents larges et imprévus pour s’égaler au drame pétrifié des 
» glèbes. Je vis là combien il savait garder le calme à travers l’exal- 
» tation. Son âme était pleine d’élans qui se modéraient devant la 
» toile. Ses manœuvres lentes, précises, réfléchies, récusaient toute 
» apparence de virtuosité. Sa sincérité n’avait d’égale que sa volonté : 
» il n’éludait aucune difltculté, s’acharnait sur le ton, professait que 
» les valeurs étaient le secret de la bonne peinture. C’était le métier 
» ponctuel, robuste, loyal des beaux peintres de la race; une main 
» admirable savait estamper la pâte élastique et grasse, donnant 
» ainsi l’impression d’une matière poreuse, ductile, frémissante 
» comme le fruit et la chair. On peut dire de Baron qu’à l’exemple 
» des plus grands, il ne fit rien qui ne fût l’état exact de sa cons- 
» cience. » 

Tel était l’homme qui devait traduireen œuvres hautaines, d’une 
beauté sévère et recueillie, d'une intimité religieuse, l’émotion de 
notre contrée patriale, l'âme du fleuve et des rivières de Wallonie. 

Les études et les esquisses de son atelier, qui ont été dis¬ 
persées au vent des enchères, exprimaient les tendresses de Baron 
pour notre sol wallon et l'ineflable poésie de nos vallées; c’est là, 
bien plus encore qu'en ses tableaux, qu'il nous révélait ses a mou i^. 
La mélancolie des collines noyées par les brumes, l’accord gris de 
perle du ciel et des eaux, les tons d’ardoise mouillée, les verts 
sombres et humides qui inondent toute une gorge, la masse fantas¬ 
tique d’une roche nimbée de légendes, le dessin nerveux de cette 


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roche formée comme d'une série de laves superposées, desséchées et 
qui s’effritent, les feuillages rouillés de novembre, les collines pati- 
nées d’automne se mirant dans l’eau, un tournant de fleuve, les 
frimas de l'hiver au flanc d'un vallon, sur un bouquet d’arbres, le 
dernier éclat, jaune un peu rosé, du soleil sur la campagne couverte 
de neige. Il nous montre, à côté de la grandeur majestueuse de la 
Meuse, le mystère encore inviolé de la Lesse et de la Mol ignée, au 
temps où ces rivières coulaient sous des dômes de verdure, entre de 
hautes collines encore vierges ; le Hoyoux bouillonnant en de folles 
cascatelles ; la Méhaigne ; tous les affluents charmants dont nous 
avons subi l’enchantement et qui ont profondément marqué sur nos 
âmes. 

Mais si le rêve et l’émotion de l’artiste sont troublants, il ne se 
laisse toutefois point égarer par eux. Rien n’est improvisé, rien n’est 
abandonné au hasard, toute expression chez Baron résulte d’une 
volonté consciente. C’est un réaliste dans toute la force du terme, sur 
qui la fantaisie n’a pas eu de prise. La vision fut chez lui d’une 
netteté remarquable, il avait une égale sûreté de main. L’exécution 
même dans des toiles secondaires et de mérite inférieur fut toujours 
d’un maître. Aussi occupe-t-il une place importante dans notre Art. 

Nous l’aimions avant tout pour le peintre qu’il fut, mais il nous 
est cher encore parce qu’il peignit avec ferveur notre beau pays de 
Meuse et paire que l'idéal qu’il exprima, c'est un coin de l’àme de 
notre race. 

Namur vient de le glorifier. Sa statue, œuvre du sculpteur 
M. Charles Vander Stappen, se dresse au bord du fleuve qu’il aima 
tant, sous la silhouette pittoresque si martiale de la vieille citadelle. 

La palette et les brosses à la main, Baron est en arrêt devant 
le paysage, son œil d'ordinaire mélancolique et doux s’aiguise, Tins- 
pi ration l'a saisi. Toute son àme attentive, un peu anxieuse, palpite 
sur son visage. Le dieu va s’exprimer par sa main... 

Maurice DES OMBIAUX. 



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L’Exposition de Dinanderies 


Je fus ces jours derniers visiter l’expo4tion de dinanderies. 

Ma joie fut grande de suivre la vallée heureuse du bon pays 
mosan, cette vallée de rêves, dont Henri Blés et Joachim Patenir, ces 
peintres-poètes, en fils ingénus et charmés, exaltèrent la radieuse 
féerie. 

Dinant, le vieux Dinant des artistes, a presque complètement 
disparu ; ce qu ? il en reste a été restauré, — non : rafistole — de la 
façon la plus lamentable. 

Les vieilles murailles, les coins vétustes et savoureux sont pres- 
qu’introuvables. L 'ancienne maison mosane avenante et modeste, est 
balayée pour faire place à des villas-châLeaux-forts encombrantes et 
grotesques. 

Mais l’énorme rocher, la citadelle et la vieille église nous con¬ 
solent... Ici la Meuse est si limpide, le cadre si beau ! 

L’église Notre-Dame a peu de développement, serrée qu’elle est 
entre le fleuve et la montagne, à laquelle elle semble presque soudée. 

On la restaure à l’extérieur, donc on la gâte. I/intérieur a été 
respecté, et il est admirable. L’église est restreinte, mais le style et la 
proportion des formes sont dignes d’une cathédrale. 

Tout est rude ici. La pierre est partout apparente, les portes sont 
en lourds madriers. Presque pas d’ornements. 

Le chœur qui s’écrase contre la roche en anse de panier, en 
acquiert une grâce imprévue, et son élégance est accentuée par un 
rang de frêles colonnes qui s'érigent dans son pourtour ajouré, et 
contrastent avec les énormes piliers qui soutiennent la tour. 

En sortant par le portail latéral on remarque quelques pierres 
sculptées, délicates ainsi que des orfèvreries. 


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Après avoir franchi une vieille porter// siufj recouverte (rime 
sauce romantique, on pénètre dans les locaux de l'exposition, Celle-ci 
est très touffue et l’art des vieux dinandiers s’y étale dans toute sa 
richesse. 

Cet art si original a deux faces très distinctes : l’art de la fonte et 
celui de la batterie. 

Les fondeurs ici ont atteint la perfection. Les mortiers, nombre 
d’ustensiles, les canons, les cloches ; un admirable vantail de porte, 
avec au centre un masque d'animal fantastique, et aussi une belle 
statue de la seconde femme de Charles-le-Téméraire, d'un grand style 
et d’une observation toute intime, témoignent delà science de ces 
fondeurs-artistes. 

Mais c'est surtout dans la batterie que ces ouvriers d’art 
acquièrent une perfection sans rivale. 

Ici tout concourt à un résultat merveilleux; le cerveau et la 
main sont étroitement unis, et l’exécution sous ces doigts experts 
conserve, je ne sais quoi de spontané, même dans les choses les plus 
achevées. Tout est souple sans maigreur ni lourdeur, le métal 
dompté est manié ainsi qu’une cire molle. 

Dans la première période, celle qui va jusqu’au déclin de l’art 
gothique, l’exécution estserrée, minutieuse, quoique large; l’influence 
scholastique s’y révèle fortement. A cette période appartiennent les 
beaux lutrins étranges et variés, aux aigles farouches et inquiétants, 
véritables bêtes de l'Apocalypse. C’est aussi l’époque des belles portes 
massives et des tabernacles élancés telles des flèches de cathédrale. 

Parmi ces œuvres, celle qui s’impose au-dessus de toutes, parla 
simplicité de la ligne, l’exécution à la fois audacieuse eCconcise, le 
grand style et un sentiment si pur, est la cuve baptismale de Saint- 
Barthélemy à Liège. 

Un rien de recul et la vision prend la sérénité d’une belle œuvre 
antique. 

Mais les mauvais jours allaient s’abattre sur la ville, etDinant, 
au milieu de ses rêves de gloire et de son travail, allait être livrée 
à toutes les horreurs de la guerre et de la conquête. 

La ville fut réduite en cendres et l’essaim si laborieux, si épris 
d’idéal et de liberté, fut dispersé. 

Ceux qui échappèrent au désastre quittèrent, la mort dans l’âme, 
ces lieux où tant de générations avaient vécu leurs rêves, et qu’elles 
avaient ennoblis. 

Beaucoup passèrent à l’étranger et allèrent fonder des écoles 
fameuses dans la suite. 


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Les autres enracinés au sol timidement revinrent rebâtir leurs 
pauvres loyers. 

La fortune devait bientôt renaître pour ces laborieux, et les pro¬ 
ductions nouvelles se ressentir des jours heureux. 

Les belles œuvres do la Renaissance, les grands lampadaires, 
tels ceux d’Anvers et de Garni, les plats ouvrés, les belles aiguières, 
les opulentes clôtures, entre auîres celle qui se trouve au pied de 
l'escalier (un chef-d’œuvre), toutes pièces travaillées selon les grands 
principes, sont des œuvres vraiment opulentes. Cet art devient pres- 
qu’épique et conserve une belle largeur jusque dans les moindres 
détails. 

Au dix-huitième siècle, la décadence commence; et vers l'époque 
de Louis XVI, elle est complète. Le fondeur, le batteur et le ciseleur, 
voire le sculpteur s'y confondent et eu arrivent à produire le petit 
bronze au cachet déjà commercial. — La dinanderie n'existe plus. 

De bons esprits ont espéré restaurer cet art si intéressant, source 
de succès et de richesse. La tâche est ardue. Le siècle dernier n’a 
produit que quelques bons ouvriers sans plus. La tradition me semble 
perdue et les essais que j’ai vus, quelque louables qu’ils soient, 
paraissent me donner raison. 

L’artiste et l’artisan ont été trop longtemps dissociés, et sont 
devenus incomplets tous deux. Ils ne me semblent plus avoir la con¬ 
ception saine des choses, â ce point que bien des essais qui se trouvent 
à l’exposition relèvent plutôt du domaine de la ciselure pure. 

D’un autre côté, ou reprendre la tradition ? Les temps ont 
marché, il y a eu un siècle de sommeil et pasticher devient dange¬ 
reux. 

Loin de moi l’idée de vouloir décourager un tel effort, on doit y 
applaudir de tout cœur el souhaiter qu’une sage compréhension nous 
restitue un art qui honora si hautement notre bonne terre à tous, la 
terre Wallonne. 

Joseph RTJLOT. 



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Le Folklore de la Wallonie Prussienne 


Une après-midi de dimanche à Malmédy 



l est midi et demi. Les derniers échos du concert 
matinal donné tous les dimanches d’été sur la place 
de St-Oéréon, vont se perdre dans la voûte épaisse 
des vieux tilleuls qui ombragent cet ancien cime¬ 
tière ; et déjà les dames en toilette claire, paradant 
une dernière fois devant les groupes de consomma¬ 
teurs assis autour du kiosque, se hâtent d’aller pré¬ 
parer pour le dîner les plats du dimanche. 

Bientôt les buveurs eux-mêmes se décident à se retirer et la 
place est déserte. Ainsi en sera-t-il bientôt de la ville tout entière. 
Pendant deux ou trois heures le soleil pourra darder ses rayons sur 


les rues silencieuses. 

Le Malmédien après avoir fait honneur consciencieusement à 
son dîner, entendra faire une digestion en règle : le voilà qui 
s’étend en manches de chemise sur un fauteuil, déplie son journal 
et, somnolent, parcourt les faits divers que bientôt, il va revivre dans 
le pays des songes... 

Vers les quatre heures, quand il croit bien avoir réduit à leur 
plus fort minimum les chances d’insolation, il se dégourdit, prend 
une tasse de café qui achève de le réveiller et, se souvenant qu’il 
n’est pas bon que l'homme soit seul, il rassemble sa famille, ou va 
chercher sa mie ou encore ses amis, suivant qu’il compte vingt, 
vingt-cinq ou trente ans, et, avec eux, s’eu va faire sa promenade 
stéréotypée par Bèrercê vers le Pouhon des Cuves . Ou bien, 
laissant à sa gauche ce ravin, il s’enfonce un peu plus avant dans 
la romantique vallée de la Warche, vers les ruines de l’ancien 
manoir de Reinhardsiein , pour revenir, entre chien et loup, par 


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WALLONIA 


Mon Repos , où il se rafraîchit en la société joyeuse et bruyante de 
jeunes gens qui, des balcons du vieux restaurant, jettent aux échos 
des montagnes voisines les accords de leurs chants en chœur. 

Ou bien encore, ayant fait choix d'un autre itinéraire, il s’en va 
par la chaussée tout à fait « fashionable » de Gèromonl , le long des 
grands jardins de Mon Bijou , vers la Belle Vue , où, dans une salle 
jolie et spacieuse, 1 a musique de quelque régiment en exercice au 
camp d 'Elsenborn, donne un concert militaire contre un droit 
d’entrée de 50 pfennigs. 

Mais ces promenades et ces réunions ne sont généralement fré¬ 
quentées que par ce qu'on est convenu d'appeler « le beau monde ». 
L’ouvrier les évite. Il s’en va par des chaussées ou des chemins 
moins battus, vers Bemister, Burnenville , Floriheid ou Chôdes , 
selon qu’il habite le haut ou le bas de la ville. Et là, devant de petits 
cabarets de village, il goûte à sa manière le repos dominical en 
jouant soit aux quilles, soit aux jambons. 

Le jeu de quilles est trop connu pour qu’il soit besoin d’en 
donner ici une description détaillée. Nous dirons cependant qu’au 
village le quiller, le plus souvent en plein air, est moins long qu’en 
ville et que les boules, beaucoup plus grosses que celles employées 
en Allemagne, sont perforées de trous pour y loger les doigts. ( l ) 
Les règles du jeu ne sont pas bien savantes et l’ouvrier ignore 
encore ces jeux compliqués introduits en ville, naguère, par des 
fonctionnaires allemands. Ici, ou bien Ton joue une fois — un ram¬ 
peau — ou bien deux fois en redressant les quilles abattues la 
première fois, ou encore deux fois en ne les redressant pas. S'il y a 
des « mises », des enjeux, c'est celui qui abat le plus de bois qui 
les gagne, et si l’on joue une « tournée », c'est naturellement celui 
qui « fait » le moins qui paie les verres. Mais avant de lancer sa 
boule, que d’ordres on trouve à donner au « planteur » : Rinterre 
on pô V fotche!... halte!... c'est trop'!... là!... Lu dame j»us en èrt!... 
Ec'on pôc!... Bon!... Mets co V prumîre on po pus ’ à d ’ /où!... 
Là don!... Et enfin, ça y est. Le joueur, après avoir visé un moment, 
lance sur le quiller, d’un geste vigoureux, la boule qui ira troubler 
le silence profond du village de son grondement sourd, suivi immé¬ 
diatement, comme d'un crépitement musical, du bruit des quillas 
qui s'éparpillent en tombant sur la pierre... 

Le « jeu aux jambons » lu mahèdje às djambons , qui jouit tout 


(1) Il en est de même, nous dit-on, dans toute l'Ardenne et le pays de Liège. 
Voilà donc un menu détail par lequel le Malmédien se rattache à ses frères de 
langue 1 Les lecteurs belges de Wallonia doivent en avoir saisi bien d’autres à la 
lecture de nos articles. 


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autant que le jeu de quilles des faveurs des habitués des cabarets 
ruraux exige, autant que celui-ci, une bonne dose d'adresse et sur¬ 
tout un bras solide. Il consiste à abattre, à l'aide d’une barre en fer 
lancée d’une certaine distance, un des trois ou cinq jambons en bois 
attachés avec des cordes à autant de longs clous qui garnissent la 
poutre horizontale, d'environ trois mètres de long, que supportent 
deux pieux d’un mètre do haut solidement fixés dans le sol. Cette 
installation constitue lu mahèdje. 

Le «jeu aux jambons » se joue ordinairement pour une mise et 
chaque jambon est sensé valoir une certaine somme. Mais comme les 
premiers joueurs ont des chances sur ceux qui viennent après, c’est 
le sort qui décide de l’ordre dans lequel on jouera. A cet effet, les 
participants se mettent en rond, la face tournée vers l’intérieur du 
cercle, sauf un qui se tourne en sens inverse. Alors, désignant der¬ 
rière le dos de celui-ci l’un des joueurs, le caissier demande quel 
numéro d’ordre aura le désigné. Le classement est ainsi fixé par le 
hasard, et pour éviter toute erreur ou tricherie, les numéros d'ordre 
sont inscrits respectivement sur le soulier des joueurs. 

Ces préliminaires finis, le rude jeu commence et dure d’autant 
plus longtemps que les joueurs sont moins en veine ou moins habiles. 

Il semble qu’autrefois on jetait de vrais jambons, mais cela 
paraît avoir eu lieu d’une autre manière, peut être comme on jette 
encore de nos jours par-ci par-là une oie. Voici à ce sujet une note 
que nous détachons de la « Chronique de la Révolution au pays de 
Stavelot », que publie depuis quelques années YArmanac wallon dol 
Saméne , de Malmédy : 

« ...Après-midi la soldatesque s’est amusée à jeter trois jambons 
» au sabre, qu'ils ont ensuite cuits et mangés en buvant sans doute à 
» une longue durée de la république. » (*) 

Actuellement, quand quelque cafetier des environs de la ville 
annonce dans les feuilles locales qu’un tel dimanche on jettera chez 
lui de vrais jambons, on se garde bien de prendre au pied de la lettre 
cette annonce et l’on sait qu'à la mahreye ne pendront que de vul¬ 
gaires jambons de bois que les heureux gagnants échangeront à la fin 
de la partie contre les vrais. 

Par contre, quand, naguère encore, on avait lu dans les mêmes 
journaux : « Aujourd’hui, dimanche, on jettera un mouton chez 
N. N.., à X... Qui l’abat l’a. », lout le monde savait que c’était 
vraiment le mouton lui-même, égorgé, qui pendait par une patte de 
derrière à un pieu d’environ deux mètres de haut, et qu'on tâchait 
d’abattre en lui lançant de solides bâtons. 

(1) Armanac dol Saméne po Van i90i , p. 54. 


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WÀLLONIA 


C’était ordinairement vers les 5 heures, alors que les joueurs 
s’étaient fait la main en «jetant des jambons » pendant une couple 
d’heures, qu’on amenait la bête sur place. Alors commençaient 
entre les joueurs d’une part et le propriétaire de l'autre des discus¬ 
sions interminables pour déterminer la valeur de la bête qui n’était 
pas souvent de première qualité. Tout de même on finissait par 
s’entendre et après qu’on s’était cotisé pour payer au cabaretier le 
prix convenu, l’animal était saigné et le jeu pouvait commencer. 

Ici, de même que pour le jeu aux jambons, c’était le sort qui 
décidait de l’ordre du jeu, et le gagnant était celui qui abatait le 
mouton en lui cassant la patte de manière que l’extrémité restât 
pendue au pieu. Si, par exemple, il n’avait fait que casser la corde, 
le coup aurait été nul. 

De nombreuses tournées arrosaient la victoire et quand, bien 
avant dans la soirée, le vainqueur fièrement s’en revenait avec son 
butin, c’était bien souvent les poches vides. 

11 semble que cet us soit très ancien. Il se peut fort bien que, 
dans des temps plus reculés, U bête était attachée vivante, et que des 
hommes plus grossiers restaient indilïêrents devant les bêlements 
douloureux de ranimai ainsi martyrisé ( ! ). Il en aura été de ce jeu 
cruel comme des combats de coqs qui, il y a 30 ou 40 ans, attiraient 
encore la foule tous les dimanches d’été aux cabarets de nos villages. 

Henri BRA.GA.RD, 

Président du Club Wullon, Malmédy. 


(1) Le fait est d'autant plus probable qu’ailleurs on tuait, dans des jeux ana¬ 
logues, des oies, des coqs, e* bien d’autres animaux. Voir dans Wallonia les 
articles sur le Jeu de l'Animal décapité, notamment t. II, pp. 176 à 183. 



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Chronique Wallonne 


A propos des Fêtes nationales 

Le Gouvernement a constitué il y a quelque temps, à Bruxelles, 
une Commission chargée d’organiser les Fêtes nationales de 1905. 
Ces fêtes auront pour objet de célébrer le 75 e anniversaire de l'Indé¬ 
pendance de la Belgique. C’est donc tout le Pays qui sera alors en 
liesse. 

Ne serait-ce pas répondre au vœu des organisateurs que de leur 
demander de corser leur programme d’un numéro qui serait essen¬ 
tiellement national, en ce sens que toutes les parties du pays y par¬ 
ticiperaient directement ? 

Ce numéro serait un cortège des Traditions populaires. Notre 
pays aime les cortèges et celui-là ne serait pas difficile à organiser. 
Tous les éléments auxquels on peut songer à première vue existent 
déjà. Il n’y a qu’à les réunir. Les géants communaux se sont 
produits à différentes reprises. Ils auraient ici la place d’honneur. 
Mais il ne faudrait point qu’on les promène pour la simp e curiosité 
archéologique, un peu conventionnelle aux yeux du grand public. 
Leur valeur en quelque sorte éponyme est inséparable des exercices 
qu’on leur fait faire dans les cérémonies populaires locales. C’est 
dans son cadre de chinchins et de cavaliers qu’il faut voir le Doudou. 
Quant à Jean de Nivelles, qu’on a récemment descendu de sa tour et 
promené triomphalement en sa bonne ville, il ne pourrait évidem¬ 
ment circuler sans un orchestre qui jouerait, sans un chœur qui 
chanterait la gaie chanson de Djean-Djean... 

Mais les géants et autres personnages ne seraient pas le seul 
élément du cortège. Un certain nombre de sociétés populaires ont 
un caractère assez marqué et fourniraient un ensemble assez original, 
assez particulier à notre pays, pour avoir leur place dans un cortège 
national. Nous voulons parler de ces sociétés de mirlitophiles dont 
le type est la Royale Moncrabeau de Namur. Ce type a été imité de 
diverses manières dans différentes parties du pays mosan. Rien qu’à 
Liège, on connaît les sociétés des Faneuses, des Combattants de 1830, 
des Mitrons, etc.; à Seraing, les Houilleurs, et d’autres. Une curio¬ 
sité analogue est la société liégeoise des botresses « les Disciples de 
Baitrix », qui vient de remporter, au corso fleuri de St-Gilles- 
Bruxelles le 30 août, le prix d’honneur de groupe, une médaille 


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WALLONIA 


grand module, et le 1 er prix de direction. Ces botresses chantent et 
dansent, ce qui ajoute au pittoresque du spectacle. 

Le cortège des sociétés populaires wallonnes aurait son corres¬ 
pondant dans les Gildes, Serments et Chambres de rhétorique 
flamandes, que l’on a vues à Liège il y a quelques années et qui, par 
la splendeur des costumes, les joyaux de Rois, les étendards, les 
Fous, ont tout-à-fait séduit et charmé le public. 

Ce n’est pas tout. A l’un des derniers cortèges de Liège-Attrac¬ 
tions, l’un des groupes les plus remarqués lut celui de ces Ardennais 
en costume villageois du siècle dernier, qui dansaient avec une 
correction et un brio remarquables les vieilles danses du pays : li 
maclolte , li passe-pid , Vamoureuse , li novèlité , etc. Ceci est une 
indication dont on peut tirer plusieurs idées à développer. D’abord 
les vieux costumes populaires flamands et wallons pourraient être 
restitués par différents groupes, dansant les vieilles danses, jouant 
les rondes à baisers et les rondes de jeu. D’autres éléments traditionnels 
s’indiquent ici : la rorule-danse condruzienne, la danse-corante 
hesbignonne, la roraude verviétoise, le bran de Hesbaye, le crhmi - 
gnon liégeois. Le cortège de la Jeunesse, à la ducace ou dicâce est 
assez différent dans le Borinage et dans d'autres régions du pays 
pour donner lieu à plusieurs figurations. A elles seules les marches 
de l’Entre Sambre-et-Meuse fourniraient un défilé d’un kilomètre 
au moins... Dans le môme ordre d’idées, on ne peut oublier les types 
carnavalesques avec, en tète, les luxueux Gilles de Binche et leurs 
Paysans : le « marchand de cochons » de Liège; le scandaule bruxel¬ 
lois, le soiai , le sftvadje-cayet , le Boulanger , le Pêcheur , etc. 

Maints groupes des fêtes populaires pourraient également 
prendre place ici. Par exemple, le Durmenë , de Jemmapes; Bidodus, 
de Cour-sur-Heure; C Alton r' trouvé, du Borinage; le Jeu de l’Animal 
décapité, le majboom , la Fête des Louches de Commines, le Grand- 
Feu de Carême et de la St-Jean, le groupe des Trois Rois en Flandre 
et au Pays de Liège, le char du Coq de la Moisson en Hesbaye, la 
Pucelette de Wasmes, les Compagnons du tir de l’oiseau, le rôle ou 
pasquille d'Ardenne, la Reine de mai du pays Gaumet. Un groupe 
de saints facétieux : St-Lundi , St-Màcrawe , St-Pansau , St-Pout-Mà , 
Sl-Censes , St-Pan, etc., précéderai! le défilé des types populaires: 
Zabai, Bazoef, Marcatchou, Plubeau, etc. Et St-Nicolas, et le Juif- 
Errant, et leNuton, et le Kaboutermanneke, et le Berger-magicien, 
le vieux Sorcier avec son grimoire, le Guérisseur avec sa collection 
de simples, la Sorcière avec son balai, son chat noir et sa poule...On 
a montré dans certains cortèges à succès bien des choses plus 
inattendues que celles-là. 

Le théâtre populaire, les marionnettes liégeoises, montoises, 


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bruxelloises, sont plutôt dans le genre « exposition », ainsi que le 
cabaret populaire flamand, et le cabaret wallon avec ses « assauts 
de chant ». 

Au fait, pourquoi ne ferait-on pas, outre le Cortège de la tradi¬ 
tion populaire, une exposition du Folklore wallon et flamand, une 
Exposition d’Ethnographie populaire ? 

Si l’on voulait fouiller davantage l’idée d’associer les manifes¬ 
tations traditionnelles populaires aux fêtes nationales, si d’autre part 
on voulait faire grand, on pourrait tirer parti, avec les développe¬ 
ments qu’elle comporte, de l’œuvre si intéressante entreprise par 
MM. de Bruyn et Max Elskamp. Il en résulterait une manifestation 
de valeur ethnique et d’une importance attractive tout-à-fait particu¬ 
lière. La petite et charmante Exposition de folklore qui s’ouvrit il 
y a quelques mois au Palais de Justice de Bruxelles constitue dans 
ce sens une indication précieuse. Mais, pour le gros public, auquel 
ces intelligents collectionneurs n’ont pas eu, en cette circonstance, 
l’intention de s’adresser, une exposition de folklore devrait nécessai¬ 
rement être développée, éclairée et « encadrée ». 

Le folklore donne en bien des points la clé de la vie morale du 
peuple. Mais le folklore s’étend très loin. 

Il serait facile de réaliser une galerie de poupées représentant 
les types populaires et légendaires dont nous avons signalé les plus 
connus, une galerie du costume traditionnel, une série de spectacles 
populaires : on a vu plus haut quelle variété tout cela nous offre. 

Dans des vitrines on étalerait les jouets traditionnels que l’enfant 
construit lui-même ou que les modestes artisans de village cons¬ 
truisent pour lui. On verrait encore les mille et un remèdes de la 
médecine traditionnelle : le marron et la peau d’anguille qui gué¬ 
rissent le rhumatisme, l’eau de St-Jean pour les yeux, les clous de 
cercueil contre le mal de dents, les paquets contre la fièvre-lente, 
li r'mède di sept sôrls, etc., etc. Tout à côté, la nombreuse série des 
amulettes aurait une place d'honneur. Ailleurs, on verrait les 
innombrables spécimens de l’imagerie populaire. Plus loin, les 
petits livres de colportage qu on lit à la veillée ; tout près, le tas 
énorme des ouvrages wallons destinés au théâtre villageois. Les jeux 
d’enfants pourraient figurer tout au moins dans les séries de photo¬ 
graphies ou de croquis (‘). En nature on montrerait encore les déli- 

(l) Inutile de signaler à nos compatriotes flamands le magistral ouvrage de 
MM. de Cock et Is. Teirlinck que publie la « Koninkl. Vlaamsche Académie » : 
Kinderspel en Kinderlust , dont 2 vol. ont paru et qui donne la description com¬ 
plète et illustrée des innombrables jeux d’enfants de la Sud-Neerlande tc’est-à-dire 
le pays flamand belge). C’est le résultat méthodique de l’enquête la plus complète 
qui ait encore été faite sur les jeux d’enfants. 


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cieuses pâtisseries et les bonbons qui ornent la table du paysan et de 
l’ouvrier, et qui flattent le goût des grands et des petits enfants : la 
dorêye , la bouquète et les N, de Liège; la couque de Dinant, le maca¬ 
ron de Beaumont, le cramique de Bruxelles, le cougnoii de Verriers 
et celui du Coudrez (ce n’est pas le même !), la cougnole du Hainaut, 
la tarte al djote , de Nivelles, etc., etc. 

Ce sont là les éléments d’une exposition d’ethnographie auxquels 
on pensera tout d’abord, après l’excellent essai réussi par MM. de 
Bruyn et Max Elskamp. Mais on songera aussi à bien d’autres 
choses, à l’architecture, au mobilier, aux vieux métiers, à l’industrie 
populaire elle-même. Et l’on rêvera de tirer de tous ces éléments 
quelque chose d’analogue à ce que l’on a vu à la curieuse exposition 
ethnographique nationale du I) r Pitre, à Palerme, et surtout à la 
célèbre exposition de Prague, dont le D r Zibrt a rendu compte dans 
plusieurs volumes de Cesky lid et qui a tant fait pour le réveil de 
l’esprit national tchèque. 

Il serait tout-à-fait neuf de présenter la plupart de nos documents 
ethnographiques, non par des plans ou des photographies, non par 
des séries d’objets en nature, bien classés et dûment étiquetés, non 
dans des vitrines et des salles d’exposition — mais à leur place dans 
le milieu même de la vie rurale et populaire. Avec les moyens dont 
dispose la grande Commission des Fêtes nationales, il n’y a rien 
d’impossible... 

Il ne s’agirait donc pas de faire quelque chose comme ces vieux 
quartiers d’Exposition universelle, composés de maisons mortes, 
toutes en façades, devant lesquelles le gros public défile avec plus ou 
moins de rapidité, s’acheminant vers quelque guinguette où le bock 
se paie seulement un peu plus cher qu’en ville. 

Ce que nous voudrions voir, c’est un village vivant , ou plutôt 
deux villages, l’un flamand, l’autre wallon, ou mieux encore, des 
séries de maisons, les unes rapprochées quand cela se justifierait, les 
autres dispersées, chacune donnant le type d’architecture rurale ou 
bourgeoise particulier à telle ou telle contrée du pays. Je suppose 
que la maison rurale flamande a ses types régionaux comme la 
maison wallonne. Voici que précisément les protecteurs des sites 
(notamment ceux de la province de Narnur) et les architectes patriotes 
les plus avisés (voir notamment le deuxième numéro de la revue le 
Cottage) s’intéressent vivement à ces types de construction autoch¬ 
tone, qui s’harmonisent si bien avec le site, et qu’on oppose si raison¬ 
nablement aux villas rococos dont l’invasion déshonore les rives 
de la Meuse. 

Les types dout il s'agit seraient représentés ici par des maisons 


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habitées, meublées et ouvertes au public. On y verrait la dentellière 
de Bruges, la tresseuse de paille de.Roclenge, l’armurier de Liège 
(voir le décor du 1 er acte de Jean Michel ), le sabotier d’Ardennes, 
le tisserand de la Vesdre, le vannier campinois, etc. Il y aurait aussi 
des négociants, j’entends, de petits débitants. Les curiosités gastro¬ 
nomiques flamandes et wallonnes y seraient préparées et vendues. 
L’imagerie populaire, les menus produits des industries locales y 
seraient débités par d’accortes paysannes qui parleraient wallon ou 
flamand, et à qui pareil négoce ne déplairait pas plus que la pratique 
de la danse du ventre ne gêna les Montmartroises de contrebande. 
On verrait circuler certains marchands ambulants aux marchandises 
pittoresques, et, dans les coins, à côté de l'échoppe du barbier ou du 
savetier, travailleraient rétameur ambulant, le « mignon» ardennais, 
le retapeur de parapluies, le rémouleur et d’autres. Ces ouvriers 
existent, on n’aurait qu’a les extraire, comme les autres, des ateliers 
où ils pâtissent à présent et à les inviter à travailler pour la cir¬ 
constance en plein air comme autrefois. Je signale pour mémoire les 
musiciens ambulants, et la grange où l’on danse au son d’un vieux 
crin-crin, ou simplement au son d’une chanson, li danse al linwe... 

11 est entendu, au resle. que ces maisons, ouvertes au public, 
seraient ornées de vieux meubles et d’ustensiles authentiques. C’est 
dans l’ornementation de ces intérieurs que l’imagination du folklo¬ 
riste aurait beau jeu. Mais elle serait puissamment aidée par les 
participants eux-mêmes de cette exhibition d’un nouveau genre. Il 
suffirait de les convaincre — on a le temps — de se bien montrer 
tels qu’ils sont, non seulement avec leur attirail personnel, mais 
dans leur milieu familial traditionnel. Ils n’auraient qu’à faire appel 
à la collaboration fervente de leurs grand’méres !.. 

Seule l’architecture demanderait quelque recherche, car, nous 
devons le dire pour notre honte, sur ce point, nous ne nous connais¬ 
sons pas assez. Mais quant au reste, mobiliers, habitants, tout existe. 
Il suffit d’aller le chercher (le plus loin possible des centres urbains), 
de l’extraire pour un temps, tel qu’il est, sans retouches. Nul besoin 
de création. Le seul soin serait de réunir les bonnes volontés, que la 
Commission officielle est, semble-t-il, bien placée pour susciter. 

On voit le résultat. 

Dans cette exposition publique , qui ne serait ni une entreprise 
privée, ni une affaire financière, et qui, par conséquent, serait 
garantie contre tout truquage « attractif » interlope ou autre — on 
verrait positivement, sur des documents authentiques, dans un 
milieu varié, exactement restitué, dans tout son pittoresque local 
la vie simple et fleurie de nos paysans du pays wallon et du pays 


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flamand, le peuple belge tout entier sous ses différentes caracté¬ 
ristiques matérielles et morales. 

Je ne sais si je m’abuse, mais je crois que pareille tâche, pour 
un but si patriotique, au sens le plus sain et le plus complet de ce 
mot, serait vraiment digne d’être entreprise à l’occasion des Fêtes 
nationales de 1905. 

Mais cela paraîtra peut-être trop grand. Une exposition ethno¬ 
graphique belge, et une exposition vivante, ce serait une grosse 
affaire. Mais quel clou ! 

Quoi qu’il en soit, un élément d’ordre pratique, facilement 
réalisable, est le Cortège dont nous avons d’abord parlé. On n’objec¬ 
tera pas que son organisation serait encore trop vaste, embrassant 
la Belgique tout entière ; ce n’est là qu’une difficulté tout appa¬ 
rente, puisqu’il s’agit de réunir des éléments existants, dont la com¬ 
binaison seule est à créer. 

Au reste, il suffirait de faire appel aux intérêts locaux. Nous 
voyons très bien pareil cortège se reformant successivement dans 
chaque chef-lieu de province, dans chaque centre du pays. N’y 
a-t-il pas, au sujet des tètes nationales, des Comités provinciaux déjà 
constitués en vue de faire participer tout le pays à la commémora¬ 
tion que l’on veut fêter? 11 appartiendra sans aucun doute à ces 
Comités de reprendre en leur région ce qui se sera fait à Bruxelles, 
pour autant que cela ait sa place chez eux. Or, un cortège des tradi¬ 
tions populaires a sa place partout, puisque chaque région du pays 
s’y trouvera par le fait représentée. 

Quant au reste, il est vrai que ce cortège ne pourrait en aucun 
cas rivaliser de richesse et de splendeur avec les fameux cortèges 
de la Lumière, du Landjuweel et autres, entrepris naguère en 
Belgique. Un cortège des Traditions populaires n’aurait pas aux 
yeux de la bourgeoisie la valeur matérielle de ces entreprises de 
haut luxe artistique. Mais la foule des curieux ne s’en désintéresse¬ 
rait pas. Avant tout et surtout, le petit peuple y trouverait matière 
à délectation. Et, dans les fêtes — dites « populaires » parce qu’elles 
sont publiques — on ne songe pas toujours assez au peuple. 

Il n’est cependant personne, je pense, qui trouve inutile de le 
confirmer dans ce que ses traditions ont de riant et de vraiment 
sain. Car, si on lui ôte cela, que lui restera-t-il ? 

Faites doue quelque chose pour le peuple, Messieurs de la Com¬ 
mission nationale. Et pour être sûrs que vous atteindrez votre but, 
adressez-vous à lui-même, voyez ce qu’il aime et einpruntez-le lui. 
C’est le fonds qui manque le moins. 

O. COLSON. 


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LES LIVRES : 

Vers mon clocher. Le festival de Belœil, par Edmond Deffernez. — 

Un vol. in-8°de 169 p. — L. Surin, éditeur, Charleroi. Prix : 2 francs. 

Sous ce double titre, l’auteur, un médecin qui a déjà prouvé d’heureux 
dons littéraires, M. Edmond Deffernez, a publié naguère un petit volume 
qui constitue un attachant carnet de souvenirs. Il y conte la plaisante 
odyssée d’une société d’harmonie du pays d’Ath, par une pluvieuse journée 
de concours au parc princier de Belœil. Le sujet est donc plutôt mince, et 
tiendrait dans les limites d’une chronique, mais M. Deffernez, qui a le 
goût des choses anciennes, n’a point pour but de captiver la grande foule 
des lecteurs. La joie qu’il cherche, il l’a déjà trouvée, c’est de baguenauder, 
à la bonne franquette, à travers son passé, dans les sites aimables de son 
Hainaut familier. Chaque page donne l’impression que l’auteur l’écrivit 
pour son plaisir, sans craindre de s’enfoncer dans les parenthèses ni d’accu¬ 
muler les hor»-d’œuvre qui, à tout autre que lui, peuvent sembler para¬ 
sites. Il sied de respecter sa désinvolte fantaisie, et de le laisser s’arrêter 
en chemin pour philosopher à bâtons rompus ou pour rêver de jadis. Descrip¬ 
tif et moraliste souvent débordant, il n’en fait qu’à sa tête, en bohème de la 
phrase qui se soucie fort peu des strictes règles de la nouvelle. Aussi bien, 
dans une écriture cursive et facile, son livre nous retient par sa couleur 
sincère et pittoresque, par une saine odeur de terroir, par une façon d’hu¬ 
mour enthousiaste, de bonne humeur lyrique qui fait songer par instants 
au Daudet des Lettres de mon Moulin , par de spirituels et vivants croquis, 
par telles pages délicatement nostalgiques. Il est d’un observateur amusé, et 
qui sait finement se souvenir. Ch. Delchevalerie. 

Répertoire bibliographique à l’usage du touriste en Belgique, par 

Edmond Somville. — Première série. 1 vol. in-8° (24 x 16) de 144 pp. 

Collection du Touring-Club de Belgique, 11, rue des Vanniers, 

Bruxelles. Prix : 1 fr. 25. 

Le titre de ce livre en fait connaître le but : guider les personnes qui 
désirent s’initier à l’étude du pays au point de vue de son passé, de ses 
richesses architecturales ou archéologiques, ou de ses sites, et spécialement 
indiquer d’une façon précise les sources d’instruction à l’usage des 
touristes. 

Pour atteindre ce but, l’auteur a établi la liste la plus complète pos¬ 
sible, non seulement des livres anciens et modernes, mais aussi des études 
et articles parus dans les journaux, les revues, les bulletins et annales des 
sociétés savantes, etc. 11 tire ainsi de l’oubli pour le grand public maintes 
publications dans lesquelles abondent d’utiles renseignements. 

Les sources indiquées, au nombre de 2578, sont groupées avec beau¬ 
coup de méthode, et le plan fait honneur au sens pratique de l’auteur. Le 
touriste désirant visiter n’importe quelle partie du pays trouvera, sur 
chaque chose à y voir, une liste de travaux historiques, descriptifs ou anec¬ 
dotiques qui le prépareront à goûter de son excursion tout le profit et le 
plaisir possibles. Mais il va sans dire que l’ouvrage de M. S., utile aux 


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touristes, ne le sera pas moins aux écrivains, aux journalistes, aux insti¬ 
tuteurs et en général à toutes les personnes qui, à l’occasion, doivent réunir 
des renseignements concernant le passé ou le présent de nos villes et de nos 
campagnes. 

On ne saurait assez louer M. S. d’avoir entrepris et laborieusement 
mené à bien ce travail de bonne et saine vulgarisation. Son Répertoire si 
opportun et si instructif contribuera à répandre l’habitude des excursions 
motivées par tout autre chose que la plus absurde fantaisie, et dont, une 
fois faites, il ne reste que la satisfaction du snobisme accompli. 

Ajoutons que l’ouvrage de M. S. est très bien édité et d’une lisibilité 
parfaite. Il est corrigé avec soin, et, nous le répétons, très complet. Ce n’est 
pas à dire qu’il ne soit pas possible d’y ajouter. L’auteur présente du reste 
son travail comme une « Première série ». En vue d’une Seconde, nous 
nous permettons de lui signaler Wallonia , qu’il est assez étonnant de ne 
pas voir citer une seule fois, bien que notre revue soit à la Bibliothèque 
royale, où M. S. est conservateur-adjoint. Nous ne croyons pas excessif de 
le prévenir qu’il trouvera ici, sans recherches épuisantes, quelques petites 
choses utiles à signaler... O. C. 

Le Cottage, revue internationale de tout ce qui concerne l’habi¬ 
tation. Directeur, M. Ch. Didier. — Bruxelles, 33, rue Forestière. 

Sur l’initiative de M. Charles Didier, et avec la collaboration de 
notables Wallons, tels que Jean d’Ardenne, Paul Jaspar, Rassenfosse, 
Serrurier-Bovy, Albert Julin, Ernest Malvoz, et d’autres, une revue 
nouvelle vient de se fonder, sous ce joli titre : Le Cottage , et son programme 
se rattache à l’évolution extrêmement pacifiante à laquelle nous assistons 
sans presque nous en apercevoir, du retour au foyer et du retour 
aux champs. 

A quelle belle et utile réaction se consacre cette publication nouvelle ! 
Voici qu’elle se destine à défendre la cause de la beauté simple, judicieuse, 
pratique, si souvent compromise par le mauvais goût industriel et par la 
mode. Certes, elle s’intéresse à l’assainissement des villes. Mais elle 
s’attache surtout à l’idée du home pour chacun ; et elle veut montrer, par 
autant d’exemples et par tous les calculs qu’on voudra, comment on peut 
à petits frais, répondre, pour la généralité des hommes, ouvriers et 
bourgeois, avec un égal souci d’art et de confort, à ce besoin social. 

Aux yeux de tous les esprits sérieux de ce temps, la question sociale 
est vraiment, suivant le mot du philosophe, une question morale. La 
reconstitution du foyer, l’ornementation du home, l’exode urbain, le retour 
à la vie au grand air et en pleine nature, telles sont, aux yeux des 
promoteurs de la revue nouvelle, les premières bases de la réfection 
des mœurs. 

On doit s’estimer heureux de voir répandre des idées aussi sages en 
notre pays et spécialement en Wallonie, où la plus odieuse et périlleuse 
imitation du citadin et du bourgeois tend à faire perdre irrémédiablement 


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au peuple rural, avec sa pittoresque originalité, l’heureuse dignité de ses 
mœurs et l'estime de la vie simple. 

Conçu matériellement sur le type des grandes revues d’art anglaises 
et allemandes, Studio , Kunst und Dekmation , etc., le Cottage paraît 
chaque mois dans le format in-8° (22 x 28), abondamment illustré, et 
coûte 10 francs par an. 

Nous lui souhaitons cordialement bon succès. O. C. 

Ouvrages reçus. — Alexandre Goichon, Menues Proses . U Amour 
et la mort . 2 vol. pet. in-8° (Maison des Poètes, 42, rue Mathurin Régnier, 
Paris). — Renée Vivien, Du vert au violet , 1 vol. in-12 (Lemerre, éd., 
Paris. Prix : 3 fr.). — Georges Montalt, Pince! comédie en un acte, en 
vers. Broch. in-8° (Impr. Vandeweghe, Gand). — Marius Renard, Chan¬ 
sons bore, nés. Broch. in-8° ^ Edition du « Pays borain », Hornu, 1903. 
Prix : 0.75). — Louis de Pauw et Emile Hublard, Notice sur des Anti¬ 
quités préhistoriques belgo-romaines et franques découvertes dans la 
région (TAngre-Roisin , accompagnée (tune carte préhistorique et proto¬ 
historique. In-8° avec 5 pl. (Extr. du t. 32 des « Annales du Cercle 
archéolog. de Mons ». Dequesne-Masquilier, éd., Mons, 1903). — Cours 
théorique et pratique de langue flamande , par E. van Driessche. Revu, 
remanié et augmenté par H. Coppé, prof, à l’Athénée royal de Bruges. 
In-8° cart. de 232 pp. (Geuens-Willaert, éd. Bruges, 1903. Prix : fr. 2.50). — 
Jules Dewert, Histoire de la ville d'Ath. In-8° de 215 pp. avec 24 gra¬ 
vures. (Leherte-Courtin, éd. Renaix). 

Errata du dernier n # , p. 199 : Couvin , guide du touriste. Le prix de 
cet ouvrage est de fr. 1-50. 

UN WALLON. 

Le général Brialmont, décédé le 21 juillet dernier à Bruxelles, était 
né en 1821 au régiment, à Venloo, d’une famille essentiellement militaire. 
Ses parents étaient de Seraing-sur-Meuse. Le nom de Brialmont est un nom 
wallon. Il y a des lieux-dits Brialmont à Tilff et à Chênôe. Ce mot a passé 
comme nom de famille, et l’on connaît des Brialmont dans toute la région. 
Il se prononce en wallon Briyèmont , et Briyèmont est le nom traditionnel 
d’un personnage légendaire, un berger-magicien connu de temps immé¬ 
morial et dont Wallonia a parlé à différentes reprises (voir t. II, p. 78, et 
137 note; III, 26; V, 177) 

Nous croyons inutile de résumer longuement la carrière du Belge 
illustre qui a assuré victorieusement la défense de la patrie. Un des côtés 
bien wallons de son caractère était cet esprit d’indépendance qui, dans des 
circonstances particulières, alla jusqu’à friser l’indiscipline. La ténacité 
superbe avec laquelle il défendit ses idées envers et contre les plus puis¬ 
sants de ses chefs et des ministres du Roi, finit par avoir raison de l’auto¬ 
rité. Lorsqu’après avoir fait d’Anvers la place la plus forte connue et avoir 
assuré les progrès de sa défense, après avoir réalisé sur ce point un camp 


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retranché capable de servir de sûr asile à toute l’armée belge, il démontra 
que la défense de la Meuse s’imposait à son tour, il rencontra de nouvelles 
et énergiques résistances qu’il finit cependant par vaincre. Il est vrai qu’il 
était alors considéré dans le monde entier comme une des rares autorités 
universelles. On sait qu’il avait été appelé à collaborer aux fortifications 
de Constantinople, de la Roumanie et de la Grèce. 

Le général Dejardin écrit dans le Ralliement (n° du 29 juillet) : 
« Comme chef, Brialmont était d’un abord facile et généralement bien¬ 
veillant ; il supportait même de ses inférieurs des discussions parfois très 
violentes. Etait-ce cette opposition qui lui plaisait ? car ce même esprit 
était en lui. L’opposition c’était sa vie ! Mais elle était toujours justifiée 
par une grande élévation d’idées et un profond dévouement à son pays. 
Certes il commit des fautes, personne n’est infaillible. L’avenir dira ce qu’il 
faut penser de son œuvre en Belgique. Mais il était consciencieux et 
désintéressé» A une époque où l’on trafique de toutes choses, lui, le grand 
bâtisseur de Forts en tous pays, qui mania tant de millions, on peut 
affirmer bien haut qu’il fut absolument intègre. La vie militaire de Brial¬ 
mont montre toute l’habileté, la souplesse, la puissance d’assimilation et de 
persuasion, en même temps que l’éclectisme de cette nature réellement 
extraordinaire. 

» Le jour où le gouvernement obtint de la Chambre les crédits néces¬ 
saires à la construction de la grande enceinte polygonée et du camp 
retranché d’Anvers, ce fut réellement un beau triomphe et sans précédent 
dans le monde militaire pour un si jeune officier (il avait alors 38 ans !) 

» Ce succès réel du capitaine Brialmont le porta à approfondir les 
nombreuses et difficiles questions qui touchent à la fortification et à la 
défense des Etats. Il apporta dans cette étude un acharnement et une 
constance qui occupaient pour ainsi dire exclusivement sa pensée. » 

M. Charles Tardieu, qui l’a bien connu, dit de Brialmont: « Cet 
homme de guerre était un esprit très ouvert, une intelligence d’une culture 
supérieure, et un étonnant liseur. Aussi sa conversation était-elle d’un 
prodigieux intérêt, d’autant que sa mémoire, toujours prête, avait réponse à 
tout, et qu’il se plaisait à rehausser de citations littéraires et d'anecdotes 
butinées tantôt dans les livres, tantôt dans la vie, ses arguments, ses para¬ 
doxes, voire ses boutades. Ce fut un des plus étincelants causeurs que nous 
ayons jamais rencontrés ». 

Le général Brialmont était un travailleur infatigable. Il a publié, outre 
un nombre considérable d’articles de revues ou journaux militaires, 
vingt-neuf ouvrages importants formant quarante volumes, la plupart 
avec atlas. Ces travaux constituent une source inépuisable de renseigne¬ 
ments pour ceux qui cherchent à se tenir au courant des progrès réalisés 
dans l’art de fortifier. On y trouve en effet, la description raisonnée de tous 
les types de travaux d’art, avec un nombre incalculable d’observations 
originales. Son Histoire du duc de Wellington, suffirait à la réputation d’un 
homme. 

La défense de ses idées nécessita un grand nombre d’écrits sur des 


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sujets politiques ou techniques. On y compte plus de cinquante brochures, 
la plupart tout de polémique, d’un style vif, précis, discutant pied à pied, 
sentant la poudre. 

Brialmont est mort simplement, comme il avait vécu, n’ayant jamais 
eu de prétention que pour ses idées, qu’en toute conscience il croyait justes. 

Le général avait rédigé lui même, le 15 juillet, six jours avant sa mort, 
le billet de faire-part qu’on a retrouvé dans ses papiers, et dont la lamille 
a respecté les dispositions et le laconisme. Il indiquait simplement les noms 
des parents qui annoncent le deuil, le nom du défunt, sa date de naissance, 
et, au bas, ces mots : « L’inhumation a eu lieu... » 

Celui qui possédait les plus hautes distinctions de tous les ordres de 
chevalerie d’Europe a voulu être enterré devant ses seuls parents et amis 
les plus iutimes, sans aucun cérémonial, sans honneurs militaires, sans 
discours. O. C. 

NOS SOCIÉTÉS. 

La Société royale de Moncrabeau, de JNamur, fêtera dans quel¬ 
ques jours le 50® anniversaire de sa fondation. 

il y a deux ans, elle a commémoré de même l’anniversaire de la pre¬ 
mière exécution publique (1851 ) du Bia Bouquet, la célèbre chanson 
wallonne de iNicolas Bosket, laquelle fut oiliciellemeut adoptée comme 
chant national par le Conseil communal de Namur, le 31 juillet 1850. Le 
compte-rendu des fêtes organisées et une biographie de Bosket ont été 
publiées alors par M. Jacques Godenne et la luxueuse publication ('J qu’il a 
faite à cette occasion est en grande partie occupée par un historique agréa¬ 
blement écrit et superbement illustré de la célèbre Société namuroise. 

Cette société, qui constitue une des institutions les plus originales et les 
plus honorables de la Wallonie, méritait absolument cet honneur. Et ce 
n’est pas assez faire que d’insister sur l'originalité du Moncrabeau «a- 
murois, curiosité naguère encore unique, manifestation bien typique de 
l’esprit local. Il faut sÿouter que les Quarante Molons, comme ils s’appellent 
encore [molon, en namurois, signilie « Toqué » dans le sens de burlesque) 
constituent une des plus généreuses entreprises de bienfaisance que l’on 
puisse signaler : depuis sa fondation, Moncrabeau a recueilli pour les 
pauvres de Namur, par ses fêtes et ses collectes, plus de deux cents mille 
francs. Ajoutons que Moncrabeau est une société wallonne dans le sens 
propre du mot : a toutes les fêtes qu’elle organise, la poésie, la chanson 
wallonne locale a la plus grande place, et cela s’explique : depuis Bosket, 
Charles Wékotte, Mandos et autres, tous les écrivains du terroir ont 
brigué comme un honneur le litre de membre de la Société de Moncrabeau, 
où leur exemple à suscité plus d’une vocation. Et l’on peut dire que toute 
ou presque toute la littérature locale de Moncrabeau lui appartient en 
propre, au même titre que les musiques de Bosket et de ses successeurs. 

(1) Royale Moncrabeau ou Les 40 Molons namurois , par Jacques Godenne. 
Extraii de « La Province do Namur pittoresque, monumentale, artistique et 
historique ». — Broch. in-P de 50 pp. avec dessins et phoios. — Namur, Jacques 
Godenne, édit. 1901. Prix : 2 fr. 


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Or, qu’est-ce que Moncrabeau, et que vient faire à Namur, ce nom 
d’une petite commune de France ? Le Moncrabeau languedocien fut, 
au dernier siècle, le siège d’une société badine, dite « des menteurs et des 
craqueurs », à laquelle ont survécu presque jusqu’à nos jours ses diplômes 
très libéralement distribués. Les menteurs et craqueurs n’ont jamais fait 

défaut nulle part. Ils 
n’ont jamais été plus 
facétieux qu’à Namur, 
où l’on excelle à « mon¬ 
ter des bateaux. » Mais 
mentir pour mentir y 
est aussi un genre de 
sport très en honneur. 
Les concours de men¬ 
songes constituent en¬ 
core une des distrac¬ 
tions populaires dans le 
pays de la Sambre : au 
cabaret, de joyeux com¬ 
pères se portent des dé¬ 
fis, et c’est à qui «cra¬ 
quera » le plus ingé¬ 
nieusement, c’est à qui 
enfilera dans une narra¬ 
tion concise, le plus de 
bourdes inédites et dro¬ 
latiques. Y eut-il à Na¬ 
mur des craqueurs di¬ 
plômés de Moncrabeau 
en France ? Il faut le 
croire. Quoi qu’il en 
soit, il y a bon nombre 
d’années, un certain 
nombrè de bourgeois de 
la Ville se réunissaient 
chaque semaine dans un 
cabaret du faubourg de la Plante, pour fraterniser le verre en main en des 
causettes où naturellement la « blague » du terroir acquit vite tous les droits. 
Entre raconter des facéties et en inventer, il n’y a qu’un pas, surtout pour 
des Wallons, et des Wallons namurois. 

En 1826, le « Cercle des Minteûrs » était virtuellement fondé. La 
période troublée de 1830 arrêta ses ébats, mais la naturelle jovialité wal¬ 
lonne ne tarda pas à reprendre ses droits, et quatre ans plus tard, nos gais 
lurons reconstituaient leur cercle sous le nom de Cabinet des Mintes. La 
chanson facétieuse, la pasquille satirique régnaient aussi, non moins natu¬ 
rellement, dans ce cénacle qui, finalement, par une évolution ordinaire en 



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231 


pays wallon, se transforma bientôt en une société organisée. L’Académie 
française de Moncrabeau venait de proférer son dernier mensonge. Nos 
Molons reprirent son nom et son programme. Ils s’imposèrent, avec une 
gravité comique, des statuts humoristiques, et des armoiries à démonter les 
héraldistes des Deux-Mondes. Et en avant la musique !... 

Mais quelle musique ! ou du moins quel orchestre ! La Société royale 
de Moncrabeau est certainement l’orchestre le plus fabuleux qui existe. Un 
coup de sifflet retentit. La toile se lève. Profonde sensation dans l’auditoire. 
Allignés sur des gradins, quarante personnages apparaissent, immobiles 
comme des momies, dans un costume bariolé et d’une incroyable fantaisie, 
qui tient du chinois, du mousquetaire, du persan et du chicart, complété 
parie blason des Molons. Brusquement les quarante momies se lèvent, font 
un profond salut à leurs auditeurs, puis le chef d’orchestre donne le signal. 
Voici Li bia bouquet . Autre sensation, cette fois d’ahurissement profond. 
Il n’y a que les esprits moroses qui puissent ne pas se dérider en face de cet 
orchestre bigophonique et mirlitophile de cette symphonie de musettes, 
de mirlitons, de lyres, de serinettes, d’une foule d’instruments sans nom, 
tout cela musant, sifflant, beuglant, raclant à qui 
mieux mieux et produisant, non pas une cacophonie 
burlesque, comme il semble qu’on s’y doive attendre, 
mais une harmonie musicalement satisfaisante et 
parfois d’une douceur très agréable. Et quels instru 
ments produisent cet effet bizarre et surprenant ? 

C’est ici que les procédés ordinaires de description 
sont insuffisants. On trouve toutes les combinaisons 
inimaginables de la peau d’âne et de la ficelle avec 
les manches à balai et les vieux ustensiles de cuisine. 

Au pays de Moncrabeau les clarinettes se cueillent 
dans les potagers, sur les couches d’ognons montés à 
grainç ; les hautbois poussent dans les champs de blé ; 
les trombones sont des gouttières détournées de leur 
usage; on y joue du violon sur des manches de brosse; la grosse caisse est un 
ci-devant tonneau ; la basse est une pelotte de fil tendue sur une vieille porte; 
et les timbales sont deux couvercles de pot. Seul, le mirliton atteste l’effort 
de l’art instrumentiste. Et les noms que portent ces instruments sont eux- 
mêmes de l’invention la plus saugrenue : crinihi, cocolis , poriatophone, 
chimreltes, mirliton à soupape, fliite-cara, cougnoû à piston, crènè-sôlô , 
chabot-basse , buse-traitersière , violon-seringue , tchin (Val rimouye , etc. 
Après Moncrabeau, on a créé au pays wallon et ailleurs maintes sociétés 
de « mirlitophiles », et, rien qu’à Liège, il y en a quatre ou cinq. Mais 
aucun de ces orchestres n’arrive à la hauteur humoristique de leur proto¬ 
type. On a prétendu que Moncrabeau a voulu imiter Offenbach. Profonde 
erreur : les concerts moncrabeautiens étaient inaugurés depuis longtemps, 
alors que le célèbre violoniste était encore sur les bancs du Conservatoire. 

Ce qui est peut-être le plus étrange, c’est que cette symphonie, qui tient 
en si grande apparence de la ménagerie, de la ferblanterie et de la chau- 



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dronnerie, fournit un ensemble fort harmonieux. Ce tintamaresque amphi¬ 
gouri fut du reste imaginé sous l'influence de Bosret lui-même, et Bosret 
était un vrai musicien, estimé de ses pairs. Moncrabeau-orchestre n’a cessé 
d’être dirigé par des chefs autorisés. Son répertoire, tout à fait original, 
contient des morceaux de réelle valeur, tels que Li douvradje do concert , 
paroles de Wérotte, musique de Bosret; Li piquette do djoû au villadje , 
tableau d’un pittoresque très curieux ; Les Auvergnats surpris pa 
t'oradje , etc. Dans les intermèdes de ses concerts, il produit des artistes 
réels, choisis parmi ses membres, des instrumentistes, des solistes de très 
grand talent, et qui ont fait parler d’eux dans les gazettes... 

Nous passerons sous silence les traditions particulières de la Société, 
qui se maniïestent par des réunions intimes, au programme farci de fan¬ 
taisies épiques, dont on trouvera l’agréable et authentique récit dans le 
travail de M. Godenne. 

La Société de Moncrabeau a été fondée le 27 septembre 1843 — 
M. Godenne prouve, par des documents peu connus, que cette date est bien 
exacte. Depuis lors, les Quarante Molons n’ont cessé de se recruter parmi 
les habitants les plus honorables et les plus distingués de la cité. Les 
chansonniers Charles Wérotte, Julien Colson, Jules Mandos, Metten, 
Stratmann, le poète Philippe Lagrange sont à citer ici. Mais les notabilités 
de tout genre sont des plus nombreuses au rôle des Moncrabeautiens. 

Les létes du cinquantenaire du Bia Bouquet se sont déroulées devant 
un public de plus de quatre mille personnes. Celles du cinquantenaire de la 
Société passionnent également la population tout entière. C’est assez dire 
l’estime dans laquelle les Namurois tiennent leur glorieuse Société qui est 
une des plus honorables curiosités de leur terroir et du pays. S’il fallait une 
autre preuve de cette estime, nous la trouverions dans la publication 
luxueuse de M. Godenne, qui, vendue deux francs, constitue une sorte 
d’hommage personnel de l’excellent éditeur namurois à la Société si vivante 
et si wallonne des Quarante Molons. O. C# 

FAITS DIVERS: 

D INANT. — Le XVII e Congrès de la Fédération historique et archéologique 
de Belgique a coïncidé à Dioant avec l’Exposition artistique que nos 
lecteurs connaissent. 

C’est M. Alfred Bequet, le toujours vaillant président de la Société 
d’archéologie de Namur, qui a prononcé le discours inaugural, esquissant à 
grands traits l’histoire de la bijouterie, de l’orfèvrerie, de la dinanderie au 
pays de Dinant, et affirmant de nouveau la théorie bien connue par laquelle 
il a rattaché l’industrie d’art dinantaise à celle qui florissait avant l’invasion 
Banque dans la grande villa romaine d’Anthée. 

Après lui, M. Pirenne a donné une conférence qui ne figurait point au 
programme de la séance — et qui restera probablement la communication 
la plus intéressante du Congrès de 1903. Il a révélé, — car c’est une véri¬ 
table et très inattendue révélation, — que Dinant lit partie, seule parmi les 
villes wallonnes, et dès avant 1344, de la Hanse teutonique. Les « vendeurs 


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de pots de cuivre » qui avaient fait de leur ville un centre métallurgique, 
le Seraing du moyen âge, entrèrent dans la Hanse on ne sait comment, en 
sortirent on ne sait quand, mais jouirent des privilèges reconnus aux 
Allemands. Sentant la nécessité d’une puissante protection à l’étranger, ils 
s’étaient rappelés que la Piincipauté de Liège dépendait de l’Empire et ils 
le firent habilement valoir, tant qu’ils y trouvèrent leur intérêt, remplissant 
d’ailleurs avec une constante loyauté leurs devoirs à l’égard de la grande 
association. 

— A propos de l’Exposition des Dinanderies, nous signalerons la 
publication d’une brochure de M. P. Hachez sur la Dinanderie et les 
Dinandiers. C’est une conférence que l’auteur avait faite à Bruxelles, sous 
les auspices du cercle wallon « Nameur po tôt ». Wallonia n’ayant pas 
reçu cette brochure, regrette de n’en pouvoir parler plus longuement. 

— Une communication d’importance capitale faite récemment par 
M. God. Kurtii, à l’Académie royale, vient de jeter une vive lumière sur 
l’origine de l’art si remarquable auquel Dinant a donné son nom. Nous 
empruntons au journal le XX e Siècle , de Bruxelles (n° du 10 août), le résumé 
de cette lecture de M. Kurth. 

Elle a pour titre : Reniei' de Iluy , Vauleur véritable des fonts baptis- 
maux de Saint-Barthélemy de Liège , et le prétendu Lambei't Fatras. 
Il y a là une double affirmation qui est prouvée à grands renforts de textes 
et de documents. Lambert Patras n’a jamais existé. Jean d’Outremeuse, le 
seul qui nous ait conservé ce nom, l’a purement et simplement inventé. Non 
seulement ce romancier, qui ne mérite pas le nom de chroniqueur, est 
coutumier de ce genre de méfaits ; mais, en ce qui concerne l’œuvre d’art 
en question, il raconte, au sujet de son origine, une histoire tellement sau¬ 
grenue, que c’est à se demander comment elle a jamais pu obtenir créance 
devant les historiens, qui l’ont bénévolement acceptée sans penser à la 
soumettre à un contrôle. Le seul fait qu’à l'époque où Jean d’Outremeuse 
place la contection des fonts — 1113 — il n’y avait pas encore de noms de 
famille, suffit à faire juger de la valeur de son récit, dans lequel les extra¬ 
vagances, les contradictions et les impossibilités sont innomblables. D’ail¬ 
leurs, un chroniqueur très sérieux, Jean de Warnant, antérieur d’un 
demi-siècle à Jean d’Outremeuse et parfaitement informé, mais dont le 
témoignage n’a été exhumé qu’il y a quelques années, nous dit formelle¬ 
ment que le chef-d’œuvre fut exécuté par un artiste hutois du nom de 
Renier. Et d’autre part, nous retrouvons cet artiste dans une charte de 
l’évêque de Liège Albéron I er pour Notre-Dame de Huy, où il intervient 
comme témoin et où il est qualifié Reinerus aurifaber , Renier, orfèvre. 
C’est entre les années 1107 et 1118 que ce grand artiste acheva son œuvre 
admirable, qui lui fut commandée par l’abbé Hillin ; + 1118) et qui fut placée 
dans l’église Notre-Dame-aux-Fonts de Liège, où elle resta jusqu’à la Révo¬ 
lution française. 

Après avoir ainsi établi la paternité de l’œuvre et l’êtat-civil de l’auteur, 
M. Kurth est amené à montrer la part qui revient à la ville de Huy dans les 


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chefs-d’œuvre de la batterie mosane. Cette part est prépondérante. Huy, 
qui est la plus ancienne commune du monde et qui fut la seconde ville de 
la principauté de Liège, a précédé Dinant dans chaque manifestation de la 
vie publique, et ses marchands sillonnaient les chemins d’Europe dès la fin 
du x e siècle. Nous les rencontrons sur les marchés de Cologne, de Coblence, 
de Londres, exposant en vente des dinanderies d'avant la lettre , comme 
c’est bien le cas de le dire, et il faut remarquer que les deux plus grands 
artistes du métal que le pays de la Meuse aient produits, c’est-à-dire notre 
Renier et Godefroid de Claire, sont deux Hutois. Toutefois, dès la fin du 
xii® siècle, Dinant prenait incontestablement le premier rang dans cette 
industrie qui lui doit son nom, et la batterie déclina si rapidement à Huy 
qu’au xv® siècle, lorsque les Hutois firent un effort pour la ressusciter dans 
leur ville, nul ne se doutait qu’elle y eût jamais fleuri. L’historien hutois 
Môlart n’en parle pas, et il se persuade même que, dès l’origine, c’est sur la 
draperie que « cette ville at esté fondée ». 

M ONS. — L’éditeur du Saint-Siège vient de s’adresser à la Belgique pour 
la gravure en taille douce d’un portrait du nouveau pape Pie X. C’est 
M. Charles Bernier, d’Angre, qui a été chargé de ce travail artistique. Ce 
choix honore le jeune artiste et l’école de gravure de Mons, dont M. Auguste 
Danse fut l’éminent fondateur. 

— Le Borinage entier vient de fêter chaleureusement le plus célèbre 
des Framisoux, Joseph Dufhane, vulgarisateur de cette littérature boraine 
si pittoresque dans ses expressions, aux images si colorées. 

Né à Frameries le 23 décembre 1833, Joseph Dufrane, frère du député 
libéral de Mons, ne s’adonna que bien tard (vers l’âge de 45 ans) à la traduc¬ 
tion en borain de quelques fables de La Fontaine, notamment El Leuye èyè 
V Bèdo , El Leuye èyè V Tchiye , etc. Ces traductions obtinrent immédiate¬ 
ment un succès considérable. Bientôt Dufrane fit des œuvres originales, 
récits en prose et chansons, parmi lesquelles: Et c’ n' est ni co Fram' ries, 
universellement connu, et qui depuis est devenu vraiment le chant national 
des Framisoux. 

Un premier recueil des œuvres de Dufrane, parut en 1880, sous le 
titre d'Armonaque borain. Le succès fut énorme. L 'Armonaque parut 
encore en 1881 et 1882. En 1885, M. Dufrane-Friart édita à Fraïneries un 
petit hebdomadaire, le Tambour battant , organe libéral progressiste. Joseph 
Dufrane, sollicité par son frère, publia chaque semaine en première page 
une chronique en patois qu’il signa Bnxquètia (Ecureuil). Malheureusement, 
Tambour battant disparut en 1887, et les chroniques délicieuses de Bos- 
quètia firent de même. 

C’est alors que J. Dufrane consacra toute son activité à faire des pièces 
de théâtre. Il fait d’abord El cron Saudart , comédie en deux actes, et El 
Parvenu , comédie en un acte. Le Cercle des Bosquétias interpréta magis¬ 
tralement ces deux pièces à Frameries, le (5 avril 1890. Le succès fut étour¬ 
dissant. Depuis 1891, il en a composé une dizaine d’autres avec le même 
talent. 


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Le style de Dufràne se caractérise par le tour alerte et vif du récit, 
les expressions pittoresques, le coloris des images comme les affectionnent 
les Borains. Le ton en est parfois un peu gaulois et rabelaisien, mais jamais 
graveleux ni grossier ; c’est au contraire de bonne et saine littérature, où la 
vie boraine se reflète avec une rare fidélité. 

Joseph Dufrane, dont le nom est archi-connu en Borinage, est un 
homme affable et sympathique à tous. Il jouit d’une popularité de bon aloi 
et les Bramisoux sont fiers à juste titre de leur concitoyen. 

— Le Journal de Morts, du 29 août, annonce que les Comités de la 
Société des Sciences, de la Société des Bibliophiles belges et du Cercle 
archéologique se sont réunis en vue d’organiser en commun, pour 1904, le 
18° congrès de la Fédération archéologique et historique de Belgique. 
L’assemblée a nommé un Comité chargé spécialement de l’élaboration du 
programme du congrès et de l’examen du projet qui lui a été soumis d’or¬ 
ganiser, à l’occasion du congrès, une exposition des industries d’art dans 
l’ancien Hainaut. On sait que Mons a déjà été, en 1894, le siège d’un de ces 
congrès et qu’il obtint un grand et légitime succès. 

L iège. — L’art ancien fera l’objet, à l’Exposition de Liège, en 1905, d’un 
compartiment spécial qui, organisé sous les auspices de l’Institut archéo¬ 
logique liégeois, promet d’être des plus intéressants. Le commissaire spécial 
du gouvernement pour cette exposition est M. le baron de Sélys Fanson, 
et ce nom est à lui seul un gage de succès Le Comité exécutif se composera 
de deux sections ; l’une d’art religieux, l’autre d’art civil, et il est dès à 
présent probable que l’on obtiendra pour l’exposition de l’art ancien le haut 
patronage de S. A. R. la princesse Elisabeth de Belgique, qui compte parmi 
ses ancêtres six princes-évêques de Liège. 

Le Palais de l’Art ancien consistera principalement en une reproduc¬ 
tion de la « troisième Violette » ou « Maison de la cité de Liège », édifice 
qui disparut en 1691. Autour de ce monument régneront des galeries dont 
les façades rappelleront les constructions liégeoises de la même époque. 
L’ensemble sera des plus curieux. On compte, enfin, édifier d’une façon 
définitive, en cet endroit, l’ancien perron gothique — le Perron liégeois — 
qui, placé jadis sur la place du Marché, fut détruit par un ouragan en 1693. 

Nul doute que l’exposition de l’Art ancien ne soit un précieux élément 
d’intérêt et de succès pour l’Exposition Internationale de 1905. 

— Sous le titre de Fête des Arts et du Travail, sous le patronage de 
l’Administration communale, la Société « Liège-Attractions » a présenté, 
devant une foule énorme, l’admirable œuvre populaire du compositeur 
parisien Gustave Charpentier, « le Couronnement de la Muse du Peuple ». 
La Muse élue par les ouvrières liégeoises, M u ® Elisabeth Peters, a été l’objet 
de manifestations touchantes. Le sort lui-même avait voulu, dirait-on, col¬ 
laborer à la fête. M 11 ® Peters est armurière et représentait donc une industrie 
foncièrement liégeoise. Le génial auteur de Louise , en associant intimement 
le peuple à cette manifestation de joie et de ferveur, en unissant avec un sens 


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merveilleux du décor les chants, la danse, la mimique, a rénové la tradition 
interrompue des spectacles grandioses de jadis, où chacun prenait sa part à 
l’allégresse générale et qui permettaient à tous de s'exalter dans une com¬ 
munion fraternelle. Le succès de son œuvre à Liège a été très grand. 

Au banquet qui a clôturé la fête de la Mus \ M. Charpentier, dans un 
discours vibrant et d’uDe philosophie très haute, a prononcé, notamment, 
ces paroles : 

« ... La seule idée que j’étais dans la cité de Grétry remplit mon âme 
» de fierté. Grétry ! génial musicien dont les idées dirigent encore aujour- 
» d’hui notre vie artistique, il me semble aujourd’hui que c’est toi que nous 
» célébrons. Grétry ! homme simple, homme de vérité tranquille et profonde, 
»tu n’as pas comme Wagner, qui s’inspira de tes écrits prophétiques, une 
» auréole d’éclair sur un couchant de pourpre ; on ne t’a pas fait comme à 
» Franck la réputation d’un génie surnaturel, détaché des affaires du pauvre 
» monde... Mais tu vivras dans le cœur des générations autant qu’eux, p!*i* 
» librement qu’eux, car tu ne leur auras pas été imposé par le snobisme 
» ou le pharisaïsme ». 

— La ville va être enfin dotée d’un Théâtre communal wallon. La 
Commission, instituée il y a trois ans, sous la présidence de l’échevin des 
Beaux-Arts, et composée de MM. Lequarrô et Chauvin, Tilkin, Delaite, 
Fauconnier, O. Colson, etc., avait d’abord demandé la construction d'une 
scène de spectacle.-Le Conseil communal a craint d’être trop généreux. Il a 
voté 25.000 francs et a loué pour trois ans la salle du Casino Grétry, siège 
de l’ancien Théâtre wallon, à laquelle de nombreuses modifications devraient 
nécessairement être apportées. Une troupe régulière, subsidiée, sera 
formée. Le directeur sera nommé par le ConseiTcommunal. Le répertoire 
sera dressé par une Commission spéciale nommée par le Collège. On compte 
que le nouveau Théâtre wallon ouvrira ses portes en novembre. 

B RUXELLES. — M. Léon Lepage, échevin de l’instruction publique de 
Bruxelles, a récemment adressé aux chefs d’école de la ville un ordre de 
service où il attire l’attention des instituteurs sur l’utilité de recueillir les 
mots, les locutions, les aphorismesparticuliers au langage bruxellois, au vieux 
flamand de terroir qui se perd peu à peu sous la poussée du français et sous 
l’influence de l'immigration considérable d’éléments provinciaux en posses¬ 
sion d’autres dialectes. « Nul mieux que les instituteurs et les institutrices, 
en relations constantes avec les enfants des classes populaires, avec leurs 
parents, n'est à même de recueillir ces expressions pittoresques, souvent 
imagées, nées de l’imagination du peuple, frappées parfois au coin de son 
bon sens simpliste, inspirées par sa vie, ses occupations, ses désirs, la forme 
de son humour ou de sa joie. » L’honorable échevin ajoute que dans la 
récolte on peut même comprendre les chansons. Qu’il prenne garde qu'on 
ne les lui « corrige » ! 


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I 

Acte en faveur de la Jeunesse 

Nous avons rappelé, en quelques pages (Wallonia, t. X, p. 158), 
des souvenirs sur l’organisation de la Jeunesse, en Hainaut. Nous y 
avons signalé l'existence de la Jeunesse comme formant dans nombre 
de localités aussi bien urbaines que rurales une collectivité bien 
vivante, une «association traditionnelle ». 

Un document que nous avons trouvé depuis la publication de 
cette notice, nous permet de constater que, dans une commune voi¬ 
sine de Beaumont, à Solre-Saint-Géry, la Jeunesse constituait dans le 
cours du xvin 0 siècle, une institution possédant une personnalité 
civile ; c'est la constitution d'une rente au profit de la Jeunesse de ce 
village. 

Solre-Saint-Géry était une modeste localité dépendant, sous l’an¬ 
cien régime, du comté de Beaumont et ressortissant au spirituel du 
diocèse de Liège. 

Un nommé Claude Graux avait le 16 mai 1747 engagé son fils 
Jean-Baptiste comme milicien à la décharge de la communauté de 
Solre-Saint-Géry, moyennant cent écus aux couronnes, somme 
fournie par les échevinset la Jeunesse. C’était pendant l’occupation 
française ; l’intendant du roi Louis XV imposait aux communes 
l’obligation de fournir un certain nombre de soldats. 

Jean-Baptiste Graux n’ayant pas rempli ses engagements et son 
père n’ayant pu rembourser les cent écus, ce dernier constitua le 
9 avril 1750 devant le mayeur et les échevins de la ville de Chirnay, 
au profit de la communauté et Jeunesse de Solre-Saint-Géry, une rente 
perpétuelle de huit florins dix patards hypothéquée sur une maison 
et dépendances. 

Nous transcrivons cet acte qui atteste la capacité de posséder 


T. XI, no 10. 


Octobro 1903. 


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238 WALLONIA 

reconnue à la Jeunesse de Solre-Saint-Géry, parce qu’il constitue un 
des rares documents qu’on retrouve sur cette institution. L’original 
est au Greffe scabinal de Chimay, aux archives de l’Etat à Mons. 

« Le 9 avril 1750, Claude Graux, habitant et de résidence au 
faubourg de Chimay, comparant par devant les mayeuret eschevins 
de Chimay, a remontré que, le seize mai 1747, il a donné asseurance 
aux mayeur et eschevins de Sort-Saint-Géry et la jeunesse dudit lieu 
de la somme de cent escus aux couronnes, pour engagement de 
milicien de Jean-Baptiste Graux, son fils, pour le service de lad. 
communauté ; et comme celui-ci n’avoit remplis ses engagemens et 
ledit Graux n’aiant argent en mains pour restituer ladite somme, 
ils se sont accommodé avec le s r Gabriel Laurent, mayeur dudit 
Sort-Saint-Géry, muni de procure de ses collègues, que ledit Graux 
connoit d’avoir bien et léalement vendu audit s r Laurent présent 
acquérant et acceptant au profflt tant de leùre communauté que do 
leure jeunesse, huit florins dix pattars l’an de rente franche et 
exempte des xx e , centiesmes, tailles et impositions misés ou à mettre 
par qui que ce soit, en extinction entière de ladite somrrie de cent 
escus aux couronnes, pour ceux dudit Sort-Saint-Géry en jouir pres¬ 
tement et la recevoir pour la première année comme nouvelle charge 
et affectation d’hypotecque sur une maison, chambre prisé dans la 
cense des pauvres faisant coing à la cour de ladite cense scise sur le 
grand sarteau du costé du levant ; item sur une escurie tenant à 
ladite cense tenant au verger de la mesine cense du levant apparte¬ 
nante présentement à J.-B. Fontenelles, du midy et du couchant 
audit Fontenelles et sur un quartron ou environ de jardin potager et 
verger tenant aux terres, aux chemins et audit Fontenelles ; et ainsy 
continuer d’an en an à toujours sauf le rachat que faire le pourra 
quand bon semblera en une seule fois à raison du denier seize en 
argent à l’édict du souverain, l’escus aux trois couronnes pour trois 
florins cinq pattars et un liard et les autres espèces à proportion, 
payant lors tous arrérages et advenant de tems en deuz, ayant conduit 
lesdis biens n’estre chargéz que de douze florins dix pattars de rente 
vers le susdit Fontenelles ; pour lequel vendange faire valloir et 
sortir effect selon loy, ledit Graux, en mettant la main au baston, 
s’est bien et duement devesli et déshérité de ladite rente de huit 
florins dix pattars entre les mains dudit mayeur présent loy et 
renoncé in forma en observant les formalités requises à loy, puissant 
de ce faire comme à luy venant, desquels estant au mesme point et 
estât investy et adherité ledit s r Laurent au profflt que dit est, ledit 
Claude Graux s’estant arrière devesty et déshérité desdis biens, pour 


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î 


WALLONIA 


239 


à faute de payement de rente en estre fait comme coutume veut. Fut 
présent comme mayeur dudit Ghimay le s r Jean-François Leclercq 
et comme éschevins les soussignés, les jour mois et an que dessus ». 

Ernest MATTHIEU. 


II 

« Plainte criminelle et délictoire » 
au sujet de la Jeunesse de Clermont (Walcourt) 

Le document suivant, dont l’original est communiqué à Wal- 
lonia par M. J. Ernotte, de Donstiennes, est relatif à un usage en¬ 
core en vigueur dans beaucoup de nos villages d’Entre-Sambre-et- 
Meuse; autrefois, il était en quelque sorte de droit coutumier. Certes, 
la « plainte » ci-dessous en conteste la légitimité, mais il faut remar¬ 
quer qu’elle date de 1722, époque déjà avancée où les moeurs rurales 
commençaient à subir une certaine évolution. Néanmoins, c’était 
encore toute la Jeunesse qui s était occupée d exercer les représailles 
du « cornage » ou charivari, à propos duquel la plainte a été dressée. 

La commune de Clermont, actuellement du canton de Wal¬ 
court, province de Namur, appartenait autrefois au Pays de Liège 
comme propriété de l’abbaye de Lobbes, près de Thuin. 

« Messieurs de la Courte de justice de Clermont , 

» Albert Brogniez, officier baillif de ce lieu, estant eh cette 
qualité obligé de poursuivre a castigation, selon les peines encourues, 
ceux qui dans cette jurisdiction de son office, se présument de delen- 
quer, fait et déduit contre Adrien Defosset, et autres adne (adjournés) 
etdenomez a la superscription de cet escris, pour chacun desquels il’ 
l’employe, les points et articles qui sensuivent, sans tout préjudice 
et autres clauses les plus salutaires. 

» 1. Qu’il est publicque que le huist du présent mois de mars 
1722 jour de dimanche, il y a eu une querelle et bataille audit 
Clermont sur les nœuf heures de la nuict ; 

»2. Que l'origine de cette querelle resuite de ce que Theodard 
Hays, bourgeois de la ville de Thuin, ayant épousé depuis peu 
Catherine Scory, fille de Simon Scory, veuve Coeschesuin, allieur 
qu’a Clermont, a pretenduement frustré par la Jeunesse dudit 
Clermont de leur « prétendu droit » qu’elle nomme vulgairement 
Valtonagc , consistant a regaler ou faire boire par le nouveau marié 
estranger la Jeunesse du lieu de la résidence de la fille qu’il épouse ; 


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240 


wàllonia 


» 3. Que ledit Hays na point fournis ledit droit prétendu ou regai 
dit Valtonage ; 

» 4. Qu’il na pas mesme esté requis par la Jeunesse de la fournir ; 

» 5. Que par rapport et a raison dudit mariage et des nopces 
célébrées à Thuin et point a Clermont, ou autrement parce que le 
Valtonage na point esté fournis, la Jeunesse c’est à dire plusieurs des 
Jeûnais (*) dudit Clermont se sont mis en teste de faire affront audit 
Hays et a la parenté de sa femme et qua cet effect ils se sont reunis 
ensemble au cabaret chez Adrien Defosse*, le 8 de ce mois au soir ; 

» 6. Que la ils prirent et confirmèrent la resolution déjà prise 
daller corner et insulter de nouveau ledit Hays et la parenté de sa 
femme chez ledit Simon Scory en ce lieu : ainsi qu’ils les y avaient 
desja cornez deux fois, scavoir le 22 et le 23 septembre dernier encore 
environ les nœuf heures du soir ; 

»7. Qu’en effect lesdits Jeûnais ramassèrent et mennerent avec 
eux pour ces expéditions des jeunes entrants garçons dudit village, 
de 9 : 10 : 12 a 13 ans environ pour les ayder a faire ces charivaris 
et insultes, signament (notamment) audit charivaris du 8 de ce 
mois ; 

» 8. Que la dessus ladite bande des charivaris-faisants estant 
sortie de chez ledit Adrien Defosset le 8 du courant vers les neuf 
heures du soir comme dit est elle commença les dits charivaris et 
tintamard avec des cornets, clochettes, pailles (*) sur quels ils frap- 
poient et chalumeau (?) et apres avoir fait ainsy quelques tours de rue 
s’arresterent devant ou prez de la maison ou résidé ledit Simon 
Scory en ce lieu ; 

» 9. Que la continuant le charivari et tintamard ils laccompa- 
gnerent de cris, urlements et insultes vocales. 

» 10. Qu’ils restèrent ainsi queque temps préz de ladite maison 
dudit Simon Scory en laquelle esloient ledit Scory ses 4 garçons 
Valentin Scory, ledit Hays et les domestiques dudit Simon ; 

» 11. Que la dessus les quattre garçons dudit Simon, scavoir 
Jean, Robert, Jean François, et Jean Baptiste Scory, ledit Hays a 
leur teste, et déplus accompagnez dudit Valentin Scory frere dudit 
Simon, de Louis Tirque valet dudit Simon et de Bartholome Confre 
vacher ou gardeur des vaches dudit Simon firent une sortie sur 
lesdits charivaris-faisants. 

» 12. Que dans cet instant les parties se dirent des insulles et se 
firent voler des jurements lune apres lautre. 

(1) « Jeûnais », en wallon liégeois Djonês , c'est-à-dire jeunes hommes. 

(2) Dans le wallon du pays, paielle veut dire poêle à frire, — mais ici, il faut 
comprendre par là différents ustensiles de cuisine en fer, comme poêlons et chau¬ 
drons. — J. E. 


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WALLONIA 


241 


» 13. Que du costé des charivaris-faisants, estoient (outre les 
jeunes garçons de bas âge) Jean Baptiste Le Clercq estranger nepveux 
dudit Adrien Defosset et qui loge chez luy ; Guillaume Driot estran¬ 
ger, valent de Jacques Servais censier du Bavernia en ce l j eu ; Jean 
Moriasne, Philippe Brichet, Estienne N:; estranger valet a Piere 
Grawez maréchal audit Clermont; Gille Bayet, Joseph Servais fils 
dudit Jacques, et autres; 

» 14. Que ledit Jean Moriasne voyant ladite sortie de ceux repris 
a l’article onze, et que aux grosses parolles et jurements les coups 
commencent a succéder, cria a haute voix : « a moy la Jeunesse de 
Clermont », sur quoy la bataille seschaufla et les coups de cannes, 
manches à balet, picots, pierres et autres armes, se distribueront de 
part et dautre, et les parties combattantes se prirent aux cheveux et 
se traînèrent dans la boue, tout cela accompagnez de jurements 
exécrables ; 

» 15. Que sur ces entrefaites la femme dudit Simon Scory estant 
sortie de sa maison avec ledit Simon son mary, le dit Adrien Defosset 
estant aussy sortis de chez luy de meme que Bernard Moriamô de sa 
maison (ce dernier ayant un gros picot ou manche a balet ens mains) 
accoururent parmy les combattants et ledit Bernard frappa et fut 
frappé ; 

» 16. Que ledit Simon Scory avec lassistance du reverend pasteur 
et du reverend vicaire de ce lieu et du receveur Thomas qui estoient 
accourus et mettoient le hola, et s’efiorcoient de calmer les combat¬ 
tants, fit rentrer chez luy ses enflants son gendre son frère et ses 
domestiques dénommez a lart. 11. 

» 17. Que la femme dudit Simon estant neanmoins restee sur la 
rue et y jouant de son cacquet, ledit Adrien Defosset sélanca vers 
elle et la regala de quelques coups ; 

» 18. Que de ces coups la femme dudit Simon a reçu ou eu une 
grosse contusion a la teste, dont elle a esté dangereusement blessee a 
sang coulant ; 

» 19. Que dans le cours de cette bataille qui a dure environ une 
demy heure, les bataillants ont reçu des coups considérables de 
meurtrissure lun de îautre ; 

» 20. Que ledit Jean Moriamé et ledit Bernard Moriamé freres 
ont reçu en cette bataille chacune blessure a la teste dont le sang a 
coulé ; 

» 21. Que ledit Bernard Moriamé est venus en la ville de Thuin 
chez ledit officier baillif et porter plainte, disant que cestoit Jean- 
François Scory qui lavoit blessé a la teste a sang coulant, montrant 


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242 


WALLONIÀ 


lappareil quil avoit sur son coup a la teste, disant déplus que Jan 
Moriamé son frere estoit aussy blesse a la teste à sang coulant. 

» 22. Que ledit Simon Scory est aussy venus porter plainte audit 
officier baillif luy disant que c’estoit ledit Adrien Defosset qui avoit 
blessé sa femme de luy ledit Scory a la teste a sang coulant ; 

» 23. Que pendant cette bataille on n’entendoit que coups, 
blasphémés, et reniements, sacre, mort, teste ( ! ) ; 

» 24. Qu’apres que la lowable et charitable conduite desdits 
reverends pasteur et vicaire et dudit receveur Thomas, eut enfin 
séparez et renvoyé les combattants, et que la bataille fut appaisee, 
lesdits charivaris-faisants, ou plusieurs d’eux nommez a l’art : 13, 
s’en retournèrent chez ledit Adrien Defosset, où on leurs tira encor a 
boire de la biere ; 

» 25. Quentre les enffans ou jeunes garçons de bas âge, qui 
assistoient au charivaris estoient deux garçons fils dudit Defosset 
agez d’environ 9: 10 a 12 ans, et quils sont sous la tutelle de leur 
père ; 

» 26. Que la bande des charivaris-faisants estoient immédiate¬ 
ment avant de commencer les charivaris chez le dit Adrien Defosset 
y beuvant de la biere ; 

» 27. Que plusieurs de ladite bande y estant retourné apres la 
bataille y beuvent de la biere jusques bien avant dans la nuict ; 

» 28. Que les actions cy devant déduites sont non seulement 
scandaleuses et prohibées, mais encor merittent a charge des cou¬ 
pables des peines ou amendes qui tombent sous la poursuitte dudit 
officier baillif. 

» Concluant parlant par ledit officier baillif en execution du 
devoir de sa charge, a ce que les delincquants et coupables cy devant 
nommez, chacun selon et a proportion de son mesus, devera estre 
condamne a toutte telle amende ou peine que la justice trouvera en 
vigueur convenir, apres que les faits seront avouez, ou prouvez en 
cas de négation, ou autrement iavoir droit omni meliovi modo. 

» (s) Brogniez. > 


(1) Il faut sans doute lire... dieu après chacun de ces trois derniers mots. 


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WALLONIA 


243 


III. 

Sur les Capitaines de ducace, au Borinage. 

Dans le Borinage, les chefs de la Jeunesse se nommaient Capi- 
taines. 

Dans son numéro du 7 juin dernier, le Pays borain publie le 
curieux document suivant, relatif à la mise aux enchères de la place 
de Capitaine de la ducace de Frameries. Le document est daté du 
28 juin 1785, et signé J.-J. Chabotteaux (original aux archives de 
l’Etat à Mous, greffe scabinal de Frameries). 

« Par ordonnance de M. le Chevalier de Grouff, seigneur de 
Frameries, etc. 

» On fait savoir qu’Antoine Watier, mayeur de Frameries, 
expose au plus offrant la place de capitaine pour la jeunesse mener 
la carmesse de cette présente année 1785, le huit de septembre pro¬ 
chain, comme de coutume, à charge de par le marchand adjudica¬ 
taire payer le prix de sa demeurée sitôt le recours tenu ès mains du 
dit mayeur, comme aussi de payer en outre, aussi tout pettement, 
les fraix du présent recours, se montant le tout à la somme de sept 
livres dix-neuf sols, tant pour mise par écrit de criée et timbre y 
servant, billet d’alfiche, son de cloche et hommes des fiefs présent 
au dit recours, en ce compris deux livres seize sols à Gaspard-Joseph 
Bruyère, sergeant du dit lieu, pour ses vacations; au surplus, le dit 
adjudicataire sera tenu de faire jouer les violons sur la place, le dit 
jour, pour danser la jeunesse du dit lieu, sans rien payer comme 
d’ordinaire; aussi à payer les joueurs de violons par le dit adjudica¬ 
taire, sans rien diminuer au prix de sa demeurée; pour les deniers 
de son adjudication être employé en choses pieuses, selon que la 
jeunesse se trouvera convenir et lorsqu’elle souhaitera, avec le pou¬ 
voir au dit adjudicataire de sc joindre avec d’autres jeunes hommes 
du dit lieu, s’il le trouve convenir. 

» Parmi ce, un chacun pourra hausser tant qu’il voudra moyen¬ 
nant une livre à chaque fois, non de moins mais bien de plus et si 
quelque impuissant haussoit, point n’auroit la place de capitaine de 
jeunesse pour mener la carmesse, mais bien le précédent marchand 
puissant et payant, à qui elle sera remise sur le champ, sans autres 
formalités, payant par l’impuissant la folle hausse de son coup avec 
tous coust et fraix. 

» Dont le recours se tient ferme et stable au dit Frameries, 


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244 


WÀLLONIA 


proche le pillory, sur la place du dit lieu, après son de cloche, ce 
jourd’hui après les vêpres, seize de may 1785. 

» Laquelle place de capitaine de jeunesse fut bandie à vingt 
livres et demeurée après plusieurs hausses à Nicolas-Joseph Decamps, 
jeune homme du dit lieu, au prix de quarante et une livre, aux 
conditions de la présente criée. 

» Lequel prix il a payé ès mains du dit Watier, receveur sous¬ 
signé, en présence des dits hommes des fiefs, aussi soussignés, pré¬ 
sent au dit recours, le dit jour, 16 de may 1785. 

» Le soussigné, curé de Frameries, connaît d’avoir reçu du 
raayeur Wathier, la dite somme de quarante et une livre, pour être 
emploiée au paiement du facteur d’orgue, Léon, suivant l’intention 
de la jeunesse. » 

Comme on le voit, on mettait jadis aux enchères la place de 
capitaine. Un autre procédé, plus pittoresque, s’appelait le tirage al 
biète , ou abatage del biète . M. Oscar Giiilain a bien voulu nous dire 
comment ce jeu se pratiquait à Jemappes. 

A la kermesse de Saint-Pierre (2 e dimanche de juillet), les jeunes 
gens de la commune se réunissaient sur la place de Jéricho, où l’on 
avait planté une perche d’une douzaine de mètres de hauteur, sur¬ 
montée d’un informe morceau de bois que l’on nommait Vbiète . Les 
jeunes gens lançaient après celui-ci de gros morceaux de bâton 
nommés ici boutiaus , et le premier qui abatait Vbiète était déclaré 
« chef des capitaines » de la ducace. 11 choisissait alors lui-même ses 
compagnons. 

Cet usage, qui a disparu, est évidemment un reste du jeu de 
l’animal décapité, dont Wallonia a parlé à différentes reprises 



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G - }I 




Calendrier folklorique 


La nuit de la Toussaint, à Jupille 

Sous ce même titre, nous avons publié dans Wallonia, t. II, 
(1891), pp. 193 et ss., la relation d’un usage très ancien qui se pra¬ 
tiquait autrefois à Jupille, où, la nuit de la Toussaint, on allait de 
tous les environs en foule hoàter braire Chôme. 

Nous avons retrouvé dans des archives particulières, à Jupille, 
un document original relatif à cette coutume. C'est la pièce authen¬ 
tique d’une ordonnance datant de la domination française, et portant 
une interdiction, qui a sans doute amené la suppression de la pieuse 
tournée traditionnelle. Le document, dont voici la copie, est signé 
par le maire de Jupille, J.-F t Massin. 

Commune de Jupille 

« Le Maire, informé que certains individus, sous prétextes 
» d’œuvres pieuses, se permettent de courir de la nuit, ordinaire- 
» ment le jour de la Toussaint, parmis la commune en jettant des 
» cris aigus, éveillant les uns, et intimidant les autres, ce qui est 
» deffendù par les loix de police. . 

» Considérant qu’il n’est permis à personne de troubler le repos 
» publique. 

» Deffend à qui que ce soit de courir ainsi pendant la nuit, par- 
» mis la commune en jettant des hauls cris, a peine d’ètre saisis en 
» flagrant et d’être traité comme réfractaire aux loix. 

» Charge le maire adjoint et le garde champêtre chacun en ce 
» qui le concerne, de l’exécution de la présente. 

» Fait à la Mairie le 10 Brumaire, an 14, le deuxième de l’em- 
» pire français. » 

Jean Lejeune. 


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Chansons dialoguées 

i 

Bonjour, belle Isabeau. 


Traînez fortement. 



gcr A vous et à ja mais. 


I. 

Bonjour, belle Isabeau 
Je viens expressément 
Avec des sabots 
Pour y êtr’ votre amant. 
Avec votre beau visage 
Et votre beau portrait 
Je veux m’y engager 
A vous et à jamais. 


IL 

Si df saveûs qu' c'esieût vrêye 
Çou qu' vos m'racontez la? 

Dj' enne a hâsî l'idèye 
Mins dji n' sès comme dji fa. 
I vinve dja Vaut' jour onk 
Qui d'héve dja comme çoula , 
Mins va , li drôle di tchin , 

I m'a bin planté la ! 


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WALLONIÀ 


247 


III. 

Belle, de ma prudence 
Il n’en faut point douter. 

Pour toute assurance 
De mes amitiés. 

Si je veux vous aimer 
C’est avec juste raison 
Que j’ veux vous courtiser 
D’une bonne façon. 

IV. 

Riv'nez d'main â matin 
Djè Vdimandrè a rrC père 
Ca a m'méi'e dji na qu * /V, 

Et dji ses qu'èle vout bin : 

Df Vaveûs d'mandé po Vau te 
Elle m'aveut-st-acioèrdè 
Mains df pinse qui l'sôte-mù ôte 
Mi Va v'ni-st-èvoler. 


V. 

Vous m’ paraissez la belle 
Bien avoir du regret 
Pour ce grand infidèle, 

En aurez-vous pour mwè ? 
Car c’est un badinage, 

Que j’ai pris eu passant î 
Or, adieu, ma maîtresse 
Ah ! cherchez d’autr’ amants. 

VI. 

Vos n'estez qui deux gueux , 
Et deux vüains marots ! 

Oh ! ji vtcèreux qui V leûp 
Vos âreût tos deûs ! 

Ca f pinse qui V grand diale 
V's a disconsyî tos deûs 
Po vrCfè divni houprale : 
N'est-ce nin bin malhuveûs. 


Traduction du texte wallon. 

2. — Si je savais que c’est vrai — Ce que vous me racontez là ? — J’en 
ai presque l’idée. — Mais je ne sais comment je l’ai (comment elle me vient) 
— Il en vint déjà l’autre jour un [homme] — Qui disait déjà comme cela. — 
Mais va, le drôle de chien ! — Il m’a bien plantée là. 

4. — Revenez demain matin — Je le demanderai à mon père — Car à 
ma mère je n'ai que faire (c’est inutile) — Et je sais qu'elle veut bien : — 
Je l’avais demandé pour l’autre (le premier) — Elle avait accordé — Mais 
je pense que le diable (*) — Me l’a venu envoler. 

6. — Vous n’ètes que deux gueux — Et deux vilains marauds î — Oh î 
je voudrais que le loup — Vous aurait tous les deux ! — Car je pense que 
le grand diable — Vous a déconseillés tous deux — Pour me faire devenir 
sorcière ( 2 ) : — N’est-cc pas bien malheureux ! 

Chanté par Nicolas liens, 68 ans, de Neuville-Vielsalm, 
à la « Société des Fanfares de Vielsalm ». 

Frédéric Jacques. 


(1) Sur sôte-mirôde , voy. Wallonià, t. IX, p. 168. 

(2) Pour me faire perdre la tète. 


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248 


WALLON IA 


II. 

Le vieux et la jeune. 


Le vieux. 

Bonjour mes amours 
Je viens pour te faire la cour 
Belle, reçois- micè : 

Je serai plus heureux qu’un ncè. 
Si tu connaissais 
L’amour que j’ai pour Itcè ! 
Profitons de ce beau moment 
Dedans ce doux printemps. 


La jeune fille. 

Monsieur, vous me surprenez, 
. En vous entendant parler. 

Et puis vous voudriez, 

Et puis vous sauriez, 

Que les filles d'aux champs 
N’ont pas besoin d'amants. 
Retirez-vous dans vot’ maison, 
Allez, vieux marmiton ! 


Le vieux. 

Quoique je suis vieux 
Je suis amoureux... 

J’ai des yeux rieu(r)s 
Gomme un jeune homme de 15 ans. 
Je suis vigoureux 
Et rempli de feu. 

Je peux faire l’amour 
La nuit comme le jour. 

Je n’ai que centet un ans 
Je peux faire le galant. 

La jeune fille. 

Allez, pauvre goutteux, 

Vous parlez d’être amoureux ! 
Prenez un chapelet 
Vous feriez mieux, sur ma ftoè. 
Pleurez vos pêchés. 

Torchez votre nez. 

Allez vieux cocard, 

Ne soyez plus à l’écart. 
Retirez vous dans vot’ maison, 
Allez, vieux marmiton ! 


Le vieux. 

Quoi ? aimable Aily, 

Auras-tu l’honneur 
De me refuser ton cœur? 

Si tu ne veux pas, 

Je courrai autre pa(r)t, 

Finir en langueur. 

Faut-il donc en ce moment 
Ensevelir mes ans? 

Adieu donc, la plus belle fleur ! 

Adieu, adieu, mon cœur! 

Recueillie en 1892, à Stavelot, de la bouche d’un 
vieillard qui la disait très ancienne. 

Louis Detrixhe. 


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Documents et Notices 


La surprise de Binche. — L’incendie de la ville de Binche, en 
1554, par les troupes de Henri II, roi de France, avait amené la 
ruine de cette charmante cité, jusque-là si prospère. Les finances 
communales furent gravement atteintes et, pendant le xvn e et le 
xviu 0 siècle, les guerres dont le Hainaut fut souvent le théâtre, les 
prestations militaires de tout genre, empêchèrent la ville de se 
relever de ses désastres. 

Le mauvais état des finances locales ne permettait guère au 
prévôt et aux jurés d’entretenir les portes et les murailles des fortifi¬ 
cations ; celles-ci tombaient dans un grand état de délabrement et 
lorsqu'un ennemi apparaissait et menaçait la sécurité des habitants* 
il fallait en grande hâte remédier à une situation lamentable et 
improviser des réparations aux murs et aux portes. 

La légende suivante servait à caractériser la position de la 
malheureuse cité ; elle nous a été racontée il y a une trentaine 
d’années par un Binchois, le P. Devergnies, longtemps professeur de 
cinquième au collège Saint-Slanislas, à Mons. 

Avant l’établissement du chemin de fer, Binche se trouvait 
resserrée dans les limites étroites de son ancienne enceinte fortifiée ; 
tout autour s’étendaient des villages agricoles, et les ménagers de 
ces localités avaient l’habitude d’amener leurs denrées au marché 
sur des charrettes traînées par un àne. De là le nom de pays de 
baudets donné à la région binchoise. 

Un jour, c’était au xvn 6 ou au xvnr siècle, la garde qui veillait 
au haut du vieux beffroi signale l'approche d'un corps de troupe 
française. 

Le magistrat embarrassé et manquant d’argent prend d'urgence 
les mesures nécessaires pour la défense de la place. L’artillerie 
faisait défaut ; pour y suppléer, on réunit les pots de beurre, on les 
dispose sur les murs des remparts et on prend soin de mettre à l’ou¬ 
verture des carottes bien rouges pour figurer la flamme du canon. 
Les portes manquaient de verroux : on les remplace par les carottes. 

Les soldats français arrivent, ils essaient vainement d’enfoncer 
les portes. Un baudet s’échappe et court vers la porte, il mange 
la carotte, la porte s’ouvre et l’ennemi entre en vainqueur dans la 
ville. 

Ernest, Matthieu . 


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250 


WALLONIÀ 


Le prince de Conti et les chanoinesses de Maubeuge. — Le 
prince de Conti se rendant au camp devant Mons (*), en juin 1746, 
séjourna à Maubeuge. Dès que son arrivée fut connue en cette ville, 
les dames chanoinesses de l'antique et illustre chapitre de Sainte- 
Aldegonde lui mandèrent qu’elles iraient le saluer en^grande céré¬ 
monie. Monseigneur eut la bonté grande de leur répondre qu’il les 
préviendrait. Il se rendit donc au chapitre, mais oublieux des usages 
du protocole, il négligea de donner le « baiser de paix et d’amitié » 
au fur et à mesure que chacune des dames lui faisait la révérence, 
comme il le devait en sa qualité de prince du sang. Aussi grande 
rumeur s’ensuivit. Humiliées dans leur vanité et vexées qu’un tel 
privilège fut méconnu dans une circonstance aussi solennelle, les 
chanoinesses résolurent de revendiquer leur droit. En assemblée 
plénière elles examinèrent les moyens d’obtenir la réparation d’une 
semblable atteinte à leur dignité. Le cas était embarrassant. Fallait-il 
rendre au prince-sa visite ? Certes, oui ; mais quelle attitude tenir en 
sa présence? Convenait il de lui demander compte de ce manque¬ 
ment grave à l’étiquette, ou bien était il préférable d'user de diplo¬ 
matie et de lui rappeler discrètement ses devoirs? Ce dernier avis 
prévalut, et à Madame l’abbesse, la princesse Marie-Thêrèse-Char- 
lotte de Croy, échut cette tâche délicate. 

Ce fut un beau spectacle de voir les dames du chapitre, en habits 
d’église, drapées dans le long manteau noir doublé d’hermine, se 
diriger, en majestueux cortège, vers la demeure de M. de Conti. La 
réception fut courtoise, de part et d'autre on échangea des congra¬ 
tulations. L’audience finie, les dames se levèrent, mais le prince, 
impassible, ne témoigna aucun empressement à user des prérogatives 
de son rang. Il y eut un moment d’anxieuse attente : l’honneur de 
l’illustre chapitre et de ses dames à seize quartiers de noblesse était 
en jeu. Toutes, les yeux fixés sur Monseigneur, l’interrogeaient du 
regard. Embrasserait-il, n’embrasserait-il pas? Alors, l’abbesse, con¬ 
sciente de son grand rôle, s’approcha du prince et lui dit respectueu¬ 
sement à l’oreille: Votre Altesse n’a-t-elle pas un petit mot à me 
dire ? 

M. de Conti — les grands seigneurs comprennent à demi mot — 
saisit le sens de ces paroles énigmatiques pour tout autre, et, de la 
meilleure grâce du monde, il déposa sur le front de Madame l’ab¬ 
besse le baiser de paix et d’amitié. Les chanoinesses défilèrent ensuite, 
comme à l’offrande, recevant, elles aussi, le baiser du prince, et 
s’en retournèrent contentes. 

(1) L’armée françiise parut devant Mons le 5 juin 1746, jour de la ducace^ 
le 9, la ville fut investie, et la capitulation fut signée le 11 juillet. 


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WALLONIA 


25l 


Rentrées au chapitre, elles prirent soin de faire tenir un procès- 
verbal de ce qui venait de se passer, et, par ce moyen, furent réha¬ 
bilitées dans leur droit ( l ). 

Pareille aventure n’était point réservée aux chanoinesses de 
Mons, lors de l’entrée de Louis XV, le 30 mai 1747. Le roi, après avoir 
entendu la messe en 1 egîise de Sainte-Waudru, ne manqua point 
d’embrasser les chanoinesses en qualité d’abbé du chapitre, 

Emile Hublard. 

Comment le chapitre de St e -Waudru, à Mons, s’affranchit de 
la taxe de guerre sur les cloches en 1746. — Le 4 avril 1748, le 
prince de Croy, brigadier et maître de camp du régiment de cava¬ 
lerie de Royal Roussillon, et Franquet, brigadier des ingénieurs de 
l’armée, venant de Condéet se dirigeant vers Bruxelles, s’arrêtèrent 
à Mons où ils furent reçus par Madame de Solre, chanoinesse de 
Sainte-Waudru, qui les retint à souper. 

« La chère, dit Franquet, n’était pas somptueuse mais délicate, 
trois chanoinesses de ses parentes, jeunes et de figures aimables y 
étaient invitées. Le repas fut assez amusant, néanmoins de peu de 
durée, et avant onze heures nous étions rentrés à notre auberge. 

Au cours de ce souper on s’entretint, entre autres choses, des 
événements de la campagne et particulièrement du siège de Mons, 
ce qui amena Madame de Solre à conter de quelle manière le chapitre 
s’exempta du paiement de la contribution sur les cloches. » Voici le 
récit tel que l’a noté Franquet dans son journal. ( 2 ) 

« Après la prise de Mons, en 1746, un officier de l'état-major de 
l’artillerie assiégeante convint avec le magistrat du rachat des 
cloches et, dans l’imposition générale, le chapitre de Sainte- 
Waudru fut taxé. Lorsque l’officier chargé de percevoir la cote- 
part des églises se présenta chez les dames chanoinesses elles le 
reçurent au mieux en disant que rien n’était plus juste que sa 
demande, mais que le roi Louis XV, par la conquête de la place, 
étant devenu leur abbé, elles ne pouvaient y avoir égard sans un 
ordre de sa part. En conséquence, elles priaient l’officier de faire 
diligence auprès de Sa Majesté et que pour lors, elles le satisferaient. 
L’officier se garda bien de suivre le conseil. De celte façon, elles 
éludèrent le paiement, et l’artillerie fut privée de ses droits. » 

Emile Hublard . 

r 

(1) Cette historiette est extraite du journal manuscrit de Franquet : Itinéraire 
de la campagne de 1746 et des événements y arrivés. Livre 6\ ff. 127 et suivants. 
(Ms. conservé à la Bibl. roy. à Bruxelles, n M 3516-25.) 

(2) Ms. cité, Livre huitième, f. 355. 


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Chronique Wallonne 


BULLETINS ET ANNALES : 

Société Nationale des Antiquaires de France. — Bulletin, 
2 e trimestre 1903. 

M. Yitry attire l'attention sur une statue do la Vierge, en l’église 
d’Apchon dans le Cantal. Cette statue en bronze, grandement propor¬ 
tionnée, semble dater de la fin du xv° siècle ou du commencement du xvi®. 
Son style et sa facture indiquent une origine étrangère. L’auteur l’attribue 
à quelque dinandier. 

M. Joseph Destrêe signale que les célèbres fonts de St-Barthêlcmy à 
Liège, attribués jusqu’à présent à un prétendu Lambert Patras, et datés de 
1112, sont l’œuvre postérieure de Renier, orfèvre de Huy. Suivant le 
chroniqueur Jean de Warnant, édité par M. Eugène Bacha, ils ont été 
commandés à Renier par l’évêque Albéron, et exécutés entre les années 
1138 et 1142. [Cette découverte intéressante de l’aimable érudit, M. Joseph 
Destrêe, a ôté communiquée récemment à l’Académie de Belgique par 
M. Kurth. Voy. ci-dessus, p. 233.] 

Société d’Art et d’Histoire du diocèse de Liège. — Leodium, chro¬ 
nique mensuelle de la Société . 

Mai. = Guill. Simenon, les Tributaires de Saint Trond : il s’agit des 
serfs, dont le nombre peut avoir dépassé un millier, qui avaient été donnés 
au sanctuaire par leur maître, ou bien d’hommes libres qui s’étaient mis de 
leur propre mouvement sous la dépendance de l’abbaye. L’auteur donne 
des détails sur leurs redevances et leur situation : elle était, dit l’auteur, 
avantageuse à plus d’un titre. — Jean Paquày, L'Archidiaconat liégeois 
(VUrbain IV : publie un nouveau document, irréfutable, sur la réalité de 
ce fait dont il a déjà été question dans Leodium (voir ci-dessus, p. 26). — 
Em. Sciioolmeësters, une Lettre de Chappeaville concernant Huy : elle 
est adressée au doyen de la collégiale pour l’avertir que des hérétiques, 
chassés d’Aix-la-Chapelle, se sont réfugiés dans le pays do Liège auprès de 
leurs partisans. 

Juin. = Joseph Demarteau, Le mobilier de la maison de saint Lam¬ 
bert. Son fauteuil ou chaire, son lit, son peigne et son épée. Curieux détails 
sur ces objets et, à propos d’eux, sur la vie du saint. — Joseph Daris, 
Organisation politique de Maeslricht sous Vancien régime . Cette ville a 
été gouvernée pendant des siècles par deux souverainetés indivises, celle 
du prince-évêque de Liège et celle du duc de Brabant ; le premier tenait 
certains pouvoirs administratifs de la législation de Constantin-le-Grand au 


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Goc e 


WALLONIA 


253 


iv e siècle, et certains pouvoirs politiques des rois d’Allemagne. D’où, 
situation compliquée, dont l’auteur dégage les effets à travers les âges. 
(A suivre ; terminé en juillet.) 

Juillet. = Emile Sciioolmeesters, Deux lettres inédites de Georges- 
( Louis de Bergues au pape Clément XII, relatives aux jansénistes de Maes- 
trieht, qui méconnaissaient la juridiction spirituelle du prince de Liège. — 
Guillaume Simenon, Le « jus devaslationis ignis » et le «vuergoel» a 
Saint-Trond . Ce droit n’était pas le droit d’arsin, et il ne rappelle en rien 
l’obole banale, dite en flamand « vuergheld ». Il s’agit d’une sorte de bail 
emphytéotique dont la durée était limitée par la destruction de la maison 
par le feu. — G. M., Le jansénisme à Liège en i069. Epigrammes dirigées 
contre eux. 

JOURNA UX ET REVUES : 

Flandre libérale (5 juin). — A propos d'une histoire de Belgique, 
par M. Wilmotte. L’auteur rend compte élogieusement du 2° vol. de 
l’œuvre de M. Pirenne, d’où nos rares nationalistes ont tiré, comme on 
sait, ( l ). l’idée d’une « Ame belge » 

« Il y a dans ce volume, autre chose que dans les histoires ordinaires 
de la Belgique, autre chose qu’une vue claire et qu’un exposé synthétique 
des faits, raccordés à ceux de l’histoire générale : il y a une pensée maî¬ 
tresse qui a conduit la main de M. Pirenne ; on peut ne pas «accepter cette 
pensée, on ne peut contester qu’elle soit grande et digne de considération. 

» Si j’avais une objection à présenter, ce serait précisément le revers 
d’un éloge bien mérité, qui m’en fournirait l'exacte formule. En mettant 
tout en œuvre pour nous montrer dans l’histoire de ces siècles lointains 
les progrès successifs d’une nationalité en marche, l’auteur a été oppor¬ 
tuniste avec'bonhcur ; il a abondé dans le sens de nos patriotiques désirs ; 
il y a trop abondé peut-être ; il a trop vu, à mon sens, la Belgique de 
demain, ou d’après-demain, dans les Pays-Bas de la veille et surtout dans 
les Etats sans attaches bien fermes, sans cohésion durable de l’avant-veille. 
Les faits, qu’il juge avec une très générale sûreté, ne sont pas si convain¬ 
cants à]cet'égard ; le particularisme, qu’il analyse et qu’il admet, n’a pas 
été si complètement refoulé à la longue. Au risque de paraître paradoxal, 
je dirai qu’il^subsiste encore et qu’il triomphe, malgré notre flatteuse 
étiquette'monarchique, et que Gand contre Liège, si pas Bruges contre 
Gand, et Bruxelles contre ce qui est devenu la province, et Verviers contre 
Herve, et peut-être Courtrai contre Tournai, il y a chez nous une jolie 
collection de patriotismes en miniature, qui sont l’éclatante démonstration 
de certaines'insuffisances du patriotisme, ce mot signifiant, bien entendu, 
la haute conscience d’une patrie une, ayant ses traditions communes et sa 
destination propre. » 

M. W. déduit ensuite plusieurs constatations d’ordre général, de la 

(l) Voy. Wallonia , t. X (1902) p. 77. 


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suite des faits exposés par M. Pirenne. La dernière est, dit-il, « délicate à 
formuler, parce qu’elle repose sur des données moins concrètes. Je veux 
parler des haines de race qui, dès le haut moyen-âge, accusent des antino¬ 
mies foncières entre le Germain et le Latin, ou plus exactement, entre le 
Germain resté tel et celui qui s'est amalgamé avec une race déjà composite, 
où les éléments celtiques et romains entraient pour une large part. Il y a 
déjà des fransquillons et des flamingants aux xii e -xm c siècle, bien qu’ils ne 
ressemblent pas de trop près aux nôtres. Sous Philippe-Auguste se fait un 
premier rapprochement entre la Flandre et l’Angleterre. L’exaspération de 
celle-là contre Louis de Ne vers n'a pas de cause plus apparente que les 
sympathies françaises de ce prince ; la bataille de Courtrai ne fait que surex¬ 
citer les esprits et donner à leurs préoccupations déjà vieilles la forme, à la 
fois matérielle et symbolique, qui va les éterniser. Déjà le pangermanisme 
parle par la bouche de l’empereur d’Allemagne, exhortant les trois villes de 
Flandre à une révolte définitive contre le suzerain étranger, et à défaut du 
pangermanisme, ce sera l’alliance anglaise qui se chargera de rompre les 
derniers liens de vasselage, sous van Artevelde. 

« Au xv® siècle, les mêmes tendances se manifestent de nouveau, et il 
y a quelque ironie à noter que ce sont des princes français qui semblent les 
seconder, ou du moins qui les ménagent. Jean Sans Peur « décida que le 
Conseil de Lille traiterait en flamand les affaires qui lui seraient soumises 
dans cette langue, et, comme garantie, il consentit à son transfert à Aude- 
narde, ville de langue thioise ». Cela se passe en 1405 ; mais, quatre ans 
plus tard, ce prince impose l’emploi du français dans les instructions con¬ 
fiées à sa Chambre de Lille, à la fois tribunal et-cour des comptes, et quand 
la bataille de Gavre a mis le sceau au triomphe de la centralisation monar¬ 
chique sur l’autorité communale, le 23 juillet 1453, l’historien note que 
c’est « en langage françois » que les vaincus viennent, en chemise et la 
hart au col, implorer leur grâce de Philippe-le-Bon. Dès ce moment-là (et à 
une date antérieure déjà), l’emploi du français, imposé comme une loi mar¬ 
tiale, tendra à s’identifier, dans l’âme populaire des Flandres, avec une 
notion précise d’abaissement. Sans doute, la politique savante des ducs de 
Bourgogne fut, à cet égard, bien différente de ce qu'on imagine, et M. Pi- 
renne réfute le reproche de francisation qu’on leur a adressé. Mais si la sur¬ 
face des événements et des hommes lui donne raison, je doute qu’il en aille 
de même de ce tréfonds de la race, dont les points de vue économiques ont 
parfois le tort de faire un trop facile marché. Au surplus, les antinomies 
dont il s’agit ne devaient point subir de retranchement du chef d’un oppor¬ 
tunisme, qui reposait sur le seul désir d’implanter solidement une nouvelle 
dynastie dans un pays, longtemps englobé dans la sphère d’influence fran¬ 
çaise I » 

Mercure de France (septembre). — Commence la publication d’un 
roman hesbignon de notre compatriote M. Hubert Krains : Le Pain noir . 
Nous en reparlerons quand il aura paru. 


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Le Beffroi, de Lille (août). — A propos de l’exposition de Florent 
Menet à Y Union artistique de Lille , M. Robert Douvry présente ce 
« jeune artiste septentrional », né à Mons en 1872, dont les œuvres ont été 
si remarquées. 

« Il s’affirme dès l’abord comme un peintre de la chair, et c’est vers la 
beauté de la vie charnelle que s’est tourné son effort. Chairs luxuriantes et 
débordantes de maritornes flamandes, chairs de vieilles élimées et labourées 
par la longue misère de vivre et grésillant en replis compliqués sur les 
relidfs des os ; chairs veloutées et fermes de jeunes fllle3 ; chairs fraîches 
écloses de nouveaux-nés ; c’est ici le poème de la beauté multiple et très 
diverse de la chair. 

»... Menet n’est pas le peintre des intérieurs de luxe où chatoie la 
magnificence compliquée des couleurs, où le plus délicieux visage de femme 
semble une fleur parmi tant d’autres. Il n’est pas le peintre de la couleur 
mais des splendeurs charnelles. Et logiquement, il préfère aux chairs mor¬ 
bides et d’une nervosité complexe, celles plus matériellement et plus super¬ 
bement vivantes, celles qu’anime et que caractérise extrêmement la franche 
simplicité de l’instinct ; l’animalité des truandes ou des ivrognes, l’abrutis¬ 
sement des miséreux surtout l’attire. 

»... Son art témoigne d’une extraordinaire puissance de conception. 
Rapidement il s’empare de son sujet, le domine, le maîtrise, le pénètre à 
fond, auiieu de s’en approcher timidement, lentement, de le prendre mor¬ 
ceau par morceau et d’en faire uae œuvre qui se tient tant bien que mal, de 
bribes péniblement réunies par l’effort d’un métier lourd et matériel, où 
aucune intellectualité ne vibre. Ce n’est point un analyste lent que Menet ; 
c’est un synthétiste hardi. Le travail rapide obéit chez lui à la rapidité du 
concept. Il ne s’attarde pas aux étapes coutumières du dessin, de la cons¬ 
truction, établissant des jalons où s’accrocherait son labeur. Menet ne des¬ 
sine pas. L’impression, si vive et si forte au fond des yeux et du cerveau, se 
fixe en un rien de temps sur la toile. Après le caractère essentiel de l’en¬ 
semble, les détails naissent peu à peu. 11 passe logiquement du simple au 
complexe, du général au particulier. 

» Cette apparence si réelle, l’air dont ses toiles sont baignées vient de 
là, de cette puissance de conception qui lui permet de saisir, d’un seul coup, 
nettement et fortement, un ensemble, tandis que la plupart, réduits à 
s'inquiéter successivement des détails, ne perçoivent l’ensemble que faible¬ 
ment... L’artiste est à ce point pénétré de son sujet que presque inconsciem¬ 
ment, l’impression que produit sur lui la matière complexe du modèle vient 
tour à tour en passant par son effort se fixer sur la toile, telle qu’il l’a reçue, 
ou souple, embriée de douceur, ou brutale... L’affirmation peut paraître 
paradoxale, mais Menet est un impressionniste au vrai et au bon sens du 
mot... Chez lui le métier n’est pas une chose fixe, immuable, morne et 
morte, mais vivante, indéfiniment variable et qui se plie en esclave aux 
exigences de l’impression... » 

Petite Revue illustrée de l’Art et de l’Archéologie en Flandre, 
de Gand (15-30 septembre). — Dans un article où il critique l’actuel Salon 


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WALLONIA 


de Bruxelles et son règlement d’organisation, M. R. D. S. propose de sim¬ 
plifier ce règlement, et fournit un projet en dix-sept articles, con<cis et 
intéressant. 

Nous y remarquons l’article qui compose le jury d’admission de neuf 
membres seulement, savoir : cinq artistes nommés par les artistes, puis 
M. Octave Maus, directeur de « La Libre Esthétique », et enfin le secrétaire 
de chacune des Sociétés des Beaux-Arts de Bruxelles, Gand et Anvers. 

Nous proposerions volontiers un léger amendement à cet amendement. 
La Wallonie comprenant la moitié du pays, il parait assez légitime de lui 
assurer une représentation en rapport avec son importance. Dès lors, ce 
n’est plus neuf membres qu’il faudrait, mais peut-être, par exemple, neuf 
et demi. Au fait, un demi pour une moitié, qu’y a-t-il de plus juste ? 

Pour l’Ecole, de Liège (25 septembre 1903). — La Tradition , par 
Ch. Orval. Les morts vont vite. Mais les vivants aussi vont vite. Le mou¬ 
vement du siècle nous éloigne de nos origines. L’oubli des traditions ôte 
une part de la poésie de la vie. C’est par le peuple qu’une nation est jugée, 
c’est lui qui en fait la force selon qu’il est bon ou mauvais, sceptique ou 
généreux, attaché à ses origines ou indifférent. Nous vivons bien plus par 
nos morts que par nous-mêmes. Il ne faudrait pas l’oublier. « Certes, je ne 
voudrais pas, dit l’auteur, tomber dans l’extrême et, par esprit de tradition, 
développer l’esprit de clocher de façon qu’il vînt fausser la jeunesse, ame¬ 
ner chez elle un chauvinisme étroit et criticable. » Mais l’importance de 
l’esprit de tradition a été reconnu, on a vu surgir des essais de folklore, 
l’esprit de décentralisation se manifeste en France. Le pays de Liège n’est 
pas resté le dernier à reprendre la tradition. Dans nos écoles, les petites 
filles, en récréation, répètent des crâmignons et font des rondes. On a, en 
introduisant ces chants et jeux traditionnels, voulu réagir sur la porno¬ 
graphie des rues. Mais on a aussi voulu faire œuvre de conservatisme pa¬ 
triotique. L’auteur voudrait qu’on n’abandonnât point les légendes histo¬ 
riques et que l’enseignement patriotique fit une plus grande place aux tra¬ 
ditions locales. On ne fera pas des hommes moins virils, parce qu’ils aime¬ 
ront le lieu qui les a vus naître. — [Cet article est remarquable, publié 
dans une revue pédagogique. En effet, l’enseignement, en notre pays, est 
essentiellement « belge », et. l’histoire de la Belgique, telle qu’elle est ensei¬ 
gnée dans les écoles, ignore presque constamment les pays wallons. — O. C.J 

FAITS DIVERS: 

T OURNAI. — On a inauguré, le 20, un imposant monument élevé à la mé¬ 
moire de Jules Bara. Ce monument, œuvre de M. Guillaume Cuarlier, 
mesure 12 mètres de haut. 11 est en pierre bleue, avec figures en bronze. 
La statue de Jules Bara le montre défendant les lois relatives au contrat du 
travail et aux bourses d’études, que représentent un ouvrier carrier et un 
étudiant : l’Histoire inscrit ces lois sur ses tablettes, et une figure de la 
Justice domine et complète l’ensemble. 


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Au cours de la cérémonie de l’inauguration, d’éminents orateurs ont 
retracé les services rendus par Bara à l’opinion libérale à laquelle il appar¬ 
tenait, — et ils ont aussi excellemment détaillé son œuvre comme juriscon¬ 
sulte, parlementaire et ministre de la justice. 

Il est à peine concevable que tout au moins la population tournai- 
sienne n’ait pas été unanime à honorer en cette occasion l’illustre enfant de 
Tournai. Voilà ce que fait la politique : les libéraux seuls étaient là. 

Il n’en avait pas été de même, cependant, à ses obsèques, il y a trois 
ans. Le ministre catholique de la justice, M. vander Heuvel, avait tenu à 
rendre, au nom du gouvernement, un dernier hommage c< au grand ci¬ 
toyen » que le pays \enait de perdre. Et il prononça en ces termes l’éloge 
du défunt : 

« Ecrivain politique, avocat, orateur parlementaire, membre du gou¬ 
vernement, Jules Bara ne connut ni les essais timides, ni les longs tâtonne¬ 
ments; partout et presque d’emblée, il conquit les premières places. Son 
talent charmait l’auditeur dès le premier instan\ et la bonhomie achevait 
la séduction. Si piquant que fût son verbe, il ne fit cependant pas de mé¬ 
chante blessure. L’aménité du caractère privé ramenait ceux dont l’amour- 
propre avait souffert et le cœur faisait pardonner l’esprit. 

y L’autorité de l’homme s’affirma sur les foules, en un temps de luttes 
ardentes et presque passionnées, par des triomphes oratoires. Elle gagna 
le monde parlementaire, par les rares qualités qu’il manifesta au cours 
d’une collaboration ininterrompue de trente-huit ans, par la sûreté du juge¬ 
ment, la pénétration du coup d’œil et la souplesse de la dialectique. 

» Ses œuvres, comme homme politique, ce sont ses discours, et il ne 
les ménageait pas; il les a semés, d’improvisation, dans toutes les grandes 
discussions qui occupèrent le Parlement et arrêtèrent l’attention nationale. 
Ses œuvres, comme ministre, ce sont les lois qu’il a élaborées et défendues, 
auxquelles il a rallié par des efforts qui ont dû parfois être bien persévé¬ 
rants, l’adhésion des pouvoirs publics. Ces lois touchent à presque tous les 
chapitres de notre législation ; elles concernent : le Code pénal, le Code 
pénal militaire et les prisons cellulaires, — les étrangers, les naturalisa¬ 
tions et les extraditions, — le concordat préventif, les marques de fabrique, 
les faux bilans et le commerce maritime, — la répression de la mendicité et 
du vagabondage, les livrets d’ouvriers et le temporel des cultes. Ses œuvres, 
pendant la dernière période de son mandat parlementaire, ce sont les amé¬ 
liorations qu’il signalait au Sénat dans la préparation des lois et qu’il met¬ 
tait en une lumineuse clarté avec l’urbanité la plus enjouée. 

» Adversaires d’hier, anciens amis, tous s’associent aujourd’hui pour 
rendre hommage au charme de ses relations, aux vertus professionnelles de 
l’avocat, à la maîtrise qu’il déploya dans la défense des affaires privées, 
comme dans la conduite des affaires publiques, à cette absolue intégrité 
que n’effleura même jamais la malveillance du soupçon, à cette simplicité 
familière qui lui fut si naturelle qu’il sut la garder dans les plus hautes 
situations. 

» Il aimait profondément la patrie, ses institutions monarchiques, ses 


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larges libertés, son régime parlementaire. IL leur a consacré le meilleur de 
sa vie et de son noble talent. 

» Quoique je suive le fanion d’une autre politique, que je défende un 
autre idéal social très éloigné de celui qui a inspiré la plupart des actes de 
M. Bara, je ne puis manquer d’apporter mon tribut d’admiration au grand 
orateur et au jurisconsulte consommé, ni d’exprimer mes sentiments de 
sincère sympathie pour l’homme dont le caractère était fait de bonté et de 
loyauté. » 

Un autre éminent catholique, M. de Lantsheere, ministre d’Etat, 
sénateur, ancien président de la Chambre, ancien ministre de la justice, 
disait : 

« Bara est mort. J’ai vécu dans sa familiarité confraternelle, malgré la 
divergence de nos vues politiques. Adversaires oui, mais amis. Quel cœur 
exquis, quelle délicatesse de sentiments. Il avait tous les dons qui prennent 
les cœurs, une rondeur charmante, une gaieté naturelle. Avec cela, une 
vigueur, une élévation dans l’éloquence. 

» Bara est mort ! C’est un des meilleurs cœurs qui aient battu dans la 
poitrine d’un honnête homme. » 

Après ces éloges non suspects qu’il y avait vraiment lieu de rappeler, 
nous devons tout particulièrement relever cette phrase dans le discours 
d’un des orateurs du 20 septembre, M. Charles Graux, ministre d’Etat : 

« Nul n’incarnait avec plus de sève et de verdeur cette vigoureuse 
race wallonne, intelligente et gaie, qui sait être sérieuse sans pesanteur, et 
railleuse sans méchanceté, ennemie par instinct du privilège et de l’arbi¬ 
traire, jalouse des prérogatives de la puissance civile, et réfractaire à l’in- 
gérance du clerc dans les affaires de la cité. » 

La formule est jolie. A part le dernier détail, qui ne sera peut-être pas 
du goût de tout le monde, elle est à épingler et à retenir. 

— Noté, le baryton de l’Opéra, né en cette ville, continue à se prodi¬ 
guer de la plus aimable façon, et l’on raconte de lui des traits charmants, 
tel celui-ci, que nous découpons dans Le Soir. 

L’autre jour, dans un grand restaurant du boulevard Anspach, se 
trouvaient environ 40 à 50 dîneurs, au nombre desquels notre célèbre 
compatriote. 

Un orchestre composé de quatre musiciens s’ingéniait à distraire les 
convives, en faisant entendre l’ouverture de Poêle et Paysan , la Berceuse 
de Jocelyn, etc. Une personne ayant aperçu Noté, seul à une table, s’ap¬ 
proche de lui et lui demande la faveur de l’entendre. L’artiste, toujours 
complaisant et bon enfant, se mit en devoir de chanter de sa belle voix, 
toujours sonore, quelques morceaux de son répertoire. Son succès fut 
énorme : on applaudissait, on bissait ; les Américains et les Anglais qui se 
trouvaient là n’étaient pas les derniers à l’acclamer. Noté demanda ensuite 
l’autorisation de faire la quête ; elle produisit la jolie somme de 200 francs, 
qu’il versa immédiatement entre les mains des quatre musiciens de 
l’orchestre. 

Ces pauvres mélomanes ne s’attendaient pas à pareille aubaine, et 


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Noté, joyeux, leur donna une cordiale poignée de mains. C’était émotion¬ 
nant. Une vibrante Brabançonne suivie de les Tournaisiens sont là ! fut 
le remerciement de ces musiciens pour cet acte de générosité. 

N AMUR. — Le soixantenaire des Quarante Molons (*) a été célébré par un 
cortège monstre et par une grande représentation wallonne au théâtre 
de la ville. Au programme figurait, sous le titre de Hinri et Gaguite , une 
parodie de Faust où le poème philosophique de Goethe devient une charge 
désopilante et burlesque sous la plume frondeuse de M. H.-J. Toussaint. 
Cet opêra-moqu'rie en 3 actes et 6 tableaux, avait été adapté au namurois 
par Léon Pirsoul, avec musique de M. Jos. da Costa, chœurs chantés par 
trente-cinq dames et trente-cinq hommes. La Société dramatique des Verre¬ 
ries d’Herbatte s’était chargée de l’interprétation qui a été tout-à-fait remar¬ 
quable. Il y eut un ballet étonnant et, au deuxième acte, concert par la 
Société royale de Moncrabeau. Figuration ; cent cinquante personnes. On 
n'a jamais vu cela en wallon ! Un tel effort a été récompensé par un brillant 
succès auprès de toutes les parties du public qui s'écrasait pour cette pre¬ 
mière sans exemple — qui aura son lendemain, dit-on. 

— Théodore Baron, le peintre que nous aimons, dit Jean d’Ardenne 
dans La Chronique , pour avoir exprimé, avec un charme profond et délicat, 
le caractère du paysage mosan, a son monument à Namur. 

« Ce n’est pas que la ville de Namur lui ait élevé une statue ; elle s’est 
contentée de permettre qu’on la lui élevât sur son territoire, en s’associant 
à la manifestation. Le jour où elle prendra l’initiative d’honorer par un 
témoignage quelconque un artiste du crû, je suppose qu'elle songera tout 
d’abord à Rops, qui vit le jour « dans ses murs » et n’a même pas, sur celui 
de l’immeuble où ce fait s’accomplit, la simple plaque portant l'inscription 
réglementaire : «c Félicien Rops, mort à Essonnes (Seinc-et-OiseJ, le 23 août 
1898, naquit dans cette maison le 10 juillet 1833 ». 

— La « Société pour la protection des sites et monuments de la province 
de Namur », dont nous avons signalé ci-dessus, t. X, p. 126, les initiatives 
exemplaires, poursuit son intelligente et active propagande. 

Elle entreprend la publication d’un album des principales curiosités 
de l’architecture civile, relevées sur le territoire de la province, et fait à ce 
sujet un chaleureux appel à l’obligeante collaboration des photographes, 
amateurs ou professionnels. 

Elle organise donc un concours d’épreuves photographiques reprodui¬ 
sant à l’exclusion des églises, sites et paysages, les châteaux anciens, 
fermes, presbytères, maisons antiques, isolées ou en groupes, ruines, tours, 
tourelles, intérieurs de cours, portes, porches, escaliers extérieurs, per¬ 
rons, etc., qui peuvent présenter un caractère intéressant au point de vue 
de l’art ou du pittoresque. Ce concours sera clos le l or juillet 1905. Il reste 
donc aux concurrents près de deux ans pour préparer leurs épreuves. 

(1) Et non le cinquantenaire comme une singulière erreur de plume l’a fait 
dire dans l'article de notre dernier numéro, pp. 229 et suiv. 


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WALLONIA 


Des primes de 200, 100, 75 et 50 francs seront mises à la disposition du 
jury. Celui-ci pourra augmenter le nombre de ces primes jusqu’à concur¬ 
rence de800 francs si le nombre et le mérite des envois l’y autorisent. Les 
photographies les plus remarquables seront publiées en un album artistique 
semblable à celui que la Société a consacré aux plus beaux arbres de la 
province. Toutes les épreuves doivent avoir au moins le format 9 sur 12 et 
ne doivent pas être collées sur carton. 

La société organisatrice possède une liste des constructions les plus 
remarquables de la province, dressée par canton. Cette liste sera adressée 
gratuitement, avec les conditions du concours, à ceux qui en feront la 
demande au président, rue Pépin, 10, à Namur. 

L IÈGE. — Sur l’initiative de notre ami et collaborateur M. Joseph 
Vrindts, un Comité vient de se constituer dans le but de faire revivre 
la vieille chanson wallonne, où s’illustrèrent les curés Ramoux et Du 
Vivier, les Defrechcux, les Chaumont, les Dumoulin, les Lamaye, et tant 
d’autres. Le but principal du Comité est d’enrayer la tendance qu’ont nos 
auteurs actuels d’imiter, parfois de très près, la chanson qui vient de 
France. 

C’est une excellente idée, mais le Comité ne doit pas perdre de vue que 
la pasquêye et le crâmignon ne sont pas les seuls genres à cultiver et à 
relever. Le nom de crâmignon est donné à tous les genres de chansons, du 
moment qu’elles se dansent ; mais la pasquêye désigne proprement la 
chanson à tendance plus ou moins satirique ou facétieuse, Ce n’est qu’abu- 
sivement et assez récemment sans doute que ce mot de pasquêye a désigné 
la chanson nouvelle, quel que soit son genre. Les vieilles gens de la cam¬ 
pagne connaissent encore ce vieux mot de « romance » désignant la 
« chanson d’amour », la «chanson tendre ». Ce genre-là aussi mérite l’at¬ 
tention. Le Comité dont il s’agit devrait bien y songer, et tout spécialement 
nous demandons de ne pas le perdre de vue, au bon poète Joseph Vrindts, 
qui a composé de délicieuses chansons tendres, et qui, du reste, connaît et 
apprécie particulièrement les vieilles romances en français, traditionnelles 
en Wallonie. 

Nous rappellerons que c’est notre ami, M. Jacques Schroeder, qui a 
réalisé le premier essai de restauration de la vieille chanson wallonne {que 
nous avons maintes fois préconisée), lorsque, sous les auspices de la Société 
liégeoise de littérature xoallonne , il fit créer, il y a quelques années, au 
Pavillon de Flore, la dernière pièce de Henri Simon, par la Société drama¬ 
tique wallonne de Herstal. O . Colson . 


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Zénobe Gramme 

Sa vie et ses œuvres (') 


Zénobe Gramme naquit le i avril 1826, à Jehay-Hodegnée, en 
Hesbaye. Il était fils d*un modeste employé chargé de famille. 
Zénobe eut un frère qui mourut jeune à l’armée, et quatre sœurs. 
Parmi celles-ci, trois appartinrent à l’enseignement : après avoir 
fondé et dirigé un pensionnat de demoiselles qui fut un modèle pour 
l’époque, elles entrèrent dans l’enseignement olîiciel et y fournirent 
une carrière remarquable : l’une aboutit comme directrice de l’Ecole 
normale de l’Etat à Arlon, les deux autres comme directrices d’écoles 
moyennes à Huy et à Arlon. 

Les parents Gramme, quoique dans une situation modeste, 

(*) Un Comité va se constitue)' pour Vérection à Liège d'un monument 
en Vhonneur de l'inventeur de la dgnamo. A celle occasion f Wallonia 
s'est proposé de revenir sur un sujet qu'elle avait déjà traité sommai- 
rement, mais de seconde main, et (Taprès une source étrangère ( ci- 
dessus \ l. X, p. 123). 

Nos recherches pour constituer la biographie de Zénobe Gramme, 
n'ont pas tardé à nous convaincre que diverses légendes, assez autorisées 
en apparence et déjà répandues . étaient de nature à populariser des juge¬ 
ments erronés, bien quen somme favorables, sur la vie cl le caractère du 
grand homme. Non seulement il était peu connu, mais il était mal connu, 
et cela tient en grande partie à ce que Gramme, qui vécut toujours très 
retiré, fut constamment très sobre de détails sur lui-même. 

Nous )i'acons pas à cacher que nos recherches ont été matériellement 
peu fructueuses, jusqu'au moment où nous avons eu la bonne fortune de 
toucher à des sources de renseignements assez diverses, mais également 
sûres et abondantes — cl essentiellement désintéressées. 

Ce qui importe avant tout au public, c'est de pouvoir juger exacte¬ 
ment le caractère et la valeur morale de l'homme qui . demain, sera juste¬ 
ment réputé comme l'un des plus grands bienfaiteurs de l'humanité. Sa 
vie tout entière plaide pour lui, 7nais elle le fait, sur plusieurs points, 
tout autrement qu'on n'avait pu le supposer. 

La nouveauté et l'intérêt des renseignements que nous publions , sont 
un sûr garant de noire gratitude envers les personnes qui ont bien voulu 
servir notre dessein. 


T. XI, no il. 


$oveml»re IMtë. 


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262 


WÀLLONIA 


étaient eux-mêmes des gens distingués, d’une éducation sensible¬ 
ment supérieure à celle qui répondait en cette époque à leur position 
sociale. Le milieu dans lequel naquit le futur inventeur était donc 
excellent, et il eut pu, lui aussi, faire sa carrière dans une profession 
intellectuelle. S’il préféra se consacrer au travail manuel, c’est 
uniquement en raison de ses goûts personnels, et d’aptitudes parti¬ 
culières. 

Le père Gramme et sa femme étaient originaires de Couthuin, 
lez-Huy. Ils habitèrent longtemps le canton de Bodegnée, bien que 
l’administration des contributions à laquelle appartenait le père 
comme employé des accises, obligeât plusieurs fois la famille â 
changer de résidence. Nous la retrouvons successivement à Jehay- 
Bodegnée ou naquit Zénobe, â Verlaine où les O ram me occupèrent 
la ferme dite «la Tour», puis à Hannut, où leur séjour dura une 
quinzaine d’années. 

C’est à Hannut que le père Gramme s’occupa de l’instruction et 
de l’éducation de ses enfants, non seulement en pourvoyant à leurs 
besoins intellectuels et moraux, mais aussi en leur donnant l’exemple 
du travail et de la probité. 

Zénobe fit ses études primaires chez des maîtres réputés dans la 
région pour l’excellence de leur enseignement. Bambin intelligent 
et même précoce, écolier soumis et assidu, il ne fut cependant qu’un 
élève médiocre. 11 suivit avec un intérêt très vif les leçons orales de 
ses maîtres, mais il faut croire que le travail scolaire proprement 
dit réclamait un genre d’application passive et réglée qui ne 
pouvait le séduire. Si l’on peut dire qu’il emporta de l’école un 
bagage intellectuel suffisant, il n’en est pas de même à certains 
points de vue matériels. C’est ainsi que, jusqu’à la fin de sa vie, il 
resta un orthographiste imparfait, tandis qu’il savait exprimer avec 
aisance et précision, dans des lettres et d’autres écrits, les idées les 
plus élevées et même les plus abstraites. 

Dès son enfance, Zénobe manifesta des préférences caractéris¬ 
tiques pour le travail manuel. Alors que ses sœurs et ses parents 
faisaient de l'intérieur familial un milieu vraiment intellectuel en le 
bourg où son enfance s’est écoulée, le jeune garçon passait ses heures 
de loisir chez un voisin, le menuisier Nicolas Dechenne, où il avait 
un plaisir sans cesse renouvelé à voir travailler les ouvriers et à 
causer avec eux au hasard du rabot. 

Il entra jeune en apprentissage et nous voulons relater à ce sujet 
une anecdote authentique qui peindra son caractère résolu, bien 
mieux que de longues phrases. 

Un beau jour, Zénobe se présente à Dechenne et lui annonce 


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WALLONIA 


qu’il veut devenir ouvrier sous ses ordres. Le brave menuisier dévi¬ 
sage le bambin, sourit et lui dit : « Mon ami, ce que vous désirez est 
impossible. Avant tout, il vous faut le tablier, et vous n’avez même 
pas le tablier ! » Interloqué, le gamin répond : « Comment, le ta¬ 
blier ? — Ne voyez-vous pas, dit Dechenne, que es compagnons et 
moi-même nous avons le tablier? Sans le tablier, on ne peut rien 
faire. Et vous n’avez pas le tablier! » Lejeune garçon réfléchit un 
instant, tourne les talons et rentre chez lui. Le lendemain, il revient, 
muni du tablier de rigueur, un tablier à glèteu « à bavette », minia¬ 
ture de celui que portaient le patron et ses hommes. Dechenne qui, 
sans doute, entretemps, avait pris l’avis du père Gramme, dit alors : 
« Vous avez le tablier, c’est bien, je vous reçois. Voilà une planche 
et un rabot, laites comme moi. » Zénobe reste immobile. « C’est que, 
dit-il, je voudrais, voyez-vous, je voudrais faire un escalier! » Per¬ 
sonne n’ignore qu’un escalier, c’est le fin du métier. « Un escalier ! 
s’exclame le brave menuisier. Mais on n’en fait pas tous les jours au 
village. Et puis, du reste, pour faire un escalier, il faut un plan. 
— Ah ! dit Zénobe, il faut un plan. Et bien, ce plan, vous l’aurez 
demain. » Et aidé de ses sœurs, il fait le plan. Rentré à l'atelier, il 
se met à l’œuvre, il travaille, agence et combine, fait et défait, tant 
et si bien qu’il arrive à monter un petit escalier, qui est resté long¬ 
temps dans l’atelier Dechenne comme souvenir du célèbre apprenti. 

Un début si peu ordinaire faisait bien présager de la ténacité et 
de l’intelligence technique du jeune ouvrier. Aussi fut-il rapidement 
au courant de son métier, et devint-il en la partie d’une habileté 
remarquable. On disait de lui qu’il faisait tout ce qu’il voulait. Un 
jour, tout jeune encore, un de ses camarades ayant malencontreuse¬ 
ment brisé un pied de violon, Zénobe répara en cachette l’instrument, 
qui était un souvenir de famille; et il le fit avec une telle discrétion 
qu’on ne s’en aperçut que longtemps après : le propriétaire du violon, 
qui n’était autre que le bourgmestre de Hannut, manifesta pour ce 
fait au jeune homme une vive reconnaissance. Plus tard, Zénobe 
exerça tour à tour, avec une égale supériorité, les différentes spécia¬ 
lités du travail du bois, qu’il avait acquises en quelque sorte sans 
apprentissage, grâce à son ingéniosité et à son habileté naturelles. 
Déjà à Hannut, il sculptait à même le bois de petits ustensiles, des 
objets très variés, dont il faisait ensuite cadeau aux ménagères amies. 
A Liège, il tournait le bois avec art, et sa spécialité était celle de 
rampiste. Un certificat de son maitre en cette ville, constate que 
« par son zèle, son activité et son aptitude, il a su vaincre toutes les 
diflicultés du métier. Il excelle particulièrement, continue le patron, 
dans les escaliers en tout genre et en toute qualité. C’est la branche 


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principale qu’il a exercée chez moi, et ses capacités no lui ont jamais 
fait défaut, tant sous le rapport du tracé que de l’exécution des ou¬ 
vrages. » L’ouvrier excellait donc dans le genre de travail qu’il 
avait voulu aborder d’emblée lors de son entrée en apprentissage. 

Pendant sa jeunesse à Hannut, il s'occupa aussi de dessin : il lit 
un très grand nombre d’esquisses, et même des peintures sur toile. 
Il existe encore, parait-il, en celte localité un Christ peint par lui 
qui témoigne d’un certain talent; et les caricatures qu'il lit de 
certains notables, furent longtemps célèbres dans la région. 

Zénobe était un ouvrier assidu et plein de bon vouloir. Tout 
jeune il fit déjà remarquer les qualités essentielles de son tempéra¬ 
ment extraordinairement équilibré, et de son caractère vraiment 
harmonieux. Autant il était gai et môme facétieux au dehors, autant 
à l’atelier il était sérieux et réfléchi. Avant d’entreprendre lin travail 
un peu difficile, il se recueillait plus ou moins longtemps. Suivant 
le mot d’un de ses anciens patrons, il n'était pas on sondjeu « un 
rêveur », c'était on tiiseû « un pemeur », un méditatif. Mais une fois 
l’heure venue de déposer les outils, il abandonnait, du moins en 
apparence, toute préoccupation, pour apparaître sous les dehors d’un 
gai compagnon, d’un boute-en-train dont chacun recherchait la com¬ 
pagnie. 

Le jeune homme était de goûts simples et de conduite irrépro¬ 
chable. Il avait une vraie répulsion pour la vie de cabaret, et passait 
toutes ses soirées chez lui ou chez des amis. 

Un autre signe de son caractère, était une sensibilité extrême, 
qui ne fut du reste point particulière à son adolescence. Il la conserva 
toute sa vie, et l’on en cite maints traits charmants. Le récit du 
moindre incident émouvant lui mettait des larmes aux yeux. Plus 
tard, lorsqu’à toute occasion il répandait cordialement autour de lui 
les manifestations matérielles de sa générosité, la moindre effusion 
de reconnaissance lui causait une émotion profonde. Ainsi se com¬ 
plétait un caractère admirablement constitué pour jouir des douceurs 
d’une affection qui ne lui fut pas ménagée. 

Vers 1846-48, Zénobe avait fondé avec quelques amis un Cercle 
dit des Républicains, qui se réunissait tous les soirs, tantôt chez l'un, 
tantôt chez l’autre de ses membres. On y lisait, on y déclamait, on y 
discutait les articles révolutionnaires de Louis Blanc. Zénobe y 
prenait souvent la parole. Mais ce Cercle n’avait rien d’un club 
politique, et s’il avait pris ou reçu le nom de républicain, ce n’était 
pas seulement en raison des lectures de la gazette, mais aussi bien à 


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cause des plaisanteries et des farces auxquelles se livrait cette 
folle jeunesse portée à l'irrévérence et à l’irresp8Ct drolatique des 
autorités constituées. C'est de ce club que partirent les caricatures 
dont se rendit coupable le futur inventeur de la dynamo, et c'est 
encore le Club des Républicains qui, fidèle à une vieille tradition 
populaire, imagina un jour une parodie de justice dont la solennité 
bouffonne devait révolutionner tout le bourg. 

Cette histoire mérite d'étre contée, d’autant plus que Zénobe 
Gramme y joua un rôle caractéristique. 

Comme de raison, le joyeux caractère de Zénobe, qui s’ajoutait 
à tant d'autres qualités, ne laissait pas indifférente la jeunesse fémi¬ 
nine de la localité. Bien des demoiselles eussent accepté sans hési¬ 
tation la faveur d’étre choisies et d'entrer, au bras du jeune menuisier, 
dans l'honorable famille dont il était, à leurs yeux, le plus bel 
ornement. Il est clair que si Zénobe n'était pas pressé de se marier, 
il n'avait pas été sans s'apercevoir de l'attention flatteuse dont il 
était l’objet. 

Un jour, il promit séparément à plusieurs jeunes filles de les 
conduire à la foire de Monlenaeken. Le jour venu, elles devaient 
l'aller attendre dans un cabaret à une même heure déterminée. 
L'histoire prétend qu'elles y vinrent toutes. On se doute de leur 
dépit quand elles se trouvèrent en présence, et, surtout quand elles 
virent que le beau Zénobe leur faisait défaut. Plus d'une eût sans 
doute fait des vœux pour que la mésaventure restât secrète. Il n'y 
fallait pas songer, et au contraire convenait-il de s'unir pour tirer 
sans retard bonne vengeance de ce crime de lése-galanterie. Elles se 
plaignirent à certains membres du Cercle des Républicains qui fei¬ 
gnirent l'indignation la plus vive, et promirent solennellement de 
faire bonne et prompte justice. 

En effet, Zénobe fut sommé de comparaître devant ses pairs, le 
dimanche suivant, après la messe, pour être bel et dûment jugé. Une 
estrade fut élevée sur la place du Marché, un tribunal s’y installa. 
Deux membres les plus distingués de la jeunesse du bourg, faisant 
l’office de gendarmes, allèrent quérir l'accusé et l'amenèrent devant 
ses juges. Une foule énorme entourait l'estrade. Le Président procéda 
avec gravité à un interrogatoire en règle. Zénobe se défendit plutôt 
mal ; c'est-à-dire, qu'à un embarras burlesque, ayant fait succéder un 
système de protestations et de réparties du plus haut comique, il ne 
parvint qu'à indisposer contre lui juges, greffier, ministère public et 
le reste. D'autant plus que la foule, amusée de cette scène inénarrable, 
prenait parti tantôt dans un sens, tantôt dans un autre. Le Président 
qui, à chaque instant, menaçait de mettre « à la porte » les délin- 


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quants (nous sommes sur une place publique), ne parvenait qu’à 
grand’peine à faire respecter la majesté du tribunal. Le Ministère 
public fulmina contre le pauvre Zénobe, qui fut littéralement abîmé 
sous ses périodes vengeresses. Son avocat (M. Adolphe Crabbé). doué 
d'une voix de stentor, dépensa un talent pulmonaire <t oratoire tout 
à fait surhumain, que la postérité devait du reste consacrer : ayant 
pris pour la circonstance le nom d'un célèbre avocat de Liège, 
M e Forgeur, ce surnom lui resta. Il en fut de même du Grèfi et du 
Prêsidint. Bref, juges, avocats et public trouvèrent la plaisanterie si 
bonne qu’à la satisfaction générale le tribunal remit à huitaine le 
prononcé du jugement. Le dimanche suivant, la foule des curieux, 
comme bien l'on pense, fut encore plus nombreuse. Le «greffier» 
développa un immense rouleau de papier et, d'une voix grave et 
solennelle, débita un jugement interminablement motivé, qui con¬ 
damnait Zénobe Gramme... à rester quinze jours chez lui ! 

L’histoire 11e dit pas si cette mirifique décision fut appliquée à la 
lettre. Il est probable que le club des Républicains se tût considéré 
lui-même comme bien puni s'il avait dû se passer pendant quinze 
longues soirées de son lecteur et orateur distingué, le futur inventeur 
de la dynamo. 

De pareilles aventures ne s'oublient pas. Aussi plus tard, le 
grand électricien aimait-il à se rappeler le joli bourg où il passa si 
joyeusement les premières années de son adolescence. Au cours de 
ses voyages en Belgique, il revint plusieurs fois à Hannut. Il y a 
environ vingt ans, il vint encore surprendre d’anciens amis, avec 
lesquels il fêta son retour à l’hôtel de l’endroit. Le bourgmestre 
d’alors, M. Degeneffe, voulut qu'il fût son hôte d'un jour. Gramme 
déclara qu’il serait revenu plus souvent à Hannut, si le bourg 11e 
s'était transformé si rapidement : à présent, « il ne s’y revoyait 
plus », et il n’était plus reconnu que de trop rares personnes. Et c’est 
avec regret que l’ancien menuisier constatait ces changements... 

De Hannut, la famille Gramme vint s'établir à Huy, où elle 
résida durant quelques années. L’Administration de cette ville avait 
fondé une « Ecole gratuite pour jeunes ouvriers » qui ne devait pas 
tarder à prendre le titre d’Ecole industrielle. Cet établissement attira 
l'attention de Zénobe qui s'y fit inscrire comme élève. Aux cours qui 
s’y donnaient le soir, il prit pour la lecture un goût particulier. On 
raconte que son patron voyait d'un mauvais œil qu'il perdit son 
temps à ces amusettes de monsieur. Le brave homme allait jusqu'à 
dire que s’il continuait « il ue ferait jamais rien de bon ». L'oncle de 
Zénobe, M. Gramme-Férir, négociant, n'était pas loin de partager la 


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même opinion, et il s’étonnait in petto que les parents du jeune 
homme ne parussent pas s'émouvoir des habitudes, si singulières à 
cette époque, que prenait ce simple ouvrier. Mais sa tante, qui 
appréciait le caractère doux et tranquille du jeune homme, estimait 
au contraire qu'il valait mieux « lire des livres» que d'aller au café. 
Et, en cachette, la bonne femme passait à Zénobe de l’argent pour 
acheter des livres. 

La famille Gramme quitta Huy et vint habitera Liège, rue du 
Vertbois, entre 18-10 et 1851. En cette ville, Zénobe suivit assidû¬ 
ment pendant deux années les cours de l’Ecole industrielle com¬ 
munale. 11 y ht de bonnes éludes, et remporta des distinctions 
notables, spécialement aux examens de géométrie appliquée, de 
géométrie des courbes, et de mécanique. On a retrouvé ses cahiers et 
ses albums de cette époque : les notes d’écolier sont complètes et 
précises, et les dessins sont faits avec une exactitude, un soin et une 
minutie remarquables. 

On s’est complu à répéter qu’à cette école, où l’on pratiquait des 
expériences élémentaires de physique alors connues, relatives à l’élcc- 
tricité, Zénobe fut frappé du mystère de la force inconnue. Il ne faut 
rien exagérer. Une chose certaine, c’est que déjà à cette époque, 
Gramme était hanté de l’idée des inventions. Il répétait sérieusement 
qu’un jour ou l'autre il inventerait quelque chose. Au reste, Gramme 
manifesta toujours une confiance pour ainsi dire illimitée en son 
ingéniosité naturelle : il n’était aucun travail, surtout s’il s’agissait 
de quelque combinaison à réaliser, qui n’excitât son amour-propre 
et dont il ne sortît, à force de réflexion et de ténacité tranquille. 

Un de ses anciens compagnons de travail à l’atelier Perat, rue 
des Glarisses, racontait qu’aux heures de repos, Gramme employait 
tous ses instants à dessiner sur le bois et à réaliser des assemblages 
nouveaux. Il cherchait à perfectionner les outils usuels, en vue de 
leur assurer un rendement meilleur et une utilisation plus aisée. Les 
autres ouvriers s'amusaient de cette manie, tout en reconnaissant à 
Gramme des aptitudes extraordinaires. 

C’est à Liège que Zénobe Gramme se maria. Il épousa une cou¬ 
turière, M J1< * Hortense Nysten, qui était restée veuve avec une 
fille. Celle-ci, que Zénobe aima comme son enfant, lui rendit large¬ 
ment cette affection. Au reste, le ménage vécut dans une union 
parfaite. Aux époques critiques de son existence.. Gramme puisa dans 
le concours affectueux de ces deux femmes les forces qui lui étaient 
si nécessaires, et plus lard, quand la fortune lui sourit, il sut leur 
montrer quels trésors de reconnaissance leur dévouement obscur 
avait amassés dans son cœur. 


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2fi« 


En avril 1855, Gramme quitta Liège et alla à Bruxelles, espérant 
trouver en cette ville à s'occuper d'une manière plus profitable. Son 
espoir fut déçu. Il racontait plus tard, en plaisantant, qu'à cette 
époque il se livra à une expérience sur le minimum de subsistance 
indispensable à l’homme. En réalité, il en était forcément arrivé à 
vivre avec 10 centimes par jour. « L'expérience » dura assez long¬ 
temps, si l'on en juge par ses résultats : le futur inventeur faillit 
perdre la vue. 

L'année suivante, il partit pour Paris, où il eut la chance de 
pouvoir exercer son métier avec un peu plus de succès. Il quitta 
l'atelier et s'établit à son compte — toujours comme rampisle. 

En 1858, il combina une pompe à réaction et des machines à 
échauffer l'eau par le frottement. Ces tentatives n'aboutirent pas 
suivant son désir. Il les abandonna. Mais le désir d’inventer s'étant 
emparé de lui, il ne cessa de chercher, tout en continuant à exercer 
son métier. 

Un jour, il rencontra par hasard un nommé Yan Malderen, qu'il 
avait connu à Bruxelles, et qui était contre-maître à la Société 
« l'Alliance», vaste atelier où l'on construisait des appareils magnéto- 
électriques de Noliet, destinés à l'éclairage des phares. Cet ancien 
compagnon le lit entrer à «l’Alliance» comme ouvrier modeleur, et 
pour faire la partie menuiserie des machines en question. 

Ce fut là, en réalité, son école technique. Frappé par les phéno¬ 
mènes de l’induction, il chercha à se les expliquer. Au cours de ses 
réflexions, il sentit, comme il l'a dit lui-même, que de ce côté il y 
avait quelque chose à faire. Il voulut comprendre, ce dont per¬ 
sonne autour de lui ne se préoccupait. En quelques semaines, il 
arriva à connaître les machines Noliet, leur structure et leur 
fonctionnement, mieux que ses compagnons qui avaient travaillé 
chez Noliet même. C'est qu'en effet, en vertu d’une autorisation 
spéciale, il passait à l’atelier ses jours de congé, étudiant les aimants 
et cherchant à se rendre compte du principe de leur application. 

Cette prétention du petit ouvrier, simple collaborateur à la 
construction, n'était pas jugée favorablement par certains de ses chefs. 
Mais Gramme passait outre. Plusieurs faits, cependant, le mirent en 
défiance, et il résolut de garder pour lui ses observations. Il sut, dans 
le silence et l’isolement, comme Pascal réinventant la géométrie, 
composer à son usage une théorie pour l'explication des phénomènes 
électriques. 

Dés lors, il invente un ingénieux régulateur pour les lampes à 
arc. Peu après, il apporte quelques perfectionnements aux machines 
Noliet. Ses inventions ne font que susciter les sourires autour de lui. 


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Il veut en prouver la réalité, et montre les combinaisons qu’il a ima¬ 
ginées. Il démonte et remonte l’appareil. La défiance avec laquelle 
on accueille ses explications si claires le pique au vif. Il met alors 
quiconque au défi de reconstruire l’appareil. Les uns, les manuels, 
essayent sans y parvenir. Les autres, les intellectuels, ne se donnent 
pas la peine d’essayer. L’expérience est pour lui un trait de lumière. 
La mauvaise volonté à laquelle il se bute n’a d’autre cause que 
l’ignorance et l’insouciance surprenantes qui régnent autour lui. Il va 
alors de l’avant et propose à la Société de lui céder son invention 
moyennant certaines conditions. Le marché est refusé. 

Il quitte alors la société «l’Alliance» et va se perfectionner 
chez Ruhinkorfi’et Bazin, et chez Disdéri. 

En 1807, il prend un brevet pour plusieurs dispositifs de ma¬ 
chines à courant alternatif. Mais, cette invention ne le satisfaisant 
pas, il continue à chercher. 

Cette année marquera, non seulement dans la vie de Gramme, 
mais dans l’histoire des sciences. C’est alors que l’idée de sa célèbre 
machine ayant surgi dans son esprit, il décida de se consacrer 
tout entier à scs recherches. Il se procura le traité classique de 
Ganot dont il voulait faire une étude approfondie. Sa femme, se 
plaisant plus tard à rappeler les souvenirs de cette époque, racontait 
que Zénobe était tellement passionné en ses études qu’il emportait ce 
volume dans son lit. 

Ayant constaté avec joie que ses conceptions personnelles étaient 
en rapport avec les travaux de Faraday, d’Ampère et de Franklin, 
Gramme puisa en son heureuse pénétration une foi nouvelle. Et, 
désormais certain d’aboutir, il commença ses expériences. Malgré 
son manque de ressources pécuniaires, il y consacra tous ses instants. 
Avec une plaque de gutta-percha, deux aimants, quelques kilogram¬ 
mes de fil de cuivre, et une cuisine pour tout laboratoire, on voit 
le tenace ouvrier se mettre à l’œuvre obscurément, sans relâche, avec 
une conviction et une persévérance qu’admiraient en secret sa femme 
et sa fille. 

Le dévouement de ces êtres modestes n’eut d’égale que leur con¬ 
fiance en l'intelligence et l’ingéniosité de l’homme qui devait révolu¬ 
tionner l’industrie. Travaillant, elles aussi, sans relâche, et de cœur 
joyeux pour sa gloire, elles suppléèrent interminablement par leur 
labeur modeste aux ressources qui leur étaient jusque-là venues du 
chef de la famille. 

Les efforts de l’inventeur furent enfin couronnés de succès. La 
joie des siens fut immense. Mais on n’était nulle part. Il fallait 
intéresser à l’œuvre quelque capitaliste capable de lui donner son 
essor. Aussi le secret fut-il jalousement gardé. 


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WALLONIA 


Pour bien comprendre l’originalité et la valeur de l'invention 
nouvelle, il faut se'rappeler que ce qui retarda, pendant de longues 
années, l’utilisation pratique de l’électricité, ce fut la difficulté de 
produire régulièrement et économiquement des courants de grande 
intensité. Les applications électriques étaient ainsi limitées aux 
signaux télégraphiques et aux dépôts métalliques. Cela ne veut pas 
dire que ces premières étapes industrielles aient été sans impor¬ 
tance : la télégraphie terrestre, la télégraphie sous-marine et l’argen¬ 
ture donnèrent, au contraire, pres¬ 
que immédiatement des résultats ; 
mais eltesjie mirent en action que 
des courants irréguliers et relati¬ 
vement faibles, et furent longtemps 
monopolisées entre les mains d’un 
très petit nombre de personnes. 

Les choses en étaient là, quand 
Gramme, réalisant ce qu’il avait 
annoncé plusieurs années aupara¬ 
vant, combine et construit de ses 
propres mains une machine rus¬ 
tique, laquelle, sous un volume des 
plus restreints, produisait des cou¬ 
rants continus très puissants et très 
réguliers. 

Or, l’invention de Gramme était 

Mine H. Gramme-Xistkn. . . 

si étonnante, si inattendue, que 
le problème, s’il avait été posé, eût passé pour insoluble. Aussi, 
n’est-il pas étonnant, à première vue,que certaines personnes se soient 
refusées de croire à sa réalité. 

Nous en sommes à une période particulièrement intéressante 
dans la vie de Gramme. 11 s’agissait pour lui, simple ouvrier tenaut 
en main rime des plus merveilleuses inventions du génie humain, de 
séduire des hommes dé science et des hommes d’affaires, gens réputés 
sérieux, bien placés les uns et les autres pour condamner les rêveries 
d’un esprit malade. C’est peu de dire, cependant, que Gramme se buta 
à l’incompréhension des uns et au dédain des autres. Celui qui dira, 
quand le moment sera venu, les péripéties de cette chasse à l’homme 
et aux capitaux fera plus pour la gloire de l’inventeur, que cette 
découverte elle-même n’a fait pour sa fortune. 

La correspondance de Gramme et son journal témoignent des 
difficultés multiples qu’il eut alors à surmonter. Sans se laisser abattre 
un seul instant par le découragement, sans se départir de son calme. 



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et même de la gaîté qui était le réconfort des siens, il fit preuve, au 
cours de recherches, de démarches, de négociations laborieuses, 
ingrates et longtemps décevantes, d'une énergie morale inébranlable, 
d'une patience et d'une ténacité à toute épreuve — mais surtout d’une 
discrétion admirable envers les deux femmes qui, humblement, péni¬ 
blement, travaillaient sans répit pour lui donner du pain. 

Une anecdote en dira long sur la prudence que Gramme en était 
venu à s'imposer, et aussi sur la sérénité extraordinaire de cet homme 
au cours de la période la plus tourmentée de son existence. 

Le jour où un visiteur bénévole se présenta enfin chez Gramme 
pour voir la merveilleuse machine qu’il appelait sa «magnéto», il 
fut introduit dans une cuisine, élevée pour la circonstance au rang 
de salon de réception. Là, il dut d’abord se prêtera une conversation 
que le malicieux ouvrier faisait traîner en longueur, cherchant en 
vain des yeux, à la dérobée, quelque trace de la fameuse machine. 
L'inventeur s’amusait à lui en détailler les mérites, mais sans tou¬ 
jours la découvrir. Finalement, il lui dit : « Vous cherchez ma 
machine. Elle est ici, elle est sous la table, bien cachée sous les pans 
de cette nappe. Et ces fils que vous voyez par dessus y tiennent et en 
dépendent. » D'un geste mystérieux, fait alors sous la table, il 
actionne l'appareil, et soudain l’étincelle électrique fulgure aux yeux 
émerveillés du spectateur... 

La machine dont il s'agissait alors et dont le brevet fut pris le 
22 novembre 1869 offrait, dans sa disposition la plus simple, l'aspect 
d’un fer à cheval, entre les pôles duquel tournait, au moyen d’un 
système d'engrenage, un anneau de fer doux — l’anneau Gramme — 
entouré d'une hélice en fils de cuivre; deux axes de cuivre rjiige 
jouaient le rôle de frotteurs servant de collecteurs aux courants 
induits. 

Cet appareil, si simple, contenait déjà virtuellement, en raison 
de son principe même, toutes les applications qu'on en a faites depuis 
à l’industrie, à la galvanoplastie, à la traction et au transport de la 
force à distance. 

Néanmoins Gramme entendait ne devoir qu'à lui-même la forme 
définitive et les applications directes de sa machine. Il se remet au 
travail, dans le silence de son modeste logis. Entretemps, la guerre, 
l'invasion. L'inventeur aboutit enfin. Ses plans sont dressés, faits par 
lui-mème, dans une notation si claire que le premier venu les aurait 
déchiffrés. 

Alors, il se décide à obéir aux supplications de sa femme et de 
sa fille, et à quitter la France. Le train l’amène à Arlon, chez sa 


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sœur. Sauvé. Ilélas ! quel u’est pas son désespoir. Les plans, les des¬ 
sins de son merveilleux appareil sont restés dans le train. Ils sont 
perdus et avec eux, la fortune qu’il rêvait pour les siens, pour les 
êtres chéris dont le dévouement et l’abnégation risquent ainsi de res¬ 
ter sans récompense. 

Il fait télégraphier dans toutes les directions. Il passe des heures 
anxieuses dans une attente désespérée. Enfin, la réponse vient. Le 

précieux rouleau de papiers était tombé 
entre les mains d’une dame qui le ren¬ 
voyait par le courrier suivant. 

L’émotion avait été tellement grande 
qu’en revoyant ses papiers et ses grif¬ 
fonnages, cet être d’un courage sur¬ 
humain pleura comme un enfant... (*) 
Rentré à Paris, il reprend ses tra¬ 
vaux, et nous le voyons successivement 
inventer et construire sa machine à 
quatre pôles ; en 1872, la première 
machine industrielle pour la galvano¬ 
plastie ; en 1873, la première machine 
industrielle pour l'éclairage ; en 1874, 
la machine appelée type normal ou 
d’atelier, qui a été construite et appli¬ 
quée par lui. Enfin, de 1874 à 1885, 
il continue à inventer, à perfection¬ 
ner et à appliquer, comme en vertu d’une fonction régulière et 
incessante... 

* 

* * 

Les inventions de Zénobe Gramme lui valurent de justes distinc¬ 
tions. Indépendamment des Grands prix qu’il remporta à l’Exposition 
universelle de Paris en 1878 et à l’Exposition internationale d’élec¬ 
tricité en 1881, le Gouvernement français le nomma Chevalier, puis 
Officier de la Légion d’Honneur, lui décerna une récompense natio¬ 
nale de 20.000 francs, puis le prix Yolta de 50.000 francs, qui n’avait 
plus été décerné depuis RuhnikorfL 

Le 27 mars 1808, le Comité international de l’Exposition de 
Bruxelles, où triomphèrent naturellement encore les machines 



Zénobo («HA MM F,. 


(1) Dans un mur do l'Ecole norma’e d’Arlon figure une flaque commémorative 
indiquant une date à laquelle Gramme aurait, en cette maison, pendant la guerre, 
inventé sa dynamo. Comme on le voit.cette inscription est erronée : la dynamo n’a 
été inventée ni à cette date, ni à Arlon, mais précédemment à Paris. 


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Gramme, organisa en l'honneur de notre génial compatriote une 
manifestation solennelle, à l’occasion de laquelle Gramme fut décoré 
du Grand Cordon de l'Ordre de Léopold. . 

A cette manifestation, présidée par M. Montéfiore-Levy, sénateur, 
créateur et bienfaiteur de l’Institut électro-technique de Liège, assis¬ 
taient notamment M. Mascart, membre de l’Institut de France, et 
d'autres délégués officiels français ; M. Nyssens, ministre de l'Indus¬ 
trie et du Travail de Belgique ; le Collège échevinal de Bruxelles en 
uniforme, et un grand nombre de sommités scientifiques et indus¬ 
trielles. On y remarquait la présence du prince Roland Bonaparte, 
à titre d’ami de la science et de président d’une société française 
d’électricité. Dans cette nombreuse réunion de personnages en habits 
brodés et chamarrés, on constatait la présence d'un assistant mis 
simplement en redingote sans décoration. C’était le héros de la fête. 
On l’obligea bien vite à se parer du Grand Cordon qui venait de lui 
être décerné par le Roi... 

Au nom des électriciens, le Comité remit à Zénobe Gramme une 
médaille commémorative gravée par Chaplain. Des discours élo¬ 
quents lui furent adressés de toules parts. A la fin, Zénobe Gramme 
répondit, avec une profonde émotion, ces simples paroles : « Je n’ai 
pas l’élocution faoile, mais je remercie tout le monde de tout mon 
cœur. » 

Parlant plus tard de cette manifestation à laquelle s’étaient 
associés le Gouvernement de son pays et tous les groupes d’électri¬ 
ciens du monde, Gramme avouait qu’elle l’avait profondément ému ; 
mais il ajoutait spirituellement qu’il eût tout de mémo préféré ne 
pas en être... 

En effet, l’illustre inventeur était resté tel que l’on avait connu 
le petit menuisier modeleur d’autrefois. Simple sans rusticité, mo¬ 
deste sans humilité, il ne supportait le décorum que par nécessité, 
et il essayait toujours de s’y soustraire. 

Sa manière de vivre était encore tout-â-fait bourgeoise, d’une 
régularité exemplaire. Comme autrefois, il partait à heure fixe pour 
le travail, il rentrait pour dîner et ne sortait plus. Très sobre, son 
ordinaire était simple, et il affectionnait les vieux plats du pays. Le 
langage familier de la maison était resté le wallon. Autant en société 
sa réserve était grande, autant à table, en famille ou avec des amis, 
son caractère jovial se déliait: il aimait à rappeler ses farces de 
jeunesse, il lançait, des boutades, d’un esprit du reste très fin. Une 
de ses habitudes était de faire mousser les conversations en prenant 
très sérieusement le contrepied des opinions émises devant lui : il 


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discutait avec une telle adresse qu’on se laissait toujours prendre à 
cet artifice. C’était avec un bon gros rire qu’il avouait au dernier 
moment sa plaisanterie, et il le faisait avec une telle bonne grâce 
qu’il était impossible de lui garder rancune. 

Gramme aimait à revenir au pays wallou, faire visite à des 
parents et amis établis à Arlon, à Huy, à Liège. On sait que malgré 
toutes les sollicitations, il refusa toujours l’honneur de la naturali¬ 
sation en France. Il voulut rester officiellement belge, comme il 
resta wallon de cœur. Ainsi qu’on l’a dit plus haut, il retourna plu¬ 
sieurs fois à Hannut, et il écrivit souvent à des amis qu’il y avait 
conservés et auxquels il portait une affection particulière. l)e nom¬ 
breuses lettres d’amitié sont encore en possession de ces personnes. 
Quand la fortune sourit à Gramme, il ne les oublia pas ; elles se 
trouvèrent à un certain moment dans une situation critique, et bien 
souvent il leur envoya des dons en argent. 

La générosité de Gramme se marqua du reste en de nombreuses 
circonstances. Arrivé à une brillante situation de fortune, les goûts 
modérés des siens lui permirent de faire largement le bien autour de 
lui. Il répétait souvent que ses revenus l’embarrassaient. Déjà son 
prix de 50.000 francs fut partagé équitablement entre tous ses parents. 
Un jour qu’il se promenait avec une jeune personne de sa famille, 
celle-ci aperçut à terre une pièce de deux francs. D’un mouvement 
instinctif, elle voulut se baisser. Mais Gramme, qui avait vu la pièce, 
arrêta le geste et dit à la jeune fille : « Laisse cela, il se trouvera bien 
un plus pauvre que nous qui profitera de cette trouvaille ». Et, 
comme la jeune fille se montrait un peu confuse, il lui fit accepter, à 
titre de dédommagement, comme il disait par agacerie, une indem¬ 
nité largement disproportionnée avec le sacrifice illusoire qu’il 
venait de lui imposer. 

Le caractère affectueux et la douceur de Zénobe Gramme s’acco- 
modaient particulièrement de la société des femmes et des enfants. 
O 11 sait qu’il fut un père, un mari, un oncle plein de bonté et de 
générosité délicate. On connaît moins son afiêctueuse reconnaissance 
pour la compagne de sa vie, et la déférence avec laquelle il la consi¬ 
dérait. C’est par lui-mème, et du reste malgré elle, que tant de 
personnes ont connu l'admirable abnégation dont elle a fait preuve, 
et sa fille avec elle, aux temps ou, tout à ses recherches, Gramme 
avait abandonné complètement l'exercice de sa profession. De tout 
temps les deux femmes eurent place au conseil, chaque fois que se 
présentait une question intéressant la famille. Conformément à une 
ancienne habitude, et, du reste, à une vieille tradition wallonne, ce 
fut madame Gramme qui, jusqu’à sa fin, tint la bourse et eut la 




GoQÇ*- 


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garde des fonds. Comme le chef de la famille recevait l’argent, 
comme il le lui remettait. Il en redemandait suivant ses besoins, et 
tout était dit. A cet égard, il n’en alla pas autrement dans la maison 
du millionnaire au budget nécessairement étendu, qu’autrefois dans 
l’humble appartement du petit menuisier où l’on faisait, comme on 
dit, les comptes sur ses dix doigts. Pareils détails de ménage sont 
naturellement peu connus, et c’est heureux, car la confiance et la 
générosité réciproques des deux époux n’eussent peut-être pas suffi à 
excuser, aux yeux du monde, la naïveté de Zénobe Gramme !... 

Durant sa longue maladie, madame Gramme, dont l’état récla¬ 
mait des soins pénibles et assidus, fut admirablement servie par son 
mari, qui, sans jamais admettre la suppléance ou l’aide d’une 
autre personne, remplit jusqu’au dernier moment auprès d’elle les 
tâches qu’il s'était réservées. Il soigna le pauvre corps de la malade 
comme il avait choyé son cœur — discrètement et avec une délica¬ 
tesse attendrie. 

Il eut la douleur de perdre sa vaillante et dévouée compagne le 
1 er janvier 1890. On conçoit que cette perte fut vivement ressentie. 

Pour un homme dont toute la vie s’orientait vers le foyer, le 
veuvage, cependant, devait être particulièrement pénible. Ce cœur 
admirable, d’une tendresse toujours jeune et si intimement expan¬ 
sive, était à jamais accessible au charme moral de la femme, à sa 
douceur, à sa bonté. 

La seconde épouse de Gramme, qui lui avait voué les trésors 
d’une affection délicate et reconnaissante, a su prouver qu’elle s’inté¬ 
resse à sa gloire comme elle vénère son souvenir. 

Le génial inventeur s’éteignit presque subitement le 20 jan¬ 
vier 1901, à Bois-Colombes, près de Paris, où il avait son domicile. 
Il était âgé de près de soixante quinze ans. 

* 

* * 

On a dit et répété que Gramme, à l’époque où il a inventé sa 
dynamo, était « un petit menuisier presque illettré », « qu’à 
trente ans, il savait tout au plus lire et un peu écrire », et qu’à la fin 
de sa vie laborieuse, il n’était pas beaucoup plus instruit qu’au 
temps de son adolescence. C’est une erreur. Nous savons que 
Gramme était dans son métier, un excellent spécialiste; et, s’il ne 
faut pas exagérer le succès de Ses études primaires, on ne doit pas 
non plus perdre de vue les distinctions qu’il remporta dans les écoles 
d’adultes. Le reste de ce qui lui lut nécessaire pour concevoir et 
raisonner ses inventions, il l’acquit de la manière la plus sûre, c’est-. 


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â-dire par lui-mème, par l’étude pratique, personnelle, et par la 
lecture. 

Certes les personnes qui jugent les autres sur l’orthographe ont 
eu toute latitude de se faire une opinion peu favorable sur l'instruc¬ 
tion matérielle d’un homme qui ne s’est pas prodigué dans ce qu’on 
appelle le monde. Mais elles eussent été étonnées de voir Gramme 
lui-même plaisanter avec les lettrés de sa famille sur pareille 
marque d’infériorité. L’accent de terroir un peu traînant, qu'il mani¬ 
festait parfois de façon assez sensible, était évidemment incapable 
d'atteindre la correction grammaticale de son langage; et cet accent 
n'a certainement empêché personne dégoûter l'agrément d’une conver¬ 
sation aisée, variée, et spirituelle. En réalité, tous ceux qui ont bien 
connu Gramme, ou qui ont eu souvent l’occasion de converser avec 
lui, rendent hommage, non seulement à sa brillante intelligence, 
mais à la variété de ses connaissances, et au sens très fin avec lequel 
il jugeait de longue date les hommes et les choses. 

Quant au reste, Gramme n’eut jamais besoin, comme on l’a dit, 
de refaire des études élémentaires, notamment en ce qui concerne 
les mathématiques. Placé à la tète d’un important établissement 
industriel pour la construction des machines-Gramine, tous les 
modèles sortis de ses ateliers ont été construits sur ses indications 
détaillées, sur ses plans et suivant ses calculs. Chose curieuse, il 
résolvait les constantes de tous ces appareils avec les quatre opéra¬ 
tions de l’arithmétique, alors que des ingénieurs se fussent cru 
obligés de recourir aux mathématiques supérieures. Inutile de dire 
que les calculs de Gramme étaient toujours faits sans erreur. 

Travailleur infatigable et. méthodique, chercheur persévérant, 
esprit original et pénétrant, Gramme n'a cessé jusqu’à son dernier 
jour de se livrer à des observations, à des études personnelles sur 
cette science de l’électricité au progrès de laquelle ses inventions 
ont donné un si merveilleux essort. 11 consignait au fur et à mesure 
dans des noies le résultat de ses recherches. 

Son journal qui, nous l'espérons, sera un jour publié, jettera 
une vive lumière sur des détails de sa vie que nous laissons volontai¬ 
rement dans l'ombre. 


* 

* * 

M. A. Duponchel, qui, récemment, dans des articles généreux 
que nous aurons L'occasion de citer plus loin, a adiré d’une manière 
presque violente l’attention publique sur l’inventeur trop oublié, 
rappelle que Gramme vivait à Paris tout-â-fait ignoré. Le savant 




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Bertrand, dans son rapport à l'Institut sur le prix Yolta, disait déjà 
qu'il vivait si retiré qu’on avait mis parfois son existence en doute. 
Le nom de « machine Gramme » paraissait une formule commer¬ 
ciale n’ayant rien de personnel, quelque chose de comparable à 
l’actuel « Sunlight-Savon », que tout le monde connaît sans chercher 
à le traduire. Le nom de Gramme est si peu connu que le Larousse , 
à l’article Dynamo, ne le cite meme pas! Se figure-t-on un article 
sur la machine à vapeur ou Watt ne serait pas mentionné ? 

Gramme, il est vrai, se plaisait dans son obscurité. M. Düponchel 
rapporte le témoignage d’un de ses amis qui « ayant été fortuitement 
mis en rapport avec Gramme, chercha à le questionner sur la nature 
des inductions qui avaient pu le guider dans ses recherches, et n’en 
tira que des réponses vagues et échappatoires, permettant de se 
demander si Gramme avait jamais poursuivi autre chose qu’un 
résultat industriel et commercial par des essais empiriques». L’auteur 
conteste avec raison cette conclusion. Nous savons, quant à nous, 
que dès l’époqueoùGrammeinventait sa dynamo, il se rendait parfai¬ 
tement compte des conséquences sociales de son invention. On en a 
trouvé la preuve dans son journal, où l'ouvrier, non seulement tenait 
note de ses observations, mais fixait avec précision le résultat de ses 
réflexions. Avec une lucidité incroyable, il prévoyait les diverses 
applications qu’il a lui-même réalisées depuis, et les immenses avan¬ 
tages qu’elles devaient apporter à l'industrie. On y trouve encore des 
paroles véritablement prophétiques sur l’avenir de la science élec¬ 
trique. Dès les premières pages de son journal, Gramme manifeste 
déjà des intentions qu’il n’a réalisées que beaucoup plus tard, et il 
prévoit notamment le transport de la force à distance qu’il devait 
être le seul à concevoir et à réaliser. 

Bien loin de se trouver en présence, chez ce petit menuisier de 
«l’Alliance», d’un empirique plus ou moins prétentieux et extraor¬ 
dinairement heureux, on a affaire à un précurseur dont l’intelligence 
lucide a été servie par une volonté indéfectible. 

M. Düponchel, ignorant presque tout de la vie de Gramme, 
recherche loyalement et avec pénétration à déduire des faits qu’il 
connaît certaines conclusions. Il se demande quels peuvent être les 
motifs do la réserve et de l’isolement dans lesquels se cantonnait le 
grand inventeur. Loin de conclure, comme tant d'autres, à une 
modestie relative, justifiée en apparence par une prétendue infériorité 
intellectuelle, Fauteur préfère croire à un état d’àme comparable 
à la misanthropie de certains grands hommes. M. Düponchel 
en découvre la cause non-seulement dans les privations et les sacri¬ 
fices que Gramme a du s'imposer, mais aussi dans un autre ordre de 


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WALLOtftÀ 


difficultés, qui tiennent à l'état d esprit où l’inventeur trouva ses 
contemporains à l'époque où il voulut réaliser ses idées. « Plus tard, 
dit-il, Gramme dut trouver étrange qu’on cherchât à expliquer sa 
machine en la présentant en quelque sorte comme une conséquence 
nécessaire des principes théoriques en vertu desquels on l'avait 
préalablement déclarée impossible ». 

Il ne nous appartient pas de justifier par le détail ce que ces 
suppositions de M. Düponchel peuvent avoir de juste. Gela sera fait 
à son heure. Mais on peut conclure avec lui que Gramme ne fut ni 
un être plein d'humilité, comme d’aucuns paraissent le croire, ni un 
misanthrope hargneux, uniquement préoccupé de questions de lucre, 
mais « un travailleur désabusé qui s'aperçoit tout à coup, lorsqu'il a 
acquis la possession d'une fortune qui le rend indépendant, qu’il n'a 
rien de ce qu’il faut pour en user largement, et ne leur demande 
qu'une chose, les ressources matérielles nécessaires pour assurer, tel 
qu'il le comprend, son bonheur relatif, et celui du très petit nombre 
de ceux qui lui ont réellement prêté un concours sympathique, et 
qu’il a choisis pour les associer à la vie intime et fermée qui désor¬ 
mais sera la sienne ». 

Zénobe Gramme, en effet, a dù apprécier particuliérement la 
valeur de l'affection féminine, depuis le jour où, aux moments tra¬ 
giques de sa vie d’inventeur pauvre et génial, il a vu que l’appui 
moral des hommes persistait à lui manquer, et que leur appui ma¬ 
tériel lui était marchandé. 

L’isolement dans lequel il a vécu, hors du monde où, en raison 
de sa situation acquise, il avait largement ses entrées, était parfai¬ 
tement volontaire et délibéré. Il n'avait pu oublier que si, à certains 
moments difficiles de sa vie, son courage avait pu faiblir, si son âme 
avait pu s’ulcérer, c’est dans des affections intimes qu’il aurait trouvé 
la consolation et le réconfort comme il y a effectivement trouvé 
aide et secours matériels. Si, plus tard, il étendit quelque peu le 
cercle de ses relations, c’est encore en raison de sentiments qu’il 
savait également naturels et sincères. En continuant à vivre avec 
ceux et pour ceux qui méritaient vraiment les trésors de son affection, 
il a agi en philosophe pratique et avisé. 

La vie de Gramme n’est donc pas seulement digne d'admiration 
en raison d’un génie extraordinaire et de services rendus. Elle l’est 
encore par sa moralité aussi élevée qu'harmonieuse. 

Gramme ne jouit guère des biens de la fortune que grâce à 
l'exercice désormais facile de sa générosité ingénieuse. 11 fut heureux 
par cela encore, et toujours par sa volonté de l'être, qui lui dicta ses 
préférences pour la vie simple, et un choix scrupuleux et restreint 
d'affections réelles. 


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Dans les aspects si divers de sa force morale et jusqu’en les 
manifestations les plus intimes de sa sensibilité, il lègue aux hommes 
un mémorable exemple, dont la contemplation ne fera que grandir 
le respect dû à son génie. 

O. GOLSON. 


OPINIONS 

Si le xix e siècle a été surtout le siècle de la vapeur et de la locomotive, 
le xx e siècle sera bien plus encore celui de l'électricité et de la dynamo- 
Gramme. Je ne connais rien dans le passé, je n’entrevois rien dans l’avenir 
qui puisse lui être comparé, pas même la machine à vapeur, que la machine 
de Gramme a déjà complétée ou transformée, en attendant qu’elle la rem¬ 
place dans les applications les plus importantes. Il y a d’ailleurs une très 
grande différence entre les deux engins : l’un étant une œuvre collective, 
l’autre essentiellement individuelle. Par quelles transformations successives, 
en effet, n’a pas dû passer la marmite légendaire de Papin pour devenir la 
locomotive, dont le type incessamment perfectionné se reproduit dans toutes 
nos expositions industrielles ! Entre tant d’intermédiaires, quel nom propre 
pourrait particulièrement s’appliquer à cet appareil ? Rien de semblable 
pour la machine de Gramme ; telle qu’il l’a produite le premier jour, telle 
est, sauf une plus grande échelle de proportions et quelques détails insigni¬ 
fiants, la dynamo qui fonctionne aujourd’hui dans nos tramways, comme 
dans ces gigantesques établissements industriels qui, en Europe comme en 
Amérique, utilisent déjà les grandes chutes d’eau naturelles, en attendant 
le jour plus ou moins prochain, mais qui viendra infailliblement à son 
heure, où l’aménagement normal et la mise en réserve de nos eaux torren¬ 
tielles en aura multiplié le nombre et accusé la puissance. 

Il ne s’agit pas ici d’une de ces découvertes banales dont le germe est 
en quelque sorte dans l’air, qui doivent nécessairement se produire à leur 
heure : conséquence forcée de l'enchevêtrement d’une série de faits connus, 
posant un problème bien défini, dont la solution cherchée de toutes parts 
ne peut manquer de donner lieu à des compétitions de priorité entre ceux 
qui simultanément peuvent avoir trouvé cette solution. Rien de tel ne s’est 
passé pour la découverte de Gramme. Les faits dont il s’est servi existaient 
depuis longtemps à l’état de matériaux informes sans aucun rattachement 
apparent ; il a su les assembler avec une force nouvelle, à laquelle nul 
n’avait songé avant lui. Là est bien l’originalité de la découverte de 
Gramme, qui lui appartient en entier, dont nul n’a jamais songé à lui dis¬ 
puter le mérite, qui aurait dû assurer à tout jamais sa gloire, et qui ne lui 
a valu qu’indifférence et oubli poussé à tel point que parmi les millions 
d’hommes de tout rang, de tout état qui s’entassent journellement dans les 
tramways de nos grandes villes, il n’en est peut-être pas un sur dix mille 


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qui, si on lui demandait le nom de l’inventeur de ce nouveau mode de 
locomotion, pourrait articuler celui de Gramme. 

On ne voit parfois dans la dynamo qu’un engin spécial tel que le trolley 
ou le téléphone, tandis qu’il s’agit de la solution du problème de la pierre 
philosophale, réputé comme insoluble, et qui se trouve résolu en fait, dans 
son application la plus utile par la transmutation, non delà matière inerte, 
mais, ce qui est beaucoup plus important, du principe essentiel de l’acti¬ 
vité qui est en cette matière, de l'énergie par laquelle elle manifeste ses 
effets. 

L’usage du trolley, du téléphone, restera toujours limité à une affecta¬ 
tion particulière. Celui de la dynamo ne saurait l’ètre : il englobera peu à 
peu tout ce qui se rattache au développement de l’énergie dans le monde 
physique, aussi bien avec sa forme intra-atomique d’électricité réglant 
l’association et la dissociation molléculaires, que dans sa forme externe de 
force motrice usuelle adaptée à tous les usages industriels : d’un côté la 
génération de la chaleur et de la lumière, la synthèse chimique comprenant 
la métallurgie et la production directe de la majeure partie des substances 
organiques, alimentaires ou autres ; d’autre part, tout ce qui se rattache 
aux voies de transport et à la mise en jeu de l’outillage industriel et agro¬ 
nomique. 

Sous toutes ces formes, la vie sociale de l’homme dans l’avenir se ratta¬ 
chera de plus en plus à la découverte de Gramme, et c’est à ce point de vue 
surtout que cette découverte n’appartient pas à telle ou telle race ou natio¬ 
nalité plutôt qu’à telle autre, mais ne relève que de l’humanité tout entière. 

Quand, remontant aux origines de son passé, l’homme ne comptera 
plus par dizaines, mais par centaines de siècles évanouis, dans le fourmil¬ 
lement de tant de célébrités éphémères qui se seront confondues dans une 
vague poussière, l’humanité verra survivre quelques noms estompés par 
le temps, auréolés par la distance, qui lui rappelleront, sous forme de 
mythes légendaires, les grandes étapes de sa vieille histoire. Alors, de 
même que le mythe de Prométhée a symbolisé l’invention du feu, de même 
se formera peut-être un mythe rappelant la transmutation de l’énergie, le 
principe vital autour duquel se coordonnera la réorganisation de notre 
monde physique. Si dans la cosmogonie de cet avenir lointain on veut per¬ 
sonnifier ce mythe, il ne sera guère possible de le faire sans un autre nom 
que celui de Gramme ! 

A. Duponchel, dans Revue Scientifique (revue rose) 
n" des 8 juin et 25 juillet 1903. 

Le nom de Zénoble Gramme, écrit M. Paul Janson, éveille en moi 
u anciens et bons souvenirs que je veux remémorer. Et il raconte que, se 
trouvant à Paris en 1881, lors de l’Exposition de l’Electricité, il fut frappé 
du spectacle, aussi nouveau qu’étonnant, de la grande salle où étaient 
installées un grand nombre de dynamos alimentant les lampes électriques. 
La petite dimension de ces puissants appareils était un sujet d’admiration 
et d’étonnement. M. Janson aborda un des commissaires de l’Exposition et 





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lui demanda des renseignements. Celui-ci lui répondit en le présentant à 
Gramme qui, mieux que personne, pouvait satisfaire son désir. 

«Je fus donc, continue M. Janson, présenté à M. Gramme et au pre¬ 
mier abord, je fus frappé par sa physionomie intelligente et méditative et 
son attitude modeste qui rappelait sans doute l’ouvrier menuisier d’autre¬ 
fois. J’étais absolument convaincu qu’il devait être Américain, supposant, 
je ne sais vraiment pourquoi, a priori , que l’Amérique seule était capable 
de produire dans le domaine de la mécanique et de l’électricité un innova¬ 
teur de cette envergure. 

»A peine la conversation était-elle commencée qu’à ma grande sur¬ 
prise et, je dois le dire, avec plaisir, je surpris dans sa langue un peu fruste 
des signes irrécusables de l’accent du pays de Liège et à brûle-pourpoint, 
subitement persuadé qu’il était mon compatriote, je lui dis : Vos estez 
d'Lidje. Et lui de me répondre avec cette joie que procure le rappel du 
patois de l’enfance : Otjè ! L’Américain que j’avais imaginé s’était évanoui 
et j’étais bel et bien en présence d’un compatriote. J’en fus véritablement 
heureux ». 

Après avoir expliqué le/onctionnement de sa machine, Gramme mon¬ 
tra à M. Janson qu’elle réalisait la transformation du mouvement en élec¬ 
tricité, puis de celle-ci en lumière, car à ce moment, c’était surtout de la 
lumière qu’elle produisait. 11 conduisit alors son compatriote dans une salle 
adjacente et lui montra un wagon circulant sur des rails sans moteur 
visible, sur une distance d’environ 200 m. On devine l’étonnement admi- 
ratif que suscitait le spectacle nouveau et merveilleux de ce véhicule en 
mouvement que n’actionnait ni la force humaine, ni la force animale, ni 
celle de la vapeur, les seules alors connues. 

« Gramme m’expliqua alors que le but qu’il poursuivait en ce moment 
était de transporter la force électrique à distance et qu’il avait installé dans 
cette salle une application rudimentaire de sa découverte. On sait que 
depuis, de concert avec M. Fontaine, il fit de nombreuses expériences dans 
ce sens et parvint à obtenir les résultats que nous considérons aujourd’hui 
comme une chose des plus simples et des plus naturelles. 

» Poursuivant ses explications, il me fit observer qu’il fallait une force 
pour produire le mouvement rotatoire de son anneau ; que cette force pou¬ 
vait être soit la vapeur, soit l’air comprimé, soit le gaz, soit l’eau, et il me 
dit à ce propos : «J’arriverai à transporter la force des chutes d’eau de la 
» base des montagnes à leur sommet ». 

C’était ce qui depuis est devenu la houille blanche. Aujourd’hui le 
miracle est accompli. 

Paul Janson, dans le Ralliement , de Bruxelles, 
numéro du 5 août 1903. 

Le cas de l’inventeur de la dynamo prouve — combien éloquemment ! 
— que notre terre wallonne produit des novateurs dans le domaine scienti¬ 
fique, comme elle produit des peintres et des écrivains, quoi qu’en aient dit 


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WALLONIA 


ceux qui lui concèdent l’honneur exclusif d’avoir donné le jour à un certain 
nombre de musiciens de génie. 

Nous avons des savants aussi, qui sont, en physique, en chimie, des 
découvreurs. Les noms de Gramme, de Solvay, de Somzé viennent tout de 
suite aux lèvres, et aussi celui de ce Rennequin Sualem, qui trouva, lot 
tàsant , comme il disait, le secret de cette merveilleuse machine de Marly, 
grâce à laquelle les eaux de Versailles combinèrent leurs jeux pour l’enchan¬ 
tement du Roi-Soleil. Rappelez-vous l’article de M. Paul Janson reproduit 
dans nos colonnes : Gramme n’y apparaît-il pas, avec son humilité médita¬ 
tive, comme un descendant intellectuel de ce patient chercheur wallon qui 
confondit les beaux esprits du grand siècle? ( l ) 

Leur double effort fait justice de la sentence qui voudrait dénier tout 
esprit de suite aux enfants du pays mosan. Est-il un domaine ou la téna¬ 
cité dans la recherche est aussi indispensable que celui dans lequel ils ont 
triomphé? L’observation, la lente réflexion silencieuse leur ont valu des 
résultats que nul n’avait obtenus avant eux. Et pourtant, imaginez l’ingé¬ 
nuité de leurs débuts, voyez comme ils étaient livrés à eux-mêmes, et vous 
considérerez, dès lors, l’exceptionnelle somme de persévérante volonté que 
supposent leurs découvertes. Aussi bien, on trouverait dans la vie de nos 
artistes mille arguments prouvant qu’ils ne sont pas, eux non plus, dénués 
de l’esprit de suite, mais notre exemple, d’être choisi dans le monde scienti¬ 
fique, prend un caractère particulièrement péremptoire. 

Tenace et modeste, Gramme s’attesta encore foncièrement wallon par 
ce dédain de la richesse que nous retrouvons invariablement chez tous les 
grands caractères dont s’honorent nos annales, cependant que la masse 
elle-même luttait toujours pour quelque idée émancipatrice, alors qu ail¬ 
leurs les seuls intérêts provoquaient les mouvements populaires. 

Mais s’il était peu préoccupé d'amasser, il avait, avec la simplicité de 
ses mœurs, gardé le culte fervent de ses origines, et cela encore est une des 
marques les plus profondes et les plus émouvantes de notre race. Exilé à 
Paris, vous savez avec quelle joie il fraternisait, dans le plus pur idiome 
natal, avec un compatriote inespéré. Celui-là aussi aurait revendiqué en 
toute occasion sa qualité de Wallon, avec intransigeance, avec orgueil, 
comme le doux chantre des Béatitudes, qui signait ses compositions César- 


(1) (L'anccdotc, souvent répétée, est celle-ci. Louis XIV, cmeiveillé de voir 
la machine de Marly, demanda à l’inventeur, le Liégeois Rennequin Sualem, com¬ 
ment il avait pu imaginer celte merveille. L'ouvrier ne trouva à répondre que ce 
mot : tôt tùsnnt (en réfléchissant). 

Coïncidence curieuse, qu ignorait notre collaborateur, et qui nous fut signa¬ 
lée récemment. Le caractère méditatif de Gramme avait donné lieu, en famille, à 
une sorte de dicton, qui revenait souvent dans la conversation. Il datait de l'époque 
où Gramme travaillait à ses inventions. Parfois sa femme, ayant besoin de son 
aide et sachant que souvent il passait son temps à réfléchir au lieu de laborcr, 
s'enquérait d’abord s'il n’était pas occupé à son établi. Elle lui demandait : 
Zênobe . qui fez oc don t Et le plus souvent, Zénobe surpris dans scs rêveries, 
répondait en souriant : Pji tùse , Ilortense. Le mot avait passé en proverbe dans la 
famille et, quand on constatait chez l’un ou chez l’autre une distraction quelconque, 
on répétait par facétie : Dji tùse , Ilortense. — O. C.J 


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Auguste Franck, de Liège , comme tel de nos peintres du xvm e siècle, sur 
ses pittoresques toiles que l’on voit au Musée, inscrivait ce paraphe : 
L. Defrance, de Liège ... 

La patrie wallonne est de celles dont on se rappelle le charme avec 
une fierté attendrie. Le grand physicien nous le montre à son tour, et ce 
nous est une raison de plus de célébrer une haute mémoire qui nous est si 
fraternelle. 

Charles Delchevalerie dans L'Express , 
numéro du 2 octobre 1903. 



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Chronique Wallonne (1) 


BULLETINS ET ANNALES : 

Rectification. — Dans son dernier n°, p. 252, Wallonia a signalé un 
article de M. Joseph Destrèe dans le Bulletin de la Société nationale des 
Antiquaires de brance , où ce savant restitue au sculpteur Renier de Huy 
l’œuvre des célèbres fonts baptismaux de Saint-Barthélemy de Liège, trop 
longtemps attribués au fabuleux Lambert Patras. Précédemment, p. 233, 
nous avions annoncé d’après un journal la communication de la même 
découverte faite par M. Godefroid Kurth à l’Académie de Belgique. Dans 
notre second article p. 252, nous attribuions à M. Joseph Destrèe, par 
ordre chronologique, la priorité de cette découverte. 

Il y a erreur. Le mémoire de M. Kurth a paru entretemps ( 2 ). Il ne doit 
rien à M. Destrèe. 

En effet, comme l’indique son avant-propos, c’est en 1892, c’est-à-dire 
il y a onze ans, que M. Kurth a fait connaître le nom de Renier de Huy et 
son droit de paternité sur les fonts baptismaux de Saint-Barthélemy. La 
Chronique de 1402 , où il a découvert le renseignement, était alors inédite, 
et c’est sous sa direction qu’elle a été publiée depuis, par son ancien élève 
M. Bacha. Dans la Biographie Nationale, article Patras , M. le baron de 
Chestret de Haneffe a reconnu aussi, il y a deux ans, les droits de Renier 
sur le chef-d’œuvre en question. M. Destrèe arrive donc après M. Kurth, 
ce qui ne diminue en rien, du reste, l’utilité de sa communication à la 
Société française. 

L’entrefilet de Wallonia, résolvant erronément la question de priorité, 
ajoute que c’est la découverte de M. Destrèe que M. le professeur Kurth a 
communiquée à l’Académie. Ce dernier a communiqué sa découverte, et 
l’importance historique de son mémoire est loin d’être tout entière dans cette 
« communication ». L’auteur démontre, par un examen critique des docu¬ 
ments, le bien-fondé de l’attribution qui lui appartient, et il tire de là des 
lumières nouvelles sur la valeur négative, et même néfaste, des témoi¬ 
gnages de Jean d’Outremeuse. Il révèle ensuite l’industrie antérieure du 

(I) L’abondance des matières nous oblige â remettre au prochain numéro 
les Faits divers de ce mois et une partie de la Bibliographie, ainsi que la Revue 
des revues. 

(1) Renier de Huy , auteur véritable des fonts baptismaux de Saint-Barthé¬ 
lemy de Liège , et le prétendu Lambert Patras , par Godefroid Kurth, membre 
de l’Académie royale de Belgique. Extrait des Bulletins de VAcadémie royale 
de Belgique. (Classe des lettres , etc. n° 8 de 1903). In-8* de 36 p. Bruxelles, 
Société belge de librairie, 16, rue Treurenberg. 



WALLONIA 


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laiton à Huy, montre sa grande importance commerciale et artistique, et 
indique la raison pour laquelle elle est restée si longtemps dans l’oubli ; 
enfin, il s’occupe de l’identification de deux personnages historiques dont le 
nom s’est trouvé sous sa plume au cours de son travail. Tout cela est loin 
de constituer la simple communication de la découverte faite par autrui î 
Au contraire, on doit considérer le mémoire de M. Kurth comme l’une des 
contributions originales les plus importantes qui aient encore été faites au 
sujet de la vieille industrie wallonne. 

Société Liégeoise de Littérature wallonne.— Bulletin, tome XLI1I 
(in-8° raisin, 288 p.) — Avant de rendre compte de ce volume il convient 
d’en vanter l’ordonnance et la valeur d’édition. Les articles si divers sortis 
des concours organisés par la Société sont maintenant rangés sous deux 
rubriques : Littérature , Philologie et Histoire , alors qu’ils se succédaient 
autrefois très au hasard, ce qui amenait des 
voisinages fort inattendus. Des tables bien 
établies et très copieuses, constituent la part 
la plus visible de la tâche assumée par 
M. J. Haust, secrétaire-adjoint de la Société , 
dans son rôle d’éditeur. On remarquera notam¬ 
ment 1’ « Index des mots nouveaux », qui 
témoigne du soin éclairé et du désintéresse¬ 
ment avec lesquels il s’est acquitté de sa mis¬ 
sion si délicate. Au point de vue matériel 
aussi, le Bulletin nous arrive tout-à-fait trans¬ 
formé : le choix du papier, l’élégance et la 
variété des caractères, l’inauguration d’une 
couverture plus épaisse, ornée d’un joli 
« cachet » dû à M. Armand Rassenfosse, tout 
cela frappe agréablement l’attention du lecteur et donne au volume un 
attrait particulier. La maison Vaillant-Carmanne, imprimeur de la Société , 
a donc sa part dans les éloges dus à une réforme sHnteliigente et si utile 
à tous points de vue. 

On ne peut songer à donner une idée de chacune des pièces littéraires 
contenues dans le Bulletin . Proses, poésies, poèmes, scènes populaires 
dialoguôes, comédies, tout cela est du reste apprécié dans le volume lui- 
même, puisqu’il donne, suivant l’usage, les rapports des jurys constitués 
pour les concours d’ou sont sorties ces œuvres diverses. 

Certains de ces rapports sont de véritables leçons de compositions, de 
méthode critique et même de wallon, et il n’y a rien d’étonnant, puisqu’ils 
émanent généralement de professeurs, aussi consciencieux à justifier leur 
sévérité ou leurs éloges, qu’attentifs à classer les œuvres méritantes. On 
trouve ici, sur la toponymie et à la syntaxe wallonnes, des rapports de 
MM. Feiler et Lequarré qui fournissent sur nombre de détails relevés dans 
les travaux de concurrents malheureux, une discussion approfondie, instruc¬ 
tive et très attachante. 



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WALLONIA 


Deux vocabulaires technologiques, celui du Fabricant de fonte, de fer 
et d’acier, dû à notre collaborateur M. Jean Lejeune, et celui du Relieur, 
par M. A. Rigali, constituent dans ce volume un appoint intéressant au 
Dictionnaire de la Langue wallonne dont la Société, ayant tracé le plan 
général, s’occupe activement de dresser un spécimen. 

Annuaire n°XVl, 1903. (Petit iû-8°, 136 p.) — Contient, en wallon, de 
remarquables poèmes de M. le curé L.-J. Courtois, de Saint-Géry (Bra¬ 
bant), des chansons de divers auteurs, dites aux banquets de la Société, un 
récit de Li balaye di Waterloo , fait (en wallon aussi, naturellement) par le 
savant M. Lequarré, professeur d’histoire et conférencier éminent. — En 
outre : Aug. Doutrepont, Charles Grandgagnage (avec portrait). Biogra¬ 
phie de cet ancien président de la Société qui fut « un honnête homme 
d’élite » et « un savant, au sens sérieux et solide du mot » ; précurseur des 
études de philologie romane en Belgique, Grandgagnage était cité à l’étran¬ 
ger comme une autorité, notamment par Diez en Allemagne e t par Littré 
en France, alors qu’il était pour ainsi dire inconnu en Belgique. Les pro¬ 
grès surprenants qu’a accomplis la philologie depuis lors ne diminuent pas 
les éminentes qualités de méthode dont a fait preuve le savant wallon, et 
le biographe, professeur de philologie romane à l’Université de Liège 
était bien placé pour faire de son œuvre l’étude minutieuse qui s’imposait 
au moment où la Société s’attache avec plus d’autorité que jamais au côté 
philologique de son programme. — Sous le titre Les Nulons , un anonyme 
appuie l’opinion émise dans Wallonia, t. X, sur l’origine des Nutons, par 
l’éminent et très indépendant archéologue M. H. Schuermans. 

LES LIVRES : 

Quelques histoires de miséricorde, par Jules Destrèe. — Un vol. in-8° 

de 103 p. — V e Larder, éditeur, Bruxelles. — Prix : 2 fr. 50, 

La personnalité de M. Jules Destrèe est diverse. Dans les instants où 
il n’est sollicité ni par la sociologie pratique, ni par l’étude du droit, nous 
lui voyons cultiver la critique d’art, le conte ou le poème en prose. Tour à 
tour il publie un commentaire de jurisprudence, une brochure politique, un 
volume de ballades, une étude sur les primitifs italiens. Parfois, son esprit 
complexe et attentif confond dans le même effort des préoccupations diffé¬ 
rentes : député, il vante aux auditoires ouvriers l'émancipatrice vertu des 
jouissances artistiques; écrivain, il choisit le sujet de tels croquis dans son 
domaine d’avocat, et retrace, après M. Edmond Picard, de nouvelles 
« Scènes de la Vie judiciaire ». 

Son dernier recueil notamment — Quelques histoires de miséricorde — 
nous vaut l’évocation de milieux et de spécimens d’humanité que l’auteur 
tut amené à observer dans l’exercice de ses fonctions juridiques. Un seul de 
ces récits, Bon Dieu des G aulx , qui fut jadis imprimé à part, ne se dénoue 
pas dans l’atmosphère du prétoire. 

Exclusivement descriptives, ces pages, qu’on sent vécues, sont tour à 
tour pittoresques et pathétiques. Un souffle généreux les anime. Un conti¬ 
nuel souci d’art dut présider à leur composition. T/écriture en est soigneuse 



WALLONÎA 


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et distinguée. On la voudrait seulement, çà et là, plus sobre, moins chargée, 
moins abondamment explicite. 

Ayant fouillé le microcosme de ses souvenirs, M. Destrèe nous offre 
du mystère avec la Maisoti du crime, de l’émotion douloureuse avec un 
Paladin moderne , un Vieux, Tirage au sort , une façon d’humour tran¬ 
quille avec Justice de paix rurale, et cet ensemble — qu’on souhaite plus 
copieux et que l’auteur accroîtra sans doute un jour — réalise en somme 
de la vie, un peu de vie sincère et prenante, interprétée par un tempéra¬ 
ment compréhensif, épris d’altruisme et de beauté. 

Ce petit livre, à coup sûr digne d'intérêt pour tout le monde, nous a 
plu, à nous, tout spécialement, parce qu’il est authentiquement wallon, et 
plus encore par la sensation que par la forme. Les sites et les types qu’on 
y trouve amoureusement décrits nous sont familiers, voire fraternels. 
M. Destrèe nous a restitué avec acuité la poignante région carolorégienne, 
ses ciels de mélancolie, i’àme fruste et résignée du pays noir. Et, dans 
l’épique Don Dieu des Gaulx, tels tableaux panoramiques du paysage 
industriel, amples et nets, traités avec le bonheur d’expression que suscitent 
les émotions filiales, resteront dans nos mémoires et compteront parmi les 
plus belles pages de l’écrivain. Ils enrichissent le trésor de la sensibilité 
wallonne. Charles Delchevalerie. 

Théroigne de Méricourt et le Marquis de Saint-Huruge, par Armand 

Bourgeois. Préface d’Emile Sedeyn. — Paris, Bibliothèque de La cri¬ 
tique , 50, boulevard Latour-Maubourg. — Petit in>4° de xvi-59 pp. 

Au cours de VAvertissement ou avant-propos dont il fait précéder son 
opuscule, M. Armand Bourgeois constate qu’il a été déjà beaucoup dit sur 
Théroigne ; il ajoute qu’il reste encore plus à en dire. 

On eût pu croire à ce langage qu’il allait faire un nouvel apport de 
faits réels, de détails historiques inédits sur la belle Liégeoise. Je suis 
contraint d’avouer que sur ce point, son œuvrette m’a déçu. La fantaisie y 
a plus de part que la vérité. Notre auteur pourrait à bon droit se réclamer 
comme étant de l’école de Dumas père qui, dans quelques-uns de ses romans 
fameux, mêla aux faits historiques, une forte dose d’imagination. 

M. Armand Bourgeois convient au surplus qu’ « il a fait mouvoir son 
héroïne dans unepartie de cadre romanesque à titre de reconstitution pos¬ 
sible ». 

Si le petit drame au dénouement théâtral, où figurent le marquis de 
Saint-Huruge et Théroigne de Méricourt n'est échafaudé qu'à l’aide de 
données assez vagues, et sur des indications hasardées, il n'en reste pas 
moins très vraisemblable. 

Et après tout, M. Armand Bourgeois avait le droit d’avoir ses coudées 
franches aussi bien que M. Paul Hervieu. 

La plaquette écrite d’une plume alerte, élégante, est d’une lecture 
éminemment attrayante. 

Ajoutons qu’elle est habillée d’une jolie couverture et illustrée de char¬ 
mantes vignettes dans le style de l’époque. Albin Body. 


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WALLONIA 


Biographie du Hainaut, par Ernest Matthieu. In-8° (A. Spinet, 
édit. Enghienj. — Recueil de notices sur tous les personnages célèbres nés 
en cette province depuis les temps les plus reculés. L’ouvrage paraît en 
livraisons de 80 p. Prix en souscription : 6 francs. Un de nos collabora- 
teurs spécialement compétent, rendra compte ultérieurement de ce précieux 
ouvrage. 

Les Almanachs belges, étude bibliographique, par G. Zbch-du 
Biez. In-8°. (Zech, édit., Braine-ie-Comte). — Cet ouvrage paraît en fasci¬ 
cules. qui seront au nombre d’une quinzaine, de quatre feuilles chacune, au 
prix d’un franc le fascicule. C’est le relevé descriptif de tous les almanachs 
et annuaires qui ont paru en Belgique. Nous en reparlerons. 

La Roulotte littéraire et artistique, bi mensuelle, illustrée (Emile 
Delatre, éditeur, Soignies. Un an : 3 francs). — Cette gazette est publiée 
sous la direction du bon poète wallon et français M. Louis Moreau, avec le 
concours d’autres jeunes, comme lui valeureux, pétulants et enthousiastes. 
L’entrain exemplaire de La Roulotte lui a valu dès ses débuts, nombre de 
collaborations honorables et variées parmi les écrivains belges et étrangers. 
Recueil très vivant, très intéressant, dont la moindre originalité n’est point 
d’imposer dans une petite ville de la littérature indépendante et de la cri¬ 
tique d’avant-garde. Décidément, il y a de la ressource en Wallonie — en 
province, comme on dit... 

Ouvrages reçus. — A. de Cock et Is. Teirlinck, Kmderspel en Kinder - 
lust in Zuid-Nederland. Avec schémas et croquis de Herman Teirlinck. 
Ouvr. couronné par la Koninkl. vlaamsche Academie. Tome III. (Un vol. 
in-8°de284 p. avec tables. SilTer, édit. Gand. Prix 4 fr.) — Matériaux pour 
l'ethnologie uhraïno-rulhène , édités par la Commission ethnographique de 
la Soc. scientif. de Chevtchènko, à Lemberg, sous la direction de Th. Vol- 
kov. Tome V : Les Houzoules, par le prot. Vlad. Choukhevitcii, 3 e part. 
(Un vol. [en russe] in-8° de 256 p. avec vign. et musique notée. Au siège de la 
Société, 26, rue Czarnecki, à Lemberg, Autriche). — Chronik der Ukraï- 
nischen Chevtchenko-Gezellsch . dei' Wissenchaften in Lemberg 1902. — 
Avynanak dè pays d'Haive po 1901 , publié par Pierre Pirnay, Gilles 
Vanast, Jules Leruth et Joseph Neujean, 5® année. Broch. pet. in-8° de 
112 p. (Hodimont-Verviers, Alfred Kaiser, édit. Prix 0 fr. 20). — Camille 
Lemonnier, Comme va le ruisseau , roman. Un vol. in*12 de 243 p. (Ollen- 
dorff, édit. Paris. Prix fr. 3.50). — Lucien Colson, Andri Màlâhe . roman 
d’amour, en wallon. 1 vol. pet. in-8° de 190 p. (Mathieu Thone, édit. Liège. 
Prix 2 fr. 50). — Paule Riversdale, Echos et reflets , poésies. Un vol. in-12 
de 130 p. couverture ill. par Levy-Dhurmer (Lemerre, édit. Pari9. Prix 
3 fr.) 




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Le peintre Jean Prévost 

de Mons 


exposition si remarquable des œuvres de maîtres 
anciens, qui a eu lieu à Bruges, a produit les plus 
brillants résultats. Elle a notamment fait mieux 
connaître un artiste que la ville de Mons a vu naître, 
et elle a appelé l’attention sur l'école de peinture qui 
a existé en cette ville, au xv c siècle. 

Depuis longtemps, il est vrai, l’origine montoise 
de Jean Prévost avait été révélée En mars 1801, M. James Weale 
nous communiquait qu’il avait découvert, à Bruges, un très beau et 
très intéressant tableau, peint par Jean Prévost, et que cet artiste, 
venant de Mons, s’était établi à Bruges, en 1494. « Ce tableau, ajoutait 
M. Weale, prouve que l’école de Mons était tout à fait au niveau de 
l’école flamande, à cette époque (*). » 

Jean ou Jehan Prévost, en flamand Johan Provoost, naquit vers 
1470. Il alla de bonne heure se fixer à Bruges, où il fut inscrit dans 
le registre d’admission à la bourgeoisie, le 10 février 1494 (u. st.), 
comme étant né à Mons en Hainaut ( 2 ). 

Jehan Prévost, probablement le père de l’artiste, était « fourreur 
de pelleterie » et habitait à Mons, de 1461 à 1493, la halle des pelle¬ 
tiers du chapitre de Sainte-Waudru qu’il louait, moyennant onze 
livres par an; il mourut en 1493 ( 3 ). Sa veuve continua à occuper 
cette habitation jusqu’à la Noël 1503 ( 4 ). C'est donc là qu’a du naître 
le peintre. 

(1) Bulletins des séances du Cercle archéologique de Mons , années 1860 1861, 
.13. 

(2) Archives de la ville de Bruges : reg. aux admissions à la bourgeoisie, de 
479-1496, fol. 66 v\ — James Weale, Catalogue du musée de VAcadémie de Bruges 

(1861), p. 27. -- Lk meme, Bruges et ses environs. — Le Beffroi , t. IV, pp. 206-21/. 

(3) E. Matthieu, 1 a halle des pelletiers , à Mons, p. II. — Annales du Cercle 
archéologique de Mons , t. XXX, p. 355. 

(4) Annales du Cercle archéologique de Mons, t. XVI, p. 165. 

T. XI, no . Décembre 1903. 



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Jean Prévost figure au registre de la corporation de Saint-Luc 
et de Saint-Eloi, à Bruges, comme vinder , en 1501-1502, 1507-1510; 
comme gouverneur, en 1511-1512; comme vinder, en 1514-1515, et 
comme doyen, en 1519-1520, 1525-1526 ( 1 2 ). Il fut, en 1509, chargé de 
laver*, restaurer et vernir les armoiries des chevaliers de l'ordre de 
la Toison d'Or, qui étaient suspendues au-dessus des stalles dans le 
chœur de l'église de Saint-Donatien, à Bruges, et d’y ajouter six nou¬ 
veaux panneaux. En la même année, la restauration des décors poly¬ 
chromes de la face du jubé qui donnait sur le chœur de la même 
église, lui fut confiée (*). En 1513, il exécuta, pour le magistrat de la 
ville de Bruges, huit cartes figurant le Zwin, le Zwarte-Gat, la 
Passegeule et le nouveau canal, avec les Poldres, les paroisses et les 
manoirs avoisinants. Il fit, en 1516, le plan de la charmante voûte 
en bois de chêne du chœur de l'église de Saint-Jacques, en la même 
ville. A l'occasion de la joyeuse-enlrée de Charles-Quint à Bruges, 
comme roi des Romains, le 24 juillet 1520, la ville fit élever des arcs 
de triomphe et décorer les rues. Jean Prévost prit une part impor¬ 
tante à tous ces travaux. Les plus grands maîtres ne dédaignaient 
pas de prêter leur talent aux œuvres de peinture que Ton abandonne 
aujourd'hui à l'artisan. 

Au commencement d'avril 1521, étant à Anvers, notre artiste se 
lia d'amitié avec Albert Dürer, le ramena à Bruges, le 6 du même 
mois, et lui offrit un splendide banquet qui se prolongea très tard 
dans la nuit. Avant de quitter Bruges, Dürer dessina au crayon le 
portrait de son hôte qu'il qualifiait de « bon peintre. * 

En 1525, Jean Prévost peignit le Jugement dernier , tableau sur 
bois ayant l m 17 de hauteur, l ro 65 de largeur, et appartenant au mu¬ 
sée de l’Académie de Bruges. Ce tableau, exécuté pour la salle 
échevinale de cette ville, porte l’empreinte d’un talent réel et, mal¬ 
gré certain^ détails bizarres, son effet est saisissant. On remarque 
surtout la variété et le sentiment des têtes. Le dessin est assez raide, 
mais le coloris est généralement bon. Les comptes de la ville de 
Bruges, de 1524 à 1526, font voir que Prévost reçut, pour la peinture 
du tableau du Jugement , selon la convention qu’il avait souscrite, 
vingt livres de gros, et pour certaines améliorations par lui faites à 
ce tableau, douze escalins de gros ( 3 ). 

M. Henri Hymans a publié, dans son beau volume : L'exposition 
des primitifs flamands à Bruges (Paris, 1902), une excellente repro- 

(1) Archives de la corporation de Saint-Luc et de Saint-Eloi, de Bruges. 

(2) Comptes de la fabrique de Saint-Donatien, à Bruges. 

(3) J. Weale, Catalogue du musée de VAcadémie de Bruges et Le Beffroi , 
t. IV (1875), pp. 205-212. — Ad. Düclo3, Bruges en trois jours , p. 143. 


Wallon ïà 


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duction du Jugement dernier de Jean Prévost (*). Il dit, en parlant 
de ce tableau (*), que l’influence de van Orley s’y fait sentir, ainsi 
que celle de Jérôme Bosch. 

Plusieurs autres peintures de mérite ont été attribuées à Jean 
Prévost par M. Georges Hulin ( 1 2 3 ), à la suite de comparaisons failes 
avec le plus grand soin. Parmi elles, il en est une qui peut avoir été 
exécutée à Mons, puisqu’elle porte le millésime 1488. Ce tableau 
représente La Sainte Vierge , à mi-corps , allaitant V Enfant-Jésus ( 4 ) 
(musée de Strasbourg). 

Jean Prévost fut marié trois fois. Il épousa en premières noces, 
à Valenciennes, Jeanne de Quaroube, veuve depuis 1489 du peintre 
renommé Simon Marmion ( 5 ). De son second mariage avec Madeleine 
de Zwaef il eut un fils, Adrien, et de son troisième mariage naquirent 
Thomas-Jean, Anna et Marie. Son fils Adrien suivit la profession de 
peintre et Thomas fut peintre verrier. 

Notre artiste occupait à Bruges une maison de la rue de Ghis- 
telles. Il y mourut, en janvier 1529, et fut enterré dans l’église de 
Saint-Gilles, auprès de sa troisième femme, Catherine Beaureins, 
qui était décédée en 1528. 

Jean Prévost eut pour élève Maximilien Frans ( 6 ). 

Tels sont les souvenirs que Y on possède sur Jean Prévost. Espé¬ 
rons que la lumière se fera un jour complètement sur la naissance 
de ce grand artiste et sur les années qu’il a passées à Mons ! 

L’école de peinture qui existait en cette ville, dès la fin du 
xiv e siècle, n'est connue jusqu’ici que par des mentions consignées 
dans les archives. J’ai rappelé, dans Le passé artistique de la ville 
de Mons ( 7 ), les sujets de tableaux de Jean le Poindeur (1399) et de 
Pierre Henne (1418), sans pouvoir toutefois indiquer quel a été le 
sort de ces œuvres et de celles d’autres peintres montois du xv® siècle 
dont je n’ai su donner que les noms. 

(1) En regard de la page 58. 

(2) Page 80. 

(3) Quelques peintres brugeois de la première moitié du XV t siècle. 1. J an 
Provost. Gand, 1902; in-4°. 

(4) M. Hulin ne met pas cette pointure au nombre des œuvres de la jeunesse 
de Jean Prévost, parce quu la considère comme postérieure à 1488. 

(5) Exposition des primitifs flamands et d'art ancien. Bruges, 1902. Catalogue 
des tableaux, p. xxvi. 

Simon Marmion naquit à Valenciennes vers 1425 et y mourut le 25 décembre 
1489. Il fut enterré en l'église Notre-Dame-la-Grande, dans la chapelle de Saint-Luc. 

(6) Waele, ouvrages cités. 

(7) Mons, Dequesne-Masquillier, 1880; in*8°, pp. 20-23, 150 et su>v. — 2' édi¬ 
tion. Mons, Hector Manceaux, pp. 21-23. — Annales du Cercle, archéologique de 
Mons , t. XVI, pp. 304-307, 434 et suiv. 


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292 


WALLONtA 


D'heureuses découvertes viendront peut-être accroître ces notions 
et nous apprendre si nos peintres ont été en relation avec Jean 
Bellegambe de Douai (*), avec Jean Gossart, de Maubeuge ( 2 ), ou avec 
d’autres artistes de leur époque. 

Je me permets de signaler cet objet à l’attention de tous ceux qui 
s'intéressent à la reconstitution des annales de l’école wallonne. 

Léop. DEVILLERS, 

Archiviste honoraire de l’Etat, 

Président du Cercle archéologique de Mon*;. 


(\) Voyez La vie et Vœuvre de Jean Bellegambe , par M ,r C. Dehaisnes. Lille, 
L. Quarré, 1890. In-8\ 

(2) Congrès archéologique et historique tenu à Bruges , en 1902 , 3* partie, 
pp. 68 et suiv. — Maurice Gossart, Jean Gossart de Maubeuge , sa vie et son 
œuvre . Lille, 1902. In-8\ 



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Un siècle de l’Industrie drapière verviétoise. 



L'industrie drapière, dont on signalait déjà l’existence à 

Verriers vers l’an 1300, 
resta stationnaire jus¬ 
qu’au commencement du 
xix c siècle en ce qui con¬ 
cerne ses instruments de 
travail. 

La laine se lavait dans 
des bacs, dits « bots », 
établis sur des cours 
deau, et au moyen de 
ratcaux mus à la main. 

Le battage s'effectuait 
à l’aide de baguettes, 
dont un ou deux ou¬ 
vriers frappaient la lai¬ 
ne étalée sur une table 
à claires-voies. 

La filaturecomprenait 
deux opérai ions : le car- 
dage, sur un banc garni 
de carde, dit « baudet » 
{planche n° /), et le fi¬ 
lage, avec un rouet ma¬ 
nœuvré par un ouvrier 
(;planche n° 2). Dans ces 
conditions la production 
était extrêmement ré¬ 
duite, et deux ouvriers 
pi* nchc- n* i. < ariiago au baudet. pouvaient carder et filer 

environ 2 écheveaux, ou 
2500 mètres par jour. La manœuvre du métier à tisser s'exécutait 


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294 


WALLONIA 


aux pieds et à la main, et deux ou trois ouvriers étaient occupés 
pour un métier, se lançant la navette de l’un à l’autre (planche 
n° 3). 

On foulait généralement aux pieds dans des bacs dits « wahais » 
ou cercueils, nom qui resta plus tard à la fouleuse à maillets, bien 
que celle-ci ne rappelle en rien un cercueil. 

On lainaitâ la main avec des croix garnies de chardons, deux 
ou trois ouvriers travaillant sur la même pièce {planche n° 4). 

On tondait :es draps, tendus sur une table, au moyen d’énormes 
ciseaux, bien dénommés forces ou efforces — pesant 17 à 18 kilos 
— manœuvrés par un ouvrier, qui employait 30 à 40 jours de 

travail pour tondre une 
pièce de 32 aunes ou 22 
mètres environ (planche 
n° 5). 

Le lustrage ou carton¬ 
nage avait lieu dans une 
presse à vis, serrée par 
la manœuvre d’un ca¬ 
bestan, auquel s’atte¬ 
laient trois ou quatre 
hommes {planche n° 6). 

Le progrès ne com¬ 
mença guère à se faire 
jour qu’avec la généra¬ 
tion qui suivit la révo¬ 
lution de 1789. 

Plancho n©'2. — Filage au rouet. Mais, à Cette époque, 

il ne marchait pas à la 
vapeur ; c’est ainsi que le tissage à un seul ouvrier par métier, 
appliqué en Angleterre par John Kay dès 1737, ne se propagea chez 
nous qu’au commencement de ce siècle, vers 1805-1810. 

A cette date apparurent les premiers assortiments à ploquets et 
les moulins gros. Ils mirent un temps assez long à se vulgariser, de 
même que les machines à lainer et à tondre, qu’on ne construisit 
qu’après 1820. 

Le premier assortiment à continu fut placé en 1840. 

Le moulin gros avait 30 à 40 broches et nécessitait trois 
ouvriers, un fileur tournant la roue et manœuvrant le charriot et 
deux gamins, metteurs de ploquets ; ceux-ci finissaient générale- 






WALLONIA 


295 


ment par se déformer les jambes à la suite de la position que néces¬ 
sitait leur travail. 

Un second moulin, dit «jeannette», servait à surfiler, ou filer 
en fin, le fil fait au moulin gros. Ce second moulin avait généra¬ 
lement 60 broches. Ils furent remplacés plus tard par le mull-j^nny 
qui avait de 2 à 300 broches et nécessitait trois ouvriers. 

Le self-acting de 300 â 600 broches et le métier mécanique 
commencèrent à être employés vers 1865, mais ce n’est guère que 
dans ces vingt dernières années qu’ils furent généralement utilisés. 

Et aujourd’hui les métiers mécaniques accouplés battant 100 
duites à la minute, et surveillés par un seul ouvrier ou ouvrière, 
viennent remplacer le métier â la main du commencement du siècle 
où deux ouvriers n’en lançaient qu’une dizaine. 

L’assortiment de 1 in.SO qui n'exige qu’un seul ouvrier, et le 



Planche n<» 3. Tisaage à deux ouvriors. 


self-acting de 3 â 600 broches, produisent 500 à 600 fois autant que 
le baudet et le rouet primitifs. 

Les fouleuses, dites « polka » fonctionnent mécaniquement et 
deux ouvriers peuvent en suivre cinq ou six. 

La laineuse double, travaillant seule, remplace le lainage à la 


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WÀLLONIÀ 


290 

main si fatiguant, et la tondeuse longitudinale, où la besogne de 
l'ouvrier est réduite à sa plus simple expression, produit en une 
heure ce que le travail exténuant des tondeurs aux forces pro¬ 
duisait en un mois. 

11 en est de même proportionnellement de toutes les autres 
opérations accessoires de la fabrication : séchage des laines et des 
draps qui se faisait autrefois dans des greniers où les ouvriers 
travaillaient dans une atmosphère surchauffée et chargée de vapeurs, 
et qui, aujourd'hui, généralement, a lieu automatiquemenl; battage, 
épluchage des laines, pressage des draps, etc., etc. 

D'après des documents officiels de 1740-1746, les ouvriers lai- 
neurs et tondeurs gagnaient à cette époque de 18 à 20 sous ou 
1 franc 08 à 1 franc 20 par jour, les nopeuscs 10 sous ou 00 centimes, 
les nottoveuses de chardons 3 sous ou 18 centimes. 



Planche no 4. — Lainage. 


En 1800, les laineurs et tondeurs 25 sous ou 1 franc 50, les 
fileurs 25 à 30 sous ou 1 franc 50 à 1 franc 80, les femmes 12 à 
15 sous ou 72 à PO centimes, les enfants 6 sous ou 36 centimes. 

Jusque vers 1850, les salaires ne subirent guère d’augmentation, 
à part les ouvriers tisserands et fileurs travaillant à la pièce et dont 


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WALLONIA 


297 


le rendement était très variable, les ouvriers à la journée ne 
gagnaient que l franc à 1 franc 50, les femmes de 60 à 90 centimes, 
et les enfants de 40 à 75 centimes. 

A celte époque la journée de travail était de 13 à 15 heures, et 
les enfants commençaient à travailler à l’âge de 7 ans. 

Aujourd’hui tous ces salaires sont doublés, triplés et quadruplés, 
la journée moyenne est de 10 1/2 à 11 heures, et les enfants ne tra¬ 
vaillent qu’aprcs 12 ans. 

Malgré la modicité des salaires, le mètre de drap coûtait en 
1800-1810, fr. 20 à fr. 120; en 1830-1850, fr. 10 à fr. 50; et aujour¬ 
d’hui, fr. 2 à fr. 15 avec des salaires deux ou trois fois plus élevés. 



Planche n<> 5 -- Toudnge. 


Au commencement de ce siècle, un ouvrier fileur n’activait 
qu'une hroche, aujourd'hui il en surveille 300. 

En 1825, le prix de filature d’un écheveau de laine était de 
36 â 38 centimes, aujourd’hui il est dix fois moindre. 

Tous les objets de consommation de provenance industrielle ont 
baissé depuis le commencement du siècle dans une proportion 
relative. 

Les principales denrées alimentaires et les principaux produits 
du sol sont également à meilleur compte; seuls, ceux qu’on pourrait 


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WALLONIA 


808 



Planche n* 0 . -- Presse. 


appeler de luxe et dont la consommation était, pour ainsi dire, le 
privilège des classes riches, ont haussé par suite du trop grand et 

trop subit développement 
de la consommation avec 
l'accroissement de l'ai¬ 
sance des masses. 

La population de Ver- 
viers évaluée à 
12 à 15,000 âmes en 1720, 
est descendue à 
12 à 9,600 hab. en 1800, 
reste à peu près 
stationnaire avec 
9,974 hab. 1806, monte 
à 18,000 hab. 1830, 
à 19,621 hab. 1840, 
à 24,053 hab. 1850, 
et52,396 hab. 1896. 


La mortalitéqui était de 

25.6 p r 1000 en 1850, 

24 » 1860, 

27.7 » 1870, 

2L5 » 1880, 

22 » 1890, desc. 

à 15.3 » . 1895. 

Le nombre de mili¬ 
ciens illettrés constaté en 
1850 était de 72 pour une 
population de 2*1,053 habitants; il tombe à 20 en 1895 pour une 
population plus que doublée. 

Tels sont, à grands traits, les principaux phénomènes de la 
marche de l’industrie drapière à Vervicrs pendant le xix e siècle. 

Jules GAROT, 

président do la Chambre de Commerce, Verriers. 


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Chronique Wallonne 


La Cantate du Prix de Rome 


On vient d’exécuter, à la séance publique de la classe des 
Beaux-Arts de l’Académie, la cantate de M. Albert Dupuis, premier 
prix de Rome pour 1903. 

Cette épreuve a eu des précédents qui valent la peine d’être 
rappelés. Il y a quatre ans, M. Dupuis se présenta et — ayant subi 
avec succès l’épreuve préparatoire — décrocha le deuxième prix. 
Il se représenta il y a deux ans et... rata l’épreuve préparatoire, en 
suite de quoi il ne fut pas admis à l'épreuve définitive ! L’histoire 
fit grand bruit, à ce moment. On s’aperçut, quoiqu’un peu tard, de 
l’anomalie qui consistait à faire repasser de nouveau, par les lami¬ 
noirs de la fugue imposée, un concurrent dont le savoir-faire était 
déjà démontré. M. Dupuis ne pouvant plus se présenter qu’une 
seule fois, il n’était que temps d’agir. L’Académie demanda et obtint 
du Ministre un arrêté décidant qu’à l’avenir on admettrait au 
concours, sans nouvelle épreuve préparatoire , les concurrents 
ayant remporté un second prix à un concours précédent ; qu’il y a 
lieu aussi, en cas de deux seconds prix, de les admettre tous les deux, 
sans les classer; et qu’enfin ils seront admis comme concurrents 
supplémentaires, en dehors des six concurrents que le jury est 
réglementairement autorisé à admettre à l’épreuve définitive. Tout 
est bien qui finit bien. 

Il y avait cinq concurrents, dont un seul flamand, M. Criel, du 
Conservatoire de Gand, qui a traité la version flamande de la cantate 
imposée. Le jury (MM. Huberti, président ; Jan Blockx, Léon 
Dubois, Sylvain Dupuis, Emile Mathieu, Edgard Tinel et Vanden 
Eeden) a attribué le premier prix à M. Albert Dupuis, à l’unanimité 
des voix — circonstance qui ne s’était plus présentée depuis 1857, 
en faveur de Peter Benoit — le premier second prix, également à 
l’unanimité, à M. Delune, le deuxième à M. Charles Radoux ; une 
mention honorable à MM. Moulaert et Criel. La cantate de M. 
Delune sera donc exécutée l'an prochain. On me dit grand bien de 


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300 


WALLONIA 


celle de M. Charles Radoux, en très sérieux progrès, paraît-il, et qui 
obtint sa distinction à l’unanimité moins une voix. 

M. Albert Dupuis est un favori de la fortune. Il arrive à la 
notoriété — j’allais écrire à la célébrité — à l’àge où d’autres se 
débattent désespérément dans les ombres muettes de l'indifférence, 
d’où beaucoup ne sortent jamais. Son talent le lui mérite, car la 
faveur publique ne s’émeut pas aussi spontanément autour de la 
médiocrité. Mais dans ce domaine de l'art, le talent a besoin d’une 
véritable complicité des circonstances, d’un groupement de bonnes 
volontés pour se faire valoir, et c’est là que la fortune le servit 
à souhait. 

Nous avons eu le plaisir de présenter aux lecteurs de 
Wallonia (*) le charmant opéra liégeois de M. Dupuis, Jean-Michel , 
monté avec tant de soins, la saison dernière, au théâtre de la 
Monnaie. Voici qu’on annonce un nouvel opéra, la Ducasse, sur un 
livret du critique influent M. Edm. Cattier (de la Gazette ), et qui 
sera également représenté à la Monnaie. Les amis et admirateurs du 
musicien ont ouvert une souscription, qui est en bonne voie, afin de 
faire graver la partition de Jean-Michel. Enfin, l’œuvre va être repré¬ 
sentée à Verviers, avec M Uc Fric-hé, l’idéale Madeleine, la créatrice 
du rôle, et dans des décors brossés aux frais de la Ville (les 
Verviétois jouissent décidément d’une édilité poil ordinaire). 
Maintenant, voici le prix de Rome, qui a occasionné à Verviers, le 
14 octobre, une manifestation grandiose en l’honneur du vainqueur, 
avec un cortège de cinquante sociétés, des illuminations, feux d ar¬ 
tifices, des montagnes de fleurs et des forets de bannières! 

M. Lucien Solvay, chargé par l’Académie d’écrire le texte de la 
cantate imposée, a renoncé avec raison aux sujets mythologiques et 
antiques tant rebattus, pour s’inspirer d’une ancienne ballade 
flamande du xiv“ e ou du xv mc siècle, la Chanson d'Haletcyn ( 2 ) ; en 
voici la charmante mélodie, inspirée du timbre lithurgique du Credo : 



(1) Ci-dessus pp. 113-125. 

(2) Voir Florim. van Duyse. Het oude NederlandscUe Lied , La Haye, Martinus 
Nijhoff. Ou, pour le texte et la mélodie simplement, même auteur, Nederlandsche 
Liederboekg-Q&nûy Vuylsteke, vol. Il, n*4l. 




WÀLLONÎÀ 


301 


Le texte, en une quarantaine de couplets distiques, inet en scène 
une fille de roi qui, séduite par le lointain appel amoureux du sei¬ 
gneur Halewyn, monte à cheval et s’en va vers lui à travers la 
forêt, malgré les sombres avertissements de tous. 

L’amant désiré la joint enfin, et tous deux se trouvent devant le 
manoir d’Halewyn... Horreur ! Des gibets le couronnent, où se 
balancent de tendres corps de femme! Il n’est plus temps de reculer. 
Halewyn (une sorte de sadique moyen-àgeux, semble-t-il, une variété 
de Gilles de Retz — ou simplement de Barbe-Bleue) laisse seulement 
à la princesse le choix d’un genre de mort. Elle choisit le glaive, 
mais l’engage à ôter sa tunique, que le sang virginal pourrait souiller. 
Tandis qu’il s’exécute, vivement elle lui coupe le cou et, la tête 
sanglante suspendue à sa selle, la princesse reprend le chemin du 
palais paternel. Dans la forêt, elle rencontre la mère d’Halewyn, 
qui lui demande si elle a rencontré son fils. « Il est mort, répond 
la princesse fièrement, sa tète, je l’ai ici sous mon manteau.» Elle 
arrive au palais, un grand banquet est donné. «Et la tète était placée 
au milieu de la table. » 

C’est cette donnée, d’une splendide barbarie, que M. L. Solvay 
a mise en action, avec dialogues, chœurs, et un récitant qui déroule 
la trame de l’histoire. Il a développé, ajouté, supprimé ce qu’il a 
fallu ; en certains endroits, très judicieusement choisis, il s’en tient 
à la traduction rigoureuse de l’original. Une jolie idée, entièrement 
de lui, pas même suggérée dans la ballade, c’est, pendant le retour, 
la morne tristesse de la princesse victorieuse de la mort, mais ayant 
brisé son idéal à le vouloir approcher. 

Ce sujet très lyrique, fécond en scènes dramatiques comme en 
tableaux descriptifs très « musicables », a inspiré à M. Alb. Dupuis 
une partition dans laquelle, dès les premières notes, s’affirment ses 
qualités déjà connues: une expression dramatique mouvementée, juste 
et habilement ménagée ; une forme solide et logiquement édifiée, 
ce dont nous sommes de plus en plus payés, hélas ! pour apprécier 
le mérite; une écriture polyphonique et instrumentale variée et 
intéressante sans surcharge. Que la mélodie ne pèche pas par excès 
d’originalité, nous nous en soucions peu, ayant entendu Jcan-Alichel, 
qui se distingue précisément par la qualité adverse ; et puisque, 
désormais, les épreuves préparatoires demeurent concluantes... 
Reconnaissons, d’ailleurs, une fois de plus, combien les conditions 
de ces épreuves académiques sont peu faites pour stimuler l’imagi¬ 
nation et, en outre, que les candidats auraient bien tort de dilapider, 
dans une composition essentiellement éphémère, une inspiration qui 
leur viendra à point plus tard. Nous ne chicanerons pas non plus 


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302 


WALLONÏA 


M. Dupuis sur les quelques inévitables réminiscences wagnériennes: 
le Walhall et le thème de la Forge (premier morceau du récitant), 
Lohengrin (< Fraîche comme une fleur...»), la méditation de Mime 
(« Le soir tombe... Et soudain »), la formule finale de Tristan (péro¬ 
raison chorale), même, par-ci par-là, quelques timbres résolument 
wagnériens, comme à « Ton chant est plus doux... Mais combien ton 
âme est cruelle ». 

Plus encore que la partie dramatique et dialoguée. la partie 
narrative et descriptive a remarquablement inspiré M. Dupuis. 
Chaque strophe du récitant forme en elle-même un tout parfait, 
magistralement équilibré, cohérent et gradué, d’une irréprochable 
justesse d’expression. Je citerai particulièrement les diverses phases 
de la chevauchée de la princesse: «Frissonnante et radieuse»... 
« Lentement, côte à cote »... « Dans son large manteau l’ayant enve¬ 
loppée »... « Elle a repris sa route à travers la forêt ». Dans le final, 
l’enmêlement des voix et des instruments forme un tout très mou¬ 
vementé et de somptueuse sonorité. 

En ce qui concerne la chanson flamande, d 'Haleicyn, qu’il 
emploie nécessairement au début de sa cantate, je crois pouvoir 
reprocher à l’auteur : 1° d’avoir harmonisé en chœur cette mélodie 
essentiellement monodique (puisque liturgique) et de lui avoir 
enlevé par là quelque peu de sa fraîcheur ; 2° de l’avoir prise dans 
un mouvement trop lent, également contraire à son caractère; 3* 
d’avoir élevé d’un demi-ton la note caractéristique, de cette tonalité 
hypo-phrygienne d’un grand charme archaïque. 

Fort bonne exécution sous la direction de l’auteur, qui conduit 
avec sobriété et précision. 

M me Alb. Dupuis, un peu impressionnée au début, a chanté avec 
beaucoup d’accent le principal rôle féminin; Halewyn, c’était M. Jean 
David, une jolie voix mal émise ; M. H. Longtain faisait un excellent 
récitant ; le reste, bon. Chœurs chantés avec une chaleur et une 
conviction bien naturelles par la Concorde — puisque « de Verviers ». 

A la fin de la séance, M. Dupuis a été longuement ovationné, 
en gage, sans aucun doute, de ses triomphes à venir. 

E. CLOSSON. 



WALLONIA 


303 


Bibliographie 

LES LIVRES : 

Comme va le ruisseau, roman, par Camille Lemonnier, 1 vol. in-18, 

Paris, Ollendortt’. Prix : 3 fr. 50. 

Ce livre ne plaira guère sans doute aux lecteurs ordinaires de Zola, 
qui furent aussi jadis ceux de Camille Lemonnier ; en revanche, les délicats 
en viendront goûter le charme délicieux. Rien de plus frais en sa juvénile 
grâce, rien de plus pénétrant que cette brève idylle où vont et viennent 
de simples gens le long des rives de la Meuse. 

L’action s’y réduit strictement au nécessaire. Sans savoir comment cela 
s’est fait, le bon pêcheur à la ligne Jean Fauche s’est pris à aimer la petite 
Noémie Larciel qui est venue chercher le grand air au village apiès une 
convalescence ; mais il n’épousera pas la douce, nerveuse et volontaire fille, 
parce qu’elle croit devoir préférer la joie des autres à son propre bonheur. 
Je dis tout de suite que c’est tant pis ; et si cette conclusion du récit nous 
laisse du regret, c’est qu’on en voudrait discuter la logique, — apprendre 
à cette petite folle que son dévoûment ingénu se trompe de but, et qu’il 
n’est point de plus vilain péché contre la beauté de la vie, que le sacrifice 
stérile. 

Mais l’anecdote n’est pas le thème essentiel de l’œuvre : un prétexte, 
sans plus, pour conter à loisir la grâce des saisons et le jeune émoi d’aimer. 
Le principal personnage, ce n’est ni Jean Fauche, ni même Noémie : c’est 
la vallée de la Meuse avec ses roçs et ses forêts, avec son grand fleuve 
paisible sous la lumière changeante, avec ses bonnes gens qui suivent tout 
doucement la pente de leur vie sans trop songer au dernier pas où les 
attend la mort. 

Gela ne veut point dire qu’il faille négliger les héros humains de ce 
beau conte. C’est une aquarelle délicieuse que le personnage de Noémie, 
— une aquarelle par petites touches espacées, ou apparaît souvent le blanc 
du papier vierge ; jamais décrite, sa forme claire est partout présente : un 
geste qu’elle fait, un rayon qui la frôle, et nous la connaissons. Le portrait 
de Jean Fauche est à peine plus poussé. Cet homme tranquille a des 
habitudes, son allure nous est vite devenue familière ; on pénètre aisément 
son âme simple, sa douceur effrayée de timide, et le secret de sa lente 
songerie. Ces deux figures se fondent dans la radieuse clarté du paysage ; 
leurs paroles se perdent au milieu des mille voix des choses, leurs gestes 
ne font qu’un mouvement de plus parmi l’ondulement des blés, l’agitation 
des feuilles, et le vaste cours de la Meuse. — Comme va le ruisseau , dit le 
titre ; ainsi va la rivière, ainsi marche la vie ; un homme n’est rien de 
plus qu’une vague légère dans le courant de l’eau qui passe. 

On ne peut analyser un roman tel que celui-ci, fait de clarté et de reflets, 
d’ombre moussue et de parfums d’herbes, — tait avec l’or des champs, la 
verdure des forêts et des prés, et la longue perspective lumineuse d’un 
fleuve. Mieux vraudrait le décrire ainsi qu'il s’offre à nous, tel qu’un large 
tableau d’une tonalité blonde et claire. 


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904 


WALLONIA 


Voyez, c’est la belle Meuse et sa nappe unie, et le pêcheur en chapeau 
de paille qui cligne des yeux vers une robe de toile rose dévorée de soleil. 
Blanches et dorées à travers l’aérienne transparence, les falaises de l’autre 
rive vont rejoindre au lointain les montagnes bouées qui naissent auprès 
de nous. Là-bas, c’est le gai village au bord de l’eau, où Tantin en sabots 
porte ses arrosoirs, où Fré D’siré s’apprête à peindre son bateau, où les 
femmes interpellent ce « gamin de mer/e » de Spirou qui leur a jeté des 
pierres ; mais Spirou siffle entre ses dents, et sa forme grêle apparaît 
toute petite sur le fond de brume opaline où le fleuve s’écoule en un frisson 
d’argent.... 

Tous les lettrés salueront le maître paysagiste dont l’art a su montrer 
en cette œuvre nouvelle les dons les plus Ans du coloriste alliés à une 
science admirable du « plein air ». 

A nous, Wallons, son livre apporte une joie de plus. Ce fleuve est le 
nôtre, ces gens sont tout proches de nous, et nous reconnaissons leurs 
gestes comme nous reconnaissons les caractères du site où ils se meuvent, 
là-bas, vers Profondeville. Mais surtout, et pour la première fois avec cette 
jeunesse et celte vie, le sentiment de la contrée mosane apparaît sous la 
forme du roman. 

C’est à coup sûr parmi les descriptions qu'il se révèle le mieux ; en 
une délicate unisson avec l’âme de la nature, Camille Lemonnier semble 
vouloir nous dire qu’il a regardé et compris cette terre comme la regardent 
et la comprennent les hommes qui sont nés d’elle. Mais le fleuve, la vallée 
et les bois ne sont point seuls à nous parler une langue familière. Cette 
vaillante et joyeuse Noémie, si sentimentale au fond, j’ai lieu de croire 
qu’elle est Liégeoise ; le bon Fauche, Fré D’siré les voisins, ils ont évidem¬ 
ment vécu pas bien loin de Namur, et je jurerais que le grand Cortise est 
venu des environs de Huy. 

Certes, il serait puéril d’exagérer ce point de vue local, et des raisons 
de cette sorte n’ont que peu de chose à dire lorsqu’il s’agit d’un jugement 
littéraire. Mais dans une Revue comme celle-ci, qui s’est dévouée à conter 
les croyances et les mœurs de notre petite France mosane, il semble 
légitime de montrer quelque joie à la pensée que ce récit où nous 
nous voyons vivre, s’il n’est pas le plus gros et le plus puissant des livres 
de Camille Lemonnier, en est au moins le plus exquis. 

On le savait depuis quelques années, un poète se cache sous ce 
romancier. Nous l’avons vu, dans Vile Vierge et dans Adam et Eve , 
chercher, avec un peu d’effort, la forme véritable de sa pensée, hôsiicr à la 
reconnaître lorsqu’il l’avait rencontrée, et la découvrir soudain tout entière 
« au cœur frais de la forêt ». Mais c’est aujourd’hui qu’elle lui livre son 
secret le plus délicieux. Jamais la phrase ne fut plus simple, et jamais elle 
ne contint plus de lumière, plus de nuances profondes et noyées, plus de 
discret lyrisme et de naturelle émotion. 

Tout, ici, est vivifiant et doux comme une rêverie à l’ombre par un 
matin d’été ; tout a la franche saveur d’une pomme de verger que l’on 
croque dans l’herbe, — et c’est frais à la bouche comme une gorgée d’eau 
pure. A Ibert Mockel. 


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WÀLLONÏA 


Exposition de Dinanderies, Guide du visiteur, par Joseph Destrêe. 
Avec une Notice sur VIndustrie du laiton par Henri Pirenne. Petit 
in-8° de 64 pages avec gravures. — lmp. Jacques Godenne, Namur. — 
Prix : 0-60. 

Il est très inutile de rendre compte d’un Guide , si Ton entend par là 
faire connaître ces divisions et subdivisions. Le plan d’un tel ouvrage est 
dicté par un classement et des dispositions sur lesquelles il n’a pas à revenir. 
Mais il est des Guides encombrés de renseignements inutiles, qui découra¬ 
gent la curiosité au lieu de l’exciter. Dirons-nous que celui-cj échappe à cette 
critique? Ce serait en faire un éloge fort insuffisant, et du reste peu généreux 
puisque l’Exposition à laquelle il s’applique est malheureusement fermée. 
Il est l’œuvre de l’auteur même de cette Exposition de dinanderies. de cet 
homme exceptionnellement compétent et laborieux qu’aucun détail de la 
réalisation ne laissa indifférent, et qui appliqua à chaque chose, avec l’atten¬ 
tion avertie et minutieuse du savant, la main de l’ouvrier. Wallon lui-même, 
M. Destrêe se passionna pour l’Exposition dinantaise, et on le voit bien par 
ce petit livre qui n’est pas un simple catalogue, et qui plaira à ceux-mêmes 
qui n’ont point vu les merveilles réunies et choyées par l’auteur. Ce Guide , 
en effet, ne s’est point contenté de prendre le visiteur par la main, de 
l’arrêter à chaque endroit, de fixer son regard averti sur chaque œuvre. Il 
décrit, il explique, il apprécie même. Ainsi, il ne satisfait pas seulement à 
une heure de curiosité. C’est un petit livre à garder, et qui ne sera pas 
seulement utile aux visiteurs qui voudront plus tard se rémémorer ce qu’ils 
ont vu : il sera également nécessaire à toute personne qui aura à se ren¬ 
seigner sur l’art précieux de la Dinanderie. 

L’intérêt et l’utilité du Guide sont encore augmentés par la Notice de 
l’érudit M. Pirenne qui, en quelques pages d’une concision et d’une préci¬ 
sion parfaites, donne l’historique de cette vieille industrie dinantaise. Il en 
explique l’éclosion sur le sol mosan, en décrit les fastes glorieux et en 
explique la décadence, d’une façon très attachante. 

L’auteur fait remarquer que l’industrie dinantaise, dans sa généralité, 
fut surtout appliquée aux objets d’usage domestique, et que les purs artistes 
furent l’exception parmi les dinandiers. Néanmoins, la quantité d’œuvres 
d’art qui nous ont été conservées témoigne du nombre comme de la valeur 
des artistes éclos au milieu de ces ouvriers. Au reste, les objets d’usage 
courant tels que chandeliers, pots, poêles, etc., créés à Dinant, témoignent 
par leur forme à la fois pratique et élégante, qu’un esprit distingué prési¬ 
dait aux inventions de ces simples chaudronniers. 

Aujourd’hui que la fièvre de la nouveauté tient le monde et le tient 
bien, on invente bien peu de types qui aient la logique constante et la 
variété de ces banalités d’autrefois. Il suffit à cet égard de comparer les 
ignobles cafetières émaillées et les fontes lugubres de nos cuisines, aux 
belles et joyeuses cuivreries du temps passé, pour se convaincre que tout ce 
qui est vieux n’est pas absurde et détestable. 

Nous avons été étonné de voir M. Pirenne attribuer au surnom de 
Copères , une origine étrangère (de l’anglais cuppw « cuivre »). Ce sobriquet 


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WALLON 1A 


comme l’a fait remarquer M. Boclinville, doit plutôt provenir de ce que, 
dans les histoires de niaiserie collective que les Bouvignois et Namurois 
appliquaient aux Dinantais, les héros comiques de ces aventures burles¬ 
ques se traitent entre eux de «compères». Le wallon local dit copères , 
tandis qu’à l’environ le mot se prononce comme en français : cette cir¬ 
constance ajoute, pour l’étranger, le ridicule du langage au ridicule des 
actes. De même le Wallon, voulant se moquer des Flamands, les appelle 
des icastate (fl. ical is dat? «qu’est-ce?») ou des canifichtôrie (fl. * khan 
niet verstaan «je ne comprends pas ») en raison d’expressions favorites aux 
habitants du Plat-pays. O. Colson. 

Le séjour à Spa et à Chaudfontaine d’un officier français en 1748. 

— Sous ce titre, notre collaborateur M. Emile Hüblard, bibliothécaire de 
la ville de Mous, publie dans le Bulletin des Bibliophiles liégeois un extrait 
24 p. in-8°) du Journal manuscrit de Franquet, dont il a publié dans 
Wallonia diverses autres notices (ci dessus p. 250-251 j. Franquet n’était ni 
un historien, ni uu penseur, mais un simple curieux. Son récit, bien qu’il 
n’apprend guère de nouveau, est intéressant, en ce qu’il donne une impres¬ 
sion assez pittoresque des deux bourgs, vus par un étranger de passage. 
Notre collaborateur M. Albin Body a annoté avec sa compétence et son 
atientiou coutumières la publication de M. Hublard, rectifiant et complé¬ 
tant à l’occasion les dires du brigadier Franquet. Nous détachons cette 
«sentence» que Franquet dit avoir vue dans le parloir des Capucins de 
Spa, et qui était inédite : 

Pense en passant, Passant, 

Qu'en passant, tu te passes. 

Tes pas sont compassés. 

Pas à pas, tu trépassés. 

Tes ebats. les appas, 

Sont les pas du trépas. O. C. 

Revue des Bibliothèques et Archives de Belgique, bi mestrielle 
(Bureaux : 20, Graud’place, Mont-Saint-Guibert en Brabant. Un an : Bel¬ 
gique, 6 francs ; Union postale, 10 francs). — Publiée sous la direction de 
M. L. Stainiek, attaché a la Bibliothèque royale de Belgique, avec le 
concours, comme secrétaires de la rédaction, pour les Bibliothèques, de 
M. O. Grojean, attaché à la Bibliothèque royale de Belgique, et, pour les 
Archives, de M. J. Cuvelier, sous-chef de section aux Archives générales 
du Royaume, la Retue compte, parmi ses collaborateurs, les bibliothécaires 
et archivistes les plus autorisés du pays. Elle a pour but, non-seulement de 
constituer un trait d’union entre les archivistes et bibliothécaires, mais 
surtout de mettre à la disposition de ceux-ci un orgaue qui leur permette de 
faire connaître au public les richesses reniermées dans nos dépôts scienti- 
üque> aiu.'i que celles» qui viennent chaque joui* les augmenter et les enri¬ 
chir. La Revue est doue uue œuvre précieuse pour les travailleurs et les 
curieux. Elle comble une lacune et elle la comble bien. Remarquons que 
l’initiative de cette docte publication émane de Wallons. O . GY 


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WALLON IA 


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Bulletin d’Histoire linguistique et littéraire française des Pays- 
Bas. — Ce Bulletin est fondé par les professeurs de Louvain, MM. Georges 
Doutrepont et François Béthune, avec la collaboration d’anciens membres 
de leur Conférence universitaire de philologie romane. Simple annuaire 
encore, il est à supposer et à espérer, que les auteurs songent à en faire un 
organe périodique. La brochure qui a paru, fournit le compte-rendu d’une 
trentaine d’ouvrages, éditions d’anciens textes, traductions, études critiques, 
notices et travaux divers ; elle renseigne non seulement sur la production 
scientifique et littéraire, mais sur l’avancement de la science. C’est en Bel¬ 
gique une lacune comblée. Le Bulletin paraît à Bruges, chez l’imprimeur 
L. de Plancke. O. C. 

Les grands musiciens. — La maison d’édition Breitkopf et Haertel, 
de Leipzig et Bruxelles, publie sous ce titre une collection qui comprendra 
les œuvres des plus illustres maîtres anciens et des plus grands des mo¬ 
dernes, avec biographies et portraits : Orlando Lasso, Bach, Beethoven, 
Schubert, Mendelssohn, Schumann, Loew, Berlioz, Rameau, Gluck, Gré- 
try, Wagner, Couperin, les Strauss, etc., etc. Deux wallons figurent dans 
cette longue liste, le montois Roland de Lattre et le liégeois André-Modeste 
Grétry. On ne peut qu’être heureux de voir leurs œuvres mises à la portée 
de tous par les grands éditeurs classiques, dont les collections sont si juste¬ 
ment réputées. O. C. 

Ouvrages reçus. — Le Caveau Liégeois , 29 e annuaire 1903. Broch. 
petit in-8° de 36 p. (Mathieu Thoue, imprimeur, Liège. Prix 0,60). - En 
Ilesbage , nouvelle : mœurs populaires de la Wallonie liegeoise , par Arthur 
Colson. Broch. in-8° de 64 p. (Jos. Wathelet, impr. Liège. Prix 2 fr.) — Jean 
Làmoureux, Mes Chansons (en wallon). Broch. pet. in-8' de 53 p. (Francit- 
Lambrecht, édit. Wandre-Liége. Prix 0,50). — Victor Chauvin, Bibliogra¬ 
phie des Ouvrages arabes ou relatifs aux Arabes , publics dans /’Europe 
chrétienne de 1810 à 1885. Tome VII : Les Mille et une Nuits , 4* partie. 
Vol. in-8° de 192 p. (Liège, Vaillant-Carmannc. Prix 6 fr.) — Jos. Ciiot, 
Carcassou , roman, types et mœurs de l’Enlre-Sambre et-Meuse. Un vol. 
in-8° de 291 p. (Liège, J. Godefroid, édit. Prix 2,50). — Hessische Blalter 
fur Volhshunde, herrausgegeben im Aufrage der hessische Vereinigung 
lür Volkskunde, von Adolf Strack. Band I, 1902. In 8° de 290 p. (Leipzig, 
Teubner. Redaktion : 16, Alicestrasse, Giessen 1 . — E. Doudou, Etude geo- 
logique et archéologique des etivirons d'Ombret. In*8°, 10 p. Extr. des 
« Mémoires de la Soc. d’Anthropologie de Brux. » (Bruxelles, Hayez). — 
xiii® Annuaire de l'Association des Auteurs dramatiques et chansonniers 
wallojts. Broch. petit in-8° de 86 + 17 p. (Liège, Gothier, impr.) — L. Mae¬ 
terlinck, Pieter Breughel de Oude en de prenten van zijnen tijd. Broch• 
petit in-8° de 22 p. avec 4 pl. (Gand, Siffer). — A rmanack des Qwale Mathy 
po l’annêyç 1904 , par Joseph Vrindts, Louis Wksphal et Jos. Médard. 
Dixième année. Broch. petit in-8° de 96 p. (Liège, Wasseige, impr. Prix 0,15). 
— Discours prononcés par M. le Baron Pierre de Pirquet a la X e et à la 
XI* conférences de «l’Union interparlementaire pour l’Arbitrage interna- 


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WALLONIA 


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tional », respectivement à Paris en 1900 et à Vienne en 1903. (Paris, Impri¬ 
merie nationale 1901. Vienne, Autriche 1903). — Oscar Colson : Zènobe 
Gramme , sa vie et ses œuvres. (Extrait tiré à part de Wallonia, 24 p. in-8° 
sous couverture spéciale. Prix 1 franc). 

BULLETINS ET ANNALES : 

Annales de la Société archéologique de Namur. Tome 24 e . Troi¬ 
sième livraison. 

Alfred Bequet : La Bijouterie chez les Belges sous Vempire romain , 
1T et III e siècles. — Admirable étude synthétique de l'éminent archéologue 
et historien, président de la Société Namuroise, sur les bijoux si nombreux 
et si admirablement conservés que possède le Musée de Namur et qui furent 
recueillis sur les lieux d’origine, dans l'Entre-Sambre-et-Meuse. 

Les dames de l'époque romaine n’étaient pas moins coquettes que nos 
contemporaines; leurécrin ne rénfermait, sauf de rares exceptions, d’objets 
ni en or, ni en argent, mais en bronze, celui-ci discipliné par des artistes 
habiles, se pliait à toutes les fantaisies et son ton, un peu sévère, était relevé 
par des procédés divers, dont l’étamage et l’émaillerie. 

Pour fixer leurs cheveux, les femmes se servaient d’épingles en os, habi¬ 
tuellement surmontées d’une tête en pomme de pin. Dans notre pays, l’os fut 
vite abondonnô pour le bronze. Les épingles ont de douze à vingt centimètres 
de longueur; la tige, ronde à sa naissance, devient carréeen approchant de la 
tête et celle-ci affecte des formes variées, dont les plus communes sont une 
spatule, un fleuron, un gland ovoïde orné de crochets en tête de chou. 

Les bracelets sont plus rares. Faits d’un ruban de bronze revêtu, à 
l'extérieur, d’un ornement très simple composé de stries et de petits cercles 
gravés au burin ; ils sont munis, à leur extrémité, d’un crochet qui s’adapte 
dans un œillet placé à l’autre bout. D’autres offrent l’imitation d’une corde 
formée de plusieurs fils de bronze contournés en spirale et terminés aux 
extrémités par un bouton sphérique ; chez quelques-uns, le métal avait 
été primitivement blanchâtre, par suite d’un fort alliage d’étain ; leur tige, 
fine et ronde, se termine par une boule taillée à facettes. 

La plupart des anneaux recueillis dans les tombeaux de la classe 
moyenne portent au chaton une intaille sur pierre dure ou sur verre. La 
véritable intaille était généralement gravée sur agate, de façon plus ou 
moins correcte, à l’aide du touret et de la meule. Pour la fausse, on impri¬ 
mait sur une pâte de verre, avant son refroidissement complet, le surmou¬ 
lage d’une intaille authentique et l’on obtenait ainsi une imitation parfois 
assez réussie pour tromper au prime aspect. 

Le diamètre des miroirs métalliques à main variait entre cinq et dix- 
huit centimètres. Ils étaient encadrés de bois ou munis d’un manche en 
métal et ils ont conservé, dans la terre, un éclat incroyable. 

Les colliers n’étaient portés que par les lemmes et les jeunes filles 
aisées. Ils se composent habituellement de perles en terre cuite et en verre ; 
celles-là spnt très résistantes, côtelées et d’un ton bleuâtre; chez celles-ci, 
la .grosseur varie beaucoup, ainsi que la nuance. L’ on vo ^ à Namur un 


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WÀLLONIA 


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collier formé de trente-cinq perles de verre alternées, bleues et d’un brun 
jaunâtre. Un autre collier, qui probablement appartenait à une fillette, est 
constitué de petites perles hexagonales d’une pâte très fine et très blanche 
recouverte, chez trois d’entre elles, d’une feuille d’or ; de petits tubes en 
verre bleu sont intercalés entre chaque perle blanche. 

Quant à l’objet de toilette appelé fibule, c’est la broche et l’épingle de 
sûreté d’aujourd’hui; destinée à agrafer et à retenir les parties du vête¬ 
ment, la fibule fut objet d’utilité avant que de parure. Il n’est pas, dans 
l’Europe septentrionale, de contrées où les fibules ont été retrouvées en si 
grand nombre que dans l’Entre-Sambre-et-Meuse. Les fouilles pratiquées 
dans les ruines de la villa d’Anthée et dans la commune de Flavion ont 
donné plusieurs centaines de fibules ordinaires, ou étamées, ou émaillées 
ces dernières d’une étonnante perfection de travail. 

Maints archéologues étrangers, comme l’auteur lui-même, sont d’avis 
que la plupart des bijoux de ce genre trouvés ailleurs en Europe et jusqu’en 
Russie, proviennent d’un même atelier, qui serait la grande villa d’Anthée, 
à 10 kilomètres de Dinant, où l’on travaillait le fer, le bronze et les émaux. 
De fortes présomptions permettent même de croire que l’émaillerie artis¬ 
tique vient de cette villa industrielle : elle possédait des artistes pour les¬ 
quels la fabrication de l'émail et son application sur le bronze n’avaient pas 
de secrets, et ils avaient poussé leur art à un tel degré de perfection que 
beaucoup de leurs œuvres ne seraient pas reniées par les émailleurs de nos 
jours. Divers indices portent à croire que ces artistes étaient du pays ; la 
dimension restreinte des ateliers, l’uniformité de la technique et du style 
montrent qu’ils étaient en petit nombre, et qu’ils gardaient avec soin les 
secrets de leur art, ce qui expliquerait le peu d’extension qu’il prit hors du 
pays, malgré la dispersion extrême des produits. 

D’après l’auteur, l’origine de la dinanderie mosane serait due à quelque 
fondeur en cuivre réfugié, après la ruine de la grande ville d’Anthée par 
les Francs dans le courant du in° siècle. Cette hypothèse très admissible, 
nous fixerait pour la première fois sur les origines de l’importante industrie 
à laquelle Dinant doit sa plus grande réputation. 

La captivante étude de M. Bequet est accompagnée de dessins et de 
planches en couleurs donnant une idée attachante de cette première 
industrie d’art en notre pays. 

F. Courtoy : Anciens ornements sacerdotaux de la province de 
Namur . — L’auteur étudie, dans cette première étude, des objets conservés 
à l’église St-Nicolasà Namur : chassuble et ses accessoires, datant de 1500, 
et un ornement composé d’un chassuble, deux dalmatiques et trois chapes, 
du xvi® siècle, en velours rouge avec application d’or nué. L’auteur fait la 
description et l’histoire*de ces objets dont les auteurs sont inconnus. Il donne 
la technique de l’or nué, dont l’effet est merveilleux. Des planches repro¬ 
duisent deux de ces objets. 

Léon Lahaye : La vie intime dans une abbaye au XVI* siècle. — 
Tableau de mœurs, fait sur les documents, et relatif à l’abbaye de St-Jean- 
Baptiste à Florenaes. La mort de l’abbé le lendemain de Noël, l’an 1000, et 


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WÀLLONIA 


son remplacement. Ce dernier événement donna lieu, au sein de l’abbaye, à 
des réjouissances copieuses. La vie ordinaire des moines pendant les 
quinze premières années du nouvel abbatiat est ensuite l’objet d’un long et 
intéressant exposé. Détachons ce détail : 

« L’abbé aimait, suivant en cela la coutume de ses prédécesseurs, à 
s’associer aux joies des populations dépendant de l’abbaye. Aux jours de 
kermesse de certains villages, il acceptait l’hospitalité du curé, du mayeur 
ou d’un habitant notable ; la jeunesse venait le saluer, tirait en son honneur 
quelques salves de mousqueterie, représentait « l’action de la Passion » ou 
quelque autre naïf mystère, et recevait une large gratification ». 

E.-J. Dardenne : La faïence cTA ndenne, histoire et description. — 
Première partie de ce travail, dont nous parlerons quand il sera terminé. 

Leodium, chronique mensuelle de la Société d'Art et (VHistoire du 
diocèse de Liège. 

Août. — M. Em. Schoolmeesters publie pour la première fois l’épi¬ 
taphe de l’évêque de Liège, Baldric II, commencement du xi* siècle. — 
M. J. Ceyssens réunit les détails historiques sur l’histoire de la seigneurie 
de Feneur. 

Septembre. — M. H. Bourguet donne une liste de mandements des 
évêques de Liège, en supplément à celle dressée par Daris. — M. Jean 
Paquay publie deux actes du légat du Saint-Siège et de l’élu de Liège au 
siège d’Aix-la-Chapelle au xin® siècle. 

Octobre. — M. Ed. Maréchal relève, avec détails biographiques, les 
noms des personnes originaires du pays de Liège, et qui furent étudiants, 
professeurs, recteur de l’université d’Ingolstadt. — M. J. Ceyssens narre 
les événements successifs à la faveur desquels l’autorité du seigneur laïque 
de Housse se substitua à celle du seigneur ecclésiastique. 

Novembre. — Compte-rendu d’une conférence de M. Kurth sur cette 
question : Possédons-nous le corps de Notger? Notger a ôté inhumé dans 
l’église Saint-Jean, de Liège, où au xvn® siècle on a recherché ses restes ; 
un squelette fut découvert, que l’on conserve comme étant celui de Notger. 
M. Kurth montre que l’endroit où on l’a trouvé n’est pas celui où a pu être 
inhumé le fondateur de Liège. M. le professeur Fraipont, qui a examiné les 
ossements en question, a conclu qu’ils appartenaient à un homme moins 
âgé que ne devait l’être le prélat. Subsidiairement, M. Kurth a entrepris 
de déterminer l’endroit de l’église où ont pu être les restes de Notger, et il 
semble bien qu’il y est arrivé. — Em. Schoolmeesters, Un legs de livres 
juridiques fait à la cathédrale de Saint-Lambert en Î390 : manuscrits de 
droit canonique et civil, légués par le chanoine Henri de Suderlande. Liste 
détaillée. — Une pasqueie liégeoise de 1721, à l’occasion de l’installation 
d’un chanoine de la collégiale de Saint-Barthélemy. Cette chanson, qui 
compte 190 vers de 8 syllabes, à rimes plates non alternées, est écrite dans 
une langue généralement très pure, qui ne diffère pas notablement de 
l’actuelle. C’était probablement un cr&mignon dont le chronogramme initial, 
en wallon aussi, servait de rèspleû. Ce poème badin ne manque pas d’esprit. 


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WALLONIA 


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REVUES ET TOURNA UX : 

L’Art moderne (Bruxelles) 25 octobre. — U A ri wallon par L. Abry. 
— « Trop exclusivement, la Flandre accapare en art un monopole que ses 
illustres artistes semblaient lui avoir acquis sans conteste possible. Et cepen¬ 
dant, à analyser les Salons d’art, — triennales belges et expositions étran¬ 
gères, — s’imposent depuis nombre d’années des noms assurément wallons 
et des œuvres dont le sens esthétique se différencie visiblement des tradi¬ 
tions flamandes. 

» Lorsque le tempérament de nos deux races belges reste si entier et 
si dissemblable, lorsque la vie, les mœurs, l’ambiance sont aussi diffé¬ 
rentes, serait-il logique que l’expression artistique fût la même pour les 
deux races? 

» L’opposition des œuvres, de leurs tendances, de leur technique se 
marque en une exposition de l’importance numérique de celle de Bruxelles, 
encore que de nombreuses abstentions viennent limiter l’analyse de ce que 
j’appellerai les deux Arts belges. 

» En sculpture déjà, ne pourrions-nous établir un parallèle singulière¬ 
ment suggestif, et ne pourrions-nous soutenir cette thèse que le tempéra¬ 
ment flamand est moins sensible à la beauté et à l’expression de la forme 
que le tempérament wallon? 

» Anvers, le centre artistique le plus proche de la Hollande, pays sans 
école de sculpture, ne fournit qu’un nombre restreint de statuaires. L’an- 
versois Lambeaux est un artiste d’exception, qui du reste s’est développé à 
Bruxelles 

» Beaucoup de sculpteurs anversois conservent je ne sais quel air 
emprunté, guindé, en des œuvres de facture pénible. Dupon, l’un des 
mieux doués, a développé ses qualités naturelles sous l’influence de ren¬ 
seignement du Wallon Yinçotte. » 

L’auteur concède de certains maîtres belges, d’origine flamande, sont 
d’éminents sculpteurs qui ne le cèdent en rien à leurs confrères wallons ou 
étrangers. Mais le nombre seul des sculpteurs wallons indique déjà les apti¬ 
tudes spéciales de la race, et ceux-ci sont à la tête des sculpteurs belges. 

Si nous passons aux peintres, dit-il, la proportion est renversée : le 
nombre appartient sans conteste aux Flamands. « Les qualités naturelles 
du Wallon semblent le desservir en cet art, comme celles du Flamand 
desservent celui-ci en scultpture. La technique du premier se fait plus 
timide dans le maniement de la brosse ; la forme le préoccupe aux dépens 
de la couleur. » 

Néanmoins, après avoir cité nominativement plus de soixante-dix 
peintres wallons qui ont exposé au Salon triennal, l’auteur constate qu’une 
impression spéciale se dégage de l’examen des ouvrages de ces artistes, 
impression bien différente de celle produite par les ouvrages flamands : 
c’est, à rebours, ce qui se dégage de l’examen des œuvres scupturales. 

(i) [Le nom de Lambeaux n’a rien de germanique. Le père du sculpteur était 
borain, dit-on ; il s'établit à Anvers, comme chaudronnier, et il y vécut, sans jamais 
pouvoir se résoudre à apprendre le Flamand. La mère du sculpteur était flamande]. 


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WALLONIÀ 


:î12 

« Le peintre flamand vit d’impressions colorées, le Wallon, d’harmonies 
et de lignes. Le cerveau participe davantage chez lui à l’élaboration de 
l’œuvre. L’œil seul suffît chez le Flamand. S’établit donc une démarcation, 
et l’on peut dès lors conclure à l’existence d’une école wallonne ( l ) ». 

« Je sais que cette opinion sera traitée de paradoxale et combattue par 
ceux qui voudraient limiter, l’esprit artistique belge aux seules provinces 
flamandes. Mais si cette idée d’art wallon peut susciter la discussion, il se 
trouvera probablement des hommes mieux documentés que moi pour 
découvrir la filiation de cet art au travers de l’histoire, depuis les imagiers 
wallons du moyen-âge jusqu’aux peintres de la Renaissance, jusqu’à Vieil- 
lcvoye et enfin jusqu’à notre moderne école wallonne. 

» Une remarque que me suggèrent les récentes expositions, c’est que 
les marinistes les plus en vue de la Belgique sont wallons : feu Artan, leur 
maître à tous, Marcette, Bouvier, Le Mayeur, etc. 

» Si les grands spectacles de la mer les inspirent déjà si bien, ne serait-il 
pas infiniment plus rationnel de voir les peintres wallons se faire les inter¬ 
prètes des sites, des mœurs de leur contrée et ne leur faudrait-il pas expri¬ 
mer tout d’abord l’âme wallonne? Et ils sont charmants et émouvants, les 
sites de ces provinces: les villes, les villages y ont conservé des vestiges 
typiques et fourniraient à qui saurait les peindre des sujets aussi intéres¬ 
sants et souvent plus pittoresques que les sites et les villes de la Flandre. 
L'industrie, la houillère, l’usine, la vie ouvrière n’ont-elles pas trouvé en 
Meunier un interprète génial ? Cette source-là n’est pas tarie et la vie des 
fermes, les travaux des champs y offrent mille sujets d’étude. Pourquoi la 
pensée wallonne exprimée par un pinceau wallon n’atteindrait-elle pas à 
un niveau aussi élevé que celui atteint en leur art par d’autres races, ni 
plus ni moins bien douées?» 

L’auteur termine en disant que les Wallons et les Flamands ne se 
développeront que conformément au génie de leur race. « Cela ne les 
empêchera pas d’être belges et de conserver précieusement les points de 
contact historiques qui les rapprochent si heureusement au point de vue 
politique et social. » 

= [Cet article confirme en termes excellents, dans une revue spéciale 
et d’avant-garde justement réputée, l’opinion que Wallonia défend elle- 
même touchant l’existence de deux arts nationaux en Belgique, et fait 
valoir la nécessité autant que la légitimité de leur développement parallèle 
sur des bases régionalistes. En disant que cette opinion sera traitée de para¬ 
doxale par certains, l’auteur touche à l’une des causes de la situation 
défavorable dans laquelle les artistes wallons sont parfois et injustement 
tenus. Quant à la prétendue infériorité des Wallons en peinture, notre 
collaborateur Joseph Rulot nous a annoncé précédemment un article, des¬ 
tiné d’avance à rencontrer certain a priori que paraît admettre M. Abry. ] 

(2) L'auteur ajoute, en note : « Si, à l’exemple de ses prédécesseurs de la 
grande Renaissance, le Flamand se montre coloriste, encore faudrait-il savoir si 
c'est là un don naturel, puisque toute l’école qui a précédé Rubens est d une indi¬ 
gence réelle en matière d’harmonie et de coloris». 


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WALLONIÀ 


313 


FAITS DIVERS: 

L IÈGE. — Décentralisation . — Le théâtre du Pavillon de Flore a créé 
une opérette, Feu Palmyre , paroles de Pierrre d’Amor et Léo Diensis, 
musique de L -H. Hillier, tous Liégeois. Ce petit acte a été accueilli cha¬ 
leureusement : on a applaudi et bissé les couplets, le rideau s’est relevé sur 
un double rappel, et M. Hillier, réclamé avec insistance, a dû finir par 
apparaître en scène. 

La valeur des œuvrettes de ce genre, c’est leur légèreté même. A cet 
égard, Feu Palmyre a ce qu’il faut pour plaire. L’action se poursuit vive¬ 
ment, le dialogue se distingue par son ton de spirituelle fantaisie, et les 
couplets, galants et drôles, s’y enchâssent à souhait. 

C’est toutefois la partie musicale qui emporte le morceau. Elle est 
vraiment charmante. Pimpante et mousseuse, cette minuscule partition ne 
nous offre pas que d’amusants intermèdes. Encore que des pages comme 
Question d'histoire et la scie Oh ! Palmyre , qui avait conquis la rue dès le 
lendemain, soient tout à fait réussies dans le genre bouffe, M. Hillier, dans 
la valse des Reproches , a montré qu’il traite avec la même adresse inspirée 
des pièces d’un sentiment plus délicat. 

Dans cet essai si réussi, comme dans Fatilidad , son ballet, le compo¬ 
siteur liégeois fait bien augurer de son succès à la scène, pour le jour où il 
aura l’occasion de se produire dans des sujet* plus étoffés. Il est agréable 
de constater cela à l’adresse de notre concitoyen dont on applaudit les 
compositions en Angleterre et en France, dont on a aussi bien apprécié les 
hautes qualités de virtuose dans les concerts. 

— Au Théâtre Royal. —* Le directeur nommé par le Conseil com¬ 
munal pour la saison 1903-1904 est un Liégeois, M. Guillaume Dechesne, 
et ce dernier a choisi comme chef d’orchestre un compatriote, professeur au 
Conservatoire, M. Mathieu Lejeune. 

Nos lecteurs étrangers seront bien étonnés d’apprendre que c’est pro¬ 
bablement la première fois que pareils faits se rencontrent. Ce sont presque 
toujours des étrangers qui dirigent les théâtres en Belgique, et, notamment 
à Liège, ce furent de tout temps des Français, sauf exception — et sauf 
erreur, car parfois on s'aperçut un peu tard qu’on avait affaire à des 
citoyens de la race Taquouère la plus pure !... 

— Aux Auteurs dramatiques belges. — Le cercle dramatique Le 
Royal Lion Belge , de Liège, se propose de mettre cet hiver a la scène, des 
œuvres inédites d’auteurs belges, comédies en prose, en un ou plusieurs 
actes. Les intéressés sont priés d’envoyer leurs œuvres, sous pli recommandé, 
à M. Os. Cerf, président, 29, rue des Augustins, à Liège. Les manuscrits 
non utilisés seront retournés. 

Une bonne mesure. — Depuis quelques années, la garnison de Liège 
possède une grande partie des miliciens de nos environs, et cet état de 
choses tend de plus en plus à s’accentuer. C’est ainsi que nombre d’hommes 
font partie de la garnison d’un fort situé au sein de leur village. On sait 
que précédemment, on envoyait systématiquement les Wallons en pays 
flamand et les Flamands en Wallonie. 


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314 


WALLONIA 


» 


— La commune de Herstai vient de donner à une de ses rues nou¬ 
velles le nom de Nicolas Defrecheux, en souvenir du poète wallon qui. 
comme on sait, est décédé en cette localité. 

B RUXELLES. — Parmi les questions posées au concours de l’Académie de 
Belgique pour 1906, on demande de « faire la classification des parlers 
wallons de Belgique au triple point de vue de la phonétique, de la mor¬ 
phologie et du vocabulaire. » 

D’autre part, dans les questions posées au concours universitaire offi¬ 
ciel pour la période 1903*1905, on note une «étude sur l’origine et le rôle 
politique des trois Etats du Pays de Liège. » 

Au même concours universitaire, on demande encore «d’étudier la 
langue et le style de Charles de Coster. Il sera intéressant de savoir si cet 
écrivain continuera à être considéré comme flamand, bien qu’ayant écrit 
son Uylenspiegel en un vieux français plus authentique que celui des 
Contes drolatiques. S’il suffit d’avoir pénétré l’âme flamande, même d’une 
façon purement objective, comme l’a fait le filleul de l’archevêque de Tyr, 
pour cesser d’être wallon dans son origine, dans sa sensibilité et dans son 
esthétique, alors tous les peintres qui ont fait des portraits de flamands, et 
ceux qui, actuellement, fixent les paysages de la Campine en attendant 
qu’on la supprime, sont aussi des dénationalisés... 

— Aux concours universitaires pour 1901-1903, M. Jean Counson, né à 
Francorchamps, reçu docteur en philosophie et lettres par l’Université de 
Liège en 1901, a été proclamé premier en philologie romane avec 90 points 
sur 100. Le jury a proposé l’impression aux frais de l’Etat, du mémoire 
rédigé par M. Counson. Nous félicitons vivement notre compatriote pour 
fcet admirable succès. 

— M. le Ministre d’Etat Vandenpeereboom vient d’ouvrir au public sa 
Maison flamande d’Anderlecht, lue de la Plaine, qui est un merveilleux 
musée archéologique, meublé et orné d’un nombre considérable d’objets de 
toute nature, de grande beauté, et authentiques. On y voit certaines pièces 
d’origine wallonne, notamment, dans la grande bibliothèque, une colossale 
cheminée liégeoise en pierre giise, dont le fronton porte les armoiries d’un 
bourgmestre de Liège ; le fond est revêtu d'une taque en fer, provenant de 
l’abbaye de Saint-Hubert. Dans la même salle et dans d’autres on trouve 
des dinanderies remarquables, des chandeliers de cuivre de toute beauté, 
des encensoirs, des lustres ; une des pièces des plus remarquables, une cou¬ 
ronne de lumières en fer forgé du xin® siècle parait appartenir également à 
l’art wallon. 

Nous engageons fortement nos amis bruxellois, ou de passage à 
Bruxelles, à visiter la Maison flamande de M. Vandenpeereboom. Un droit 
d’entrée minime est prélevé au profit d’une œuvre de bienfaisance. 

P ARIS. — Un livre du docteur Cabanes vient de paraître à Paris sous le 
titre Les Indiscrétions de VHistoire. Un chapitre de cet ouvrage inté¬ 
resse particulièrement les Liégeois, il a trait en effet, à Thêroigne de Méri- 




WALLON IA 


315 


court. Détail curieux : Lors de son séjour à la Salpétrière, Théroigne se trai¬ 
tait d’après un système que Kncipp n’eût pas désavoué. On lit en effet, 
dans te rapport d’EsoumoL rédigé à son sujet, une observation qui a toute 
la valeur d’un document humain. « Théroigne, dit Esquirol, ne veut sup¬ 
porter aucun vêtement. Tous les jours, matin et soir, et plusieurs fois le 
jour, elle inonde son lit, ou mieux la paille de son lit, avec plusieurs seaux 
d’eau, se couche et se recouvre de son drap en été et de sa couverture en 
hiver. Elle se plaît à se promener nu-pieds dans sa cellule dallée en pierre, 
et inondée d’eau », 

Gomme ce rapport est écrit en 1807, et que Théroigne n’est morte qu’en 
1817, il faut croire que ce système, quia une grande analogie avec celui de 
Kneipp, n’était pas trop mauvais. 

— Fin octobre est mort à Paris M. J.-J. Masset, ex-professeur au 
Conservatoire de Musique et à la Maison de la Légion d’Honneur de 
Saint-Denis, décédé à l’âge de 93 ans, à Beaugency, où il se trouvait en 
villégiature. 

Nicolas-Jean-Jacques Masset était né à Liège, alors ville française, 
le 27 janvier 1811. Il était de modeste origine. Son père était connu comme 
graveur sur armes en raison d’un réel talent. A l’âge de cinq ans, l’enfant 
déjà musicien, s’essayait à écrire de petites compositions. Ses précoses 
dispositions ne firent que s’accentuer avec l’âge et ses parents émerveillés, 
l’envoyèrent au Conservatoire. Il avait alors treize ans. Le jour où il prit 
la diligence pour aller à Paris, il avait un violon sous le bras, mais ce 
violon était sa seule ressource. Comme Zénode Gramme et tant d’autres 
Wallons célèbres, Masset parvint à une haute situation en raison de sa 
ténacité. Un article récent de la Revue hebdomadaire , que nous ne pouvons 
malheureusement reproduire (mais qui a ôté reproduit dans le journal 
l'Express du 1 er novembre), donne sur ce point des détails biographiques 
très intéressants. 

Masset entra au Conservatoire et obtint un 1 er prix de violon (classe 
d’Habeneck). fut violon au Théâtre Italien, à l’Opéra, et chef d’orchestre 
aux Variétés. Puis, poussé vers le chant, il entra comme ténor à l’Opéra- 
Comique et chanta avec succès Reine d'un Jour , la Dame Blanche , Zampa , 
Richard Cœur de Lion , etc. Il aborda ensuite la carrière italienne et se 
fit applaudir à Milan, Parme et Madrid dans les grands rôles. 

J.-J. Masset quitta la scène en 1852, fut alors nommé directeur de la 
musique à la Maison de la Légion d’honneur de Saint-Denis, puis professeur 
de chant au Conservatoire, où il enseigna avec distinction endant trente- 
cinq ans. Il laisse un fils, M. Charles Masset, qui, après avoir fourni une fort 
belle carrière comme artiste dramatique, est lui-même un professeur des 
plus appréciés. 

M. J.-J. Masset écrivit de nombreuses œuvres pour violon, des 
morceaux de chant et surtout une Méthode de la voix tenue en haute 
estime. 


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Table-Index des Matières 


(Les noms des collaborateurs de ce volume sont imprimés en capitales) 


Arschot (comte d’), Sourires per - 
dus , 67. 

Ame (T) belge, 70, 137, 253. 

Annales et Bulletins, 25, 68,163,200, 
252, 284, 3r8. 

A propos des Fêtes nationales, 219. 

Après-midi (un) de dimanche à Mal- 
médy, 149. 

Architecte (un) wallon : M. Paul 
Jaspar, 141. 

Association des Auteurs dramatiques 
et Chansonniers wallons, 171. 

Art wallon et Art flamand, 311. 

Avril (le premier), 54. 

Bady (Berthe), actrice, 75. 

Bara (Jules), homme d’Etat, 256. 

Baron (Théodore), peintre, 209. 

Banquet wallon à Camille Lemon- 
nier, 81. 

Béguinages, origine liégeoise et his¬ 
toire, 5. 34. 

Bernier (Charles), graveur, 239. 

Bertrijote (la), chanson, 11. 

Bibliographie, 23, 55. 66, 132. 162, 
198, 225, 252, 284, 303. 

Blés (Henri), peintre, 27. 

Body (Albin) : Sur l’exode annuel des 
briquetiers liégeois, 127. Biblio¬ 
graphie, 287. 

Bois fAlbert du), Belges ou Français , 
56. La Veille de Jemmapes , 63. 

Bonjean (Albert), Phosphorescences , 
192. 


Bourgeois (Armand), Thèroigne de 
Mêricourt et le marquis de Saint- 
Huruge , 287. 

Bragard (Henri) distinction, 22. Le 
Folklore de la Wallonie prus¬ 
sienne, 149, 215. 

Brialmont (général), stratégiste et 
écrivain militaire. 227. 

Bruhald, collab.,21, 62. 128, 171. 

Bruxelles, faits-divers, 61, 139, 168, 
236, 314. 

Bulletins et Annales, 25,68.163. 200, 
252. 284, 308. Bulletin d 1 Histoire 
linguistique et littéraire dans les 
Pays-Bas, 307. 

Calendrier folklorique : Le lundi 
perdu ou parjuré, 13. Le 1 er avril, 
55. La nuit de la Toussaint, à 
Jupille, 245. 

Cantate (la) du Prix de Rome, 299. 

Capitaines (les) de ducacc en Bori¬ 
nage, 243. 

Cercle hutois des Sciences et Beaux- 
Arts, 26. 

Cercle archéologique de Mons, 105. 

Chainaye (Hector), conférence sur la 
Patrie wallonne, 137. 

Chansons : de \1. Louis Loiseau, 30. 
Comment passer dedans ce bois, 
126. Sur les couvents. 156. 157. 
De sauterie à la corde. 159. Sur 
la vieille chanson wallonne, 260. 
Chanson d’Halewijn, 300. Popu¬ 
laires dialoguées, 246, 248. 


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317 


Chauvin (Victor), Bibliographie des 
ouvrages arabes , etc., 66. 

Chronique wallonne, 18,57, 131,161, 
198, 219, 252, 284, 299. 

Closson (Ernest), Les origines légen¬ 
daires de « Feuersnoth » de Ri¬ 
chard Strauss , 73. Jean Michel, 
113. La Cantate du Prix de Rome, 
299. 

Colson (Arthur), toste, 96. 

Colson (Oscar), collab., 14, 54, 57, 
78, 156, 189, 261, et passim . 

Combat des échasses à Namur, 68. 

Comment passer dedans ce bois, 
chanson populaire, 126. 

Comment le chapitre de Ste-Waudru 
à Mons s’affranchit de la taxe de 
guerre sur les cloches en 1746 : 

251. 

Coster (Charles de), 314. 

Couvents (Chansons sur les), 156. 

Crépin (François), botaniste et écri¬ 
vain, 168. 

David de Dinant, philosophe scolas¬ 
tique, 135. 

Daret (Jacques), peintre, 134, 166. 

Deffernez (Edmond) Vers mon clo¬ 
cher , 225. 

Deforeit (Clément), M'clolchi, 24. , 

Defrecbeux (Nicolas), monument, 204; 
rue à son nom, 313. 

Defrecheux (Joseph), distinction, 136. 

Delattre (Louis), sur son œuvre, 167. 

Delaw (George), Légendes des bords 
de la Semoys, 173. Dessins, 173 et 
suivantes. 

Delchevalerie (Charles), discours, 
97. Un architecte wallon, M. Paul 
Jaspar, 141. Bibliographie, 198, 
225,286. Sur Zénobe Gramme et le 
Caractère wallon, 281. 

Deltawe ( Pierre', collaboration, 65. 
172, 199. 

Des Ombiaüx (Maurice), sur son 
œuvre, 167. Théodore Baron, le 
peintre de la Meuse, 209. 

Delvaux (Servais), auteur wallon,159. 

Destrée (Jules), Quelques histoires de 
miséricorde y 286. 

Destrée (Joseph), sur Lambert Patras, 

252, 284. Catalogue de Vexpo¬ 
sition de Dinanderies y 305. 

Dcthy (abbé Jules), distinction, 139. 

Detrixhe (Louis), chanson populaire 
dialoguée, 284. 


Devillers (Léopold), Le peintre Jean 
Prévost, de Mons, 289. 

Didier (Charles), Le Cottagey revue 
mensuelle, 226. 

Dinanderies, 189, 212, 232, 233, 252, 
284, 305. 

Documents et notices : Le Perron, 
symbole juridique, 15. Sur l’exode 
annuel des Briquetiers liégeois, 
127. Un vieil usage montois, 128. 
Procession de Boussoit-sur-Haine, 
129. Jours heureux et malheu¬ 
reux, 129. Souvenirs du Premier 
Empire, 158. Feux de la Saint- 
Jean, 159. La surprise de Binche, 
249. Le prince de Conti et les cha- 
noinesses de Maubeuge, 250. Com¬ 
ment le chapitre de Ste-Waudru, à 
Mons, s’affranchit de la taxe de 
guerre sur les cloches en 1746 : 
251. 

Donnay (Auguste), frontispice : à la 
couverture mensuelle. Toste, 95. 

Doudou (Ernest), Les origines de la 
légende des NutonSy 73. 

Duchesne (Alfred), Lambert-le-Bègue 
et l’origine des Béguinages, tra¬ 
duction, 5. 

Dufrane (Joseph) écrivain wallon, 
234. 

Dumont-Wilden (Louis) Le régiona- 

. lisme et le mouvement wallon, 201. 

Dupuis (Albert) Jean Michel y 113. 
Portrait, 114. Distinction, 140. 
Cantate du prix de Rome y 299. 

Elskamp (Max) et autres : Exposition 
de Folklore, 170. 

Ernotte (Justin) collaboration, 239. 

Eve (Sainte), culte, 204. 

Exode (sur 1’) annuel des briquetiers 
liégeois, 127. 

Exposition de dinanderies, 188, 212, 
232,233. Exposition Universelle de 
Liège, 205, 235. 

Fagnard, Couviny Guide du tou¬ 
riste 199 

Faits divers : 19, 61, 136, 168, 204, 
232, 256, 313. 

Fédération régionaliste française,131. 

Fêtes nationales (à propos des), 219. 

Feux de la Saint-Jean, 159. 

Flamands, voy. Wallons. 

Folklore (le) de la Wallonie prus¬ 
sienne : La foire de la Saint-Pierre, 


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WALLON IA. 


318 


àMalmédy, 149. Une après-midi de 
dimanche à Malmedy, 215. 

Folklore, généralités. La Belgique 
et le f. par Charles Gheude, 72. Les 
empêcheurs de danser en rond, 74. 
A propos des fêtes nationales, 219. 
La tradition, par Ch. Orval, 25(3. 

Franck (César), opinion sur son 
œuvre et son influence, 27, 70. 

Gaidoz (Henri) et autres, Pétition 
pour les Langues provinciales , 66. 

Garnir (George), Jean Michel , 113. 
Portrait, 115. Opinions sur son 
œuvre, 167. 

Garot (Jules), un siècle de Industrie 
drapière verviôtoise, 293. 

Gheude (Charles), la Belgique et le 
Folklore , 72. 

Ghilain (Oscar), collab., 244. 

Gilbart (Olympe;, bibliographie, 23, 
24. Nos chansonniers wallons, 
Louis Loiseau, 29. Discours, 91. 

Gossart (Jean), 70. 

Gramme (Zénobe), sa vie et ses 
œuvres, 261. 

Grétry, 71, 235, 307. 

Haupt (D r prof. Hermann), Lambert- 
le-Bègue et l’origine des Bégui¬ 
nages, 5, 34. 

Hervieu (Paul), Théroigne de Méri- 
court, drame, 19. 

Hillier (Louis-H.), chant des wal¬ 
lons, 205. Feu Palmyre, 313. 

HüBLARD(Emile), collaboration, 158, 
250, 251. Publication, 306. 

Industrie : faïence d’Andenne, 163. 
Armes de Liège, 205. Drap de 
Verviers,293. Bijouterie ancienne, 
308. 

Institut archéologique liégeois, 64, 

200 . 

Jacques (Frédéric) chanson populaire 
dialoguée, 246. 

Janson (Paul) sur Zénobe Gramme, 
280. 

Jaspar (Paul), sur son œuvre, 141. 

Jean de Nivelle, 206. 

Jeunesse (la) association tradition¬ 
nelle, 237. 

Jongen (Joseph), Fantaisie sur deux 
noëls wallons, 19. 

Jours heureux et malheureux, 129. 


Krains (Hubert), la Littérature en 
Belgique , 166. 

Laloire (Edouard), Médailles histo¬ 
riques de Belgique , 68. 

Lambert Patras, dinandier légen¬ 
daire, 233, 252, 284. 

Lambert-le-Bègue et l’origine des 
béguinages, 5, 34. 

Laurent (Marcel), distinction, 64. 

Lefebvre, peintre, 74. 

Legavre (Léon), Adolphe Mathieu , 

200 . 

Légendes des bords de la Semoys, 173. 

Lejeune (Jean), la Nuit de la Tous¬ 
saint à Jupille, 245. 

Lemonnier (Camille), manifestation 
en son honneur, 77 et suivantes. 
Discours. 101. Et le sentiment 
wallon, par Albert Mockel, 106. 
Comme va le ruisseau , 303. 

Liège, faits-divers, 19,63, 136, 171, 
204, 235, 260, 313. 

Loiseau (Louis), sur son œuvre, 29. 

Lundi (le) perdu ou parjuré, 13. 

Magnette (Charles), discours, 93. 

Maison Porquin, à Liège, 64, 70. 

Maître (le) de Flémalle, 134, 166. 

Malmédy, faits divers, 22. La foire 
de la Saint-Pierre, 149. Une après- 
midi de dimanche, 215. 

Mandos (Jules), chansonnier wallon, 
portrait, 230, 

Manifestations à Camille Lemon¬ 
nier, 81. 

Maquet (Henri), architecte, 169. 

Maréchal (A), bibliographie, 132. 

Masset (J. J.), musicien, nêcrol., 315. 

Mathieu (Adolphe), sur son œuvre 
par Léon Legavre, 200. 

Matthieu (Ernest), Distinction, 62. 
La procession de Boussut-sur- 
Haine, 129. Jours heureux et mal¬ 
heureux, 129. La Jeunesse, asso¬ 
ciation traditionnelle, 237. La sur¬ 
prise de Binche, 249. Biographie 
du Hainaul , 288. 

Môdard (Joseph), Djètons d'avri , 23. 

Menet (Florent), peintre contempo¬ 
rain, né à Mons, 255. 

Metten (Jules), chansonnier, nécro¬ 
logie, 138. 

Mockel (Albert), discours, 88. Con¬ 
férence, 104. Camille Lemonnier 


-°°8 



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et le sentiment wallon, 106. Opi¬ 
nion sur son œuvre et son in¬ 
fluence, 137. Bibliographie, 303. 
Mons, faits-divers, 21, 62. 171,234. 
Moreau (Louis), La Roulotte , revue, 
288. 

Namur, faits divers, 138, 259. 
Nivelles, faits divers, 206. 

Noté, célèbre chanteur contempo¬ 
rain, 258. 

Orval (Charles), la tradition, 256. 

Paris, Faits-divers, 19, 315. 

Patenier (Joachim), peintre, 27, 72, 
199. 

Patras (Lambert), dinandier légen¬ 
daire, 233, 252, 284. 

Patriotisme, 20, 22, 57, 63, 311. 
Perron (le), symbole juridique, 15. 
Picard (Edmond), lettre, 84. Sur la 
littérature wallonne, 136. 

Pietkin (Nicolas), distinction, 20. 
Pirenne (Henri), Notice sur Vindus¬ 
trie du laiton , 305. 

Pirsoul, Dictionnaire wallon-fran¬ 
çais, 132. 

Popp (madame C.), citée, 62. 

Porti (J.), Contes waVons , 162. 
Portraits: Benoît Quinet, 21. Louis 
Loiseau, 29. Camille Lemonnier, 
77. Albert Dupuis, 114. George 
Garnir, 115. H. Vallier, 117. Jules 
Mandos, 230. Madame Gramme- 
Nysten, 270. Zénobe Gramme, 272. 
Premier (le) avril. 55. 

Premier Empire (souvenir du), 158. 
Prévost (Jean), peintre, 289. 

Prince (le) de Conti et les chanoi- 
nesses de Maubeuge, 250. 
Procession (la) de Boussoit-sur- 
Haine, 129. 

Quinet (Benoît), nécrologie et por¬ 
trait, 21. 

Renier de Huy, dinandier, 233, 252, 
284. 

Renard (abbé M.-C.) jubilé, 61. 

Revues et journaux, 27, 70,135, 166, 
201, 253, 311. 

Revues périodiques nouvelles : Le 
Collage , 226. La Roulotte . 288. 
Revue des Bibliothèques et Ar¬ 
chives de Belgique , 306. Bulletin 


d'Histoire linguistique et litté¬ 
raire des Pays-Bas , 307. 

Reyniac (Léonard de) homme de 
guerre, 71. 

Rops (Félicien), 63, 259. 

Rousselle (Charles), nécrologie, 62. 
Rülot (Joseph), œuvre, 136. Distinc¬ 
tion, 204. Collab. : L’exposition de 
dinanderies, 212. 

Sëlys (Hector de), discours, 96. 
Serrurier (Gustave), discours, 86. 
Seutin (Louis-Joseph) médecin et cli¬ 
nicien, 206. 

Siècle (un) de l’industrie drapière 
verviétoise, 293. 

Sociétés des Bibliophiles beiges, 171. 
Société des Sciences, Arts et Lettres 
du Hainaut, 200. 

Société d’Art et d’Histoire du dio¬ 
cèse de Liège, 26, 164, 252, 310. 
Société Archéologique de Namur, 308. 
Société royale de Moncrabeau de 
Namur, 229, 259. 

Société pour la protection des Sites 
et Monuments de la province de 
Namur, 259. 

Société Liégeoise de Littérature wal¬ 
lonne, 20, 25, 64, 285. 

Somville (Edm.), Répertoire biblio¬ 
graphique à l'usage du touriste en 
Belgique , 225. 

Souvenir du Premier empire, 158. 
Stainier, Revue des Bibliothèques et 
Archives de Belgique, 306. 

Surprise (la) de Binche, 249. 

Testament (le) de l’àne, chanson, 11. 
Thomas a Kempis. 135 
Terwagne de Méricourt, 19, 287, 
315. 

Tilkin (Alph.), distinction, 171. 
Tournay, faits-divers, 256. 

Toussaint (la Nuit de la) à Jupille, 
245. 

Vieil (un) usage montois, 128. 

Vreuls (Victor), artiste musicien, 
139. 

Vrmdts (Joseph), 65, 250. 

Wallons : et Flamands, 20, 57, 61, 
108, 137, 201, 253, 281, 311. Expa¬ 
triés en Suède, 28. Sur leur carac¬ 
tère moral, 281. La Patrie wal¬ 
lonne, 137. Le Régionalisme et le 
mouvement wallon, 201. 


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WALLONIA 




Errata du tome XI. 

Page 6, au titre : au lieu de « Bibliographie », lisez « Biographie ». — Page 58, 
lignes 23-24, au lieu de « ces Néerlandais » lisez « les Néerlandais ». Page 61, 
ligne 2* des Faits divers, au lieu de « M.-J », lisez « M.-C ». - Page 67, ligne 6% au 
lieu de *< de centralisateurs », lisez en un mot «décentralisateurs». — Page 13|, 
2* alinéa, ligne 5’, au lieu de « que le pays de France », ajoutez le mot si, et lisez 
« que si le Pays... ». — Page 169, au lieu de « Marquet », lisez chaque fois 
« Maquet ». — Page 213, ligne 9* en remontant, au lieu do « son travail », lisez 
« bon travail ». — Page 233, ligne 5* en remontant, au lieu de « Hillin » lisez 
« Hellin ». 

Rectifications. — Page 244, supprimez les deux dernières lignes : le rappro¬ 
chement ne s'indique pas comme justifié. — Page 267, dernier alinéa, 1" ligne : 
« C’est à Liège, etc. », lisez « c’est une Liégeoise, M“* V* Colette, née Hortense 
Nysten, que Zénobe Gramme épousa». Le mariage eut lieu à Neuilly, près Paris 
en 1857. 

Autres Krratas. — Tome VI, p. 47, couplet 8\ au lieu de « essuyez », lisez 
«essuierez». — Même tome, p. 134, col. 2*, 5* ligne en remontant, au lieu de 
«menotte», lisez «minote». — Tome VII, p. 74, avant dernière mesure, le ré 
oroche doit être un ré noire. 



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DEUXIÈME 


Table Quinquennale 

ANALYTIQUE ET ALPHABÉTIQUE 

DE LA REVUE 

WALLONIA 


Tomes VI (1898) — VII (1899) — VIII (1900) 
IX (1901) — X (1902) 



LIÈGE — -1003 

Bureaux de la Revue : S, rue Hullos. 


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AVIS 


1. — On s’est abstenu de tabler les rubriques générales, telles 
que «chansons, légendes» etc., qui ont figuré dans les tables 
annuelles. Ici, on se reportera au sujet, au titre des articles, au nom 
des personnages ou de l'auteur. On pourra aussi se renseigner au 
premier vers et au refrain des chansons. 

• 2. — Les noms de personnes sont en petites capitales. L'ita¬ 
lique est réservée aux titres des livres analysés. L’indication c.-r., 
veut dire, compte-rendu. 

3. — Le nombre qui suit le chiffre romain indique toujours la 
page. La lettre n après ce chiffre renvoie aux notes de cette page. 
Les lettres $ (ou ss) indiquent que la page suivante (ou les pages sui¬ 
vantes) contient la suite du renseignement, ou d’autres rensei¬ 
gnements de même ordre. 

i. — Sur bien des points, la présente Table complète la Première 
table quinquennale, et elle rectifie le classement des détails d’un 
certain nombre de ses rubriques. Le chercheur a donc intérêt à 
consulter d’abord la Seconde table. (On trouvera à la fin du présent 
travail un errata du précédent). 


On recevra avec reconnaissance toutes les observations , corrections 
et critiques que suscitera l'emploi de nos deux tables quinquennales . 
Il en sera soigneusement tenu note pour de futurs erratas. 


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G oc e 



2" E TABLE QUINQUENNALE 

Analytique et Alphabétique 

DE LA 

Revue WALLONIA 

Tomes VI (1898) — VII (1899) — VIII (1900) 

IX (1901) — X (1902) 


A 


Abatage de l’oie ou du coq, jeu, 
VIII, 195. 

Abeilles : apiculture traditionnelle 
et superstitions, VII, 171. 

Abou-nioute et Abou-nioutine, VI. 
188. 

Académie roy. d’Archéologie, c. r., 
X, 258. 

Accoucheuses et sorcellerie, VI, 74 s. 

Adjéant, sur ce mot, VII, 187 n. 

Advinas, VI. 64 ; X, 62. 

Agayon, sur ce mot, VII, 187 n. 

Agent matrimonial, VI, 185. 

Agrafâ. Voy. Agrippa ci-dessous. 

Agriculture traditionnelle : en Fa- 
menne, VII, 52. A Spa. VIII, 86. 

Agrippa, livre magique, 11,108 ; VI, 
82; VII, 84. 

Afûleûre, pièce de costume, VII, 118. 

Ah ! Julie, ma très chère Julie, chan¬ 
son, IX, 229. 

Airs: De la chanson de Jean Renaud, 
I, 22 ; IV, 68; VI, 47. Du Carnaval 
de Malméd.v, VII, 28 ss. De la 
tchèrnèe à Andenne, VIII, 39. Du 
Carnaval de Binche. VIII, 93. 

Alion, fête boraine. VII, 103. 

Alléluia, origine, VIII. 72. 

Almanach (sur 1’) de Mathieu Laens- 
bergh, VIII, 212; IX, 210. Autres 


almanachs, VI, 32 n. ; VIII, 13 ; 

IX, 247 s. 

Alouette : tenderie, VI, 179. Et le pin¬ 
son, leur mariage, chanson, VII, 
106. 

Amalfi (Gaët.), VIII, 209. 

Amand (saint), VI, 161. 

Ameil-à-l’œil, légende, VI, 116. 
Ames : Sur leur ténuité, VII. 94. 
Couque des Ames, VII. 135 n. 
Ames promises au diable, VI, 148 s. 
L’Ame belge, X, 77, 154. Jour des 
Ames, voy. Commémoration. 
Amour et amoureux : Amoureux et 
St-Antoine, V, 33. Et St-Nicolas, 
VI, 182, 184. Amour et sorcellerie, 
VI, 113, 115 ss. Si l’amour vous 
gêne, chanson, VI, 157. Foire aux 
amoureux, VI, 184. La marguerite, 
oracle des amoureux, VII, 24 n. 
Superstitions à Rochefort, Vil, 51. 
Symbolisme de mai, VII, 81 ss. 
Usage magique, VII. 88. Sévices 
contre étrangers amoureux. Vil, 
132 n. Superstitions à Spa, VIII, 88. 
Amourettes (les), vieille danse, VI, 
169. 

An (nouvel), usages et superstitions, 
I, 127; III, 173; IV, 5 ; VII, 188. 
Ancien (un) texte wallon, IX, 108 ; 

X, 116. 

Ane : ses oreilles, VI, 64. A crottins 
d’or, conte, VI, 98. 


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TABLE ANALYTIQUE 


A 


Anges blancs et diables noirs, conte, 

VI, 94. 

Animaux dans folklore : Moitié de 
coq, I, 11, 48. Goquê et poyète, I, 
31 ; voy. Crahe-nawê et Sorisète, 
IV, 31. Bèrbis-bârbète, II, 108. 
Loup fantastique, III, 23. Garou, 
II, 33; III. 161; IV, 82; IX, 49. 
Vertbouc, VI, 150. Chèvre rouge, 

VII, 209; IX, 233. Voy. chien. — 
Animaux décapités, jeux,VIII, 195. 
Croyances relatives aux animaux, 

VIII, 194. 

Anneau : emploi médical, VI, 28. Et 
Sorcellerie, VI, 83. Documents 
pour la parabole des Trois anneaux, 

VIII, 197 ; IX, 266. 

Année, voy. an. 

Annuaire de VAssociation des Au¬ 
teurs wallons , X, 53, 193. 

Antoine (saint), culte et légende, V° 
33; VI, 52, 96, 179 ; Vil, 57 s. 
Apiculture traditionnelle, VII, 171. 
Apparition (une) de Nutons, X, 18. 

A propos d’un troglodyte moderne, 

IX, 133, 

Archéologiques (musées): deNamur, 
IX, 178; X, 281. De Liège, IX, 179. 
Architecture liégeoise, X, 278. 
Arlequin, masque carnav. à Mal- 
n médy, VII, 34. 

Àrmanack. Voy. Almanach. 

Artisans : Et sorcellerie, VI, 74. Et 
artistes autrefois, à Spa, VII, 
167 ss. 

Assaut de vanteries, facétie, VI, 159. 
Association : des Auteurs dramati¬ 
ques et chansonniers wallons, X, 
53 et 193,149, 190, 232. De malfai¬ 
teurs au 18 e siècle, X, 108. 
Assomption : date météorologique. 

VIII, 87, n° 3. A Spa, VII, 194. 
Astrologie médicale, VI, 26. 
Aubépine : origine de son parftim, 
VI, 102, cf. 104 n. Allégorique du 
1 er mai, VII, 83. 

Au bout de nou courti, chanson, VII, 
107. Au jardin de mon père, un 
oranger ’i y a, ronde, VII, 74. 

Aulne symbolique de mai, VII, 193. 
Auvelais et Auvelois, IX, 155. 
Avents, date météorologique, VIII, 
87 n° 6. 

Avioth, légende, VI, 149. 

Avoine,usage chez amoureux. VII,82. 


B 

Bâbou, être fantastique, V, 86, 198 ; 

VI, 133 s. 

Babil, vocabulaire, VI, 129. 
Baguettes (passer les), punition de jeu, 

VII. 18. note 4®. 

Bail de 400 ans, X, 283. 307. 

Balai de sorcière, IX, 167, 278. 

Balle, jeu, VII, 132. 

Bais et danses populaires. 1.193,224 ; 
III, 100. 148 ; V, 154 ; IX, 21 ; X, 
161, 165. 

Balthazar, un des Trois Rois, II, 77; 
V, 182. 

Baptême incomplet ensorcelant, VI, 
114. 

Barada, ruban de coiffure. V, 68, 
209 n.; VII, 83. Type populaire, 
II, 36, 55, 69; V, 68, 206; VII, 83. 
Baraque-Michel, VIL 195. 

Barbe (Ste), VI, 186 ; IX, 26. 

Barbe (ma tante) chanson. III, 126. 
Barbe des sorcières, VI. 78. 

Barbier assassin, lêg. VIII, 5. 
Bartholomez, Ch. VI, 132 ss. ; X, 55. 
Bâton de coudrier, emploi allégo¬ 
rique chez amoureux , VII. 83. 
Bâton ferré contre garous. IX, 56. 
Battement des mains, jeu VIII, 41. 
Baudet : ses oreilles, VI. 64. A crot¬ 
tins d’or, conte, VI, 98. 

Bavolet de la cheminée. V, 85; VI,70. 
Bayot, Alph.. collab., VI, 46. 

Bébés, leur parler, VI, 129. 

Bèlèm , berger magicien , II, 78, 
137 n.; III, 26; V. 177. 

Belgique: littérature française, VIII, 
73. Belgique (la) morale et poli¬ 
tique , par Maur. Wilmottb, c.-r., 
X, 222. Ame beige, X, 77, 154. 
Belle (la) aux oranges, chanson, 

VII, 74. 

Bénédiction des fonts, date météor. 

VIII, 86. 

Beotiana, VI, 141 ; VIII, 24. 
Berceuses, VIII, 18 s. 

Bethléem (le) verviètois , par Jules 
Felier, c.-r., VIII, 130. 

Bergmans, Paul, collab., VIII, 171 n.; 

IX, 41. 

Berger (Rud.), collab., X. 50. 

Berdjî d’Mousnî, lég., VI. 50. 

Berger: pétrifié, lég., VI, 50. Et 
sorcellerie, VI, 73. Communal à 



ET ALPHABÉTIQUE 


5 


Spa, Vil, 164. Bergère et chaton, 
ronde, VI, 152. 

Beuveries à Spa, VII, 113, 116, 
124 ss. 

Bernard (St). VII, 57. 

Bethune, Mathieu Lambert , Vin- 
venteur du célèbre almanach , 
c.-r. IX, 210. 

Bibliographie des ouvrages arabes , 
etc. par Victor Chauvin, VI, 108 ; 
VIII, 130; IX, 209. 

Bidodus, personnage légendaire, 
VIII, 137. 

Bihot (Laurent), collab. IX, 47. 

Biiiot (Ch.), collab., X. 37. 

Billes, jeu spadois, VIII, 48. 

Binche, sur l’origne des Gilles, 
VIII, 93. 

Biographie de Jean-Biélrumé Pi¬ 
card , surnommé Pimpurniau, 
par Victor Petitjean, c.-r. X, 122. 

Biquets, chèvre et loup, conte, VI, 92. 

Biscuits, friandise, VII, 158. 

Bistoquage, coutume, VI, 41, 89. 

Blason popul. VI, 144 ; VII, 121 ; 
VIII, 49, 90 ; X, 62 s. 

Blés (Henri), peintre, X, 270, 272. 

Bobelins (sur les), VII, 156 n., 188. 

Bodart (Xav.), X, 197 ; (Louis), X, 
256. 

Body (Albin), VI, 59 ; VII, 113, 143, 
155, 164, 186; VIII, 8, 41, 84; IX, 
113, 152. 257, 278 ; X, 27, 33, 150, 
186, 188, 235, 258. 

Bois de sympathie, recette, VI, 26. 

Boissons popul., VII, 124 ss. 

Boîtes de Spa, Vil, 173. 

Bonaparte, sa lég. égyptien ne, X,252. 

Bon, bon, si l’amour vous gêne, 
chanson, VI, 157; VII, 140. 

Bon Dieu (la mesure du), VII, 78. 

Bonhomme Misère, lég , VI, 148. 

Borinage (le), par Cam. Lemonnier, 
Marius Renard, etc.. X. 301. 

Bonheur, présage de, VII, 194. 

Boublin, le mot, VII, 156 n. 

Boulanger, masque carnaval, VII, 33. 

Boute-selle, jeu, VIII, 64. 

Bouton-d’or, chanson, VII, 107. 

Bossus (les deux) et les sorcières, 
conte, IX, 23. 

Botanique : vov. plantes. 

Bottresses et hotteuses à Spa, VII, 
167. 

Bragard (Henri), VI, 166 ; VII, 5, 
25, 81, 109 ; IX, 44, 285. 


Branches: cadeau à la fête patronale, 

VI, 41 ss. ; allégorique de mai, 

VII, 81 ss. 

Brassine, Jos., Les paroisses de P an¬ 
cien Concile de Hozémont , IX, 36. 
Bren de diable, VIII, 20, 52. 

Brézète, sur le mot, VII, 40 n., 75 n. 
Brice (St), VI, 34. 

Briyèmont, personn. légend., II, 78, 

137 n.; III, 26; V, 177. 

Brimades du dernier marié, III, 19, 

148; IV, 156, 157; VII, 55. 

Brin de diable, VIII, 20, 52. 

Briolet, vin, X, 205 ss. 

Briser les œufs, jeu de Pâques. VII, 
66. Le verre après avoir bu, II, 

138 s. ; VI, 42. 

Brixhe (P.), IX, 30. 

Bronne (Ch.), X, 205. 

Bruhald, X, 278. 

Bruno, I, 165 ; V, 11. 

Bruxelles : sur le mot, VII, 198. 
Faits-divers, X, 87, 128, 151, 197, 
281, 305. 

Bûche de Noël, X. 71. 

Buis, rameau bénit, VII, 112. 

Burges (Lud. de), collab. IX, 30. 


c 

Caboulée, plat, VII. 132. 

Cadeaux de fête, VI, 41 ss , 89. 
Cadet-Rousselle, VIII, 117. 

Café à T ferlope, VI, 44. 

Canard décapité, jeu, VIII, 195. 
Capitaine de la Jeunesse, VII. 49 ss.; 
X. 94. 

Caractères des sorciers et sorcières. 
VI, 77. 

C^ramaras, êtres fantastiques du 
Hainaut, X, 41. 

Carême, usages, VII, 50 s., X. 37. 
Carillon rustique, I, 140, 218; VI, 
196; VII, 10, 119, 125, 134; 
VIII, 204. 

Carnaval : à Malmédy, VII, 25. A 
Châtelet, VII, 55. A Binche, VIII, 
93. A Cour-sur-Heure, VIII, 137. 
A Ster-Francorchamps, IX, 1 \ ; 
X, 164. 

Carpeaux (J.-B.) est d’origine wal¬ 
lonne, X, 153. 

Carpentier (Victor), Vûsions. X, 123. 
Carrefour, superstitions, Vil, 87 ss. 
Cartes postales illustrées, X, 53,150. 


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6 


TABLE ANALYTIQUE 


Casser le verre après avoir bu, II, 
138 s.; VI, 42. Casser les œufs de 
Pâques, jeu, VII, 66. 

Catherine (Ste), VI, 186, s; VII, 19, 
135, 196; IX, 238. 

Caveille, sur le mot, VIII, 108. 
Cawè, jeu. VU, 109. 

Caye, jeu, VIII, 46. 

Cercle de coudrier, usage magique, 

VII, 89. Cercle Athlétique liégeois, 
c.-r., X, 85. Cercle hutois des Sc. 
et Beaux-Arts, c.-r., X, 152. 

Cercueil : énigme, VI, 65. De . sor¬ 
cière, VI, 87. Deux espèces de c. 
à Tournai, autrefois, VI, 194. 

Ce sont les garçons de chez nous, 
chanson, VI, 20. 

C'est en revenant d’aller boire bou¬ 
teille. chanson. VI, 157. C’est dans 
la ville de Bordeaux, chanson, 

VIII, 50. C’est en allant dessus la 
mer, chanson, VIII, 81. C’est 
dimanche la promenade, chanson, 

IX, 226. 

C’était un jeune flamand, chanson, 
IX, 12. 

Chair humaine, mise en vente par 
l’assassin, VIII, 5. 

Chaise à porteurs, à Spa. VII, 169. 
Chambre mortuaire, usages, VII, 116. 
Champs de sorcière, VI, 61. 
Chanchet, marionnette, III, 118. 
Chandelle : énigmes, VI, 65; cf. IV. 

91. Etre à la ch. jeu, VI. 105 s. 
Chandeleur, I, 106; VII, 90. 
Chansons : à retrouver. 1, 40, 190; 
VII, 95, 142. Tournantes, VI, 105; 
VII, 140. De quête. VI, 118; 

VII, 5; IX, 19, 21 s. I)u Jour des 
Rois, VI, 118. Des cûhnées, VI, 
167. D’Alion, VII, 105. Et romances 
recueillies à Lincé-Sprimont et 
environs, VIII, 78; IX, 226. De la 
Révolution brabançonne, VIII. 
93 ss; IX, 41. De Jean de Nivelle, 

VIII, 109. Du Carnaval de Ster- 
Francorchamps, IX, 19, 21 s. I)e 
jeu, voy., Rondes. 

Chant : du coq, VI, 27, 128, 149. I)e 
pâtres, VII, 166, 209. Des cloches. 
VII, 10, 134. 

Chantons l’histoire de ce jeune guer¬ 
rier, chanson, VII, 95, 142, 159. 
Chapelle : de Eorette à Rochefort,lég. 
VI, 37, 143. Ardente mortuaire, 
VI, 197. A rasoirs, lég., X, 187. 


Charcutier assassin, lég., VIII, 5. 
Chasseurs : facéties de ch., VI, 158. 

Les ch. de rats, X, 102. 

Chastel (comte P.-A.'i, dessin, IX, 
113. 

Chat : énigmes. VI. 66. Chat noir, 

VI, 81; VII, 86 ss.; X, 45. 
Château, lég., VI, 124; IX. 145. 
Chauvin (Vict.) : Collab., VI. 5. 188; 

VII, 13 ss.; VIII, 5, 197 ; IX, 
266, 293; X. 237. Bibliographie 
des oum'ages arabes , etc par Vict. 
Chauvin, c.-r., VI, 108; VIII, 130; 
IX, 209. La leg. eggpt. de Bona- 
parte , par Vict. Chauvin, c.-r., X, 
252. Lèlix Liebrecht , par Victor 
Chauvin, c.-r., X, 283. Dictinction 
honorifique, X, 196. 

Cheminée, rites, VII, 159. Voy. feu. 
Chêne, symbole de mai, VII, 193. 
Cheval enchanté, VI, 5 ss. 

Cheveux des sorcières, VI, 78 s. 
Chèvre : sa barbe, énigme, VI, 64. 
Loups et biquets, conte, VI, 92 s. 
D’or, gardienne de trésor, VI, 
125 n. Rouge, symbolisant la 
flamme. Vil, 209. Rouge, lég., 
IX, 233. 

Chien qui se couche, énigme, VL 66. 
Chien-sorcier, VI, 77. Chiens enra¬ 
gés, prière contre. VI, 100. Chien 
d’arrêt, facétie, VI, 158. Chien à 
chaînes, animal fantastique. IX, 
50. Chien de la ronde, id., IX, 51. 
Chien de Jean de Nivelle, VIII, 
109. 144, 169, 207, 213. 

Chot (Jos.), VI, 71, 124. 

Cierge bénit et sorcellerie, VI, 85. 

Cierges funéraires, VI, 197 s. 

Cire et mieL récolte. VII, 171. 
Civette dans magie, VI, 74. 

Clapètes, frein de chariot, VIII. 85. 
Claquètes ou cliquètes, jouet. VIII, 
45. 

Clavicules de Salomon. VI, 82. 

Clé qui tourne, procédé divinatoire, 

VIII, 27. 

Clesse (Antoine). X, 256. 

Cliquètes ou claquètes, jouet, VIII, 
45. 

Cloche: énigmes, VI,64s. Sonneries, 
I, 140. 218 ; VI, 196; VIII, 204; 
VII, 119, 125. Leur chanson, VII, 
10, 134. 

Closset (JosJ, portrait, X, 191. 


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ET ALPHABÉTIQUE 


Clou à baiser pour avoir mari, V, 
36. Ou furoncles et pommes, VII, 
191. 

Cochon de St-Antoine, VI, 52, 96, 
179. Les trois c. et le loup, conte, 
VI, 155. 

Cœur en gage, expression figurée, 
VI, 91 n. 

Collard (Victor) X, 257. 

Collette (Franç.) collab. X, 139. 

Colson (Arthur) IX, 187 ; X, 86. 

Colson (Lucien) VI, 69; X, 86, 301. 

Colson (Oscar) VI. 38, 48, 49, 57, 73, 
90, 105. 113, 118, 129, 141, 143, 
145, 158, 181 ; VII, 71, 84; VIII, 
64, 99, 109. 144, 169, 207, 213; 
IX, 34, 50, 51, 64, 99, 109, 130, 
144, 169, 195, 207, 212, 213; X,25, 
49, 99, 162, 178, 189, 209, 255, 
268, 274, 296, 298. Etc. 

Combat du 30 sept. 1830 à Liège, 

IX, 243. 

Commémoration des morts, fête, 
^ III, 161 ; VII, 135 n., 195 s. 

Comment se crée une légende. IX, 
270. Comment il faut aimer, X, 98. 

Commission roy. d’Histoire de Bel¬ 
gique, c.-r., X, 277. 

Compagnon (le) cordonnier, chanson, 
VIII, 80. 

Complainte du Juif-Errant, VII, 152. 

Compte embarrassant, facétie, I, 
120; V, 133. 

Concours dramatique wallon, c.-r., 

X, 149. Littér. et scient., X, 55, 
De marionnettes, X, 56. 

Confrérie et cochon errant, VI, 52, 
96, 179. Règle de confrérie, VII, 
177. 

Congrès (deux) internationaux. VII, 
206. Congrès histor. et archéol. 
belge, X, 259, 278. 

Conscription, voy. tirage. 

Conscrits : chanson, VII, 76. 

Conservation et restauration des mo¬ 
numents, X, 76, 12G, 171. 

Conservatoire (un) de la Tradition, 
X, 274, 297. 

Consomption enfantine, remède, VII, 

121 . 

Contes (sur leur philosophie), IX, 
214. 

Contes du Hainaut, VI, 92, 97, 151, 
170. 

Contrats et conventions avec le dia¬ 
ble, VI, 126, 145; VII, 71, 84. 


Convulsions des enfants, VI, 162. 
Copères, VI, 141. 

Coq: son chant et le diable, VI, 127s., 
149 ss. De la moisson, VII, 52. 
Ses œufs, X, 67. 

Corbeau et sorcières, VI, 81. 

Cordon qui se dénoue, présage. III, 
66 ; V, 45. 

Cordonniers et sorcellerie, VI, 73. 
Cornet (Louis), collab., X, 106. 
Corporations, VII, 97. 

Cortège : funèbre, autrefois, VI. 

195 s. De pèlerins armés, VII, 53 s. 
De mariage, VII. 113. 

Coster (Charles de), X, 284. 
Costume, VII, 118, 127. 

Couche de paille à FolUce mortuaire, 
VI, 196, 197. 

Coû Delvâ, lég., VI, 39 ; VII, 208. 
Coudrier : et magie. VII, 90 : IX, 
62. Symbole de mai, VII, 83, 193. 
Cougnoû. friandise, VII, 196, 203. 
Couleur : de deuil, VI, 195. Rouge, 
emploi médical, VI, 27. 

Coultèdje, usage de droit, VU, 114 ; 
X, 189. 

Coummêre lé pouyète, fable, VII, 68. 
Couquc : de Dinant, VI, 199 ; VII, 
51, 53. Des âmes, VII, 135. 

Courir la javelle, usage agricole, 
Vil, 52. 

Courte-paille, V, 162. 

Courtois (L.-J.), collab., VIII, 13. 
Crachat sur charbons ardents, VU, 
159. 

Crama, VI, 69. 

Crâmignons, VI, 157 ; Vil, 186 ; X, 
128, 168. 

Crécelle de la Semaine-S 1 ®, VII, 190. 
Crémaillère, VI, 69. 

Crépin (Fr.), collab., VII, 49, 77. 
Cris de hélement, V, 104 ; VII, 165, 
209 ; VIII, 72. 

Croix : équilatérale, VI, 33 ; VII, 73, 
87. Préservatif, IV, 84 ; VI, 70. 
Et sorcellerie, VI, 83, 85. Bâtons 
en croix, VI, 114. Poème sur les 
croix, VI, 193. Croix de paille 
remplaçant défunt à l’église VI, 

196 s. Croix, signature, VII, 73. 
Jour des Croix ou Rogations, VU, 
192. Légendes, IX, 234 s. 

Crosse, jeu, VIII. 43, 58. 

Crucifix et sorcières, VI, 83. 

Cûhnée, fête, VI, 166 ; Vil, 143. 


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8 


TABLE ANALYTIQUE 


Cuisine, plats et friandises, VI, 43 s, 
ill ; VII, 9, 77, 109, 132, 143. 

Cul-de-jatte, diable, VII, 114. 

Cultage, ancien droit. Voy. Coul- 
tèdje. 

Culte de St-Marcoul, à Grez. VII, 
177. De St-Gérard, à Jehay, VIII, 
61. Voy. Saints. 

Cuppens, N., Nicolas Defrecheüx , 
c.-r. IX, 147. 

Curé (le) de Mazée, lég., VI. 124. 

Cûtnée, fête, VI, 166 ; VII, 143. 

Cycle (le) de Jean de Nivelle, VIII. 
109, 144, 169, 207. 213. 


D 

I)amme(P. van). Voy. Van Damme. 
Dame blanche, lég. IX. 235. 

Danses populaires, VI, 105. 169 ; 
VII, 109 ; VIII, 93, 95 n. ; voy. 
Bals. 

Danses et sabbat des sorcières, IX, 
162. 

Dans les hôpitaux, Vil, 209. 

Dans un an, belle bergère, ronde, 
VII, 111. Dans ma main blanche, 
je tiens un beau rosier, ronde, 
VII, 141. 

Daret, Jacques, le maître de Flé- 
malle(?), peintre, X, 306. 

Dates fatidiques, I, 70, 94, 107 ; IV, 
29, 164 ss,, 177 s.;VI, 173 ss. ; VIII, 
86,201 ; IX, 162. Pour les dates du 
calendrier, voy. le nom de la fête 
ou le nom du saint. Voy. vendredi. 
Daxuelet. Arthur, littérateur, X, i 28. 
Décapitation de l’oie ou du coq, VIII, 
195. 

Décentralisation, IX, 78 ; X, 54. 88. 
150, 198. 

Décès: annonce ou semonce, VI, 195. 
Décès de sorcière, II, 80; VI, 86 ss.; 
X, 44. Rôle de la Jeunesse, X, 161. 
Declève, Jules, Le Lumeço?i de 
Mons f c.-r. IX, 279. 

De Coster (Ch,), note biogr., X, 284. 
Dédicace (la), fête paroissiale : à Ro- 
chefort, VII, 49. A Spa. VII, 186, 
195. A Wasmes, VII, 169. Voy. 
VI, 173. 

Défis lancés au diable, VI. 150 ; VII, 
92 s. 

Défilés fantastiques, II, 48 s. ; VII, 
86, 90 ss. 


Deforeit (Clément), collab., IX, 155. 
270. 

Defrecheüx (Nicolas), Lèi/îz-meplo¬ 
yer et Tôt hossant , c.-r., VII, 79. 
Nicolas Defrecheüx par Aug. Cup¬ 
pens ; Id. par Alex. Gérard, c.-r.. 
IX, 147. Poète classique, X, 300. 
Defrecheüx (Jos.), collab., VI, 67, 
108, 160; VIII, 21 ; IX, 79, 130. 
Distinction honorifique, X, 304. 
Défunts, coutumes à Spa, VII, 115. 
De la Grange (A.), VI, 198. 
Delattre (Louis), collab., VII, 145, 
197 ; VIII, 52, 108. 

Delaw (George). Présentation, IX, 
254; X ,201. Collab. IX, 253 s.; X, 57. 
Delchef (André), nécrol., X, 230. 
Classique, X, 301. 

Delchevalerie (Charles), collab. . 
VIII, 73 ; IX. 65 ; X, 191, 301. Ci¬ 
tations, X, 80 ss., 201. 

Delsa (Edmond), collab., VII. 5. 
Demandes et rép. joveuses, énigmes, 

VI, 64. 

Demeuldre (Amé), collab.. VI, 53 ; 

VIII, 31. 

Démon. Voy. Diable. 

Dents, VI, 27 ss., 78, 84 ; VII, 112 ; 

IX, 213. 

Depuis Paris jusqu’à Valence, chan¬ 
son, VIII, 80. 

Derache (Ch.), collab., VII. 76. 
Dernier marié, VIT, 55. 

Des Ombiaux (Maur.), collab., VII, 
129. Bibliogr., X, 88, 118, 194. 
217, 228. 

Detrixhe (Louis), collab., VII, 57, 
89 s.; X, 105. 

Deuil : à Tournai, VI, 195. A Spa, 

VII, 118. D’amour, romance, IX, 

82. 

Deux sangliers, facétie, VI, 159. 
Deux congrès internationaux. Vil, 
206. Deux remèdes populaires, 

VIII, 49. Deux nouveaux jouets, 

IX, 131. 155. Deux contes liégeois, 

X, 243. 

Devinettes populaires, voy. Enigmes. 
Dewert (Jules), collab., VI, 95, 172 ; 
VIII, 20, 25, 58. 

Diable, légendes, VI, 49, 88. 94, 124, 
126, 128, 136, 145, 146, 148, 149. 
165 ; VII, 18, 56, 71, 84, 94 ; VIII, 
20, 52 ; IX, 49, 155, 162 ; X, 27. 
76, 200, 256. Diable d’eau, VI, 116. 
Dicauce. Voy. Dédicace. 


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ET ALPHABÉTIQUE 


9 


Dictionnaire (un) wallon, VU, 64 ; 
VIII, 52. 

Dictons : météorologiques, VI, 173 ; 
VIII, 86, 203. Du hoquet, VI, 53 s. 
Divers, VIII, 85 s., 201. 

Dieu : sur terre, légendes. VI, 50,135, 
154. Vous bénisse ! VI, 54. Sa 
mesure, objet de culte, VII, 78. 
En quatre personnes, X, 61. 
Difformités des sorcières. VI, 79. 
Dinant : couque. VI, 199 ; VII, 51, 
53. Béotiens, VI, 141. 

Divination à carrefour, VII, 87. 
Djean d’Nivelles, monument et type 
populaire, VII, 136 ; VIII, 144. 
Djean Godinette, de Namur, type 
pop., VII, 136. 

Documents pour la parabole des 
Trois anneaux, VIII, 197 ; IX, 266. 
Dodon (St), VII, 129, 133 n. 

Donation entre enfants, III, 168. 
Donnay (Aug.j. collab., VI. 51, 68. 
70 ; VII, 91, 93, 94 ; IX, 71 à 136. 
Auy. Donnai/, par Cil. Delche- 
valerie, IX, 65. Citations, X, 84, 
198, 261. 

Domestiques : à Nivelles, II, 196. A 
Spa, VII, 122 ss. 

Doudou (Ernest), collab., IX, 133, 
249 ; X, 18, 102. 

Dragon : de St-Gcorges, VII, 100. 

De Gilles de Cliin, VII, 161. 
Drapeau : de pèlerinage, VII, 180. 
National belge, son invention, IX, 
241. 

Dressèye, plat pop. liégeois, VII. 196. 
Droit : horreur du plaid, II, 64 ss. 
De coultèdje. Vil. 114 ; X, 189. 
D'incendie contre homicide, VIII, 
11. Facétie de Droit, IX, 224. 
Druon (St), VII, 53. 

Ducace. Voy. Dédicace. 

Duchesne (Alfred), collab., IX, 157 ; 
X, 243. 

Dupont (Ad.), IX, 23. 

Durraenês, fête à Jemappes, X. 93. 
Dusèpulchre (René), collab.. Vil, 
203 ; VIII, 37. 

Duyse (van). Voy. van Duyse. 
Dvineu, devin, VI, 60, 82. 


E 


Eau bénite, VI, 85; VII,88, 177,208; 
VIII, 28; IX, 48, 154. 


Ecrouelles, VII, 177. 

Elimination, formulette à Spa, VIII, 
43. 

Elskamp (Max), X, 274, 297. 

Embarras du compte, facétie, V, 133. 

Emblèmes floraux, VII, 12 ss. 

Emmacraler, ambiguïté du mot, VI, 
115. 

Empiriques et sorcellerie, VI, 75 s. 

Enchanteur, dit Pâcolet, VI, 5. 

Enchiridion Leonis Papæ, VI, 82. 

Endogamie, IX, 221, 

Enfantines, VIII, 17, 41, 64. 

Enfants : leur parler, VI, 129. Violés 
au Sabbat, VI, 115. Et St-Nicolas, 
VI, 181. 

Engagementdesdomestiques, II, 196. 

Enigmes, VI, 64 ; X, 62. 

Enjeu singulier, VIII, 212. 

En revenant de Chèvremont, chan¬ 
son, X, 129. 

Enrôlement des sorciers et sorcières, 
VI, 115. 

Ensevelissement des morts, VI, 74, 
194; VII, 116, 118. 

Envoûtement, VII, 88. 

Epine symbolique de mai, VII, 193. 

Epingles et Narcisses à Mons, jeu et 
usage, IX, 46. 

Epiphanie, VI, 118 ss.; VII, 188. 

Epis merveilleux donnés par les 
nains, VI, 144; X, 72. 

Ernotte (J.), collab., X, 177. 

Escaufeûr, VII, 48. 

Esprit causant éternuement, VI, 55. 

Essai (Vorthographe wallonne , par 
Jules Feller, IX, 182; cf., X, 265. 

Eté de St-Martin, VII, 5. 

Eternuement, VI, 54. 

Etienne (Edm.), collab., VI, 135. 

Etoiles, leur nom, X, 75. 

Etrangers, leur contribution à la 
Jeunesse, VIII, 138. 

Etres merveilleux. Bâbou, V, 86, 
198 ; VI, 133 s. Bazin, Bruno, I, 
165; V, 11. Bèlèm, Briyèmont, 
II, 78,137 n. ; III, 26 ; V, 177. Les 
Caramaras, X, 41. Li gây mon- 
sieu, VI, 116. Hanscrouf, V,192ss; 
VI, 182 ss. L’home âs poussîres, 
II, 186 ; III, 110 (n° 4). L’homme 
dans la lune, 1,161 ; V, 11 ; X, 73. 
Machoucq, VI, 111. Les Marlu- 
zènes, VIII, 204. Masarac, VII,96. 
Pâcolet, II, 153 ; IV, 81 ; VI, 5. 
Pâquè-hawî, II, 78,137 n; III, 26; 


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10 


TABLE ANALYTIQUE 


V, 177. Voy. Animaux, Diable, 
Géants, Nains, Sorcellerie. 
Etymologie populaire, VI. 163; VII, 
143, 197; IX, 155. 

Evangile de St-Jean, VI, 57, 84,162; 
VIII, 27. 

Eveûye du St-Martin, VII, 5. 
Evocation du diable, VII, 84 ss. 
Exogamie, IX, 221. 

Exposition de marionnetteè, X, 56. 

Universelle de Liège, X, 304. 
Etudes (les) archéologiques, leur 
utilité pour l’architecte, X, 133. 
Eyck (van). Voy. van Eyck. 

F 


Fabricants de jolités. boîtes de Spa, 
VII, 173. 

Facéties : sur des mots latins, VIII, 
21. D’ouvriers, VIII, 85. Sur le 
mariage, X, 267. 

Fa d’Rahîr, lég., IX, 265. 

Faire le coq, usage de la moisson, 
II, 105 ; VII, 52. Faire le vèheu, 
usage, coutume, Vil, 165 n., 189 ; 
IX, 21. 

Faix du diable à Stavelot, IX, 256, 
293. Faix de Rahîr, IX, 265. 

Famile(li) Tassiru par Alph. Tilkin, 
c.-r., IX, 128. 

Fascination, pouvoir inconscient, 
VII, 113. 

Fédération histor. et archéol. de 
Belgique, X, 259. 

Fées, nom des nains, VI, 144. 

Feller (Jules), Le Delhleem vervié- 
tois , c.-r., VIII, 130. Essai d’ortho¬ 
graphe wallonne, IX, 182; X, 265. 

Femme : énigme, VI, 65. Et le 
diable, VI, 128, 149. Enceinte, VI, 
163 s. Stérile, VI, 154. Aux 365 
enfants, VIII, 53. Aux deux maris, 
VII, 95, 142, 159. 

Fer l’coq, l’vèheu, voy. Faire. 

Fer (le) : anneau d’acier, emploi mé¬ 
dical, VI, 28. Et sorcellerie ou 
magie, VI, 73 ; VII, 88. 

Festins (les) du tir de l’oiseau, à 
Nivelles, IX, 84. 

Fétichisme, IX, 25. 

Fête : patronale, VI, 41, 89. Diverses 
à Spa, VII, 186, 194 s. De Mars, à 
Andenne, VIII, 37. Des louches, 
à Gommines, IX, 279. Républi¬ 


caine à Fléron en 1796, X, 254. 
Paroissiale, voy. Dédicace. 

Feu : Follet, I,’ 17 ; VII, 48. Du 
foyer. V, 81 ; VI, 69s. ; VII, 112, 

159. Qui pète, signe fatidique, VII, 

160. De l’étincelle, maladie, VIII, 
195; X, 50. Voy. Grand-Feu. In¬ 
cendie. 

Feuille : énigmes, IV, 91 ; VI, 65, 
66. De Rome, plante merveilleuse, 

VI, 97. 

Fève qui atteint le ciel, VI, 97. 
Fiacre (St-), herbe à son nom, VII, 
182 n. 

Fiançailles, foire des amoureux à 
Arlon, VI, 184, 

Fille séduite revenant, VI, 50. 
Flamands et Wallons, VIII, 73; X, 77, 
125, 148, 154-5, 188, 202, 222. 
Mouvement flamand et mouve¬ 
ment flamingant, X, 222. 

Flambai, 1, 17 ; VII, 48. 

Flamme, VII, 159, 160, 209. Voy. 
Feu, Incendie. 

Fleurs : leur langage, VII, 12. De 
St-Jean, VII, 109. Voy. Plantes. 
Fleuves, rivalités des riverains, IX, 
230. 

Flore pop., par Eug. Roland, c.-r. 

VII, 160. Voy. Fleurs, plantes. 
Flûtes,* énigmes, V, 95 ; VI, 65. 

Foire aux amoureux, VI, 184. 
Folklore : chez nos écrivains, VI, 69, 

102, 109, 167 s., 192; VII, 10, 
39 ss., 129 ; VIII, 13. Et Littéra¬ 
ture, VII, 145. Contemporain, IX, 
241, 270 ; X, 18, 46. De Spa, VII, 
113, 155, 164, 186; VIII, 41, 84. 
De la Wallonie prussienne, VI, 
166; VII. 5, 25, 65, 81, 109; IX, 
285. Miettes de Folklore du pays 
de Lessines, VIII, 201. Sur l’uti¬ 
lité et la beauté du folklore, IX. 
187. Un conservatoire du Folklore, 
X, 274, 297. Le Folklore de Vile 
de Kythnos , par H. Hauttecœur, 
c. r. VI. 180. 

Fond dè Vivî. lég. VI, 48. De Qwâ- 
reux, lég. VI, 126. 

Forgeron : et diable, VI, 150. Et mal 
de dent, IX, 213. 

Formulette terminale de conte, VI, 
99. Diverses de jeux, VIII, 41 s. 
Formules de magie, IX, 168. 

Fouaces ou Fougaces, friandise spa- 
doise, VII, 157. 


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ET ALPHABÉTIQUE 


11 


Fougère, symbolique de mai, VH, 
193. 

Fourmis et magie, VII, 86. 

Foudre, préservatifs, VI, 100; VII, 
194 s. Voy. tonnerre. 

Foyer. Voy. Feu. 

Français, dicton, VI, 48. 

Franck (César), IX, 184, 255; X, 
154, 

Frêne symbolique de mai, VI, 26 ; 

VII, 193. 

Friandises pop., VII, 65, 109, 135, 
156, 195 ss. 

Fromage de Herve, et des 4 saisons, 

VIII, 88. 

Front des sorcières, VI, 78. 
Furoncles. Voy. clous. 

Funérailles VI. 195ss. 

G 

Gaidoz, Henri, X, 184 s ; 307. 
Galoche, jeu, VIII, 47. 

Gangulphe (St-), X, 120. 

Garçons (ce sont les) de chez nous, 
chanson, VI, 20. 

Garou, VI. 82 ; IX, 40. 

Gâte d’or, VI, 125 n. 

Gayant, sur le mot, VII, 187 n. 

Gây monsieur, lég.. VI, 116. 

Géants pop. : de Bouvignes, X, 117. 

De Bodeux, X, 188. 

Génisse sorcière, VI. 77. 

Gentilés, VIII, 90 ; X, 62 s. 
Géographes et noms de lieux, VII, 
197 ; VIII, 31 ; IX. 155. 

Georges (St-) VII, 97 ; VIII, 87. 
Gérard .St-), VII, 17; VIII, 61. 
Gérard (Alexandre), Nicolas Defre- 
cheux , c. r., IX, 147. Le Vieux- 
Namur . c. r., X, 52. 

Gèrardy (Paul) poésies, VI, 192. 
Geste, se frapper le séant, VI, 23. 
Gertrude (Ste), VIII, 163 ; X. 105 ; 
Ghislain (St-) VI, 161, cf.. IX, 257, 
293. Prénom préservatif,VI, 163 n. 
Gilbàrt(01.) collab. IX, 88. 277 ; X, 
5, 229. Citation. X. 79, 85. 

Gildes, VII, 97. 

Gille de Chin. VII, 161. Les Gilles de 
Binche, VIII, 93. 

Gilon (Ernest) néerol., X, 305. 
Glissade, VIII, 45. 

Gobert, Théod., X, 231. 

Godefroid (Ernest) collab., X, 43. 


Godimus (Jean) lég., VI, 71. 

Gordène, bavolet de la cheminée, V, 
84; VI, 70. 

Gramme (Zénobe) biogr.. X, 123. 

Grand Albert, livre magique,VII, 85. 

Grand Feu : de la St-Martin, VII, 5, 
45, 50. De la St-Jean VIII, 206. Du 
carnaval. VIII, 40; IX, 22. Du 
carême, X, 37. 

Grange de la Malplaquée, lég. X, 23. 
Du diable, lég., X., 24. 

Grégoire (St ) VIII, 39; IX, 238. 

Grenouille, emploi magique, VII, 86. 

< fltÈTRY, X, 130. 

Grimancien, VI, 60, 82. 

Grimoire du pape Honorius, VI, 82. 

Grives, plat traditionnel, VII, 77. 

Grosse tête, masque de Carnaval, VII, 
34. 

Grottes de St-Remacleà Cugnon, IX, 
218. 

Groumotte, plat traditionnel, IX, 18. 

Groumancien, VI, 60. 

Guèyou, jeu spadois, VIII, 47. 

Guérisseurs.VI.75 s.; IX, 61 ; X, 120. 

Guimbarde, X. 117. 

Gypsies, VII, 28. 

H 


Habitation (une) de sotais, lég.,X, 46. 
Hachez (Félix), néerol., X, 277. 
Haguette, masque, à Malmédy, VII, 
26 n., 29, 31. 

Hameaux et lieux-dits wallons, VII, 
197 ; VIII, 31. 

Hamelète, talisman, I, 219. 

Hanon de Louvet (Alph.), cité, VIII, 
163. 167. 

Hanscrouf, VI, 182, 186 s. 
Hape-tchâr, accessoire des masques, 
VII, 31. 

Harou (Alfr.), communications, VI. 

84, 89. 144, 199; Vil, 84, 90, 91. 
Haroy (Elysée), X, 234, 235 
Hauttecœur, Le folklore de Vile de 
Kf/thnos , c. r., VI, 180. 
Hauts-plateaux de TArdenne, rela¬ 
tion et sites, X. 57. 

Haust (Jean), collab., X, 116. 
Heiligman, agent matrimonial, VI, 
185. 

Héliètche, hèyètchedu Jour des Rois, 

VI, 120; VII, 189. De la St-Martin, 

VII, 5. De Carnaval, IX, 19, 21 s. 


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12 


TABLE ANALYTIQUE 


Héleinent (cris de), V, 104 ; VII, 
165, 209; VIII, 72. 

Helbig, Joachim Patente, c.-r., IX, 
108. 

Henri le Conscrit , par I. Nosripe, 
XI, 127. 

Henrotte (chanoine), œuvrettes ano¬ 
nymes, V. 207. 

Herbe de S^Marcoul ou de S l -Fiacre, 
VII, 182 n. 

Herde, troupeau communal, VII, 
164 ; VIII, 20. 

Héros de chansons : Jean Renaud, I, 
22; IV, 68. Juif errant, VII, 152. 
La belle Dondon et le barbon. IV, 
88. Nanon et le monsieur, I, 138. 
Magali, similaire de la chanson, I, 
50.—Voy. Marie-Madeleine, Jésus. 

Héros de contes ou légendes : Djihan 
Glose, II, 33. Dj’han-Djîle li leup, 
IV, 81. Li p’tit Dj’han et Y mon- 
sieu, III, 94. Dodon, I, 16; IV, 176. 
Jean de Berneau, I, 177. Jean de 
Nivelle, VIII. 109, 144, 169, 207, 
213. Jean Godimus, VI, 71. Jean 
Martin, IV, 105. Le roi Lear, simi¬ 
laire du conte, III, 41. Mam’* 
tcbawe, II, 161. Marie Djobète, I, 
48 Masarac, VII, 96. Mignon et 
Tonké, III, 44. Oger (saint?), II, 
131,134 s. Patèpatinê, 11,64. Pîrot, 
II, 112. Petit Poucet, III, 187. 
Rougecul, VI, 97. Tonké et Mi¬ 
gnon, III, 44. Tristan et Yseult, 
version populaire, III, 138.—Voy. 
Personnages, Saints, Types. 

Herse (dent de) et sorcellerie. VI, 84. 

Hêtre, usage allégorique chez les 
amoureux, VII, 81. 

Heylemans (J.), collab., VI, 93; IX, 
260, 270. 

Hillier (Louis H.), compositeur de 
musique, X, 55. 

Histoires: de Jean Godimus, lég., VI, 
71. De Rougecul et de son sifflet, 
conte. VI, 97. De Noyète, conte, 

IX, 157. Du Capitaine et du Ch⬠
teau hanté, facétie, X, 244. His¬ 
toire de la Céramique à Huy et à 
Andenne , par Léon Tombu, c.-r., 

X, 83. 

Hiver, quand il commence, VI, 172. 

Hock (Aug.), nécroi., IX, 281. 

Hommes du pont, types pop. à Huy, 
VII, 59. Homme dans la lune, X, 
73. 


Hoquet, VI, 53 s. 

Horloge de sorcier, VI, 88. 

Hosties du Jour de l’an, IV, 5 s.; 

V, 82. 

Hottes et bots à Spa, VII, 167 s. 
Houx : énigme, VI, 66. Et les sor¬ 
cières, VI, 81. Emploi symbolique, 

VII. 193. 

Houzê, D r , anthropologiste, X, 305. 
Hozais, houseaux, VII, 155. 

Hubert (St-). VI, 100; VII, 57; IX, 27. 
Hublard (Emile), collab., X, 41. Une 
roche à lèyendes , c.-r., X., 118. 
Hydromel, VII, 172. 

Hygiène pop., IX, 154. 

i 

Il y avait une bergère, ronde à 
danser, VI, 153. 

Impérialisme et lutte des langues, 
X, 260. 

Incendies : symbole de sa flamme, 
IV, 20; VII, 209. Chrysanthèmes 
contre. VIL 194. Ancien droit, 

VIII. 11. 

Incubes, VI, 77. 

Industries spadoises, VII, 167. 
Ingénieur (un) décorateur liégeois, 

X, 285. 

Inhumation, VI, 194. 

Initiation des sorciers, VI, 115. 
Injure nouvelle. IX, 60. 

Institut archéol. liégeois. IX, 179; 
X, 125, 152, 257. 

Invention du drapeau national belge, 

IX. 241. 

Invisibilité (don d’), VII, 88. 

J 

Jacquemotte (Edm.), collab., X, 254. 
Jacques (St), lis de ce nom, VII, 16 n. 
J’ai un beau bouquet de fleurs, ronde, 

VI, 106 ; VII, 110. J’ai perdu hier 
au soir ici, ronde, VII, 74. J'ai tra¬ 
vaillé tout le long du jour, chanson, 
IX, 227. 

Jambe, énigme, VI, 65. 

Jaquemart de Nivelles, VIII, 144. 
Jardin d’amour: livre, VI, 64. Chan¬ 
son, VI, 45, 106; VII, 110. 

Jaspar (Paul), collab., X, 133, 171. 
Cité IX, 275 ; X, 85. 


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ET ALPHABÉTIQUE 


13 


Je suis un pauvre conscrit, chanson, 
VIT, 76. Je l’aime tant mon mari, 
chanson, VII, 108. Je suis venu à 
la danse, ronde, VII, 140. Je me 
mis à la danse, chanson, X, 169. 

Jean-Baptiste (St), I, 150; IV, 29, 53; 
VII, 21 n., 89, 109, 194 ; VIII, 87, 
206. 

Jean Evangéliste (St), III, 29; VI, 57, 
84, 162 ; VIII, 27 ; X, 105. 

Jean : Reynaud, sa chanson, I, 22 ; 
IV, 68; VI, 47. Godimus, lég., VI, 
71. Le Fatigué, personnage facé¬ 
tieux, VII, 52. De Nivelle, VIII, 
109, 144, 169, 207, 213. I)e Huy, 
sculpteur, X. 153, 273. 

Jeux : de société, VI, 44 s. ; VII, 187. 
Pénitence de jeu, VII, 18 n. Des 
œufs de Pâques, VII, 66, 191. 
De balle, VII, 132. De cartes, 
VII, 203. Divers spadois, VIII, 41. 
De crosse, VIII, 58. De l’animal 
décapité, VIII. 195. De la balan¬ 
çoire. VIII, 205. De cartes, conte 
facétieux, X, 307. Voy. rondes. 

Jeunesse, association traditionnelle, 

VII, 32, 49 ss., 55. 115, 187 ; VIII, 
138 ; IX, 221 ; X. 94, 157, 163. 

Jeunes sorciers et jeunes sorcières, 
VI, 76 

Jésus sur terre, VI, 50, 135,154. Na¬ 
tivité au théâtre des marionnettes, 

VIII, 130.Sa passion, chanson, IX, 
268. 

Jolités, ou boites de Spa, VII. 173. 

Jorissennb (G.), De quelques élé¬ 
ments propres à Varchitecture lié¬ 
geoise , c.-r. X. 278. 

Joseph (St), IX, 30. 

Joues des sorcières, VI, 78. 

Journées (les) ?nonloises de Tho- 
massin , c.-r., X, 29. 

Jours de la semaine, chez les sorciers, 
VI, 83. De l'an, V, 87 n. ; VII, 188. 
Gras. VII. 27 ; voy. Carnaval. Des 
Ames, voy. Commémoration. Des 
Rois, voy. Epiphanie. Jours faites 
et néfastes, I, 70, 94, 107 ; IV, 29, 
164 ss, 177 s. ; V. 45 ; VI, 173 ss. ; 
VIII, 86, 201 ; IX, 162 ; voy. Ven¬ 
dredi. 

Juif-Errant, complainte. Vil, 152. 

Julie l'éhontée, chanson, IX, 229. 

Juron, X, 27. 


K 

Kètchèdje des œufs de Pâques, VII, 

66 . 

Kurtii (God.), Revue critique (This¬ 
toriographie nationale, VII, 79. 
Krains (Hub.), VIII, 76; IX, 149; 
X, 236. 


L 


La belle se lève de bon matin, chan¬ 
son, VIII, 79. 

Lait sacrifié, VII, 89. 

Lambert (St), VI, 199; IX, 28; X, 
258. 

Lambert (Camille), collab., IX, 233. 

Lambert (Jos.), collab., VII, 152 ; 
VIII, 20, 49. 

Lameere (Eug.), historien, X, 307. 

Langage : des bébés, VI, 129. Des 
fleurs, VII, 12. 

Langues en Belgique, X, 77, 222. 
Lutte des langues et l’impérialisme, 
par Tarde, c.-r., X, 260. 

La passion du fils Jésus vous plaît-il 
de l’entendre, chanson, IX, 268. 

La petite bergère s’en va aux champs, 
chanson, IX, 228. 

La petite maison, conte, VI, 160. 

La plus gentille à mon gré, chanson, 
VI, 106. 

Largayon, le mot, VII, 187 n. 

Latin et humour populaire, VIII, 21, 
108. 

Laurier offert, VI, 41, 43. 

L’autre jour il me prit envie, chan¬ 
son, VI, 90. 

Lavandières et Vendredi-Saint, VII, 
191. 

Lear (le roi), conte similaire, III, 41. 

Lebierre (Florent), VI, 167 s.; VII, 
82. (Olivier), Lyre mâm'diene, c.- 
r., X, 195. 

Lefebvre, peintre visétois, X, 33, 
153. 

Lefebvre (Oscar), collaboration, VI, 
184; IX, 31. 

Légende de la belle dame au cochon, 
VIII, 53. Comment se crée une 
légende, IX, 270. Legendes locales 
de H te-Bretagne, par Paul Sbbil- 
lot, c.-r., VII, 160. La légende 


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14 


TABLE ANALYTIQUE 


égyptienne de Bonaparte , par Y. 
Chauvin, c.-r.. X, 252. 

Lejeune (Martin), littérateur, X, 84, 
126. 

Lemoine (Jules), collab., VI, 92, 97, 
154, 170; VIII, 71 ; IX, 221. 

Lemonnier (Camille), X, 151, 281 s., 
301. 

Leodium , c.-r., X, 86, 258. 

Léonard (St), IX, 26. 

Le petit fusil, chanson, VII, 56. 

Lèpre, X, 87, 258. 

Leroy (Ant.), collab., VI, 143. 

Leroy (Jules), collab., IX, 265. 

Lesneucq-Jouret (Th.), collab., VIII, 

201 . 

Lettres : de M. Aug. Donnay, III, 
120; VII, 94. De M. George Delaw, 
IX, 254. 

Liebreciit (Félix), par V. Chauvin, 
c.-r., X, 284. 

Lieux dits et cartographie, VII, 197 ; 
VIII, 31; IX, 55. 

Limaçon et renard, fable, VI, 48. 

Liolo, cri de hélement, V, 104 

Livres magiques, VI, 82, 84 s.; IX, 
191, 240. 

Logement (un) de vovageurs à Ben- 
Ahin, IX, 249. 

Longue danse, VI, 105. 

Louison, chanson, VIII, 3t. 

Louches, fête à Commines, IX, 279. 

Loup : Garou, VI, 82; IX, 49. Queue 
coupée, II, 101 ; VII, 70. Et sor¬ 
cellerie, IX, 53. Chèvre et biquets, 
fable. VI, 92 s. Et trois cochons, 
fable, VI, 155. Poulette et cheval, 
fable, VII, 68. Dans conte, VII, 
143. Sa peau, talisman, IX, 53. 

Lucie (Stc), VI. 186. 

Luisel, cercueil, VI, 194. 

Lumeçon (le) de Mons , par Jules 
Declève, c.-r., IX, 279. 

Lune : Influence médicale. VI, 26. 
Sacrifice, VII, 87. Météorologie. 
VIII, 86. Et sexe des nouveaux- 
nés, IX, 130. Homme dedans, X, 
73. 

Lutons, lég., X, 43, 72. Voy. nains. 

Lyon (Clément), collab., VI, 111; 
VII, 55. 

Lyre m&m'dieue, par 01. Lebierre, 
c.-r., X, 195. 


M 


Maca, crécelle, VII, 190. 

Macrai, macrale, VI, 59 ss.; IX, 22. 
Machoucq, personnage légendaire, 

VI, 111. 

Maclote, vieille danse, VII, 114; IX, 

21 . 

Macro, VI, 60. 

Maeterlinck, Louis, critique d’art, 
IX, 298; X, 154. 

Magie : et conscription. III, 24 ss. ; 

IX, 61 ss. Et sorcellerie, VI, 82; 

VII, 83 ss.; IX, 23, 129, 162, 189. 
241 278. 

Magdeleine, la Marche de Jumet, 
III, 101; VIII, 35. 

Mahmoud, VIII, 5. 

Mai (la nuit de) à Malmédy, VII. 81. 
Mais (les) en Hesbaye, I, 76 ss. ; VII, 
192. A Malmédy, VII, 81 ss. A 
Spa, VII, 194. 

Maison : de sucre, conte, VI. 160. 
Porquin, à Liège, IX, 274; X. 
172 ss. 

Maître Jeune-homme, VII, 49 ss. 
Malès djins, VI, 57, 62. 

Malice des femmes, VI, 149 ss. 

Ma mère apportez-moi mon habit de 
soie rose, chanson, IX, 82. 
Mandeville. son prétendu séjour en 
Egypte, X, 237. 

Mannequin : de carnaval, VII, 45. 

Agricole, VII, 52. 

Maquereau, maquerelle, VI, 59 s. 
Marchau et diable, conte, VI, 135 ; 
cf.. VI, 148. 

Marche : de N.-I). de Foy, VII, 53 s. 
De la Magdeleine à Jumet, VIII, 
35. Des patriotes de Mons, IX, 41. 
Marcoul (St), VII, 177. 

Mardi : jour de marché et de plaid, 

X, 258. 

Mardi Gras : VII, 43, 55; VIII. 37, 
139. 

Maréchal : le vieux de Fosses, VI. 
115. Les m. et la sorcellerie, VI, 
73 s., 115, 135. 

Marguerite, oracle, VI, 54 ; VII, 24 n. 
Mariage du Coucou et de la Mésange, 
chanson, V, 137. De l’alouette et 
du pinson, chanson. Vil, 106. 
Mariage : agent matrimonial, VI, 
185. Ronde du m., VI, 44 s.; VII, 
111. Mariages en l’air, usage facé- 


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ET ALPHABÉTIQUE 


15 


tieux, VIL 51. Coutumes de Spa, 

VII, 113. Et la Jeunesse, VII, 114 ; 
IX, 189; X, 162, 166. Présage et 
dicton, VIII, 86. Au pays de Chimay, 
IX, 221. Satire sur le mariaare, X, 
93. Facéties sur le mariage, X, 267. 

Marie-Madeleine, chansou, VI, 45. 

Marche à Jumet, III, 101 ; VIII, 35. 
Marie-Henriette, feue reine des Bel¬ 
ges, anecdotes, X, 255, 279. 

Marié : voy. Dernier marié. 
Marionnettes, VI, 181, 183; VIII, 
130 ; IX. 212; X, 56. 
Marions-nous, jeu, VI, 44 s. 

Marlin (Jean), VI, 80 ; VII, 74, 103. 
Marluzènes, êtres fantastiques, VIII, 
204. 

Martin (St), VI, 186 s.; VII, 5 ss., 9. 
Martin (Henry), VIII, 190. 

Mars : fêtes à Andenne, VIII, 37. 
Masarac, être fantastique, VII, 96. 
Mascarades, Vil, 25 ss. 

Mascotte, V, 87, 99 ; VI, 53 ; X, 49. 
Massaux (A.), collab., X, 23, 253. 
Mastèle, pâtisserie, VI, 43. 

Matelot (le) de Bordeaux, chanson, 

VIII, 50. 

Mathias (St), VIII, 87 
Matthieu (Ernest), VII, 208; VIII, 20, 
196: IX, 48, 129, 143, 154, 230, 
238 ; X, 93, 157, 187, 235, 306. 
Mathieu Laensbergh et son alma¬ 
nach, VIII, 212. Par L. Béthune, 
c.-r., IX, 210. 

Mauclair (Cam.), César Franck , c.-r., 

IX, 184. 

Mazée(le curé de), lég., VI, 124. 
Méchanceté des sorcières, VI, 82. 
Médard (St), IX, 153. 

Médecine pop., VI, 25; Vil, 32; 

VIII, 49, 195; IX, 132. 

Mélusine , revue, X, 184. 

Mendiants sorciers, VI, 75. 
Menstrues et conception. VI, 79 n. 
Menton des sorcières, VI. 78. 
Mercredi des Cendres, VII, 45 ; VIII, 
139. 

Messagers, à Spa, VII, 167. 

Mesure du bon Dieu, objet de culte, 

VII, 78. 

Métallurgie et sorcellerie, VI, 73. 
Métamorphoses magiques des sor¬ 
ciers, IX, 201. 

Météorologie, VI, 172 s.; VII, 48 ; 

VIII, 86, 203. 


Métiers : et sorcellerie, VI, 74. Cor¬ 
porations, VII, 97. 

Meunier, lég., VI, 126,146. 

Meunier, Constantin, sculpteur, X, 
151, 198. 

Miel et cire, leur récolte, VII, 171. 

Miettes de folklore du pays de Les- 
sines, VIII, 201. 

Milicien et magie, IX, 60. 

Missel de prêtre et sorcellerie, VI, 84. 

Mitcho, pâtisserie, VII, 196. 

Mignon,chaudronnier ambulant, VII, 
170. 

Moineau abattu, facétie, VI, 142. 

Mois (un) sur les Hauts-Plateaux, X, 
57. 

Moisson, VII, 52, 195. 

Molons de Namur, sur le mot, VII, 
147. < 

Mon père m'avait fait faire : un p’tit 
fusil, chanson, VIL 56. Un beau 
gayard mouchoir, chanson, VII, 
107. Mon mari est malade au lit, 
Vil, 108. 

Monseur (Edouard), X, 53. 

Montmorency (les)en Belgique, VIII, 
169. 

Morts [jour des), VII, 135 n., 195 s. 

Mort de sorcière, II, 80 ; VI, 86 ss. ; 
X, 44. Dent de mort, emploi, VI, 
28. Usages funéraires, VI, 194 ; 
VIL 115. Présage de mort, VII, 194. 

Mortier (Ad.), collab., VI, 122. 

Mouchoir, savate, jeux de société, 
VI, 45. 

Moulin : énigmes sur sa meule, VI, 
65 s. Endiablés, VI. 146 ; X, 186. 

Moustache et enjeu, VIII, 212. 

Mouvement flamand et mouvement 
flamingant, X, 222. 

Moyens de reconnaître les sorciers : 
dits abusifs, VI, 77. Traditionnels, 
III, 23; VI, 77; VII, 159; VIII, 29. 

Mur du diable à Pepinster, X, 27, 76, 
200, 256. 

Musée : archéologique de Namur. T 'I. 
178. De Liège, IX, 179 ; X, izo. 

Musique : instruments pop., VII, 113; 
X, 117. 

Musqui-musca, ronde, VII, 74. 

Myrtilles, cueillette et préparation, 
VI, HL 199. 


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16 


TABLE ANALYTIQUE 


N 

Naine, sorte de fève, dans conte 
merveilleux, VI, 97. 

Nainette (la petite), conte, IX, 79. 
Nains des cavernes, VU, 33 ; VIII, 
71 ; X, 18, 35, 43, 47, 72, 89, 219, 
247. 

Naissance de Jésus, au théâtre des 
marionnettes, VIII, 130. 

Narcisses et épingles, à Mons, IX, 
46. 

Nationalisme, X, 77, 156. 

Nativité de la Vierge, Vil, 195. 
Nautet, biogr., X, 202. 

Nels, Catal. de cartes postales ill. % 
c.-r., X, 53. 

Neptune et Nutons, X, 89, 219, 247. 
Neuvaines, VUI, 25; IX, 61. 

Nez des sorcières, VI, 78. 

Nicaise (St), X, 105. Sens péjoratif 
du prénom, VI, 00. 

Nicodème, sens péjoratif, VI, 60. 
Nicolas (St), VI, 181, 199. 200; VII, 
77, 159, 196; IX, 238. 285. 

Nicolet (G.), collab., IX, 14,100; X, 
163. 

Noces : du coucou et de la mésange, 
chanson, V, 137. De l’alouette et 
du pinson, chanson, VII, 106. 

Noël (la), VI, 182, 187 ; VII, 52, 89, 
196, 203; VIII, 206; X. 71. 

Noël (Oscarj, collab., VII, 68. 

Nœud se dénouant, présage, III, 66 ; 

V, 45. 

Noix : écales luminaires, VI, 43. 

Verte, énigme, VI, 65. 

Nombre : des sorciers et sorcières, 

VI, 114. Sept, VII, 88 ; IX, 216. 
Voy. Trois. 

Noms : sacrés et les sorcières, VI. 
83. De lieux et cartographes, VII, 
197 ; VIII. 31 ; IX, 155. 
Notre-Dame : de Foy, VII, 53. Am¬ 
bulante, Vil, 131 s. De Wasmes, 

VII, 161. Sa fête à Spa, Vil, 194 s. 
A Mons, IX, 143 ; X, 187. 

Nos collaborateurs, portraits et no¬ 
tices : Edmond Etienne, III, 84. 
Joseph Dejardin, III, 188. Joseph 
Delbœuf, IV, 142. Olympe Gilbart, 
V, 62. G.-J. Schepers, Vil, 184. 
Edmond Passagez, IX, 150. Au¬ 
guste Hock, IX, 281. 


Nosripe, I ..Henri le Conscrit , c.-r., 
IX, 126. Voy. Pirson. 

Nous sommes rassemblés en compa¬ 
gnie, chanson, VIII, 78. Nous 
sommes ici dans une danse, chan¬ 
son, X, 168. 

Nouveau-né, fatalement sorcier, VI, 
114. Influence de la lune sur leur 
sexe, IX, 130. 

Nouvel-an, (jour du), V, 87 n. ; VII, 
188. 

Noyète, conte, IX, 157. 

Nuton (le) et les deux bossus, conte, 
VIII, 71. Nutons : voy. Nains. 

Nuit de mai (la) à Malmédy, VII, 81. 


o 

Obsèques, VI, 198. Du Carnaval, VII, 
45. 

Odile (Ste), VII, 53. 

Odontalgie : remède, VII, 112. Et 
forgerons, IX, 213. 

Œuf : emploi médical, VI, 27. De 
Pâques, VII, 65, 191. 196; X, 67. 

Officiers, chefs de la Jeunesse, II, 
138 s. 

Offrande aux oflices funèbres, VI, 198. 

Oie : de Visé, blason, VII, 121. 
Décapitée, jeu, VIII, 195. 

Oiseaux, leurs noces, chansons, V, 
137; VII, 106. 

Ongles de cheval, emploi médical, 
VI, 27. 

On n' wassc pus rire, facétie, VII, 70. 

Ombiaux (Maur des), collab., VII, 
129. Bibliogr., X, 118, 194, 228. 

Or, emploi médical, VI, 26. 

Oreille de chat, énigme, VI, 66. 

Origine : du parfum de l’aubépine, 
VI, 102, cf., 104 ss. Du nom Qua- 
regnon, VII, 143. Du mot Traze- 
gnies, VIII, 53. Du mot Alléluia, 
VIII, 72. Des briques, X,25,51. 

Orthographe wallonne, IX, 182 ; X. 
265. 

Ortie : jeu de jet, II, 182. Allégo¬ 
rique chez amoureux, VII, 83. 

Os : de grenouille, Vil, 86. Qui rend 
invisible, VII, 88, 89. De mort, 
VIII, 28. 

Oseille, emploi médical, VI. 28. 

Ourse de St-Ghislain, VI, 161. 

Ouvrages de Spa, VII, 173. 


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ET ALPHABÉTIQUE 


17 


P 

Pacolet et les Mille et une Nuits, VI, 
5; cf. 188. 

Pactes avec le diable, VI, 145; VII, 
71, 84 ss. 

Paillasse, masque traditionnel, VII, 
34. 

Paille mortuaire. VI, 194, 196, 197 ; 

VII, 117; VIII, 205. 

Pains : de bobelins, VII, 156. Bénis 
de la Noël, VII, 196. 

Pan (St), IX, 152. 

Pansau (St), X, 62. 

Pape des Fous, VII. 95. 

Papineuses, type pop., VII, 62. 
Pâques, fête, VII, 65, 112, 191, 196; 
X, 67. 

Parabole des Trois Anneaux, VIII, 
197; IX, 266. 

Paradis : les trois qui y vont, conte, 
VI, 177. 

Parfum de l'aubépine, son origine, 
VI, 102 ; cf. 104 n. 

Parjure des Trois Rois, chanson, VF, 
118. 

Paroisses (les) de l'ancien concile de 
Hozêmont , par Jos. Brassinne. 

IX, 36. 

Parler : des poupons, VI, 129. Tchu- 
tcha, VI, 132 ss. 

Passagez (Edm.), collab., VI. 41, 53, 
55, 161. Nécrologie, IX, 150. 

Passé (sur le), X, 203. 

Passepied, VII, 114. 

Passer : barrière, jeu, VI, 106. Les 
baguettes, punition de jeu, VII, 
18 n. 

Passion : au théâtre des marion¬ 
nettes, VIII, 130. Du fils Jésus, 
chanson, IX, 268. 

Pasquèyes, par Louis Wesphal, X, 
11 ss. 

Pasquille de Carnaval, VII, 26 s., 
39 * IX 15. 

F*asture (Rogier de la), IX, 298; X, 
128, 154, 270. 

Patenir (Joachim), peintre, IX, 108; 

X, 262, 270. 

Pâtissier assassin, lég., VIII, 5. 
Pâtre communal, VII, 164 ss. 
Patriotes de Mons, marche, IX, 41. 
Patriotisme, X, 77, 156, 222. 

Patrons des écoliers, IX, 238. 


Paupières des sorcières, VI, 78. 
Pauquî-pauquète, conte, VI, 67. 
Pauvresses sont sorcières, VI, 76. 
Pays des sorcières, VI, 114. Le Pays 
borain , c.-r., X, 234, 276. 

Peau de loup, talisman. IX, 53. 
Pêcheur, masque traditionnel, VII, 
34. 

Peigne, énigme, VI, 66. 

Pèlerinage : à St-Ghislain, VI, 161 ss. 
A St-Marcoul, VII, 177. A la Ba¬ 
raque-Michel, VII, 195. De neuf 
personnes, VIII, 25. 

Pelures de pommes de terre, sym¬ 
bole chez amoureux, VII, 83. 
Pentecôte, VII, 161, 208 ; VIII, 86. 
Perchage, coutume, VII, 132 n. 

Père Fouettard, VI, 182, 186. 
Personnages sacrés, dans folklore : 
Abraham, V, 173. Adam, V, 129. 
Balthazar, Gaspar et Melchior, II, 
77; V, 186; voy. Epiphanie. Caïn, 
I, 167. Eve, V, 129. Noé, V, 129, 
Oger (saint?) II, 131, 134 s. Papes, 

I, 145; II, 112. — Voy. Dieu, Jésus, 
Saints, Madeleine, Notre-Dame. 

Personnages historiques ou pseudo- 
bistoriques,dans folklore: Agrippa. 

II, 108 ; VI, 82 ; Vil, 84 ; Ameil- 
à-l’œil, VI, 116. Caraude, II, 193. 
Dodon, I, 16 ; IV, 176. Filoguet, 

I, 56. Jean Godimus, VI, 71. 
Juif-Errant, VII, 152. Mahomet, I, 
75; III, 102. Marmouzet, I, 75. 
Mathieu Laensbergh, IV, 129,159, 
177 ; VIII. 212 ; IX, 210. Masarac, 
VII, 96. Philoguet, I, 56. Frô 
Lambiet, III, 173. — Voy. Héros. 

Personnes, quatre en Dieu, facétie, 
X, 61. 

Personnification du Carnaval, VII, 
45; VIII, 137. 

Perpète (St), VI, 199. 

Persil, emploi médical, VI, 27. 
Perche trop longue, beotiana, 1,185 ; 

II, 91 ; III, 141 ; VI, 11. 

Perin (Gust.j, VII, 159. 

Peste, remèdes contre, VI, 281 ; 
IX, 154. 

Pet, énigme, VI, 66. 

Petit (Léon), VIII, 167. 

Petit jardin d’amour, ronde, VI, 45, 
106; VII, 110. 

Petite maison, conte, VI, 160. Petite 
nainette, conte, IX, 79. 


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18 


TABLE ANALYTIQUE 


Petites industries spadoises, VII, 
167. 

Petitjean (Vict.), Biographie de 
Jean-Biètrumè Picard , surnom¬ 
mé Pimpurniau , c.-r. X, 122. 
Petits contes enfantins, VI, 160 ; 

VIII, 18. 

Petits (les) anges blancs et les petits 
diables noirs, conte, VI, 94. 
Peuplier, emploi symbolique, VII, 
193. 

Philosophie des contes merveilleux, 

IX, 214. 

Physiognomonie, VI, 78 ss. ; VII, 
133 n. 

Phtisie, remède, VI, 27. 

Picard, Edm., L’âme belge, X, 77. 
Pieds (s’en aller les) en avant, VI, 87. 
Pied de St-Remacle, lég., IX, 113. 
Pierre (St), III. 171 ; VI, 97, 135,177 ; 
VII, 110. 

Pierres de Moûsnî, lég., VI, 50. 
Pierrot, masque traditionnel, VII, 35. 
Pinson, noces avec alouette, VII, 106. 
Pinte, énigme, VI, 66. 

Pirquet de Mardaga, anecdote, X, 
279. 

Pirson, voy. Nosripe. 

Pirsoul (Léon), X, 25. 51. 

Pisser, énigmes, VI, 66. 

Pitit Lingadje des fleurs , par Jos. 
Vrindts Ëxtraits. VI, 102. C.-r. 

VI, 109 ; voy., VII, 14 ss. 

Plaies, remèdes, VI, 26. 

Planche, trous dedans, énigme, VI, 

65. 

Plantes : leurs emblèmes, VI, 102 ; 

VII, 12. De croissance merveil¬ 
leuse, VI, 97. De sorcières, VI, 81. 
Usages médicaux, II, 202 ss. ; IV, 
128 ; VI, 26 ss. ; VII, 32. Emploi à 
la Fête-Dieu, VII, 194. 

Pleureurs (?) aux obsèques, VI, 195. 
Poêle mortuaire, VI, 195. 

Poil follet et diable, VI, 150. 

Poisson et chèvre, facétie, VI, 141. 
Politesse à Spa, VII, 121. 

Pommes de terre : fête de la récolte, 
VI, 166; VII, 143. Le Vendredi 
Saint, Vil, 191. Frites, IX, 216. 
Pommes, en manger, danger, VII, 
191. 

Popon (St). VIII, 87. 

Pôquatche, X, 67. 

Porc : sa graisse, VI, 27. De St-An¬ 
toine, VI, 52, 96, 179. 


Porchers : à Spa, VII, 166. Dans conte, 

IX, 137. 

Porquin, sa maison à Liège, IX, 274; 

X, 172 ss. 

Porteurs de chaises, VII, 169. 
Possession. VI, 113. 

Potter (Fr. de), VIII. 188. 

Poudre de sympathie, recette médi¬ 
cale, VI, 26. 

Poule : énigme, VI, 66. Noire, VI, 
81 ; VII, 86 ss., 132 n.. 159. 

Pour les wallonismes, VII, 145. 
Pourtchî (el) d’Grand-Peine, conte, 
IX, 137. 

Poux désignant prieur, facétie, VII, 
133 s. 

Pratiques pour conjurer les sorts, IX, 
129. 

Prato (Stanislas), communication, 

VIII, 209. 

Prélibation, reste de ce droit, VII, 
114 ; X, 189. 

Prémices sacrifiées, VII, 112. 
Prénoms, sens péjoratif, VI, 59 s. 
Présages, VII, 160, 194 ; VIII, 24 s., 
85 s. 

Présentation, fête : voy. Chandeleur. 
Présentation de M. George Delaw, 

IX, 254. 

Prétendu (le) séjour de Mande ville 
en Egypte, X, 237. 

Prières, VI, 164; VIII, 25; IX, 62, 
290. Prière facétieuse, VI, 24. 
Printemps, fête au Borinage, I, 125; 
VII, 103. 

Procédés de jeu, VIII, 43. 

Procès de sorcellerie, X, 153, 177. 
Processions, VII, 161, 194. 
Professions et sorcellerie, VI, 73. 
Promenade des Durmenés à Je- 
mappes, X, 93. 

Propos d’un architecte, X, 133, 171. 
Protection des ruines, X, 76. Des 
sites, X, 76, 200. 

Proverbes, VIII, 201; X, 187. Voyez 
Dictons. 

Pucelage, sur le mot, VI, 99 n.; X f 
100 n. 

Puceiette(procession de la) à Wasmes, 
VII, 161. 

Punition de jeu, VII, 18 n. 

Pûri, jeu spadois, VIII, 47. 
Purification, I, 106; IV, 33,81 ; VII, 
90. 


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ET ALPHABÉTIQUE 


19 


Q 

Quadragésime, usages, VII. 50 s. 
Quaregnon, étvmol. de ce mot, VII, 
143. 

Quatre-temps, météorologie, VII 1,87. 
Quawlets, VIII, 20. 

Quelques enfantines, VIII, 17. 
Quenne (Camille), X, 48, 120. 
Questions : de bouts, VI, 141. Facé¬ 
tieuses, énigmes, VI, 64. 

Quêtes traditionnelles : de la Saint- 
Martin, VII, 5. Du Jour des Rois, 

VI, 120; VII, 189. Du Carnaval, 
VIII, 138; TX, 18 ss. 

Queue : du diable, VI, 88. Du loup, 

VII, 143. 

Qui mettrons-nous à la chandelle, 
ronde, VI, 105. 

Qwâreûs : légende, VI. 126. Le mot, 
VII, 22, n° 86. 


R 

Rabot, énigme, X, 62. 

Races en Belgique. Voy. Flamands. 

Randonnée, Pauqui-Pauquète, VI, 
67. 

Rage : prière préservatrice, VI, 100. 
Et St Hubert, IX, 27. 

Ralalay, cri de hélement, VII, 165. 

Ramasseurs de crahia, type pop., 
VIL 60. 

Ramboux (Fernand), collab., X, 101. 

Rameaux, fête, VII, 190. 

Rats et sorcières, VI, 88. Pour les 
chasser, VII, 89. Les chasseurs de 
rats, X, 102. 

Ràssenfosse (Armand), X, 155. 

Recherches sur le Folklore de Spa, 
VII, 113, 155, 164, 186 ; VIII, 41, 
84. 

Réception des bobelins de Spa, VII, 
188. 

Recettes : médicales, VI, 25; VIII, 
49; X, 131. D’hygiène, IX, 154. 
Médicales et vétérinaires, X, 139. 
Contre les Renards. VIII, 20. Facé¬ 
tieux contre le mal de dents, IX, 
213. 

Recrutement des sorciers et sor¬ 
cières, VI, 113. 

Regard des sorcières, VI, 78 s. 


Reine des Belges Marie-Henriette, 
anecdotes, X, 255, 279. 

Reliure (art de la) au 15* s., X, 259. 

Religion et fétichisme, IX, 25. Voy. 
Religion aux tables annuelles. 

Remacle (St ), VII, 57,195 ; IX, 113, 
218, 257, cf. 293, 265 ; X, 27, 188. 

Remèdes, voy. Recettes, Médecine. 

Remouchamps (Edouard), IX, 5 ; X, 
202, 255. 

Renard ou Renaud, le tueur de 
femmes, chanson, VIII, 82. 

Ticnard et limaçon, fable, VI, 48. 
Recette contre les r., VIII. 20. 

Renard (abbé M.-C.), VIII, 165. 

Renard (Marius) et collab. Le Pays 
burain , X, 234, 276. Le Borinage , 
X, 301. 

Rency (Georges), YArl wallon , X, 
132. 

Rendez-vous amoureux auquel se 
rend le diable, VI, 116. Le Rendez- 
vous, chanson, IX, 227. 

Renkin (Franç.-J.), X, 101. 

Repas: funéraire, VI, 198 ; VII, 119. 
Des tireurs de l’oiseau, IX, 84. 

Représailles contre sorciers et sor¬ 
cières, VI. 62, 143. 

Représentations dramatiques : pas- 
quilles, VII, 26 s., 39; IX, 15. A 
restaurer, IX, 217. 

Restauration : des ruines, X, 131. Du 
vignoble Mosan, X, 205, 280. 

Rétention d’urine, remède contre, 
VI, 28. 

Revenants, VI, 49, 50; IX, 235. 

Révolution : brabançonne, VIII, 
93 ss.; IX, 41. Belge de 1830, IX, 
241, 243. 

Revue des Revues, X, 88, 131, 153, 
200, 235, 260, 283, 306. Revues 
au théâtre, X, 55. 

Rimimbrances, par Lucien Colson. 
Extraits, VI, 69. 

Rivalité entre riverains des fleuves, 
IX, 230. 

Rivière, énigme, VI, 64. 

Risettes, VIII, 17, 41. 

Roch (St), V, 36; VIL 23. 

Rocher du diable, VL 165. Voy. Mer. 
Autre à Baudour, X, 118. 

Rodje gâte : symbolisant flamme in¬ 
cendie. Vil, 209. Légende, IX, 233. 

Rogations, VII, 192. 

Roger (Jean), portrait, X, 192. 


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20 


TABLE ANALYTIQUE 


Rogier dele Pasture ou vander 
Weyden, IX, 298; X, 128, 154, 
270. 

Rois : de France, contre écrouelles, 
VII, 177. Epiphanie, VI, 118 ss.; 
VII, 188. 

Roitelet, déroba feu du ciel, VI, 103, 
104 n. 

Rolland (Eug.). Flore populaire , 
VII, 160; X, 184. 

Rôle, pasquille de Carnaval, VII, 
26 s., 39; IX, 15. 

Rolende (Ste), IX, 39. 

Roman (un) wallon, X, 255. 

Rond par terre, usage magique, VII, 
89 s. 

Rondes : ronde-danse, VI, 105. 
Rondes à baiser. VI, 45, 105; VII, 
74, 111, 140; X, 39. Rondes et 
danses de la St-Jean. VII, 109. 

Ron, ron, petit patapon, ronde à dan¬ 
ser, VI, 153. 

Rops (Félicien), VI, 139,143; X, 153. 

Rose : fleur, VI, 110. Mal. voy. Eré- 
sipèle. 

Rossignol (le), chanson boraine, X, 
119. Rossignolet du bois, chanson, 
X 99 

Roues et Ste-Catherine, VII, 196. 

Rougecul et son sifflet, conte, VI, 97. 

Roux, cheveux et sorcières, VI, 61. 

Rubens, sa femme, tournaisienne, 
X, 277. 

Rulot (Jos.), collab., X, 270. 

Rupture (la), chanson, IX, 228. 

Russes (les) à la foire, IX, 216. 

Ruwet (Léonard), communication. 
VI, 120. 


s 


Sabbat, VI, H5 ; IX, 152. 

Sac, énigme, VI, 64. 

Sacrifices, VII, 86 ss., 112. 
Sages-femmes sont sorcières, VI, 
74 s. 

Saintes : Barbe, VI, 186 ; IX, 26. 
Catherine. VI, 186s.; VII, 19, 135, 
196; IX, 238. Gertrude, VIII, 163; 
X, 105. Lucie, VI, 186. Marie- 
Madeleine, III, 101 ; VI, 45 ; VII1, 
35. Odile, VII, 53. Rolende, IX, 
39. Waudru, VIII, 195. 

Saints : Amand, VI, 161. Antoine, V, 
33; VI, 52, 96, 179; VII, 57. 


Bernard, VII, 57. Brice, VI, 34. 
Dodon, VII, 129, 133 ss. Druon, 

VII, 53. Fiacre, VII, 182 n. Gan- 
gulpbe, X, 120. Georges, VII, 97; 

VIII, 87. Gérard, VII. 17; VIII, 

61. Ghislain, VI, 161 ; IX, 293. 
Grégoire, VIII, 39 ; IX, 238. Hu¬ 
bert, VI, 100 ; VII. 57 ; IX, 27. 
Jacques, VII, 16 n. Jean-Baptiste, 
I, 150 ; IV, 29, 53 ; VII, 21 n., 89, 
109,194 ; VIII, 87,206. Jean Evan¬ 
géliste, 111,29; VI. 57, 84, 162; 

VIII, 27 ; X, 105. Joseph, IX, 30. 
Lambert, VI, 199 ; IX, 28 ; X, 
258. Léonard, IX, 26. Marcoul, 
VII, 177. Martin, VI, 186 s. ; VII, 
5. 9. Mathias, VIII, 87. Médard, 

IX, 153. Nicaise, X, 15. Nicolas, 
VI, 183, 199 s.; VII, 77. 159, 196; 

IX, 238,285. Pan, IX, 152. Pansau, 

X, 62. Perpète, VI, 199. Phorien, 
VI, 163. Pierre, III, 171 ; VI, 97, 
135,177; VII, 110. Popon, VIII, 
87. Remacle, VII, 57 195; IX, 
113, 218, 257 et 293, 265 ; X, 27, 
188. Roch, IV, 135; V, 36 ; VII, 
23. Sébastien, VII, 97 ss. Sympho- 
rien, VI, 163. Thomas. VIII, 87. 
— Saints pour rire, IX, 152; X, 

62. — Les saints et le fétichisme, 
IX, 26. 

Saisons, leur nom, VI, 172 ss. Voici 
. la saison que tout est en fleur, 
chanson, VII, 105. 

Salomon, Clavicules, livre magique, 

VI, 82. 

Salutation, formules, VI, 176ss.; VII, 
121; VIII, 86. 

Sapin : branche offerte, VI, 41. Allé¬ 
gorique, VII, 83, 193. 

Satan : convention et pactes, VI, 145; 

VII, 71. Héritier de trésors, VI, 
147. Voy. Diable. 

Sarolèa, baron, légende, VI, 49. 
Sauge : emploi médical, VI, 27. 

Contre la foudre, VII, 195. 
Sauteuses, jeu, VIII, 17 s., 64. 
Sauvage, masque de carnaval, VII, 
32 s. 

Savate, mouchoir, jeux de société, 
VI. 45. 

Schepers (C.-J.), collab.. VII. 97, 
177. Biogr. portrait, VII, 184. 

Scie, énigme, VI, 65. 

Schoenmackers Jos., collab., VIII, 
17, 61. 


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ET ALPHABÉTIQUE 


21 


Schuermans H., collab., X, 89, 219, 
246. 

Scrofules, pèlerinage contre, VII, 
177. 

Seau, énigme, VI, 65. 

Sébastien (St-), VII, 97 ss. 

SÉBiLLOT Paul, Littérature orale de 
l'Auvergne , c.-r., VII, 80. Lèg . 
locales de la Haute-Bretagne, 
c.-r., VII, 160. 

Sechennes, friandise, VII, 157. 
Seghin (D r G.), VII, 96. 

Sel : respecté, VII, 112. Préservatif, 
VIII, 87. 

Selam, langagedes fleurs,VII, 12. 
SemaillesduVendredi-Sainî,VII,191. 
Semaine-Mainte, VII, 190. 

Semertier (Ch.), collab., VII, 12, 
182 il.; X, 105, 139. 

Semonce, VI, 195. 

Sept (les) jeunes filles et St-Nicolas, 
iég., VI, 184. Le nombre sept, VII, 
88; IX, 216. 

Serpent (le trou du), lég., VI, 122. 
Serments, corporations, VII, 97. 
Serruriers sont sorciers. VI, 73. 
Serrurier- Bovy G., X, 285. 

SÈVERiN (Fern.), cité, VIII, 75. 
Sévices contre sorciers et sorcières, 

VI, 62, 143. Contre amoureux, 

VII, 132 n. 

Sexe des nouveaux-nés et lune, IX, 
130. 

Si je n’avais pas d’amant, chanson, 
VII, 107. 

Sifflet merveilleux, dans conte, VI, 
97. 

Signe de possession imprimé par 
Diable sur sorciers, VI, 79, 115; 

VII, 86. Signe de croix et sorciers, 
VI, 85. 

Simon (Henri), collab., VI, 79 ; VII, 
56, 89, 91, 142 ; VIII, 78 ; IX, 83, 
226 ; X, 301. 

Simples notes sur les Lettres belges, 

VIII, 73. 

Singulier blason, VI, 144. 

Singe tiré d’une vieille, facétie, VI, 
154. 

Sinques, maladieet remède, VIII, 49. 
Sîzes et hantrèyes au pays de Fran- 
corchamps, IX, 100. 

Six batches, lég. deHerve, IX, 47. 
Sluse (Fernand), collab., VII, 56, 84, 
86 , 88 . 

Société : archéologique de Namur, 


IX, 178; X, 281. D’art et d’histoire 
du diocèse de Liège, X, 56, 258, 
Historique et archéologique de 
Tournai, X, 276. Liégeoise de lit¬ 
térature wallonne, VII, 64 ; VIII, 
52; X, 55, 152, 265. Musicales en 
Hainaut, X, 149. Pour la protec¬ 
tion des sites et monuments de la 
province de Namur, X, 126. Pa- 
léontologique et archéologique de 
Charleroi, X, 87. Des Sciences,des 
Arts et des Lettres du Hainaut, X, 
55. Verviétoise d*Archéologie et 
d’Histoire, VIII, 130 ; IX, 219; X, 
200, 277. 

Soie, emploi médical, VI, 27, 

Soldat affamé, conte, X, 243. 

Solstice d’été, influence médicale, VI, 
26. 

Sonnerie des cloches, I, 140, 218; 
VI, 196 ; VII, 10, 119, 125, 134; 
VIII, 204. 

Sonneur de cloches, énigme, VI, 64. 

Sorcellerie : Ecole de Tolède, VI, 5 n. 
Etat actuel de la croyance, VI, 57. 
Sorciers et sorcières, noms, VI, 59. 
Représailles contre eux, VI, 62, 
143 Les professions et la sorcelle¬ 
rie, VI, 73. Jeunes sorciers et jeunes 
sorcières, VI,76. Moyens de recon¬ 
naître sorciers et sorcières, III, 23 ; 
VI, 77 ; VII, 159 ; VIII, 29. Leur 
recrutement, VI, 113. Les conven¬ 
tions avec Satan, VI, 145. Champi¬ 
gnon, chapeau de sorcière, VII, 17. 
Les pactes avec Satan, VII, 71. Le 
rituel du pacte, VII, 84. La sorcière 
de Piéton, VII, 132 n. Moyensabu- 
sifs pour reconnaître les sorciers, 

VIII, 29. Sorcière dans Grand-feu, 

IX, 22. Mort de sorcière, lég., IX, 
44. Les sorcières et les deux bos¬ 
sus, conte, IX, 23. Le loup-garou, 
IX, 49. Pratiques pour conjurer 
les sorts, IX, 129. Le sabbat et les 
danses, IX, 162. Magie des sorciers 
et sorcières, IX, 60, 189. Le balai 
et les sorcières, IX, 278. Légende 
contemporaine, IX, 270. Sorciers, 
sorcières chassant les rats. X, 102. 
Sorcier guérisseur, X, 120. Procès 
de sorcellerie, X, 153, 177. 

Sotai : Masque traditionnel de car¬ 
naval, VII, 33. Une habitation de 
Sotais, X, 46. Voy. Nains. 

Sotte fiancée, conte, VI, 170. 


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99 


TABLE ANALYTIQUE 


Souche de Noël, X. 71. 

Soudée, coutume, VII, 51. 

Souhaits du jour de l’an, VII, 188. 
Souliers (les) usés, origine du conte, 

IX, 293. 

Sourcils des sorcières, VI, 78. 
Souris, énigme, VI, 66. Contre elles, 

X, 105. 

Spa : Recherches sur son folklore, 
VII. 113, 155, 164. 186; VIII. 41, 
84. Faits-divers, X, 150. 

Spirites et sorcellerie. VI. 75, 88. 
Statues religieuses : violentées, III, 
31 , IX, 29 ss. Qui parlent, III, 
103, 176 ; V, 181 ss. De la Vierge 
s’arrêtant, présage, III, 64; V,44; 

VII, 194. Leur animisme, IX, 25 ss. 
Stérilité des femmes, remède contre, 

VI, 164. 

Succubes, VI, 77. 

Sureau : emploi médical, VI, 26. 

Cadeau symbolique, VII, 193. 

Sur l’origine des Gilles de Binche, 

VIII, 93. Sur l’utilité et la beauté 
du folklore, IX, 187. Sur l’origine 
et le sens de « Nuton », X, 35. Sur 
le sens de mot « tawe », X, 185. 

Sympathie, théorie médicale, VI, 26. 
Symphorien (St), VI, 163. 

T 

Tailleurs, sorciers, VI, 73. 

Tanaisie contre foudre, VII, 194. 
Tartes, Vil. 195. 

Tati V Pèriqui, anecdote. X, 255. 
Taupe, croyances, VII, 171. 

Taupiers : sorciers, VI, 73 s. Leur 
industrie. VU, 170. 

Tawe, sur le mot, X, 185. 

Tchèrnée, usage. VIII, 37 s. 

Tchèssi 1* vèheù. usage, VU. 32. 
Tchutcha, parler enfantin, VI, 132. 
Templiers, lég., VI, 38. 

Tenderie aux alouettes, VI, 179. 
Tentative belge d’émigration en Rus¬ 
sie sous Marie-Thérèse, X. 50. 

Te ris, saint Médard, facétie, III, 176. 
Terre de cimetière, emploi, VI, 83 ; 
VIII, 27. 

Tête de femme, énigme, VI, 65. 
Têtes de houille , par Maur. des 
Omhiaux, c.-r., X, 194. 

Théâtre religieux des marionnettes à 
Verviers, par J. Feller, c.-r., 


VIII, 130. Des marionnettes à 
Mons. IX, 212. Id. à Liège, X,56. 
Communal wallon, à Liège, X, 85. 
Théroigne de Méricourt, X, 197, 209. 
Thomas (St). VIII, 87. 

Thomas (N. W.), communie., VIII, 
194. 

Thomassin. Les journées mon toises. 
c.-r.. X, 229. 

Tilkin (Alph.) : collab.,VH, 140. Li 
Farnile Tassin , c.-r., IX, 228. 
Portrait, X, 190. 

Tiolo, cri de hélement, VII, 209. 

Tir de l’oiseau à Nivelles, IX. 84. 
Tirage au sort de la conscription, 
III, 24; VII, 76; VIII, 25; IX, 60 ; 
X, 48. 

Toit, énigme, X, 62. 

Tombu (Léon), Histoire de la céra¬ 
mique à Hui/ et à A ndenne , c.-r., 
X, 83. 

Tonnerre : Météorologie, VIII, 87 s. 
Voy. Foudre. 

Toponymie, VI, 61 ; Vil, 143, 197, 
208; VIII, 52. 

Toucher (le) du Roy contre les 
écrouelles, VIL 177. 

Tourner autour de la chapelle, X, 

253 s. 

Tours de magie. IX, 195. 

Traditions : Congrès à Paris, VII, 

207. Un Conservatoire de la Tradi¬ 
tion, X, 274, 297. Voy. Folklore. 

Trairies, usage, VII, 203. 

Traveillons, appareil funéraire, VL 
197. 

Transpiration des mains, remède 
contre, VII, 171. 

Tréhes, sorte de danse, VII, 109. 
Tremble, préservatif contre foudre, 
VIII, 87. 

Trépassés. Voy. Commémoration. 
Trésor du Vieillard des Pyramides, 
livre magique, VI, 82. Trésor en¬ 
foui, VI, 147; X, 187. 

Trinité : eau bénite de ce jour, VII, 

208. 

Troglodyte moderne, IX, 133. 

Trois éternuements, présage, VI, 55. 
Trois tours sur soi-même, VI, 66. 
Trois souhaits, VI, 135. Les trois 
qui s’en vont en Paradis, VI, 176. 
Trois petits enfants et St-Nieolas, 
VI. 182. Trois œufs de Pâques, 
\Tl,66.Trois Rois, voy. Epiphanie. 
Trois anneaux, VIII, 197 ; IX, 266. 


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ET ALPHABÉTIQUE 


23 


Troupeau communal : VIII, 20. 
Trous, passer au travers, III, 13; V, 
14. Dans mégalithe, V, 14. Trou de 
la Marie, lég., VI, 49. Trous dans 
planche, énigme, VI, 65. Trou du 
Serpent, lég., VI, 122. 

Trûlée. plat. VII, 109, 157. 

Types populaires : Barada (mam’sèle) 
et M. de la Bourlote, II, 36, 55, 69; 

V, 68, 206; VII, 83. Bouin, I, 108. 
Goiève et Mayon. IV, 51. Jean de 
Nivelle, VIII, 109, 144, 169, 207, 
213. Marcatchou, IV, 97. Maréchal 
(le vieux) de Fosses, VI, 115. 
Tchantchet. III, 118. Types locaux 
à Huy, VII, 59. Zabai H r’côprèsse, 

VI. 22, 60. — Voy. Héros, Person¬ 
nages. 

u 

Ubiquité des sorcières, VI, 80. 
Ulcères, remède contre, VI, 26. 

Un si beau bouquet de fleurs, chan¬ 
son, VI, 106 ; VII, 110. 

Urbain, Léop., collab., VII, 103, 
105, 143, 161. 

Urine, emploi médical, VI, 27. Méde¬ 
cins à Burine, IX, 132. Rétention 
d’urine, remède contre, VI. 28. 
Usages lunéraires anciens à Tournai, 
VI, 194. 

v 

Vache malade, sacrifice pour sa gué¬ 
rison, VII, 89. 

Vachers : sorciers, VI, 73. Commu¬ 
naux, VII, 164. 

Van Damme. Pierre, collab., VI, 20, 
46, 90, 118 ; IX. 12. Cité, VII, 79. 
Vandereuse, Jules, collab., VIII, 
137. 

Van de Velde, Henri, collab., X, 
285. 

Van der Weyden, Rogier. Voy. 
Rogier. 

Van Duyse, Florimont, collab., VIII, 
93, 109 ; IX, 41. 

Van Eyck, X, 154, 259. 

Vèheû : coutumes, VII, 165 n., 189 ; 

IX, 21. Masque traditionnel, VII, 
32. 

Veillée des morts, VI, 74 ; VII, 115 s., 
194 ; IX, 100. Veillée de Noël, 

X, 71. 


Vendredi, jour fatidique : I, 14 ; III, 
77; IV. 29; V. 45; VIII, 201. 
Vendredi Saint, I, 107 ; VII. 89, 
191. 

Venez la belle nous irons promener, 
chanson de Renaud, tueur de 
femmes, VIII, 82. 

Ventuosité, remède, VI. 29. 
Verbascum thapsus, VI, 29 ; VIII, 
182 n. 

Verbena offlcinalis, VI, 29. 

Veronica offlcinalis, emploi médical, 
VI, 27, 32. 

Verre brisé après avoir bu, II, 138 s.; 
VI, 42. 

Vers intestinaux, remède, VI, 88. 
Verse, Catherine î conte, VII, 143. 
Vert-bouc, être fantastique, VI, 150; 

IX, 50. Association de malfaiteurs, 

X, 109. 

Vêtements et costume, à Spa, VII, 
127, 155. 

Vétérinaires, recettes. X. 139. 
Verveine, propriétés médicales, VI, 

29. 

Verviers, faits-divers, X, 84, 126, 
200, 234 , 256, 305. 

Vierge : sa statue. VII. 131, 194. 

Sa nativité, VII, 195 
Vieille devenue singe, VI, 154. 
Vieux livres de magie, IX, 240. 
Vieux-Liége, IX, 277; X, .133. 
Le Vieux-Namur, par Alexandre 
Gérard, c.-r., X, 52. Un vieux 
texte wallon, IX, 112; X. 116. 
Passer les vieux papiers, VI, 114. 
Vignoble mosan, sa restauration, X, 
205, 280. 

Vilain Machoucq, être fantastique, 
VI, 111. 

Villers (Paul), cité, VII, 10. 

Violon, énigme, V, 95 ; voir VI, 65. 
Vis Lidje , par Jos. Vrindts, c.-r., 

IX, 277. 

Vocation de Marie-Madeleine, VI, 46. 
Voici le jour que tout est en fleur, 
chanson, VII, 105. 

Voirie autrefois, VIII, 84. 

Voituriers autrefois, VII, 168. 
Vrindts (Joseph), collab., VI, 86. 
Œuvre, c.-r., VI, 109, (voy. Vil, 
14 s.; extraits, VI, 102), IX, 277. 
Etude critique, IX,88. Cité, X, 301. 
Vûsions. par Vict. Carpentier, c.-r., 

X, 123. 


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24 


TABLE ANALYTIQUE 


w 

Wallonie prussienne, son folklore, 
VI, 166; VII, 5, 25, 81, 109; IX, 
44, 285, (portrait). 

Wallons et Flamands, VIII, 73; X, 
77, 125, 132, 148, 154 s., 188, 202, 
222, 232, 305. Les Wallons à l’Ex¬ 
position de Bruges, X, 270. Le 
Wallon à l’école, X, 298. 

Waudru (Ste-), VIII, 195. 

Weber (Armand), collab.. VI, 25: 
X, 142; De Fouille ou Dépouillé, 
c.-r., IX, 219. 


Wesphal (Louis), étude critique, X,5. 

Chansons, X, 14. Cité, X, 198. 
Wbyden (vander). Voy. Rogier. 
Wilmotte (Maurice), La Belgique 
vioi'ale et politique, c.-r., X, 222. 
Willame (Georges), collab., VI, 52, 
85, 163 n., 176; VII, 86, 89, 91; 
VIII, 157,167 n., 187; IX. 84,136. 
Wms(Alpb.), communie., VIII, 170n. 
Wotquenne, cité, IX, 108. 

y, z 

Yeux des sorcières, VI, 78. 

Z&bai, li r’côpresse, VI, 22, 60. 


Errata de la l re table quinquennale. 


Page 7, col. 1, ligne 3’ de l’article Carte , au lieu de « 54 », lisez « 53 ». — A 
l’article Ce qu'on voit, même correction. — Page 16, col. 2, ligne 21* en remontant, 
même correction. 

Page 10, col. 2, lignes 6-7, biffez : « Du Jour des Rois, V, 100 ». 

Page 13, col. 2, à l'article Feuille , au lieu de « V », lisez « IV ». 

Page 16, ligne 3* de l’article Jean (St-), au lieu de « 53 t, lisez « 52 ». 

Page 27, col. 1. 5* ligne de l’article Statues , au lieu de « 181 ss. », lisez « V, 
181 ss. ». — Même page, col. 2, ligne 3* de l'article Tirage, au lieu de « 126 », lisez 
« 26 ». 



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